(Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 octobre 1790.) 533 M.Ie Président annonce que le rapport de l’affaire de Saint-Domingue se fera demain à midi. M. de Cocherel demande que ce rapport soit différé. L’Assemblée passe à l’ordre du jour sur cette demande. M. Gondard, député de la ville de Lyon. J’ai demandé la parole pour vous proposer la lecture d’une lettre que la municipalité de la ville de Lyon nous a adressée pour l’Assemblée nationale, en réponse à l’avis que nous lui avions donné de votre dernier décret sur les assignats-monnaie. Les sentiments exprimés dans cette adresse vous feront juger combien c'est injustement que l’on a suspecté ceux de la municipalité de la ville de Lyon, sur le maintien et l’exécution de vos décrets. Ils vous prouveront aussi que c’est bien le vœu de nos commettants, le vœu de leurs véritables intérêts : nous l’avons exprimé par notre opinion en faveur de la nouvelle émission des assignats-monnaie, dans la mesure que vous avez adoptée. Copie d’une lettre de la municipalité de Lyon à l’Assemblée nationale , du 6 octobre , sur les assignats-monnaie. ? Messieurs, l’Assemblée nationale vient de fixer l’opinion de la France entière sur la question importante de la nouvelle émission d’assignats-monnaie, dont la proposition avait excité l’attention et les observations des diverses places de commerce du royaume; les négociants et manufacturiers de cette ville croyant apercevoir des inconvénients dans l’exécution du plan proposé qui eût porté à deux milliards trois cents millions les assignats en circulation, avaient exprimé leurs inquiétudes dans la pétition qu'ils avaient rédigée, et qu’ils nous avaient chargés de mettre sous vos yeux. La Chambre du commerce avait cru devoir ajouter à cette première expression du vœu de nos négociants, des réflexions plus étendues, et vous les soumettre, convaincue que l’Assemblée nationale daignerait accueillir, avec la même bonté et le même intérêt, toutes les observations qui pouvaient mettre en évidence, soit les avantages, soit les inconvénients du vaste projet sur lequel elle avait à délibérer. C’est, en effet, Messieurs, après la discussion la plus approfondie, après avoir combiné dans le sein de votre sagesse tous les rapports particuliers avec l’intérêt général de l’Etat, que vous avez décrété une nouvelle émission d'assignats-monnaie, qui en porte la totalité à 1,200 millions ; vous avez, par cette mesure, concilié les divers intérêts, autant que pouvait le permettre la nécessité d’assurer la plus prompte aliénation des biens nationaux, opération importante dont dépend le salut et la prospérité de l’Etat. Pleins de confiance dans la profondeur de vos vues, nous nous empressons de vous en offrir un nouvel hommage dans cette circonstance; quelleque fùtnotreopinion, comme représentants clés citoyens de cette ville de commerce, fidèles à notre serment, nous ne perdrons pas de vue que nous ne sommes placés à leur tête que pour leur donner l’exemple du respect et de la soumission dus à vos décrets; et nous concourrons, par tous les moyens qui seront en notre pouvoir, à assurer le succès de la nouvelle mesure que vous avez cru devoir adopter pour opérer la libération de l’Etat, et affermir à jamais une des bases les plus essentiel les au maintien de la Constitution. Daignez, Messieurs, agréer avec bonté cette assurance de nos sentiments et de notre entier dévouement à l’exécution des lois qui émanent de la sagesse et du génie tutélaire des augustes représentants de la nation. Nous sommes, avec un profond respect, Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs, Les maire et officiers municipaxiæ de la ville de Lyon : Signé : Palerne-Saoy ; Nolhac ; Maisonneuve ; André Lagier; Gharmittoy; Yaubec Jacquion; Luc Candy ; Vachon aîné; Andrillial; Yidalin; Courbon ; Bruysel; Goudard; Fulchiron. (L’Assemblée décrète l’impression de cette adresse.) (La séance est levée à 2 heures.