[Assemblés nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 avril 1791.] 373 discussion, déterminer leurs fonctions d’une manière plus précise. Plusieurs membres demandent que la suite du discours de M. Robespierre soit renvoyée à la séance de demain. (Ce renvoi est ordonné.) M. Rabaud-Saint -Etienne, rapporteur. Je viens d’entendre avec satisfaction les idées que l’opinant vient d’exposer. J’observe que, si on en excepte l’admission des citoyens non actifs, pour laquelle j’aurais du penchant, mais contre laquelle s’élèvent desdécre’s formels, nous sommes entièrement de son avis. Je pourrais citer un ancien: «Deux hommes se présentaient -, l’un dit ce qu’il fallait faire, l’autre dit: Je l’ai fait.» Je dis, moi, que tout ce qu’on demande est dans le plan du comité. M. le Président donne lecture d’une lettre du ministre de la marine, qui fait parvenir à l’Assemblée des dépêches apportées de Saint-Domingue par l’aviso le Serein , expédié du Gap le 15 mars. (L’Assemblée renvoie ces pièces au comité des colonies.) M. Tronchet, qui était absent par coDgé, fait part de son retour à l’Assemblée. M. le Président annonce l’ordre du jour de la séance de demain. La séance est levée à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. REWBELL. Séance du jeudi 28 avril 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Rongins, secrétaire, fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier qui est adopté. Un membre présente une adresse des entrepreneurs des hôpitaux de la marine de Provence. (Cette adresse est renvoyée aux comités de marine et de liquidation.) M. le Président. Je viens de recevoir une adresse de la municipalité de Port-au-Prince, qui a envoyé des députés extraordinaires. Je ne ferai part à l’Assemblée que d’une phrase. Ils disent : « Si notre voix avait pu se faire entendre avec la même liberté qu’aujourd’hui,nous eussions protesté, comme nous le faisons en ce moment, que les intérêts du commerce de France seront toujours sacrés pour nous; que l’As: emblée nationale fixera seule la condition qui doit nous lier réciproquement, etc... » A cette adresse sont jointes différentes pièces. (L’Assemblée décrète le renvoi de l’adresse et des pièces annexées à son comité colonial.) M. le Président. J’ai reçu de M. de Menou, (1) Cette séance est incomplète an Moniteur. rapporteur de l’affaire d’Avignon, la lettre suivante : « Monsieur le Président, j’ai plus promis que je ne pouvais tenir et mes forces ne répondent as à ma volonté. Mon travail sera prêt aujour-’hui, mais il y a impossibilité physique que je puisse le lire à l’Assemblée, car je suis tellement fatigué que je ne pourrai pas lire un quart d’heure de suite et mon rapport tiendra près de deux heures de lecture, je suis très affligé de ce contre-temps; cependant j’espère que l’Assemblée me rendra assez de justice pour croire que je sacrifierai tout pour obéir à ses ordres et remplir ses intentions. J’espère, Monsieur le Président, que vous voudrez bien être mon interprète auprès de l’Assemblée. » « Je suis, etc. « Signé : Jacques de Menou. » M. Bonche. Le zèle de M. de Menou est sans doute louable; mais je puis m’étonner du long temps qu’il demande pour faire un rapport qui, dans ma manière de voir, n’est pas d’une haleine si difficile et si longue. Quoi qu’il en soit, Messieurs, comme les heures sont des années dans l’infortuné et intéressant pays du Gomtat Venaissin, et que dans une heure on peut y occasionner des désordres, y commettre des crimes, plus que dans une année entière de guerre extérieure, comme peut-être, d’après les dernières nouvelles arrivées, il est possible que dans ce moment la ville de Garpentras n’existe plus; comme il est possible dans ce moment que des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants soient égorgés; comme il est vrai que les campagnes et les granges sont brûlées, les troupeaux enlevés; comme il est vrai que tout le pays est