36 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Art. III. - Cette dépense sera vérifiée et ordonnancée par la commission des administrations civiles, police et tribunaux; elle sera payée provisoirement, comme les autres dépenses concernant la commune de Paris. Art. IV. - Le présent décret ne sera imprimé que dans le bulletin de correspondance (130). Ce projet de décret est adopté (131). 63 [Conformément au décret d’avant hier] (132) Cambacérès donne lecture de son travail relatif au code civil. Il contient beaucoup de nouvelles vues qui sont vivement applaudies (133). La Convention nationale décrète que le projet de code civil qui lui a été présenté par son comité de Législation et le discours du rapporteur seront imprimés et distribués; elle ajourne la discussion sur le projet jusqu’après la distribution (134). [ Rapport sur le Code Civil fait au nom du comité de Législation, dans la séance du 23 fructidor an II, par CAMBACERES, député du département de l’Hérault ] (135) Représentans du Peuple, L’exercice des droits politiques est le principe de la liberté. L’exercice des droits civils est le principe du bonheur social et la sauve-garde de la morale publique. Régler les relations des citoyens avec la société, c’est établir l’ordre politique, régler les rapports des citoyens entr’eux, c’est établir l’ordre civil et fonder l’ordre moral. Combien grande est donc la mission du législateur! Investi par le peuple souverain de l’exercice du pouvoir suprême, tenant dans sa main tous les élémens sociaux, il les dispose, les arrange, les combine, les ordonne; et tel que l’esprit créateur, après avoir donné l’être (130) P.-V., XLV, 185-186. C 318, pl. 1285, p. 15. Débats, n° 726, 503-504; Moniteur , XXI, 715; J. Mont., n° 133; Mess. Soir, n° 752; M. U., XLIIÏ, 381-382. Partiellement reproduit dans Rép., n° 264; J. Fr., n° 715 présente les deux premiers articles du décret, le troisième est reproduit dans J. Fr., n° 716. Mentionné dans J. Perlet, n° 717. Décret n° 10 826 de la main de Cambon, rapporteur. (131) Moniteur, XXI, 715. (132) F. de la Républ., n° 430. (133) J. de Perlet, 719. (134) P.-V., XL V, 186. C 318, pl. 1285, p. 16. Le décret n° 10 810 est de la main de Cambacérès. Rapporteur : Cordier d’après C* II 20, p. 290. (135) Débats, n° 719, 390-1-10 et n° 726, 496-503. Moniteur, XXI, 716-719. Mentionné J. Mont., n° 133; Ann. R. F., n° 282; J. Perlet, n° 717; F. de la Républ., n° 430; Rép., n° 264; J. Fr., n° 715; Ann. Patr., n° 617; Mess. Soir, n° 752; C. Eg., n° 752; M. U., XLIII, 382; Gazette Fr., n° 983; J. Paris, n° 618. Selon la presse unanime, ce discours a été vivement applaudi. et la vie au corps politique, il lui imprime la sagesse qui en est comme la santé morale, et en assure la durée en dirigeant ses forces et ses mouvemens. Citoyens, vous avez rempli en grande partie la tâche honorable qui vous étoit imposée. Une constitution toute populaire est sortie de vos mains, et le gouvernement révolutionnaire, dirigeant toujours dans le même sens et vers le même but les efforts du peuple, est venu préparer les moyens de jouir de la liberté conquise et affermie. Hâtez vous d’achever votre ouvrage; élevez le grand édifice de la législation civile; et après avoir étabb et assuré les droits de la société, établissez et assurez les droits de chacun de ses membres. Trois choses sont nécessaires et suffisent à l’homme en société : Etre maître de sa personne; Avoir des biens pour remplir ses besoins; Pouvoir disposer, pour son plus grand intérêt, de sa personne et de ses biens. Tous les droits civils se réduisent donc aux droits de liberté, de propriété et de contracter. Ainsi, les personnes, les propriétés et les conventions sont les trois objets de la législation civile. Au moment où l’homme voit le jour, la société le signale; c’est un nouvel élément ajouté au corps politique; elle l’inscrit au registre des âges, et le désigne par les deux relations qu’il apporte en naissant, celle qu’il a avec les auteurs de ses jours. Il a donc fallu d’abord fixer les caractères auxquels la loi reconnoit un père et un fils; et après avoir posé le principe de ce lien, quand c’est la nature qui le forme, on a dû parler de cette paternité civile que crée la bienfaisante adoption. Ici, nous vous devons