PROVINCE DU BERRY. Respectueuses doléances de l'église métropolitaine de Bourges (1). Art. 1. Lq chapitre deT église métropolitaine de Bourges ne 'cessera de former des vœux pour la prospérité et la durée du règne de Sa Majesté. Il bénit le Seigneur de lui avoir inspiré la généreuse résolution d’assembler les Etats généraux de ce royaume. Un père qui s’occupe des intérêts d’une famille qui lui est chère acquiert de nouveaux droits à l’amour de ses enfants. Nous porterons avec d’autant plus de confiance nos respectueuses doléances au pied du trône, que Sa Majesté nous assure du désir qu’elle a de connaître les besoins de ses peuples et de concerter avec eux les remèdes qu’il convient d’apporter aux plaies de l’Etat. Art. 2. L’église de Bourges représente humblement que la religion est le plus ferme soutien des Etats, qu elle est la base nécessaire d’une bonne législation ; que c’est elle qui resserre les liens qui unissent les sujets à leur prince -, cependant cette religion sainte qu’ont professée nos pères, que les rois de France ont toujours soutenue avec tant de zèle, est attaquée de toute part. L’irréligion, l’incrédulité font dans le royaume les plus rapides progrès. Des impies, non contents de blasphémer en secret contre Dieu et son Christ, osent consacrer leur plume sacrilège à répandre le poison de l’erreur. Chaque jour voit naître des systèmes hardis, qui sapent également le trône et" l’autel. Des livres impies inondent les provinces et se répandent jusque dans les campagnes. Ce sont ces livres pervers qui corrompent les mœurs, sèmentla discorde dans les familles, troublent les différents états de la société, et occasionnent ces divorces multipliés dont retentissent si souvent et si scandaleusement les tribunaux. Nous espérons que Sa Majesté voudra bien arrêter ce funeste torrent; c’est par leur zèle pour la défense de la religion que les rois de France ont mérité le glorieux titre de rois très-chrétiens. Plaise à Sa Majesté d’ordonner que tous ceux qui, par leurs écrits, voudront répandre le poison de l’incrédulité, attaquer la religion, ses mystères, sa discipline et ses dogmes, soient regardés comme ennemis de l’Eglise et de l’Etat et sévèrement punis; de renouveler les défenses faites aux imprimeurs d’imprimer des livres contraires à la religion; défendre aussi aux libraires, colporteurs de répandre de pareils livres. Ordonner que parles juges des lieux, accompagnés d’ecclésiastiques instruits et éclairés, désignés par l’évêque, il sera fait de temps en temps visite chez les imprimeurs et libraires ; et que tous les livres contraires à la-religion et aux bonnes mœurs seront saisis et confisqués, et qu’il sera procédé contre lesdits (1) M. Guillaumin, député, nous a donné communication des doléances de l’église de Bourges et du cahier de l’église de Saint-Etienne. — Ces deux pièces ont été retrouvées par M. Barberaud, archiviste du Cher, dans les Archives départementales. imprimeurs et libraires délinquants suivant la rigueur des lois. Art. 3. La religion catholique apostolique et romaine est la seule véritable religion. Plus ancienne que la monarchie, elle est montée avec Clovis sur le trône de nos rois, et n’en est jamais descendue. Puisse-t-elle régner seule dans le royaume, elle seule amie des rois ! Art. 4. C’est par le baptême que nous appartenons à Jésus-Christ, que nous sommes élevés à la sublime dignité de chrétiens. Le sacrement est d’une nécessité indispensable pour le salut : Les ordonnances de nos rois portaient que tous les sujets de leur obéissance seraient tenus de présenter leurs enfants nouvellement nés à l’église paroissiale pour y recevoir de la main des curés ou vicaires le baptême. Nous osons représenter que dispenser de cette loi et permettre aux non-catholiques d’adminis-tr'er chez eux le sacrement de baptême, c’est évidemment hasarder la validité de ce sacrement et compromettre le salut des enfants qui meurent avant l’âge de raison. Personne n’ignore que plusieurs des sectaires corrompent la forme du sacrement de baptême ou n’en admettent pas la nécessité. Plaise à Sa Majesté de renouveler les anciennes ordonnances et d’enjoindre à tous ses sujets catholiques et non-catlioliques