|Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (16 janvier 1791.) 288 pagaie qui se trouve sur la place de l’hôtel de ville, si par hasard elle était empêchée par le peuple de se réunir au régiment. Les craintes du colonel étaient fondées, car le peuple avait effectivement arrêté cette compagnie, avait serré de très près l'olivier supérieur, en menaçant de le pendre, et de plus près encore un lieutenant qui n’avait pu se débarrasser des mains du peuple qu’en sortant deux pistolets de sa poche; par ce moyen il se fit jour. En se retirant il aperçut un officier municipal ; il alla à lui et lui dit : J’ai été obligé de montrer mes pistolets pour empêcher qu’on ne me fît violence. Du moment qu’il y a quelqu’un pour maintenir le peuple dans le bon ordre, je suis assuré qu’ils ne me sont plus nécessaires; et, pour vous prouver que je suis loin de vouloir en faire un mauvais usage, je viens vous les remettre. Voilà, Messieurs, l’état des choses. Je dois cependant ajouter encore qu’il manque à la retraite 74 hommes, qui, pendant que le régiment était assemblé, se sout formés en ba-tai île devant le palais du légat. Les armes des soldats de Soissonnais leur avaient été fournies par les soldats de la garde nationale; et dans le palais du vice-légat, on attendait des ordres pour aller attaquer le régiment. A dix heures et demie du soir la garde nationale est partie. Les soldats l’ont suivie. Depuis ce moment tous les officiers sont insultés, dans les rues, parles sentinelles mêmes de la garde nationale. L’oflieier qui a été dépêché ici craint beaucoup pour eux; il craint qu’il n’y en ait dans ce moment-ci plusieurs égorgés. L’insurrection du peuple doit tout faire craindre, surtout après ce qui s’est passé à Avignon au mois de juin. J’observerai qu’il n’était pas possible de charger cet officier de procès-verbaux. Il a été an été vingt fois depuis Avignon jusqu’aux frontières de France; et s’il eût été porteur de pareilles pièces, il ne fût point arrivé jusqu’ici. Je demande que vos comités se retirent sur-le-champ pour conférer sur cette affaire, et nous en rendre compte aus.-itôt. (Cette motion est adoptée.) M. Bouche. Il n’est pas possible de décider celte affaire séance tenante, mais on y peut décider que le régiment de Soissonnais sortira d’Avignon, afin que l’officier puisse partir dès ce soir. Je réponds sur ma tête, et en mon propre et privé nom, de la véracité du compte qui vous est rendu. M. d’André. Les trois comités se sont rassemblés hier pour l’examen de cette affaire ; d’après l’exposé qui vient de vous être fait et qui nous le lut hier aux comités, nous convînmes unanimement qu’il fallait retirer d’Avignon le régiment de Soissonnais. M. le Président. On observe également que la compagnie des dragons de Penthièvre, qui est aussi à Avignon, est dans le même cas que le régiment de Soissonnais, et que l’on fait pour elle la même réclamation. Plusieurs membres : Aux voix ! Le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale décrète que le roi sera prié de faire retirer à l’instant, de la ville d’Avignon, le régiment de Soissonnais et la compagnie du régiment dePenthièvre-dragons.» M. Goupillon» . Nous n’avons pas entendu ce qui a été mis aux voix. M. le Président. La proposition a été faite de renvoyer l’affaire aux trois comités réunis, pour en rendre compte ; elle a été ado dée. Il a été ensuite demandé que le régiment de Soissonnais fût retiré de la ville d’Avignon; pareille demande a enfin été faite pour la compagnie des dragons de Penthièvre. M. Muguet de Aanthou. Par qui? M. le Président. ParM. de Noailles. Ce sont ces deux dernières propositions que l’Assemblée vient d’adopter. M. Goupilleau. Il n’y a pas de preuves contre la compagnie de Penthièvre ; s’il y en avait, elles nous auraient été fournies par les officiers de cette compagnie; alors je n'aurais rien à dire. Mais puisque cela n’est pas, on ne peut suspecter la note, au moins sur cette disposition. Plusieurs voix à droite : Il y a un décret. M. Bouche. Si vous prononcez tout d’un coup la retraite de Penthièvre et de Soissonnais, vous allez livrer Avignon et le coinlat à des désordres affreux. Une compagnie de dragons est peu de chose ; mais elle est capable de contenir les séditieux. D’ailleurs la compagnie de Penthièvre a montré des sentiments conformes à la Révolution. Quoique je ne sache rien de positif sur les sentiments des officiers du régiment de Soissonnais, tout fait présumer qu’ils n’eu ont pas montré de pareils. (Applaudissements à gauche.) Le peupleaété alarmé. (Interruptions à droite.) Monsieur le président, si ces messieurs (en montrant les membres de la droite ) s’imaginent que je suis ici pour leur déplaire, je conclus, d’après le danger que j’aperçois à retirer tout d’un coup la compagnie de Penthièvre, que le décret rendu ne concerne que le régiment de Soissonnais. M. de La Tour-Maubourg. M. Bouche ignore certainement que lorsqu’il y a deux régiments ensemble, le plus ancien des deux régiments les commande. C’est comme commandant des troupes à Avignon et non comme lieutenant-colonel que M. Despeyron vous a rendu le compte que vous venezd’enlendre; d’ailleurs cette compagnie, dont il est question, est depuis longtemps en insurrection, car, dès le 6, M. Despeyron avait prié le ministre de la faire retirer. La chose était telle que l'officier de cette compagnie voulait se retirer, si M. Despenroy ne s’y était opposé. Ii faut donc que la compagnie de Penthièvre soit comprise dans le décret. Il est notoire, d’après la note, que les soldats de cette compagnie se sout portés avec les autres sur Carpentras. M. Voidel. Je ne m’oppose pas aux mesures que vous venez de prendre, mais elles me paraissent insuffisantes dans la situation critique où se trouvent tout à la fois et le régiment de