[Convention nationale.] « Depuis le commencement de la Révolution les citoyens n’ont cessé de donner des preuves du patriotisme le plus pur, ils se sont empressés d’entrer dans les bataillons de volontaires, et dans les troupes de ligne, les pères engageaient eux-même leurs enfants. Deux détachemènts composés d’hommes jeunes et vigoureux et bien armés ont été à la poursuite du traître et fuyard Louis Capet, lorsque dans l’automne der¬ nier les esclaves des tyrans, secondés par leurs maîtres et les infâmes émigrés, infestaient les plaines de la ei-devant Champagne, lorsqu’ils y portaient le pillage, l’incendie et la mort. Des détachements de cette commune se sont portés dans les vallées d’Attigny pour secourir ces cam¬ pagnes, et les mettre à l’abri du brigandage, et de la férocité des uhlans et chasseurs ennemis. « Notre jeunesse est depuis trois ans aux frontières, elle n’a pas craint de se mesurer avec les esclaves des tyrans coalisés, les dons patrio¬ tiques ont précédé son départ, ses adieux ont été des fêtes et des danses pour leurs amantes qui ne leur recommandaient que la bravoure et l’amour de la patrie. « 1,900 individus composent cette commune; elle fournit plus de 160 défenseurs à la Répu-blique, un père combat dans les armées avec ses fils au nombre de 6. Depuis la guerre, leurs concitoyens sont prêts à les rejoindre s’il le faut, il ne sera porté atteinte à la liberté que sur leurs cadavres. « Beprésentants de la France, cette commune désire le changement de sa nomenclature, elle demande que le nom de Marat-Fruvaisne soit substitué à celui de Château-Porcien (Fruvaisne est composé des trois mots frumentum, Uva et aime. Notre commune étant située dans un ter¬ ritoire fertile en froment et possédant des co¬ teaux qui produisent des bons vins; la rivière d’Aisne traverse notre commune.) « Nous avons adhéré à tous vos décrets en vous adressant l’acceptation de la Constitution républicaine que vos immenses travaux ont donnée à un peuple libre, nous renouvelons la même adhésion. « Le vœu général est prononcé, la Convention ne quittera pas son poste, des bases inébran¬ lables appuient la Montagne qui a élevé l’âme des Français républicains : sa cime est sous leur appui à l’abri de tous les orages. « Tous les citoyens de eettcL commune ont juré l’unité et l’indivisibilité de la Bépublique ou la mort, le respect à la représentation natio¬ nale, ils maintiendront leurs serments, Vive la Bépublique! Vive la Montagne! Et ont signé les membres du conseil général, de la Société populaire et du comité de surveillance de la commune de Château. (Suivent 54 signât, ures.) « P.-S. La Société populaire et républicaine de cette commune observe qu’il a été oublié de faire mention dans la présente adresse d’une souscription ouverte le 29 brumaire pour fournir à ses frais l’équipement complet d’un cavalier pour la République, ce qui est fait d’après une adresse de la Société populaire de Saint-Denis, à présent Franciade, en date du 12 du 1er mois de la présente année. « Duguf.t, président; Rousseau, membre secrétaire. » 59 ■ Le citoyen Dorfeuil (Dorfeuille), commissaire national à Ville-Affranchie, envoie l’arrêté pris à son sujet par les représentants du peuple Fou¬ ché, Collot-d’Herbois, et Laporte, par lequel ils lui rendent la justice que son patriotisme lui a méritée. La Convention nationale en ordonne l’inser¬ tion au « Bulletin » (1). Suit la lettre du citoyen Dorfeuille (2). Dorfeuille, commissaire national, nommé par Collot-d’Herbois , Albitte, Fouché et Laporte, au citoyen Président de la, Convention natio¬ nale. « Commune-Affranchie, le 24 frimaire, an II de la République une et indivi¬ sible. n Citoyen Président, « La Commission de justice populaire insti¬ tuée à Ville-Affranchie remplissait ses fonctions avec un zèle vraiment républicain. Dans l’espace de trente jours, ce tribunal a jugé à mort, élargi ou condamné à la réclusion, plus de 150 prévenus. « Au moment de l’installation, nous n’avions ni preuves par écrit, ni preuves testimoniales; il fallait souvent lire le crime sur le front des coupables. Couthon se souviendra qu’il m’a donné un arrêté portant l’ordre de faire ouvrir les caves du département, les bureaux et tous les lieux où je soupçonnais des preuves renfer-. mées. « En un mot, citoyen Président, soit au tri¬ bunal, soit dans les prisons où j’ai passé les nuits à interroger les criminels, nous nous flattons, mes collègues et moi, d’avoir fait ce que l’on avait droit d’attendre de nous. « Cependant, comme les prisons se remplis¬ saient tous les jours, les représentants du peuple ont cru devoir donner, à la justice nationale, un mouvement plus rapide encore que celui qui nous dirigeait; ils ont créé une Commission de sept membres qui nous remplace. Cette Commission n’étant asservie à aucune espèce de formes a jugé, condamné ou élargi, depuis son institution, 700 personnes. Malgré tout notre zèle, nos soins et notre assiduité, nous ne pou¬ vions jamais, d’après l’esprit même de l’arrêté qui nous installe, arriver, à un résultat aussi prompt. « Aussi, les représentants du peuple, ont-ils rendu à notre patriotisme une justice éclatante. Je vous envoie l’arrêté honorable qu’ils ont pris à notre égard et je demande à la Convention qu’elle ait la bonté de le rendre public, afin que la patrie sache qu’à quelque poste que nous soyons placés, nous savons faire notre devoir. Les représentants du peuple viennent de me donner la commission glorieuse de surveiller la fabrication des armes à Saint-Etienne, d’y donner le mouvement aux autorités consti-(I) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 6. (2) Archives nationales, carton C 293, dossier 958/ pièce 4. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { 1" nivôse a» U ( 21 décembre 1793 60 [Convention nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ! l‘r im ôso an n ( 21 décembre 17*M tuées, d’y terrasser le fanatisme et d’y raviver l’esprit public. « Soyez persuadé, citoyen Président, que je m’acquitterai vigoureusement de ces impor¬ tantes fonctions et que je mériterai toujours de plus en plus le titre glorieux que m’ont donné mes concitoyens : « Celui d’apôtre de la liberté. « Le jacobin Dorfeuille, commissaire national. » Tribunal révolutionnaire de Commune-Affranchie (1). Arrêté des représentants du peuple envoyés à Commune-Affranchie. Au nom du peuple français, Les représentants du peuple, envoyés dans la Commune-Affranchie pour y assurer le bonheur du peuple avec le triomphe de la Répu¬ blique, dans tous les départements environ¬ nants, et près l’armée des Alpes; Considérant que la Commission révolution¬ naire, établie par leur arrêté du 7 frimaire, remplit ses fonctions de manière à ne laisser après elle aucun conspirateur à juger; que l’existence des Commissions précédemment for¬ mées pour le même objet, et qui ont été suspen¬ dues, devient absolument inutile, et laisse dans l’inactivité des hommes dont le patriotisme et les lumières peuvent être employés utilement à d’autres fonctions pour l’intérêt de la Répu¬ blique; Arrêtent que les deux Commissions, connues sous le nom de tribunal révolutionnaire et de Commission militaire, cesseront définitivement d’exercer toutes fonctions judiciaires, à dater de la notification du présent. Commune-Affranchie, 19 frimaire, l’an II de la République française. Signé : Fouché, Collot-d’Herbois, Laporte. Lettre du ministre de la justice, à l'accusateur public du tribunal révolutionnaire de Commune-Affranchie. « Paris, ce 8 frimaire de l’an II de la Répu¬ blique française. « J’ai reçu, citoyen, le procès-verbal de l’ins¬ tallation de la Commission de justice populaire, établie à Ville-Affranchie, la liste des contre-révolutionnaires de Lyon, condamnés à mort depuis le 10 brumaire jusqu’au 25 exclusive¬ ment, ainsi que les imprimés de quelques juge¬ ments rendus par la Commission. « Elle subit donc enfin la peine due à ses for¬ faits, l’infâme coalition des aristocrates, roya¬ listes et fédéralistes qui s’était formée dans le département de Rhône-et-Loire ! Le zèle et l’énergie que la Commission populaire et toi ont déployés jusqu’à ce jour dans le jugement de ces scélérats, m’ont causé la plus vive satis¬ faction. (1) Archives nationales, carton C 293, dossier 958 pièce 5 « Continuez, magistrats républicains, à pour¬ suivre ainsi les conspirateurs, et bientôt la République, sauvée au dedans par vos travaux assidus, repoussera avec avantage les satellites des despotes. « Je t’ai déjà adressé, citoyen, les lois révo¬ lutionnaires, ainsi que les autres lois que tu m’avais demandées. « Toujours le même courage, toujours la même constance, et nous sommes certains de triompher. Quand, comme toi et comme tes collègues, on brûle du feu sacré qui embrase l’âme de Couthon et de Laporte, on ne connaît point d’obstacles : on s’élance droit au but et on l’atteint. « Le ministre de la justice, « Signé : Gohier. » Le citoyen Chenal, caporal au 19e bataillon des chasseurs, qui avait été fait prisonnier par les brigands, envoie, pour les frais de la guerre, un assignat de 5 livres faisant partie de 10 livres qu’un de ses parents lui a envoyées pour se pro¬ curer des secours (1). Suit la lettre du citoyen Chenal (2). Au citoyen Président de la Convention nationale. « Caen, le 18 frimaire, l’an II de la Répu¬ blique française, une et indivisible. « Citoyen Président des Montagnards, « J’implore ta clémence ainsi que celle de toute la sainte Montagne, j’ai été fait prisonnier à Fougères par ces vils brigands de la Vendée, aussi féroces que barbares; j’ai resté huit jours entre leurs mains entre la vie et la mort. Mais la mort n’est rien pour un républicain qui meurt pour la défense de la patrie; voyant assassiner, fusiller des camarades, je résolus de moi-même de m’ôter la vie plutôt que de passer entre les mains de ces brigands; par trois fois je me suis mis la corde au cou pour m’étrangler, et par trois fois, il est venu à ma pensée que si je pouvais me retirer des mains barbares de ces scélérats, que j’aurais encore l’espoir de rendre service à ma patrie. Je m’imaginai donc la pre¬ mière nuit de chercher à m’évader, je résolus de m’en aller par la cheminée; j’exécutai mon projet, mais quelle surprise pour moi de voir que, quand je fus au haut de la cheminée, je ne pouvais plus passer, cela était trop étroit. Je redescendis pour attendre le sort qui devait m’arriver. Nous restâmes donc huit jours dans leurs mains dont ils nous donnèrent à manger que le troisième jour; ils nous disaient, en leur en demandant, qu’ils n’en avaient pas seule¬ ment pour eux. Effectivement, nous eûmes la liberté de sortir du château pour aller à la ville chercher à manger où nous pourrions; là, eux-mêmes, ils se battaient à la porte des boulangers pour avoir du pain; enfin, au bout de huit jours, ils nous ont renvoyés en nous rasant la tête. « C’est donc ainsi, dignes Montagnards, que j’implore votre clémence pour me faire le plaisir (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 6. (2) Archives nationales, carton C 293, dossier 960.