de faire baptiser leurs enfants à l’église de leur paroisse clans les 24 heures après leur naissance, et d’ordonner aux juges des lieux d’y tenir la main. Art, 5. Les hérétiquesjinvectivent le Saint-Siège, refusent de se soumettre à son autorité ; les incrédules de nos jours se déchaînent contre l’épiscopat : ennemis de toute subordination, ils soufflent dans leurs écrits l’esprit d’indépendance ; ils mettent tout en usage pour soulever les prêtres contre les évêques, alin d’anéantir, s’il était possible, toute hiérarchie ecclésiastique. Pour nous qui admirons, qui respectons le bel ordre établi par Jésus-Christ même pour le gouvernement de son Eglise, nous supplions Sa Majesté de maintenir dans. son royaume la prééminence et l’autorité de Saint-Siège en conservant toutefois les libertés de l’église gallicane. Nous la prions de ne point permettre qu’on affaiblisse l’autorité épiscopale ; de vouloir bien conserver la juridiction ecclésiastique dans toute son intégrité, et de réprimer ceux qui voudraient y donner atteinte. Nous lui demandons avec instance de permettre la tenue des conciles provinciaux si propres à réformer les abus qui se glissent dans les diocèses, si capables de maintenir l’union, l’harmonie qui doivent régner entre les évêques et les ecclésiastiques du second ordre. C’est par ces saintes assemblées que la foi a fleuri dans l’Eglise, que la régularité et la discipline ont triomphé de la licence et de la corruption. Nous osons le dire, l’union entre tous les ministres de l'Eglise est plus nécessaire que jamais. Les incrédules se réunissent pour détruire, s’il était possible, la religion de Jésus-Christ; ils attaquent de front la révélation, la tradition, la divinité de nos Saintes-Ecritures, et osent tour- 510 [États gén. 1789. Cahiers.] ner en dérision les espérances et les craintes d’une autre vie. Unis à ceux que l’Esprit-Saint a établis, :pour les conduire et diriger leur zèle, les ecclésiastiques du second ordre doivent se réunir au chef de la milice sainte pour repousser les efforts de l’incrédulité. Art. 6. L’esprit de religion, de piété s’éteint dans tous les Etats, les lois divines et humaines qui ordonnent la sanctification des dimanches et fêtes sont violées publiquement et avec impunité, soit à la ville, soit à la campagne. Les chemins sont couverts de voitures, les ateliers, les boutiques, les cabarets, les jeux publics sont ouverts dans ces saints jours, même pendant les heures destinées à l’office divin et à l’instruction des fidèles. L’abus subsiste malgré la sévérité des lois. Nous espérons avec confiance de la piété de Sa Majesté qu’elle voudra bien apporter un remède efficace à ce scandale. Nous la prions d’enjoindre aux officiers à qui il appartiendra de tenir la main à ce que les anciennes ordonnances sur la sanctification des dimanches et fêtes soient exactement exécutées. Art. 7. Nos églises sont les sanctuaires où Jésus-Christ réside, où il est plus disposé à exaucer nos vœux. Nous voyons avec douleur que ces maisons de prière sont souvent profanées. On y parait sans piété, sans recueillement, sans modestie; on s’y promène; on y tient des discours licencieux. On y traite des affaires profanes et souvent criminelles. Ce n’est pas seulement dans le sein de la capitale et dans l’ivresse des passions que règne la licence; elle désole les provinces, elle a corrompu les campagnes, elle se communique des pères aux enfants et menace déjà la postérité de se rendre coupable des mêmes égarements. Nous supplions Sa Majesté de vouloir bien ordonner que les décrets des conciles, les édits, ordonnances, arrêts et règlements rendus au sujet du respect dû aux églises seront exécutés, et enjoindre aux juges des lieux d’y tenir la main. ÉDUCATION. Art. 8. Le moyen le plus sûr de réformer les mœurs dans ce royaume, de ranimer l’esprit de religion qui s’éteint tous les jours, c’est de veiller avec soin à l’éducation de la jeunesse. Le bon ordre des universités, des collèges intéresse la nation entière. C’est dans ces corps enseignants et consacrés à l’éducation de la jeunesse que se forment les chrétiens fidèles, les citoyens vertueux, les sujets soumis et obéissants. Nous croyons que les