quelques éclaicisse-mens sur les points principaux de notre projet, en ce qui concerne l’état des personnes. Il existe une règle d’autant plus sacrée, qu’elle n’a d’autre origine que l’origine même de la société; d’autant plus respectable, que tous les peuples l’ont respectée; et d’autant plus nécessaire, qu’elle assure la tranquillité et la perpétuité des familles : c’est la loi qui veut que le mariage indique le père; mais en plaçant cette règle parmi les bases de notre législation civile, nous vous proposons de faire tomber d’un seul mot toutes les questions sur les posthumes; questions ridicules, que l’ignorance et le préjugé ont tant de fois décidées au mépris de la nature et de l’expérience. Une loi sage a déjà fait disparoitre toute la différence entre ceux dont la condition de-voit être la même. Nous n’avons eu qu’à rappeler cet acte de justice; mais, en mettant au même rang tous les enfans qui sont reconnus par leur père, il faut bannir de la législation française l’odieuse recherche de la paternité. Cependant il est juste de réserver à l’enfant la preuve de la filiation contre sa mère; car le fait de l’enfantement n’est pas comme celui de la conception, couvert d’un voile impénétrable. Enfin, nous avons organisé l’adoption; institution morale, ressource contre la stérilité, nouvelle nature qui supplée au défaut de la SÉANCE DU 23 FRUCTIDOR AN II (9 SEPTEMBRE 1794) - N° 63 37 première; qui, sans multiplier les êtres, multiplie les familles, augmente les relations par les sentimens, bienfait de la législation qui ajoute un lien de plus à la société. L’adoption imite la nature. C’est une raison pour accorder à tous les sexes le droit d’adopter, pour exiger qu’il y ait entre l’adoptant et l’enfant adoptif la distance de la puberté, pour ne pas souffrir qu’un des époux puisse adopter sans le consentement de l’autre. L’existence des enfans ne nous a pas paru devoir être un obstacle à l’adoption. Pourquoi refuser à un père la satisfaction de le devenir encore? Il pourroit multiplier sa famille en suivant l’attrait qui l’appelle à la génération; et lorsqu’un sentiment plus délicat l’appelle à la compassion, à la bienfaisance, il seroit obligé de fermer son cœur!... tout seroit accordé aux sens, tout seroit refusé à la vertu!... L’adoption doit être irrévocable de la part de celui qui adopte. Il importe de mettre un frein à la légèreté, et encore plus d’enchainer les cœurs dépravés, qui bientôt fatigués du bien, voudroient faire de la vertu un remords et d’un bienfait un repentir; mais le principe qui lie à jamais le père adoptif ne sauroit être appliqué à l’enfant adopté. Il doit être libre de prendre ou de rejeter avec réflexion la qualité de fils et tous les devoirs qu’elle impose. Adopté dans un âge où sa raison n’étoit point formée, il doit être admis à prononcer son vœu lorsqu’elle est parvenue à sa plénitude. L’homme naît foible, impuissant; il naît avec ses droits et ses facultés; mais, comme s’il les avoit perdus en naissant, il ne peut ni réclamer ses droits, ni exercer ses facultés; et c’est cet état d’enfance, cette foiblesse, soit physique, soit morale, qui forme ce qu’on appelle la minorité. Dans cet état, l’homme a besoin d’appui, de soutien. Les premières années de sa vie sont confiées aux soins de ceux qui la lui ont donnée. Les premiers tuteurs sont les pères et les mères. Qu’on ne parle plus de puissance paternelle. Loin de nous ces termes de plein pouvoir, d’autorité absolue, formule de tyran, système ambitieux que la nature indignée repousse, qui n’a que trop déshonoré la tutelle paternelle en changeant la protection en domination, les devoirs en droits, et l’amour en empire. S’il est des peuples libres, soumis à un système aussi impolitique que barbare, c’est qu’il faut de grands exemples pour détruire de grands préjugés. Que l’exemple d’une grande nation apprenne donc à ne plus confondre les clameurs de l’opinion avec la voix de la nature. N’hésitons pas à renverser un système qui a fondé sur l’autorité seule ce qui doit n’être établi que sur la douceur et les bienfaits d’un côté, le respect et la gratitude de l’autre. Le pouvoir des pères sur leurs enfans ne sera donc parmi nous que le devoir de la protection; et si nous accordons aux pères et aux mères la