dans la plus grande désolation et que nos départements voisins, dans ce moment, s’arment ou pour ou contre, il est instant que vous discutiez. Nous sommes instruits, cette affaire est connue. Il n’est pas nécessaire de nous donner la lecture préalable du rapport. (Murmures.) Il vous a été fait un rapport, Messieurs ; il vous a été distribué une multitude d’instructions qui ont parfaitement éclairé l’Assemblée, et il est temps, sans que vous perdiez une minute, que vous disiez oui ou non. Le comité est pour la réunion. M. Rougi ns. Je demande de doux choses l’une : ou M. de Menou prétend que son rapport est fini, il faut alors qu’il le communique à un autre pour en faire la lecture; ou bien ce rapport a été sans doute concerté dans les comités, alors on n’a besoin que de nous lire le projet de décret, tel qu'il a été adopté par le comité; la discussion sera ensuite ouverte. M. Rartineau. Il n’y a qu’à envoyer un huissier chez M. de Menou pour lui demander son rapport afin qu’il puisse être lu par une autre personne. Un membre demande que le rapport soit renvoyé à la séance de demain. M. d’André. J’appuie la motion de M. Martineau et je ne comprends pas l’impatience que montrent plusieurs personnes de vouloir traiter l’affaire d'Avignon sans entendre le rapport. L’affaire d’Avignon dépend de deux principes essentiels ; elle repose sur deux bases principales: la première qui est un point de droit exige de grands développements historiques. Elle consiste 374 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 avril 1791.] à savoir si Avignon et le Comtat Venaissin ont pu être vendus et séparés de l’Empire français. La seconde consiste à savoir si le vœu des habitants d’Avignon et du Comtat Venaissin, pour leur réunion à la France, est suffisante pour prononcer cette réunion et ici se présente une question secondaire : le vœu de la majorité des habitants est-il pour la réunion ? J’ai, pour ma part, donné mon opinion dans le comité diplomatique sur chacune de ces questions et je n’ai à me reprocher aucun retard; mais je crois indispensable que l’Assemblée, avant d’entamer la discussion, connaisse tous les détails de cette affaire. Aussi je conclus à ce que l’on envoie demander à M. de Menou son rapport et à ce qu'on en fasse faire la lecture par un membre de l’Assemblée. (L’Assemblée adopte la motion de M. Martineau, appuyée par M. d’André et charge son Président d’écrire de suite à M. de Menou.) M. d’André, au nom du comité diplomatique. Messieurs, votre comité diplomatique m’a chargé de vous rendre compte de l’affaire concernant le sieur Châlons, ci-devant aide-major à Belfort, qui s’était enfui lors du décret qui avait ordonné son arrestation, à raison des désordres auxquels il avait livré les soldats de cette garnison. Vous vous rappelez que, en vertu de votre décret, le sieur Châlons a été arrêté et conduit en prison à Belfort. On a prétendu, à ce moment, que cet officier avait été illégalement arrêté parce que, lorsqu’on l’a surpris, il se trouvait hors des terres de France et sur les terres de M. l’évêque de Bâle, prince de l’Empire. Sur la prétention de l’irrégularité de l’arrestation, l’Assemblée a renvoyé l’affaire à son comité diplomatique en le chargeant d’éclaircir et de vérifier les faits. Cette vérification a été faite ; il est constant aujourd’hui que le fuyard a été pris dans un village sous la domination "du prince évêque. Le comité diplomatique a communiqué ces renseignements aux députés d’Alsacequi, connaissant parfaitement les localités, en sont tombés d’accord. Une violation du droit des gens a donc été commise. D’après cela le comité a pensé qu’il était de la dignité de la nation française de rendre la liberté à un homme qui, coupable sans doute envers elle, a pour lui le droit des gens, droit qui sera désormais sacré pour les Français, et nous avons pensé que l’Assemblée nationale de France ne pouvait pas tolérer cette