universités accordent trop facilement des degrés, que les collèges auraient besoin de réforme; mais cette importante réforme ne doit être confiée qu’à des personnes éclairées, sages, vertueuses et aimant la religion. RÉSIDENCE. Art. 9. Le public voit avec douleur et se plaint depuis longtemps de cette foule innombrable d’ecclésiastiques et bénéficiers, qui de toutes les parties du royaume reflue si souvent vers la capitale; il serait bien à désirer que Sa Majesté voulut proscrire un scandale non moins contraire aux lois canoniques qu’à l’intérêt temporel et spirituel des provinces. Les églises cathédrales sont spécialement dévouées à la prière publique ; la majesté du culte, la pompe des cérémonies demandent qu’il y ait [Province du Bêrry.] toujours dans ces églises un certain nombre de chanoines pour y faire l’office divin et assister les évêques dans leurs fonctions ; mais les cathédrales seront bientôt désertes, si on ne supprime cette multitude de commissions et charges inutiles qui existent dans la maison du Roi et celles des princes de son sang'. Pour secouer le joug de la résidence, les ecclésiastiques sollicitent et obtiennent ces places. Souvent on voit revivre en leur faveur des titres vacants et abandonnés depuis longtemps; quelquefois même ils en font créer de nouveaux pour eux, sans autre objet d’utilité. Munis de ces provisions ou brevets toujours respectables par l’autorité dont émanent ces actes, les chanoines forcent leur chapitre de les tenir présents. La capitale est inondée de ces sortes de privilégiés. Nous supplions Sa Majesté de vouloir bien fixer le nombre et la qualité des privilégiés, exclure du bénéfice de l’exemption : l°des places incompatibles avec la dignité de l’état clérical et la sévérité des mœurs ecclésiastiques; 2° celles qui réellement et de fait n’ont ni fonctions ni service ; 3° les charges purement laïques et profanes. Art. 10. Nous révérons l’ordre pastoral, nous pensons qu’il est très-nécessaire de procurer à MM. les curés une honnête subsistance et de venir au secours d’un état si précieux à l’Eglise, si intéressant à l’ordre public. Nous nous permettons seulement de rappeler à Sa Majesté que dans sa déclaration de 1786 elle a fait espérer qu’elle dédommagerait les églises cathédrales, qui , à raison des dîmes qu’elles possèdent, seraient obligées de contribuer à l’augmentation des portio ns congrues. Notre Eglise est bien fondée à réclamer la puissante protection de Sa Majesté; notre dotation a été considérablement affaiblie par les augmentations successives faites, depuis 1768, aux portions congrues de MM. les curés et vicaires. INDULTS. Art. 11. Sur les remontrances faites par le clergé général, les rois ont regardé comme nécessaire aux biens des églises cathédrales et collégiales, de les conserver, maintenir dans le droit où elles étaient de nommer les premières dignités de leur église et de pouvoir choisir un de leurs membres pour remplir dignement ces places; mais ce droit si important au sage gouvernement des églises cathédrales et collégiales est souvent affaibli par les officiers du parlement de Paris et autres, qui ont droit d’induit. Juges dans leur propre cause, iis ont introduit une nouvelle jurisprudence : ils font distinction des doyennés qui sont électifs confirmatifs, de ceux qui sont électifs coliatifs, et prétendent pouvoir exercer le droit d’induit sur les doyennés, qui, comme le nôtre, sont électifs coliatifs : comme s’il n’importait pas également à la sage administration des églises cathédrales et collégiales de nommer leur doyen, soit que cette première dignité soit élective confirmative ou élective collative. Plaise à Sa Majesté d’ordonner que les cathédrales et collégiales ne seront point troublées dans le droit qu’elles ont. d’élire leur doyen; que les induits des officiers du parlement dé Paris et autres n’auront lieu, pour pouvoir demander et requérir en vertu d’iceux, les doyennés des églises cathédrales et collégiales, soit qu’ils soient électifs confirmatifs ou électifs coliatifs, ou sous quelques autres prétextes que ce soit. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. RECONSTRUCTION. Art. 12. Les saints décrets des conciles, les ordonnances de nos rois enjoignent aux ecclésiastiques de jouir en bon pères de famille des biens de leurs bénéfices, d’entretenir les bâtiments qui en dépendent, de reconstruire à neuf ceux que le temps aurait détruit. Néanmoins les ecclésiastiques éprouvent tous les jours des vexalions de la part des traitants au sujet des nouvelles reconstructions. Lorsqu’une maison dépendante d’un bénéfice ou communauté a été reconstruite à neuf, ou en partie, ou en totalité, sur un terrain même amorti, si le loyer de cette maison est augmenté, les traitants demandent un droit d’amortissement , à raison de l’augmentation du loyer. Les demandes des traitants nous paraissent contraires à la justice. Le diocèse de Bourges a payé au Roi l’amortissement de tous ses biens {sic): elles ralentissent le zèle des ecclésiastiques et communautés pour la conservation de leurs biens; elles sont contraires à la d'écoration et embellissement des villes; elles blessent la liberté que doit avoir tout citoyen d’améliorer ses fonds, liberté précieuse au bien-être de l’Etat. Plaise à Sa Majesté faire cesser les poursuites des traitants, et affranchir les communautés ecclésiastiques de tout droit d’amortissement pour les nouvelles reconstructions faites sur terrain précédemment amorti. EAUXET FORETS. Art. 13. Lesformalités auxquelles sont astreints les corps ecclésiastiques et bénéficiers pour la vente des bois de haute futaie dépendant de leur bénéfice, leur sont on, ne peut plus onéreuses. Le produit de ces ventes est souvent absorbé par les frais de visite, délivrance, récolle-ment, etc., etc. Nous croyons qu’il serait nécessaire de supprimer les officiers de maîtrise, de réformer l’ordonnance des eaux et forêts, de simplifier les formalités qui doivent précéder et suivre les ventes faites par les ecclésiastiques des bois de haute futaie, et de confier cette partie d’administration aux Etats provinciaux, intéressés à l’aménagement et conservation des bois de la province, et attribuer la partie contentieuse aux juges ordinaires. la justice. Art. 14. Image de Dieu sur la terre, c’est par la justice que doivent régner les rois. Nous osons observer que la manière dont se rend la justice dans le royaume est très-onéreuse aux trois ordres de l’Etat : 1° par la trop grande étendue des ressorts des différents parlements; 2° par la multiplicité des tribunaux, ce qui souvent occasionne des conflits de juridiction; 3° par la variété des dispositions des coutumes; 4° par la cupidité des officiers subalternes, qui ne cherchent qu’à multiplier, les écritures par les droits excessifs de greffe, de signification, de contrôle, etc. , (etc. ; p° par la multiplicité des formes que le praticien le plus instruit parvient à peine à connaître après un long exercice, et qui cependant influe tellement sur les jugements, qu’ayant droit au fond, on perd sa cause pour n’avoir pas observé des formes souvent inconnues. Plaise à Sa Majesté de diminuer les ressorts trop étendus des parlements; diminuer aussi le [Province du Berry.] nombre des juridictions; simplifier davantage les formes de la justice, et faire réformer le code, tant civil que criminel. La science et les mœurs sont nécessaires aux magistrats; nous croyons qu’on néglige trop l’éducation des jeunes ’ gens qu’on destine à la magistrature : ils fréquentent rarement les écoles de droit; le public qui les a vus passer le temps précieux des études dans la dissipation, l’oisiveté et le libertinage, gémit souvent de les voir monter aux premières places de la magistrature. DIMES. Art. 15. Suivant le droit commun, les dîmeries sont circonscrites et limitées, et on ne peut percevoir la dîme au delà de ces limites. Il n’en est pas de même dans la province du Berry ; suivant l’article 18 du titre X de la coutume, le seigneur d’une dîmerie a la suite de ses laboureurs, quand ils vont labourer en une autre dîmerie, ou ecclésiastique ou inféodée, et à cause de la suite il prend la moitié de la dîme des fruits décimables crus dans les terres labourées par ses laboureurs. Pour percevoir ce droit de suite ou demi-dîme, le même article de la coutume exige que les bœufs ou bêtes aratoires qui ont fait le labourage aient été