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. MERLIN. Séance du lundi 11 octobre 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Bégonen, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi 9 octobre au matin. M. Bouche observe que le réglement qui a été décrété sur le contreseing dans la séance du 9, laisse subsister une partie des abus, et qu’il est possible de remédier à tous par un moyen tout simple, en diminuant considérablement la dépense ; en conséquence, il demande à l’Assemblée nationale la permission de lui proposer dès demain un autre projet de loi, et d’ordonner, en attendant, que l’exécution de son décret du 9, sur le contre-seing, soit suspende, et qu’on ne le porte point encore à la sanction du roi. — Cette motion est ainsi décrétée. L’Assemblée nationale charge en même temps MM. les inspecteurs des bureaux de lui présenter dès à présent, et chaque mois, un tableau général de la dépense de tous les bureaux., tant de ceux qui sont au service de l’Assemblée, que de ceux qui sont dans ses divers comités. On fait lecture d’une lettre d’un des commissaires du roi, envoyés à Hesdin, pour s’informer de la cause de l’insubordination qui s’est manifestée dans le régiment de Royal-Ghampagne : il instruit l’Assemblée qu’il a adressé à M. de La Tour-du-Pin deux cent une dépositions relatives à cette affaire. L’Assemblée autorise son comité militaire à prendre connaissance de ces pièces. Le rapport des commissaires, arrêté à Hesdin, le 6 octobre 1790, a été annexé à la séance de l’Assemblée nationale du même jour. (Voy. plus haut, p. 479). M. Bouche, secrétaire, fait lecture d’une adresse du régiment de Mestre-de-Camp cavalerie, à (1) Cette séance est incomplète au Moniteur, 534 [Assemblée nationale.) laquelle est annexée une lettre de M. de Bassignac, son commandant : ces pièces contiennent le témoignage des bonnes intentions de ce régiment égaré par des suggestions perfides. (L’Assemblée décide qu’il en sera fait mention au procès-verbal.) M. 'Vernier, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier 10 octobre. Ce procès-verbal est adopté. M. de Bonnal, évêque de Clermont. Lorsque votre comité ecclésiastique vous proposa le plan delà constitution civiledu clergé...,. {On demande l’ordre du jour.) Je n’ai à faire que quelques observations. M. Bouttevïlle-Bnmetz. J’ai reçu une lettre ce matin, par laquelle on m’annonce qu’on proposera encore dans la tribune un plan de contre-révolution. (La partie droite insiste pour que M. l’évêque de Clermont soit entendu.) M. le Président. Je vais prendre les ordres de l’Assemblée. M. Eiavie. Vous n’avez pas ce droit-là, monsieur le Président. L’ordre du jour est indiqué et il n’est pas permis de l’intervertir. (Après quelques débats, l’Assemblée décide de passer à l’ordre du jour.) M. Enjubault, rapporteur du comité des domaines,' demande la parole au nom des comités réunis des fi nances,des impositions et des domaines pour présenter un décret concernant les princes apanagistes. Messieurs, vous avez renvoyé à vos comités la question de savoir si les princes apanagistes doivent jouir de la coupe prochaine dans leurs apanages. Cette question dépend de ce qui s’est passé lors de l’entrée en jouissance. Vos comités ont cherché à remonter à la source : ils se sont assurés que les deux princes, frères du roi, n’ont pas joui la première année et que, par conséquent, si on leur refusait la coupe de cet hiver, ils auraient une coupe de moins qu’ils n’ont eu d’années. Nous n’avons pu obtenir la même certitude sur l’apanage de la maison d’Orléans; mais tout concourt à le faire présumer. C’est pourquoi nous vous proposons de décréter ce qui suit : « L’Assemblée nationale, interprétant, en tant ue de besoin, l’article 5 du décret du 13 août ernier, concernant les apanages, décrète ce qui suit : c Les apanagistes pourront faire couper et exploiter à leur profit, dans les délais ordinaires, les coupes de bois qui doivent être coupées et exploitées dans le cours de l’hiver prochain, ainsi qufils auraient fait si le décret dudit jour 13 août dernier n’était pas intervenu, et en se