Sois-sonnais, et la compagnie de Penthièvre, et la ville, et vos établissements. Je crois qu’il faut prendre des précautions ultérieures; je demande que, sans désemparer, les comités nous présentent leurs vues sur tous ces objets-là à la fois. M. de Menou. Ayant été nommé rapporteur [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 janvier ITiH.J 289 de cette affaire, le provisoire' venant d’être décrété, il est impossible, et c’est ainsi que l’ont pensé hier vos comités réunis, délibérant sur cette affaire, de vous en rendre un compte exact avant d’avoir des nouvelles ultérieures et des pièces plus probantes. Ainsi je demande l’ajournement du fond. (Cette motion est adoptée.) M. le Président annonce l’ordre du jour de la séance de demain et avertit l’Assemblée de se retirer dans ses bureaux à l’effet de procéder à un nouveau tour de scrutin pour la nomination d'un 'président. La séance est levée à trois heures et demie. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 16 JANVIER 1791. Nota. — M. Macaye ( ci-devant de) ht imprimer et distribuer la lettre par laquelle il donnait sa démission de membre du comité des recherches. Cette pièce, faisant partie des documents parlementaires de l’Assemblée nationale, devait naturellement trouver place dans les archives parlementaires, et nous l’insérons ci-dessous : Paris, 16 janvier 1791. Monsieur le Président. Je vous prie de faire agréer à l’Assemblée nationale la démission de ma place de membre du comité des recherches. Le pouvoir inquisitorial que ce comité a été dans le cas d’exercer a si généralement déplu, qu’il ne saurait être proh-table à la chose publique. En supposant que son institution ait pu être nécessaire dans des temps de trouble et ae confusion où tous les tribunaux de justice étaient paralysés, sa suppression n’en deviendrait pas moins indispensable, dans ce moment plus calme, sans doute, où les nouveaux tribunaux viennent d’ètre mis en activité. D’après ces réflexions, Monsieur le Président, je me permets d’observer à l’Assemblée qu’elle ferait un acte vraiment constitutionnel et conforme aux principes de la liberté, en supprimant ce comité, qui pourrait être suppléé par celui des rapports, quant à la partie utile des subsistances, unique but de son établissement. Je crois également devoir informer l’Assemblée d’un arrêté fait au comité le 17 novembre dernier, et dont voici, mot pour mot, la teneur : « Gejourd hui, dix-septième novembre mil sept « cent quatre-vingt-dix, le comité a arrêté que « les lettres et paquets adressés audit comité ne « seront ouverts que par les président, vice-< président et secrétaire, et a défendu au secré-« taire-commis de donner communication d’au-« cune pièce à d’autres qu’aux membres du « comité, sans une délibération expresse qui l’y « autorise. « Ainsi signé : Charles Cochon, secrétaire. « Charles Voidel, vice-président . » Il résulte de cet arrêté que ceux qui l’ont fait ont restreint aux président, vice-président et secrétaire la connaissance d’affaires conflées par l’Assemblée nationale à la totalité des membres du comité; d’où il suit que les président, vice-président et secrétaire sont seuls arbitres de toutes lre Série. T. XXII. les opérations du comité, et peuvent prendre entre eux des délibérations que la majorité du comité pourraitimprouver. Quant à moi, Monsieur le Président, j’avoue que depuis cet arrêté, auquel je n’ai pris aucune part, je me suis abstenu de paraître au comité, par la crainte de me voir imputer des fautes dont j’aurais ignoré les causes et l’origine. Aussi je déclare n’avoir participé en rien à l’arrestation de MM. de Mentier et d’Au-teuil, ni aux autres entreprises faites depuis cette époque au nom du comité. Je dois ajouter que M. de Pardieu, noire président, ayant aussi quitté le comité, MM. Voidel, vice-président, et Cochon, secrétaire, sont les dépositaires des secrets et de tout le pouvoir confiés au comité. Il n’est point de citoyen qui ne doive trembler de voir concentrer entre deux individus une autorité aussi illimitée et aussi arbitraire. L’Assemblée ordonnera dans sa sagesse ce qu’elle jugera convenable; quant à moi, je crois avoir satisfait à mon devoir, en lui donnant cet avertissement. Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur. Signé : Macaye. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. EMMERY. Séance du lundi 17 janvier 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Un de M. M. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier, qui est adopté. M. Bouche. Messieurs, nous avons décrété hier que le régiment de Soissonnais se retirerait d’Avignon. Votre décret est rendu; il faut qu’il soit exécuté. Mais, Messieurs, si vous aviez eu la liberté de me donner un moment d’audience, je vous aurais instruit des causes des désordres qu’on dit être arrivés à Avignon; et vous n’avez été instruits que des faits, et encore d’une manière très illégale et très imparfaite. J’aurais eu l’honneur de vous dire que les soldats du régiment de Soissonnais (car, Messieurs, les soldats sont patriotes et ils le sont partout ; lorsqu’ils manquent à leur devoir, ce n’est jamais que par la faute de leurs officiers), les soldats, dis-je, du régiment de Soissonnais sont patriotes; mais les ofticiers se sont rendus odieux au peuple et voici pourquoi : ils ont commencé, en arrivant à Avignon... ( Interruptions .) M. Martineau. La motion de M. Bouche n’est point à l’ordre du jour. M. Bouche. Je demande que la question concernant Avignon. . . Plusieurs voix : L’ordre du jour ! (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) M. le Président. J’ai reçu de M. le ministre de la justice la note suivante*: « Le roi a donné, le 5 et le 7 de ce mois, sa sanction aux décrets suivants : (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 19