[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [18 avril 1790.] compte entend fournir sans rétribution les 20,000,000 de billets, dont ses actionnaires ne seront pas les vrais débiteurs. Je crois qu’il n’y a aucun avantage et qu’il y a de sérieux inconvénients à rendre des décrets inutiles; pourtant, puisqu’on insiste, je ne m’oppose pas à l’adoption de la motion de M. Camus. La motion mise aux voix est décrétée ainsi qu’il suit : «Les vingt millions dont l’Assemblée nationale « adonné crédit au premier ministre des finances « dans la séance d’hier, seront fournis par la Cais-« se d’escompte, sans intérêt, commission ni grati-« fication. » M. l’abbé Ilarolles, député du bailliage de Saint-Quentin offre un don patriotique de 1373 livres 1 sol, au nom de la municipalité de Beauvoir; il fait ensuite lecture d’une adresse, où les habitants de ce village expriment les sentiments dupatriotis-me le plus pur, et de la reconnaissance la plus vive pour l’Assemblée nationale, et annoncent leur entière adhésion à ses décrets. M. Roederer, secrétaire, donne lecture d’une lettre écrite au président de l’Assemblée nationale, par le ministre de la guerre, au sujet du sieur Muscard, fourrier au régiment du Vivarais, qui a été transféré des prisons de Verdun dans celles de Montmédy. Cette lettre est ainsi conçue (1) : Paris, le 16 avril 1790. Monsieur le Président, Je reçois dans lemoment lalettreque vous m’avez fait l’honneur dem’écrireaujourd 'hui relativement au nommée Muscard, fourrier au régiment de Vivarais. Après avoir pris les ordres du roi, je m’empresse d’y répondre. 11 y a plus de six semaines que j’ai prévenu le décrétée l’Assemblée nationale, en prescrivant de surseoir à la procédure qui doit être instruite contre ce bas-officier, et c’est par une suite de mon respect connu pour les décrets de l’Assemblée que j’ai donné cet ordre. Vous n’ignorez pas sûrement que j’ai communiqué au président du comité de jurisprudence criminelle un projet d’ordonnance provisoire concernant l’organisation des conseils de guerre. Sa réponse ne m'est pas encore parvenue; et depuis que je l’ai consulté sur ce projet, j’ai eu l’attention de suspendre l’exécution de tous les jugements que les conseils de guerre prononcés contre les soldats accusés de délits militaires; je dois même vous observer que cette partie est en souffrance; que les prisons regorgent de militaires condamnés à différentes peines et qu’il devient plus instant que jamais de statuer sur leur sort. Muscard a été le principal auteur de l’insurrection qui a eu lieu au régiment de Vivarais. Il a d’abord été enfermé au fort de Scarpe et il n’a été transféré dans la citadelle de Verdun que lorsque le régiment a été envoyé dans cette ville. Depuis que cet homme, infiniment dangereux, est dans cette citadelle, il n’a cessé d’employer toutes sortes de moyens pour exciter de nouveaux troubles dans le corps. Sur l’avis qui m’en a été donné, j’ai cru que pour les prévenir il n’y avait pas de meilleur parti à prendre que de faire transférer ce fourrier des prisons delà citadelle de Verdun en celle de Montmédy, pour y être détenu jusqu’à l’époque où l’on pourra procéder a l’information qui doit (1) Cette lettre n’a pas été insérée au Moniteur. être faite contre lui. Ce court exposé suffira sans doute, M. le Président, pour vous prouver que je n’ai eu d’autre vue que de garantir le régiment de Vivarais d’une nouvelle insurrection et la ville de Verdun des désordres qu’elle aurait pu y occasionner. Je ne puis vous dissimuler que j’étais loin de m’attendre aux soupçons qui se sont élevés contre moi dans l’Assemblée. Elle doit connaître mes sentiments respectueux pour elle et je devais me flatter que, se rappelant que j’avais eu l’honneur d’être un de ses membres, elle rendrait à la pureté de mes intentions la justice qui leur est due. Trouvez bon, M. le Président, que je prie par votre organe l’Assemblée nationale de peser dans sa sagesse s’il n’y a pas beaucoup d’inconvénients à ce que les municipalités connaissent des détails militaires et s’il ne serait pas convenable qu’elle rendit un décret pour leur défendre de se mêler, sous quelque prétexte que ce puisse être, d’aucun objet relatif à la police et à la discipline intérieures des corps militaires. Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et obéissant serviteur. Signé : LA Tour-dü-Pin. M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angelÿ). Je propose d’ordonner au comité de jurisprudence criminelle de rendre compte incessamment de l’ordonnance dont parle dans sa lettre M. de La Tour-du-Pin, et je demande que M. le Président soit chargé d’écrire à ce ministre, pour lui faire savoir que l’Assemblée est satisfaite des explications qu’il lui a données. (Cette proposition est décrétée.) M. Bureaux de Pusy. Conformément à votre décret d’hier, les commissaires chargés de l’inspection de la caisse d’escompte se sont transportés dans le soir même à cette caisse. Us ont l’honneur de vous assurer que le service public n’épronvera ni retard, ni danger. Ils ont cru devoir prendre sur eux d’engager les administrateurs de la caisse d’escompte à ne pas suspendre les paiements journaliers, jusqu’à ce que l’Assemblée ait pris quelque détermination à cet égard. M. le Président dit qu’il s’est rendu hier vers le roi, et a présenté à sa sanction : 1° la suite du décret sur les assignats, décrétée le même jour; 2° le décret de la même séance portant: 1° qu’une émission de billets de caisse d’escompte ne pourra avoir lieu sans décret de l’Assemblée nationale; 2° qu’il sera remis dans le jour au Trésor public 20 millions en billets par les administrateurs de ladite caisse; 3° le décret du 17 avril, qui autorise le Châtelet à suivre l’instruction par lui commencée au sujet de faux billets acceptés par les sieurs Tourton et Ravel ; 4° le décret du 16 avril qui surseoit. à toute exécution de sentence, s’il en a été rendu par les officiers municipaux de Schelestat contre plusieurs citoyens emprisonnés. M. ÎEmmery. Je demande la parole au nom du comité militaire. M. Camus. Je la demande également au nom du comité des pensions. M. le Président consulte l’Assemblée qui décide que M. Camus sera entendu. M. Camus. Vous avez ordonné à votre comité des pensions de vous présenter une loi pour l’exécution du décret du 5 janvier, conçu en ces [18 avril 1790.] 99 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. termes: « Les revenus des bénéfices dont les titulaires français sont absents du royaume, et le seront encore trois mois après la publication du présent décret, sans une mission du gouvernement, antérieure à ce jour, seront mis. en séquestre. » Pour exécuter cette loi, il fallait assujettir les bénéficiers en général à de certaines précautions qui ne fussent pas à charge aux bénéficiers présents, et qui n’offrissent point aux fermiers de prétextes pour ne point payer. Le comité des pensions, pour se conformer à vos ordres, présente le projet de décret suivant : Art. 1er. Tout titulaire de bénéfice, à compter du jour de la publication du présent décret, sera tenu pour recevoir et pouvoir exiger les revenus de son bénéfice, pendant le cours de la présente année, de joindre à sa quittance un acte de la municipalité du lieu de son domicile, portant qu’il y est résidant actuellement et défait, lequel acte sera délivré sans frais. Art. 2. Aucun fermier ourégisseur debien sdépen-dants de bénéfices ne pourra payer aussi, à compter du jour de la publication du présent décret, que sur quittance à laquelle sera joint l’acte dont il est fait mention en l’article précédent. Art. 3. Les fermiers, régisseurs ou procureurs fondés seront tenus de se présenter, dans quinzaine de ladite publication, devant la municipalité du lieu de la situation des biens qu’ils exploitent ou qu’ils régissent, à l’effet de justifier des dernières quittances du titulaire du bénéfice. Art. 4. Les fermages et revenus échus et à échoir depuis la dernière quittance seront versés entre les mains du trésorier du district, qui sera tenu d’en envoyer l’état à l’Assemblée nationale dans la huitaine du jour où il les aura reçus. Art. 5. A défaut par lesdits fermiers, régisseurs et procureurs fondés, de verser les deniers dont iis seront débiteurs et comptables dans la caisse du district, ils y seront contraints par toutes voies dues et légitimes, à la requête du procureur-syndic du district. Art 6. Les fermiers et régisseurs des bénéfices, les procureurs fondés et les trésoriers des districts seront responsables en leur propre et privé nom, et chacun en ce qui le concerne, de l’inexécution du présent décret, lequel sera, à