jouissance des biens de leurs enfans mineurs, c’est qu’il nous a semblé juste de prévenir des débats d’intérêts qui empoisonneraient les charmes de la plus étroite des liaisons, et contrarieraient des lois qui doivent toujours tendre à la morale. A défaut des pères et des mères, ce sont les ayeux des deux sexes que la nature et la loi appellent à la tutelle. Si cette ressource manque, le choix du père ou de la mère survivant indiquera le tuteur; enfin, s’il n’y a ni ascendant ni tuteur choisi c’est la famille qui le nomme. Le devoir de la tutelle prend sa source dans la fin de la production de l’homme et dans la foiblesse de l’être produit; la tutelle est donc une obligation pour tous les citoyens. La patrie a le droit d’exiger d’eux qu’ils lui élèvent un citoyen : l’humanité leur commande de ne pas abandonner leur semblable. Après avoir déterminé les effets de la tutelle naturelle, il importe de fixer ceux de la tutelle étrangère; de là les précautions prises pour que le tuteur ne pût jamais substituer son intérêt à celui du pupille. Celle qui nous a paru la plus assurée a été de mettre le tuteur lui-même sous la tutelle de la famille. La tutelle finit lorsque celui qu’elle protège n’a plus besoin que de lui-même. Là, le pupille disparaît, et l’homme commence avec le citoyen. Puisque le droit de cité ne dépend que des qualités personnelles, puisqu’il n’est suspendu qu’autant que dure l’incapacité de l’exercer, l’homme doit en jouir aussitôt qu’il devient maître de lui-même, aussitôt qu’il entre dans l’exercice de son droit de propriété personnelle. La majorité est donc l’introduction de l’homme dans l’état social : elle est fixée à vingt-un ans. Le citoyen qui a une fois acquis la jouissance de ses droits civils, ne peut plus les perdre, qu’en perdant l’usage de sa raison; et dans cet état d’infirmité, il doit être assimilé au mineur; c’est-à-dire, aussi sacré dans sa personne que dans ses biens. L’homme introduit dans l’état social, quelle sera la place qu’il doit occuper dans ce nouvel ordre de choses ? La nature et la société la lui assignent. La nature produit tout; mais c’est à l’homme à produire l’homme. La nature a tout fait pour l’homme; mais c’est à l’homme à donner à la nature des êtres qui admirent ce qu’elle a fait, qui en jouissent et rendent à cette mère commune le tribut de leur gratitude. En admettant l’homme dans son sein, la société veut l’y attacher; elle veut resserrer et multiplier ses relations pour resserrer et multiplier ses liens. Elle ne trouve des enfans qu’en ceux dont l’existence est pour ainsi dire répandue sur plusieurs individus et qui, par conséquent, ayant plus à perdre, sont plus intéressés à l’ordre social; ajoutons qu’une des fins de la société est sa perpétuité, et que c’est de cette perpétuité que dérivent sa force, la solidité de son gouvernement, et de ses lois et de ses mœurs. Le mariage est donc la loi primitive de la nature, ou plutôt c’est la nature en action. Le célibat est un vice que le législateur doit poursuivre; mais c’est moins par des moyens vio- 38 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE lens qu’il doit le combattre, que par des moyens doux et insensibles. La liberté personnelle étant la première dans l’ordre de la nature, elle doit être la plus respectée. Ce seroit une contradiction étrange qu’une loi qui établiroit la liberté des biens et l’esclavage des corps, qui rendrait le même homme maître de ses actions, et ne le laisserait pas maître de sa personne. C’est donc plutôt par des lois qui favorisent les unions que par des lois qui punissent ceux qui les fuient; c’est plutôt en honorant le mariage qu’en défendant le célibat qu’il faut combattre le célibataire. Il est plus sage d’empêcher le mal en le prévenant qu’en le punissant. La peine arrête l’action, mais ne corrige pas la volonté. Les lois prohibitives ne font guère que des hypocrites, et elles annoncent dans le législateur l’impuissance de ses moyens. Ce que la volonté a fait, la volonté peut le changer. La volonté des époux fait la substance du mariage. Le changement de cette volonté en opère la dissolution : de là le principe du divorce. Le divorce est le surveillant et le modérateur du mariage. Sans le divorce, le mariage seroit souvent un supplice cruel, une