590 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 décembre 1789.] attribuées par le décret. L’orateur fait remarquer qu’il y a dans celte conduite une désobéissance formelle, réfléchie et réitérée aux décrets de l’Assemblée et aux ordres du Roi qui peut mériter des peines bien plus sévères que les chambres des parlements de Rouen et de Metz ; que cependant, d’après sa propre façon de penser, et suivant une délibération prise par la municipalité de Rennes, les généraux des paroisses et les députés des différentes corporations, et une adresse de la même municipalité, dont il fait lecture, il se borne a demander l’érection d’un tribunal provisoire ; tel qu’il est proposé dans l’adresse, pour remplir les fonctions dont les magistrats composant ladite chambre, se sont dépouillés volontairement, en restant sourds à la loi de leur devoir, aux réclamations et aux pressantes instances de leurs justiciables; en conséquence, il lit et propose un projet de décret. M. Prieur dit que le projet de décret est très-sage, qu’il ne peut qu’y applaudir, mais qu’il est insuffisant pour l’intérêt de l’ordre public; il propose un amendement, tendant à ce que les membres de la chambre des vacations du parlement de Rennes soient mandés à la barre ; et dans le cas où ils ne justifiraient pas leur conduite, qu’ils soient envoyés au Châtelet, pour la forfaiture être jugée contre eux, suivant les précédents décrets de l’Assemblée. M. le baron de Tessier de Marguerittes demande que M. le président se retire devers le Roi pour le supplier d’envoyer un commissaire qui composerait une chambré des vacations des membres du parlement qui n’auraient pas pris de part aux arrêtés du corps, et que ce commissaire soit autorisé à faire transcrire ce décret sur les registres du parlement. M. Tuaut de la Bonverie, député de Bretagne, pour appuyer le décret et l’amendement, se borne à lire une délibération de la municipalité de Ploërmel, dont l’Assemblée ordonne l’insertion dans le procès-verbal, et l’impression. Elle est conçue en ces termes : Extrait des registres des délibérations de la municipalité de la ville de Ploërmel. Du 10 décembre 1789. « A l’assemblée de la municipalité de la ville de Ploërmel, tenue en l’hôtel de ville, après convocation particulière, répétée par le son de la cloche, à laquelle se sont réunis les membres du comité, où présidait M. Gaillard de Kbertin, maire et président; « L’assemblée, considérant que celui qui refuse d’obéir aux décrets de l’Assemblée nationale, et cherche à diminuer la confiance aux actes qui émanent d’elle, ne veut que repousser 23 millions d’hommes dans les mêmes fers sous lesquels ils avaient langui abattus pendant tant d’années, et qu’ils ont eu la force de briser; et que, par conséquent, il ne peut être que l’ennemi de la liberté et de la régénération salutaire de la France. « Considérant encore, que, dans ces moments surtout où la fermeté, le courage des Français, et les vœux de ceux-ci, vont être couronnés, et où le terme de l’esclavage a été fixé, toute nouvelle insurrection exhalée du fond de l’abîme où l’aristocratie et ses satellites doivent être engloutis pour jamais, ne pourrait qu’engendrer de ces maux horribles préparés avec cette même noirceur et cette même adresse dont nos tyrans se félicitaient de nous rendre les victimes, mais que le ciel nous a fait éviter, et ne pourrait que nous replonger dans une suite de malheurs plus affreux encore que ceux que nous avons essuyés. « Considérant de plus, que si de pareilles manœuvres, de la part de quelques individus, ne doivent mériter à leurs auteurs qu’une punition éclatante et proportionnée à des attentats si odieux, nécessairement elles deviennent infiniment plus graves et plus criminelles encore de la part d’un corps qui, au lieu de se joindre au peuple dont il devrait être le soutien, ose se mettre au rang de ses oppresseurs; « Considérant enfin qu’un délit de cette nature, auquel il manque un nom à raison de l’horreur qu’il inspire, ne peut être puni trop rigoureusement, atin de prévenir de nouvelles calamités, et d’étonner les rebelles, et qu’au contraire l’indulgence ne doit plus être employée dans ces instants, où l’étendard aristocratique parlementaire se déploie ouvertement, et d’une manière propre à faire craindre qu’il pourrait être soutenu; « A, d’une voix unanime, déclaré ennemi de la nation, et traître envers elle et le Roi, et arrêté de traiter désormais comme tel quiconque oserait refuser d’obéir aux décrets de l’Assemblée nationale, acceptés ou sanctionnés par Sa Majesté, les méconnaître, ou chercherait à les discréditer, même tous les parlements, et notamment celui de Bretagne, qui persisteraient dans les intentions et opiniâtretés anti-nationales qu’ils auraient manifestées. A en même temps arrêté d’adresser copie de la présente délibération à MM. les députés de cette sénéchaussée à ladite Assemblée, pour la supplier d’y avoir égard, et de punir ou faire punir rigoureusement et sans aucune considération, comme coupables de lèse-nation et forfaiture particulière, tous ceux qui ne reconnaîtraient pas ses décrets, ou voudraient attenter à leur force, tant le parlement de Bretagne que toutes les autres cours et corps qui auraient montré les mêmes sentiments. « A encore arrêté d’en adresser copie aux membres tenant le parlement de Bretagne, afin qu’ils n’en prétextent cause d’ignorance, et à toutes les municipalités de la province et du royaume, pour qu’elles aient à prendre le parti que la sagesse et les circonstances leur suggéreront; et ont, les délibérants, signé. Le registre dûment signé. « Pour copie conforme au registre, signée : MEELA l’aîné, secrétaire. » M. de Robespierre. Messieurs, le parlement de Rennes est entré dans une voie d’où nous devons le faire sortir. J’appuie donc la motion de M. Le Chapelier et je vous demande de la compléter en décrétant que les nouveaux juges seront librement élus par le peuple. — J’ajoute que non-seulement le parlement de Rennes a offensé la nation en refusant la justice au peuple, mais qu’il a eu l’audace d'écrire des lettres confidentielles au pouvoir exécutif pour sonder les dispositions de la Cour à l’égard de l’Assemblée nationale. Une voix énorme s’écrie : Non, cela n’est pas vrai! (Toute la salle se retourne et reconnaît M. le vicomte de Mirabeau.)