la diligence des procureurs-syndics des municipalités, lu, publié et affiché dans leurs paroisses respectives. M. i’afobé Maury. Vous avez voulu, par votre décret du 5 janvier, rappeler les bénéficiers qui se trouvaient hors du royaume; il est très vraisemblable que ce décret a eu son effet. Je vous demande s’il serait digne de votre humanité d’assujettir tous les bénéficiers à des formalités embarrassantes et vexatoires, quand il ne s’agit que de deux ou trois bénéficiers absents? Il y aune notoriété de fait dans tous les endroits où les bénéficiers possèdent des fonds; elle suffit pour que votre décret soit exécuté. Je demande donc qu’à moins que les municipalités n’aient connaissance de l’absence d’un bénéficier, rien ne soit changé dans la jouissance des titulaires. (L’Assemblée décide qu’il n’y a lieu à délibérer, quant à présent, sur le projet de décret présenté par le comité des pensions.) Plusieurs membres proposent de revenir à l’ordre du jour. Cette proposition est adoptée. M. Vernier, membre du comité des finances , fait, au nom de ce comité, un rapport, et propose un décret concernant la municipalité de ChâteU sur-Moselle : son projet de décret est adopté dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, ayant égard aux motifs consignés dans la délibération de la municipalité et du conseil générai de la ville de Châtel-surv Moselle, et à la supplique jointe, autorise les officiers municipaux de ladite ville à retirer de la caisse d’Epinal la somme de 4000 livres, ou telle autre somme inférieure qu’ils justifieront leur appartenir comme provenant de la vente de leurs bois ; enjoint au receveur d’Epinal et à tous autres dépositaires des deniers provenant de leur dite vente, d’en vider leurs mains entre celles desdits officiers municipaux, pour ladite somme être employée en achats de grains et aux besoins les plus urgents de la commune, à charge de rendre compte de l’emploi. » M. Bourdon propose un projet de décret à l’effet d’accélérer la rentrée des impositions; ce projet est conçu dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale décrète que les paroisses et communautés d’habitants, auxquelles les commissaires départis dans les provinces n’ont fait parvenir aucune commission relative à leurs impositions directes de 1790, demeurent autorisées à s’imposer sur le pied du double des commissions de 1789 restées au pouvoir de leurs syndics et collecteurs. » (Cette motion est renvoyée au comité des finances.) M. Anson. Par votre décret du 26 septembre dernier, vous avez ordonné l’anéantissement de tout privilège en matière d’imposition ; il est nécessaire de rendre un décret pour fixer toutes les idées relativement à la capitale. Il y avait à Paris différents rôles pour les cours supérieures, pour l’université, pour la cour, et nulle base commune d’imposition. Le rôle de la cour était fait à raison des qualités. Un duc payait 2,700 livres parce qu’il était duc, quelle que fût sa fortune. Il est maintenant indispensable de ne faire qu’un seul rôle à Paris; c’est l’objet du projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, d’après le compte qui lui a été rendu par son comité des finances, du régime qui a existé par le passé pour l’assiette des impositions ordinaires de la ville de Paris, a reconnu que pour remplir l’esprit de ses décrets des 26 septembre et 28 novembre 1789, concernant les impositions de 1790, il devenait indispensable d’en déterminer plus précisément les bases pour l’assiette des impositionsordinaires de la présente année 1790; elle a en conséquence décrété et décrète ce qui suit : » Art. 1er. Tous les habitants de la ville de Paris, indistinctement, seront compris dans le même rôle pour l’imposition ordinaire à payer par chacun d'eux pour la présente année 1790. Le montant des locations sera l’unique base de la fixation des taxes, toutes les fois que le contribuable n’aura point de voiture. « Art. 2. Lesdite3 taxes seront réglées, savoir : pour les loyers au-dessous de 500 livres, à raison de 9 deniers pour livres et au-dessus, jusques à moins de 700 livres, à raison du sol pour livre ou du vingtième des loyers, et enfin pour ceux de 700 livres et au-dessus, à raison du quinzième du montant des locations, le tout avec 2 sols pour livre additionnels seulement, au lieu des 4 sols pour