source d’immoralité et de corruption plus féconde que le célibat même. Le divorce est fondé sur la nature, sur la raison, sur la justice. Le droit de liberté personnelle, est le droit de disposer de soi. Il est juste qu’une union formée pour le bonheur de deux individus, cesse dès que les deux individus, ou que l’un des deux n’y trouve plus le bonheur qu’on y a cherché. Qui pourrait exiger du cœur de l’homme qu’il reste attaché là où il ne se sent pas heureux? Tel est donc l’avantage du divorce : il répare l’erreur; et si la volonté humaine est d’elle même si foible, si légère, si inconstante; si l’objet qui a su l’attacher si fortement n’a pas toujours le pouvoir de la fixer, qui osera imposer à l’homme le joug d’un lien indissoluble, indestructible? Exiger du cœur humain ce qui est au dessus de ses forces, c’est faire des malheureux sur l’autel même de la nature. Et qu’on n’appréhende point la fréquence et les effets du divorce. Il n’y aura pas de divorce lorsque les unions seront le fruit du choix, de la raison et non de la passion ou de l’intérêt. Qu’on forme les mœurs, et les divorces seront rares. Sous les mœurs simples de la République, le romain ignora le divorce : sous les mœurs corrompues de la monarchie impériale, le divorce fut aussi fréquent que le mariage. La sympathie des caractères, l’estime, la confiance réciproque, l’amour des enfans : voilà ce qui écartera le divorce, voilà ce qui peut rendre le mariage indissoluble. L’indissolubilité n’étant point une loi de la nature, elle ne saurait être une loi de la société conjugale. Des évènemens imprévus peuvent entraîner le citoyen loin de son domicile, le dérober à la société, faire douter s’il n’est pas perdu pour la patrie, pour ses amis, pour sa famille. Ce doute, après un laps de temps, doit se convertir en certitude, afin que la propriété des biens de l’absent ne demeure pas toujours incertaine. Là il faut caractériser l’absence, il faut examiner une question importante, essentiellement liée à l’état des citoyens : c’est la question de domicile. Tout domicile, dans le sens propre, est le lieu de la résidence habituelle; mais comme cette résidence peut être difficile à distinguer, il est nécessaire d’en déterminer les caractères. Quoique le citoyen appartienne à la République, quoiqu’il soit chez lui par-tout où il est sur le territoire de la société, il faut que la loi lui assigne un lieu. Le citoyen n’est pas un être errant, il doit se fixer; et la liberté qui lui appartient, ne le dispense pas d’une permanence nécessaire pour l’accomplissement de ses devoirs civiques. Si l’homme se suffisoit à lui même, s’il n’a-voit besoin que du droit de propriété personnelle, semblable à ce philosophe de l’antiquité, il porterait tout avec lui, et ne courrait pas après des biens qui lui seraient inutiles; mais la nature l’a fait naître dans le besoin; elle a attaché son existence au travail : il lui faut des biens, il lui faut des propriétés; son industrie même est une propriété pour lui. Plus on médite sur le contrat qui unit tous les Français, plus on incline à penser qu’il ne devrait y avoir parmi nous que deux espèces de propriété : la propriété nationale et la propriété particulière. Néanmoins cette opinion n’a point prévalu; on a cru qu’il étoit nécessaire de maintenir une distinction, utile sous quelques rapports, consacrée d’ailleurs par l’habitude, et que le droit de propriété sur les biens pouvoit être, sans inconvénient, entre les mains de la nation, ou entre les mains des communes, ou entre les mains des particuliers. Entre les mains de particuliers, ce droit est susceptible de diverses modalités; mais est-il transmissible après que la mort a mis un terme à notre existence? Tel est un des principaux objets des méditations du législateur qui donne des lois à un peuple naissant ou à une nation régénérée. Vous avez déjà consacré vos principes sur cette importante matière, dans les célèbres décrets des 5 brumaire et 17 nivôse : il ne s’agit plus que de placer dans le code de nos lois civiles ces monumens de votre sagesse. Les froissemens de l’intérêt particulier ont d’abord excité quelques plaintes sur les dispositions que vous avez adoptées; mais le peuple a applaudi à une résolution juste en elle-même, sollicitée par