conformant par eux aux procès-verbaux d’aménagement et aux ordonnances et réglements intervenus sur le fait des eaux et forêts. » (Ce décret est adopté sans discussion.) M. le Président. L’ordre du jour est la suite de la discussion sur la contribution foncière, M. de JLa Boehefoncauld , rapporteur du comité de l’imposition. Messieurs, votre comité de l’im position a dû vous présenter, dans un premier projet de décret sur la contribution foncière, un ensemble de dispositions qui embrassât la marche de toutes les opérations d’assiette , de [Il octobre 1790. répartition, de perception et de recouvrement de cette contribution; il a dû aussi vous présenter des vues sur la somme à laquelle elle pourrait s’élever , quoiqu’il prévît bien que vous ne pourriez statuer sur cette somme qu’après avoir déterminé celle des dépenses publiques, et les divers genres de contributions et de droits qui devront y fournir : alors seulement vous pourrez vous décider avec connaissance de cause. Ainsi votre comité ne doit pas entreprendre aujourd’hui de discuter les diverses objections, dont plusieurs sont fortes, sur cette fixation; il desire, avec tous ceux qui ont opiné sur cette matière, que les besoins de l’Ktat vous permettent d’en établir une moindre que celle qu’il a cru devoir vous présenter , comme la plus forte que vous puissiez établir. Soigneux de ménager votre temps si précieux, il ne répondra pas non plus aux reproches qui lui ont été faits, comme s’il eût adopté une théorie qu’il a lui-même combattue sur plusieurs points, et dont il s’éloigne très évidemment dans les plans qu’il vous propose. Il n’a pas cru que vous dussiez établir constitutionnellement une théorie de l'impôt, matière importante à la vérité, mais sur laquelle l’opinion générale n’est pas encore assez arrêtée, pour que vous puissiez en énoncer une; il ne croit pas non plus que vous puissiez décider constitutionnellement la proportion entre les contributions directes et les indirectes, parce que l’immensité des dépenses dont vous êtes chargés vous forceront sûrement à prendre, sur cette combinaison, des mesures différentes de celles que les législatures pourront successivement adopter, d’après l’extinction successive et assez rapide des charges viagères, la cessation de plusieurs dépenses, et l’économie plus grande apportée dans les autres. 11 vous présentera très incessamment des articles constitutionnels, dans lesquels il réunira les principes qui lui paraissent devoir régler l’organisation des contributions publiques, et celle de la caisse nationale; il écartera donc pour le moment tous ces objets de discussion, et vous proposera de la restreindre actuellement au mode d’assiette et de répartition, non pas entre les départements et les districts, mais seulement entre les propriétaires dans l’intérieur des municipalités; la répartition entre les départements fera l’objet d’un décret particulier, pour lequel votre comité recueille des matériaux qui ne sont pas encore complets; il s’est bien procuré la connaissance de l’ancienne répartition par généralités, mais il a demandé aux directoires de départements les renseignements nécessaires pour appliquer cette ancienne répartition à leur circonscription actuelle; il vous sera bien difficile de trouver pour Gette année une base plus parfaite . cependant s’il se trouvait que quelques départements fussent évidemment surchargés , vous croirez de votre justice de leur procurer un coqi-mencement de soulagement. C’est donc seulement sur la manière de répartir en détail la contribution entre les propriétés qu’il désire d’attirer actuellement votre attention, et sur les opérations nécessaires pour opérer cette répartition-les assemblées administratives et les municipalités peuvent y procéder, indépendamment de la somme qu’elles auront à repartir, et le temps qu'il leur faudra pour ces préliminaires vous suffira pour la décréter, Pour que cette répartition pût se bien faire, il faudrait sans doute un cadastre : dans la plus ARCHIVES PARLEMENTAIRES.