hivernés et nourris, depuis le 1er novembre jusqu’au 1er mars, dans l’étendue delà dîmerie de celui qui veut exercer Je droit de suite. Ce droit donne souvent lieu à bien des fraudes delà part des fermiers, occasionne des querelles, des disputes entre les préposés à la perception de la dîme, des procès entre les seigneurs. Comme ce droit est réciproque entre les seigneurs décimateurs, nous croyons qu’il serait avantageux pour la province de“le supprimer. GABELLES. Art. 16. Toute la France regarde la gabelle comme l’impôt le plus désastreux, quoiqu’il pèse très-inégalement sur les différentes parties de ce royaume. Le Berry, qui est pays de grande gabelle, est une des provinces qui ait le plus à s’en plaindre; outre la somme énorme que lui coûte le sel qu’il consomme, et qui équivaut presque à celle de la taille, capitation et accessoires, ses habitants sont habituellement vexés par toutes les recherches fiscales et les gardes que nécessite le voisinage d’un pays rédimé, où le sel est à bon marché ; pour empêcher les reversements, la fraude, dont l’ind uslrie est incalculable, trouve toujours les moyens d’introduire du sel de la partie rédimée dans celles qui ne le sont pas. Les reversements occasionnent des visites chez les citoyens, d’où il résulte des procès-verbaux souvent injustes, parce qu’ils sont toujours faits par une classe d’hommes peu honnêtes et mal payés par leurs commettants. Ceux des contrebandiers qui sont ■pris au passage font souvent résistance; il en résulte des emprisonnements, qui les conduisent souvent aux galères et quelquefois sur l’échafaud. Géux qui échappent à la surveillance des gardes, ou qui les corrompent, deviennent communément de très-mauvais sujets par l’habitude de la licence; ils finissent par voler les chevaux dans les pacages et trop fréquemment les passants sur les grands chemins. Si on calculait tous les désordres qui en résultent, tous les hommes qui, dans le régime actuel des gabelles, sont perdus pour l’agriculture ou les arts, on serait effrayé de tous les maux que la 512 (États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Province du Berry.] gabelle traîne à sa suite. Dans les cantons qui peuvent par leur position donner lieu à la contrebande , l’agriculture est sans vigueur , les mœurs y sont dépravées et les curés n’y remplissent leur ministère que d’une manière décourageante, parce que l’application des sacrements de l’Eglise les laisse presque toujours dans des doutes très-alarmants pour leur conscience. Le roi a dit dans la première assemblée des notables que la gabelle était jugée : puisse-t-elle être détruite sous le meilleur des rois dont le cœur aime la justice et dont la bouche dit la vérité ! Quel heureux changement le Berry éprouverait si le prix du sel était assez modéré pour que ses habitants pussent en donner à leurs bestiaux ! il les préserverait de bien des maladies. DES AIDES. Art. 17. Les aides, sans présenter un tableau aussi effrayant., sont sujettes à de grands inconvénients. La multiplicité des droits cumulés dans cette partie par des traitants, qui, pour augmenter leur bénéfice, savent toujours tromper le gouvernement, est un tourment continuel pour tous les citoyens qui ne peuvent vendre ni acheter du vin, soit en gros soit en détail, sans observer des formes dont l’inobservation donne lieu à des procès-verbaux dressés par des commis intéressés à en augmenter le nombre, sans qu’on puisse être rassuré par leur honnêteté. La charité même n’est pas à l’abri de la gène que mettent les aides dans cette partie : un homme touché de la détresse de son concitoyen qu’une bouteille de vin pourrait soulager ne peut la lui donner sans courir les risqués d’une amende, s’il la lui porte sans avoir mis dans sa confidence les préposés à la perception des droits sur le vin. La religion et les mœurs souffrent nécessairement des fraudes que cet impôt occasionne. On croit qu’il pourrait être facilement remplacé à la satisfaction de tous les citoyens, surtout en laissant le choix du remplacement aux Etals provinciaux, qui jugeraient de la manière qui serait la moins onéreuse à leur province. DES CONTROLES. Art. 18. Les précautions que le gouvernement a cru