l’intérêt social et par l’intérêt domestique. Vous ne rétrograderez point dans la carrière; vous n’oublierez pas que l’immutabilité est le premier caractère d’une bonne législation. Les lois, une fois rédigées, deviennent un dépôt sacré. D’ailleurs notre ordre successif est concordant avec nos lois politiques; il est fondé sur des bases prises dans le vœu de la nature : le lien du sang en est le principe; il maintient en outre la balance et la division des propriétés; sous ce rapport il doit être considéré comme une source de prospérité publique. Dans un état organisé, il ne peut exister de biens sans propriétaires. La propriété est SÉANCE DU 23 FRUCTIDOR AN II (9 SEPTEMBRE 1794) - N° 63 39 ordinairement réunie à la possession; quelquefois aussi elle en est séparée. Il est de l’intérêt général que les propriétés ne demeurent pas incertaines : de-là la nécessité de convertir en preuve, après un temps déterminé, la présomption de propriété résultant de la possession; de-là l’origine de la pres-ription. Mais, de même que les propriétés ne doivent pas être toujours incertaines, les dettes ne doivent pas toujours subsister; et, lorsque depuis le moment où elles ont été contractées, il s’est écoulé un temps considérable pour qu’on puisse croire que le créancier eût exigé le paiement, le débiteur doit être libéré. L’homme, quoique propriétaire de sa personne et de ses biens, ne peut jouir pleinement du bonheur qu’il a droit d’attendre de la société, si elle ne lui accorde, ou plutôt si elle ne lui laisse le droit de disposer à son gré de cette double propriété. Il n’est pas heureux, s’il n’est pas libre dans le choix de ses jouissances : le bonheur de l’homme consiste bien plus dans la manière de jouir, que dans la jouissance même; chacun compose son bonheur des élémens de son choix. De-là naît le droit de contracter, qui n’est que la faculté de choisir les moyens de son bonheur. Tout contrat est essentiellement un échange; il suppose donc un remplacement par équipollent, un concours et un engagement respectif de deux ou de plusieurs personnes. La pensée d’une obligation est donc inséparable de l’idée d’un contrat. La loi prescrit des devoirs individuels : les hommes, en réglant entr’eux les transactions sociales, s’imposent eux-mêmes des engage-mens qu’ils forment, étendent, limitent et modifient par un consentement libre. Il seroit donc superflu de vous présenter l’analyse des règles que nous avons cru devoir recueillir, et qui pour la plupart sont observées parmi nous. La première de toutes, la plus inviolable, est celle qui ordonne de respecter le contrat aussitôt qu’il est l’effet d’une volonté libre et éclairée. La loi en fait une obligation, et la probité un devoir. Il est permis de chercher son intérêt; mais il ne l’est pas de le chercher aux dépens de l’intérêt d’autrui; il ne l’est pas de fouler aux pieds le fondement de tous les engagemens, la bonne foi. Laissons aux perfides Carthaginois la honte de l’antique proverbe de la foi punique, qui a flétri plus d’une moderne Carthage. Le peuple français ne doit et ne veut connoître d’autre intérêt ni d’autres moyens de le conserver, que la franchise, la droiture, la fidélité à tenir ses engagemens. Citoyens, nous avons donc avancé une vérité, lorsque nous avons dit en commençant, que le code civil établissoit l’ordre moral. Les lois sont la semence des mœurs; si les hommes ont les lois, les lois à leur tour ont formé les hommes. Et le plus grand, le plus beau spectacle de la terre, c’est un peuple heureux par ses lois; mais, pour y parvenir, deux moyens sont nécessaires : la fermeté dans le gouvernement, la stabilité dans les lois. Les premiers peuples ont gravé leurs lois sur la pierre et l’airain; espèce d’emblème de leur durée et de leur perpétuité : et nous, plus éclairés, nous graverons les nôtres dans les cœurs avec le burin de la liberté; mais quelle sanction leur donnerons nous? Les sermens?... Le crime les enfreint, et la vertu s’en offense... Les autels et les dieux?... Minos se vantoit d’avoir appris de Jupiter les lois qu’il donnoit aux crétois. Solon, Lycurgue, Numa, Platon même ne proposent aucune loi qu’ils ne veulent qu’on croie venir du ciel et confirmées par les oracles. Qu’est-il arrivé? Les lois ont péri avant les