violation. Nous vous proposons donc de décréter que le roi sera prié d’ordonner de faire reconduire à la frontière le sieur Châlons pour y être mis en liberté. (Applaudissements.) (Cette motion est décrétée à l’unanimité.) M. d’André, au nom du comité diplomatique. Je dois maintenant vous entretenir de deux autres objets. A l’égard de l’un, je préviendrai des inquiétudes qu’on pourrait concevoir; à l’égard de l’autre, je répondrai aux inquiétudes qu’oa a conçues. Le comité diplomatique a reçu le 29 du mois passé une lettre de M. de Montmorin, ministre des affaires étrangères à laquelle était jointe une dépêche de la cour d’Espagne qui annonçait qu’elle avait cru qu’il était de son intérêt de former un cordon de troupes le long des frontières de France. Votre comité a été chargé de vous en rendre compte; mais je crois que le meilleur rapport que nous puissions faire est de vous lire la pièce elle-même. Voici d’abord la lettre de M. le comte de Fer-nan-Nunezà M. de Montmorin. « Paris le 28 mars 1791. « Monsieur, « J’ai l’honneur de vous adresser ci-joint une copie de la dépêche que je viens de recevoir de ma cour, au sujet des mesures que Sa Majesté catholique croit devoir prendre pour assurer la tranquillité des provinces espagnoles, limitrophes de la France. Le roi mon maître juge que le moyen qu’il prend est le plus convenable pour éviter que des gens malintentionnés et des vagabonds puis sent troubler, par des vues particulières, l’amitié et l’union qui subsistent si heureusement depuis longtemps entre les deux nations pour leur bonheur réciproque, et à laquelle Sa Majesté attache un si grand prix. Elle ne doute pas que Sa Majesté très chrétienne et son ministère, animés par les mêmes intérêts, ne prennent de leur côté toutes les mesures que les circonstances actuelles peuvent leur permettre, afin de contribuer à la nécessité d’un objet qui intéresse également les deux nations. « La langue espagnole étant parfaitement connue de Votre Excellence, je préfère de lui envoyer une copie exacte de la dépêche à en faire une traduction qui pourrait en altérer le sens... « J’ai l’honneur, d’être, etc. « Signé : FernaN-NüNEZ. » Voici maintenant la traduction de cette dépêche : « Madrid, le 19 mars 1791. « Dans l’impartialité avec laquelle le roi s’est conduit jusqu’à présent par rapport aux affaires intérieures de France, en dépit des faussetés et des impostures au moyen desquelles on a voulu séduire contre nous les habitants français, par des gens malintentionnés, Sa Majesté a donné les preuves les plus positives de son amour pour la paix et de ses désirs à conserver les liens d’amitié qui l’unissent avec le souverain et les sujets français. « Afin de ne pas donner le plus petit motif de plainte et de soupçon, après le désarmement que Sa Majesté finit de faire dans sa marine, elle a suspendu d’augmenter ses troupes, quoique l’état de son armée la nécessite et s’est abstenue de les placer dans des parages qui inquiétassent les habitants des frontières ; mais, nonobstant cette conduite prudente, on commence à éprouver que les désordres de quelques provinces immédiates à l’Espagne cherchent à se communiquer aux habitants de cette dernière, au moyen du passage d’un très grand nombre de malfaiteurs, spécialement par les frontières de Catalogne et d’Aragon, qui, réunis aux nôtres, pourront mettre en combustion beaucoup de districts, malgré leur fidélité éprouvée et leur disposition à se sacrifier pour leur roi et pour la tranquillité publique. « En conséquence de quoi, Sa Majesté ne pouvant manquer à la protection qu’elle doit à ses sujets, elle se voit obligée, cootre ses désirs, de former un cordon sur les frontières et d’empêcher, avec cette précaution, le passage des Français dont on n’aurait pas une grande connaissance et sûreté; et afin que la cour de France et son gouvernement, loin de former le moindre soupçon contre les dispositions pacifiques du roi,