devoir prendre pour donner de 1 authenticité et des dates certaines aux conventions sociales ont fait établir les contrôles qui ont été confiés, ainsi que les droits domaniaux, aux traitants dont la cupidité n’a point de bornes. L’énorme quantité de déclarations et d’arrêts du conseil dans cette partie en a formé un labyrinthe, dont aucun fil ne peut découvrir ni l’entrée ni la sortie. Les contrôleurs et même les directeurs, quand ils sont honnêtes, sont Irès-embarrassés, et il arrive souvent qu’ils sont d’opinions différentes. Ces difficultés ont fait imaginer à leurs commettants de les forcer en recette quand ils se trompaient en moins, ce qui les avertit suffisamment de préférer le risque de se tromper en plus. Le citoyen qui paye et qui ne peut, à raison de son ignorance, douter de la légitimité du droit qu’on lui demande, reste dupe, à moins que le hasard ne. lui fasse découvrir l’erreur commise à son préjudice, mais pour parvenir à obtenir une restitution, il faut qu’il suive un procès dont l’événement est très-incertain ; si l’objet de l’erreur n’est pas très-considérable, il préfère alors sa tranquillité. On sent combien il en doit résulter d’abus, surtout au détriment des habitants de la campagne, qui sont obligés de s’adresser à des notaires peu instruits et qui font contrôler leurs actes par des contrôleurs qui savent seulement qu’ils ne doivent pas se mettre dans le cas d’être forcés en recette par les contrôleurs ambulants. CONCLUSIONS. Telles sont les respectueuses doléances de l’église métropolitaine de Bourges, telles que l’amour de la religion, le zèle du bien public les ont dictées. Puisse rassemblée des Etats généraux rétablir l’empire des mœurs, faire régner la religion, réformer les abus, apporter un remède aux maux de l’Etat, être l’époque de la prospérité de la France et d’une gloire solide et durable pour Sa Majesté. Signé : Bengy, doyen; de Vélard, Bengv de Puyvallée, Des Beauxplains, Pelligneau, Ferrand, Berthier, Pinlurel, Archambault, Gassot, Deehaux, Gullon, Baucheron, Lelarge, Vivier de La Chaussée, de Saint-Maur, Legroing, Domery, Daubigriv, Yetois, de Chaussecourte, Guindant, Tissier, de Neufville, Guyard, Deneufville, Soumard, Guillaume, Lemaire, Moureyre, Lamur, Lefranc. CAHIER de l’église saint-étienne de Bourges (1). Copie d'une pièce déposée aux Archives , fonds de Saint-Etienne, affaires diverses , layette n° 37, ladite pièce sans signature. 1° L’insuffisance des portions congrues est trop démontrée pour n’en pas demander une plus haute fixation. Si le malheur des temps a enlevé au pasteur la dîme d’une terre qu’il arrose de ses sueurs, n’est -ce pas une cruelle injustice de le réduire à la cruelle impuissance de pratiquer envers l’indigent la charité qu’il prêche? 2° La réunion des cures pour augmenter les portions congrues serait un moyen nuisible à la religion. L’éloignement où se trouveraient les hameaux de leur pasteur favoriserait le désordre. Les enfants ne se rendraient pas si aisément à l’instruction, les habitants éloignés seraient souvent dans le cas d’être privés des sacrements les plus nécessaires. L’unique moyen de trouver le denier de récompense de celui qui porte le poids du jour, c’est d’avoir recours à la dîme qui n’est payée à d’autres fins qu’à l’entretien du pasteur. 3° L’esprit de justice et l’honneur du ministère exigent la suppression du casuel forcé; il doit sans doute son établissement à la commisération des peuples, qui, voyant leurs pasteurs dépouillés de leur revenu légitime par ceux qui ne leur sont d’aucune utilité pour leur bien spirituel, se sont empressés d’y suppléer par des oblations qui dans la suite ont dégénéré en une loi aussi humiliante' pour le pasteur chargé delà faire valoir qu’injuste pour les habitants obligés de s’v soumettre. 4° L’imposition pour le défaut de synode est intolérable. L’impossibilité où les pasteurs qui sont dans l’éloignement ou retenus pour le ministère sont, de s’y soustraire la présente comme une concussion, il faut, dit le rituel, avoir recours à l’archiprêtre ; mais est-il sans exemple qu’un pasteur au moment de partir soit retenu pour le (1) Ce document nous a été communiqué par M. Guillaumin, député du Cher.