peuples, et les lois sont tombées avec les oracles. Quelle garantie pour des lois que la superstition! Quelle sanction pour des lois que des oracles menteurs !... Pour nous, plus sages, nous, libres de tous préjugés, nos lois ne seront que le code de la nature, sanctionné par la raison et garanti par la liberté. Citoyens, hâtons cet heureux évènement : vainqueurs au-dehors par les armées, soyons heureux au-dedans par de bonnes lois, par l’attachement aux lois, par l’obéissance aux lois. Voilà le gage de la félicité publique. Le plus sage des hommes aima mieux mourir que d’y porter atteinte; et placé entre l’amour de la vie et l’amour des lois, Socrate préféra la ciguë. C’est être libre en effet que d’être esclave des lois; et, selon la pensée d’un ancien, le grand Etre lui-même, soumis aux lois qu’il a établies, n’a commandé qu’une fois, et il obéit toujours. CODE CIVIL La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de CAMBACÉRÈS, au nom] de son comité de Législation, décrète ce qui suit (136) : LIVRE PREMIER DES PERSONNES Titre premier. Dispositions préliminaires Article premier. - Les Français exercent leurs droits politiques selon le mode déterminé par la Constitution. Art. IL - Les lois qui organisent les pouvoirs constitués, forment leur droit public. Celles qui règlent les rapport des citoyens entr’eux, composent leur droit privé. Art. III. - Le droit privé embrasse : L’état des personnes, les propriétés, les transactions sociales. Art. IV. - Le citoyen appartient à la patrie. Les actes qui constatent son état civil, sont inscrits sur des registres publics. Art. V. - Les étrangers, pendant leur résidence en France, sont soumis aux lois de la République. (136) Débats, n° 719, 11-57. Ce rapport fait l’objet d’une publication indépendante, annexée à ce numéro. 40 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Ils sont capables de tous les actes qu’elles admettent. Titre II. De la paternité et de la filiation. Art. VI. - L’enfant a pour père, celui que le mariage désigne, ou celui qui le reconnoît dans les formes prescrites, ou celui qui l’adopte. Art. VII. - Celui qui est né dans le dixième mois de la dissolution du mariage, n’est point l’enfant du mari décédé ou divorcé. Art. VIII. - L’enfant d’une femme non mariée ne peut être reconnu que par l’homme qui n’étoit pas marié neuf mois avant la naissance de cet enfant. Art. IX. - Toute reconnoissance est sans effet, si elle n’est confirmée par l’aveu de la mère, quand elle peut le d.onner. Art. X. - La loi n’admet pas la recherche de la paternité non avouée. Elle réserve à l’enfant méconnu par sa mère, la faculté de prouver contre elle sa filiation. Art. XI. - Les majeurs de l’un et de l’autre sexe peuvent seuls adopter, soit qu’ils aient des enfans ou qu’il n’en aient pas. Art. XII. - Les époux peuvent adopter en commun : l’un d’eux ne peut adopter en particulier sans le consentement de l’autre. Art. XIII. - Celui qui a atteint l’âge de quinze ans accomplis, ne peut être adopté. Art. XIV. - L’adoptant doit avoir quinze ans de plus que l’adopté. Art. XV. - L’adoption est irrévocable de la part de ceux qui adoptent. L’enfant adoptif peut y renoncer après sa majorité. Art. XVI. - L’enfant adoptif sort de sa famille primitive. Il deméure étranger à la famille de ceux qui l’adoptent, dans tous ses degrés directs ou collatéraux. Titre III. Des mineurs et de la tutelle. Art. XVII. - L’enfant est placé par la nature et par la loi : Sous la surveillance de son père et de sa mère, ou du survivant d’entre eux. Ils ne peuvent en être privés que dans des cas et pour des causes déterminés. Art. XVIII. - Ils se conforment, pour son éducation, aux lois sur l'instruction publique. Ils jouissent du revenu de ses biens jusqu’au moment où il en faist l’administration. Ils lui doivent des alimens dans tous les âges de sa vie, lorsqu’il est hors d’état de travailler. Ils ont aussi le droit d’en exiger de sa part, quand ils sont dans le besoin. Art. XIX. - L’enfant, privé de son père et de sa mère, est sous la tutelle de ses ascen-dans les plus proches. En cas de concours, la famille décide auquel d’entre eux la tutelle doit être déférée. Art. XX. - Lorsqu’il n’y a point d’ascendant, le dernier mourant des pères et mères a le droit de choisir un tuteur. Ce choix doit être confirmé par la famille. Art. XXI. - S’il n’y a point de tuteur choisi, la tutelle est déférée par la famille. La municipalité donne un tuteur à celui qui n’a point de parens. Art. XXII. - La loi ne dispense de la tutelle que ceux qui sont dans l’impossibilité d’en remplir les obligations. Art. XXIII. - Elle en exclut ceux qui sont notés par leur inconduite ou leur incivisme. Cette exclusion a lieu, même à l’égard des pères, mères et autres ascendans. Art. XXIV. - Le tuteur surveille la personne du mineur. Il administre ses biens. Il ne peut, ni les prendre à ferme, ni les acheter. Art. XXV. - Les biens immeubles des mineurs ne peuvent être aliénés ou hypothéqués; Excepté, pour les dettes onéreuses, exigibles, ou pour des réparations d’une nécessité urgente. Art. XXVI. - Ces causes sont vérifiées par la famille en présence du juge. Art. XXVII. - Le tuteur rend compte chaque année à la famille. Art. XXVIII. - Après l’audition du compte de tutelle, la famille règle la dépense du mineur et celle qui est nécessaire pour l’administration de son bien. Elle ordonne, s’il y a lieu, l’emploi de l’excédant du revenu. Art. XXIX. - Le mineur peut, à l’âge de 18 ans, jouir de la libre administration de ses biens, s’il se marie, s’il est dans le commerce, s’il exerce un art ou métier, si sa famille juge qu’il a la maturité d’esprit nécessaire pour la conduite de ses affaires. Titre IV. Des majeurs. Art. XXX. - La majorité est fixée à 21 ans accomplis. Art. XXXI. - Le majeur est capable de tous les actes de la vie civile. Art. XXXII. - Il cesse de l’être par interdiction générale. Art. XXXIII. - Celui qui n’a pas habituellement l’usage de sa raison doit être interdit. Art. XXXIV - L’interdit est assimilé au mineur pour sa personne et pour ses biens. Titre V. Du mariage. Art. XXXV. - L’homme ne peut se marier avant l’âge de 15 ans révolus, et la femme avant celui de 13. Art. XXXVI. - Le mineur ne peut se marier sans le consentement de son père et de sa mère. Art. XXXVII. - Si l’un des deux est mort ou dans l’impossibilité de manifester sa volonté, le consentement de l’autre suffit. Art. XXXVIII. - Le mineur orphelin qui veut se marier, demande le consentement de sa famille. Art. XXXIX. - Elle doit s’expliquer dans le mois. Art. XL. - En cas de refus, les arbitres publics prononcent. Art. XLI. - Avant la dissolution d’un premier mariage, on ne peut en contracter un second. 41 SÉANCE DU 23 FRUCTIDOR AN II (9 SEPTEMBRE 1794) - N° 63 Art. XLII - Le mariage est prohibé entre les parens en ligne directe, entre les alliés dans cette ligne, entre le frère et la sœur. Art. XLIII. - Le mariage est précédé d’une publication. TITRE VI. Des droits des époux. Art. XLIV. - Il y a communauté de biens entre les époux, et droit égal à leur administration, s’il n’en a été autrement convenu. Art. XLV. - Cette communauté se compose de leurs effets mobiüers, des fruits, profits et revenus qui leur appartiennent, des immeubles qu’ils acquièrent pendant le mariage. Art. XLVT. - Elle finit par la mort, par le divorce, par le consentement mutuel des époux. Art. XLVII. - Les époux peuvent s’avantager à leur gré, même par des actes postérieurs au mariage. Art. XLVIII. - S’il existe des enfans lors de leur décès, ces avantages sont restreints à l’usufruit des choses qui en sont l’objet. Art. XLVIX. - Néanmoins ils ne peuvent, dans ce cas, excéder la moitié du revenu de la totalité des biens. Art. L. - Les avantages sont limités à l’usufruit d’une portion héréditaire, lorsqu’à l’époque où le mariage est contracté, l’époux donateur a déjà des enfans qui lui survivent. Titre VII. Du divorce. Art. LI. - Le mariage se dissout par le divorce. Art. LU. - Le divorce a lieu, ou par le consentement mutuel des époux, ou par la volonté d’un seul. Art. LUI. - L’épouse divorcée ne peut se marier avec un autre époux que dans le dixième mois après le divorce. Art. LIV. - Toute stipulation d’avantages singuliers ou réciproques entre les époux, est anéantie par le divorce. Art. LV. - Les enfans des divorcés sont confiés à l’un ou l’autre des époux, selon qu’ils en conviennent. Art. LVI. - S’il survient, à cet égard, des difficultés, il y est pourvu par la famille. Titre VIII. Des absens. Art. LVII. - Celui qui s’est éloigné depuis six mois du lieu de son domicile, sans donner de ses nouvelles, ou sans avoir laissé un fondé de pouvoirs, est réputé absent. Art. LVIII. - Le domicile est là où les citoyens fixent leur établissement et le siège principal de leur fortune. Le domicile du mineur et de l’interdit est celui du tuteur. Le domicile de la femme mariée est celui de son mari. Art. LIX. - La famille de l’absent choisit pour gérer ses biens un administrateur provisoire. Art. LX. - Cette administration et la gestion du fondé de pouvoirs de l’absent cessera après cinq ans, si celui-ci n’a pas donné de ses nouvelles. Art. LXI. - Alors les héritiers sont envoyés provisoirement en possession de ses biens. Art. LXII. - L’absent conserve ses droits de successibilité, mais l’exercice en est suspendu. Art. LXIII. - Les dispositions relatives à l’aliénation des biens des mineurs sont communes à ceux des absens. Art. LXIV. - Après trente ans, sans nouvelles ou retour, soit de l’absent, soit de ses enfans, les envoyés en possession provisoire de ses biens en demeurent irrévocablement propriétaires. LIVRE II Titre premier. Des biens. Art. LXV. - Les biens sont meubles ou immeubles. Art. LXVI. - Ils appartiennent ou au corps entier de la nation, ou aux commîmes, ou aux particuliers. Art. LXVII. - Les biens nationaux sont toutes les portions du territoire national qui ne sont pas susceptibles d’une propriété privée; les biens vacans; les biens que la nation a retirés des mains des corporations et du tyran; les biens qu’elle confisque. Art. LXVIII. - Les mines sont toujours à la disposition de la nation. Ceux à qui elles appartiennent ne peuvent les exploiter que de son consentement et sous sa surveillance. Art. LXIX. - Les communes ne peuvent acquérir ni aliéner qu’avec [ illisible ] du corps législatif. Art. LXX. - On jouit des biens comme propriétaire, comme usufruitier. Art. LXXI. - Le propriétaire a le droit de jouir et de disposer conformément à la loi. Titre IL De l’usufruit. Art. LXXII. - L’usufruitier jouit d’une chose dont un autre a la propriété. Art. LXXIII. - L’usufruitier ne peut ni détériorer, ni dénaturer les biens, ni en changer la destination. Art. LXXTV. - Il n’est soumis qu’aux réparations d’entretien. Art. LXXV. - Il acquitte toutes les charges dont le bien est grevé. Art. LXXVI. - Il peut vendre, donner, céder ou louer l’exercice de son droit. Art. LXXVII. - L’usufruit s’éteint, par la mort naturelle ou civile de l’usufruitier; par la perte totale de la chose sur laquelle il est constitué. Art. LXXVTII. - L’usufruit peut être restreint par l’acte qui le constitue. Titre III. Des services fonciers. Art. LXXIX - Il n’y a point de services fonciers sans titres. Art. LXXX. - Néanmoins la loi en établit pour l’intérêt général. Ainsi les lieux inférieurs doivent souffrir tous les inconvéniens que la 42 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE situation des lieux supérieurs leur cause naturellement et sans main d’œuvre. Le propriétaire de l’héritage supérieur ne peut intercepter le cours des eaux dont la source n’est pas dans son fond. Le propriétaire du fonds voisin d’un chemin public devenu impraticable, est tenu d’y livrer passage tant que ce chemin n’est pas rétabli. Le propriétaire des bords d’une rivière navigable, doit y laisser un espace suffisant pour le service public. Nul ne peut, moyennant une juste indemnité, refuser passage à un voisin dont l’héritage n’a point d’issue. Un propriétaire, en usant de son droit, ne peut jamais nuire à la propriété de son voisin. Art. LXXXI. — Le propriétaire d’un fonds peut aussi le grever de services fonciers pour l’avantage du fonds au profit duquel il les établit. Art. LXXXII. - Le propriétaire du service foncier ne peut s’en servir que pour l’héritage à raison duquel il lui est dû. Art. LXXXIII. — Il doit en user de la manière la moins incommode à l’héritage qui lui est soumis. Art. LXXXIV. - Les services fonciers non établis par la loi, s’éteignent par l’abandon des objets qui y sont sujets, par la prescription. Titre IV. Des rentes foncières. Art. LXXXV. - En disposant de son fonds, tout propriétaire peut s’y réserver une redevance fixe. Cette redevance constitue la rente foncière. Art. LXXXVI. - Elle n’est due par le détenteur du fonds qu’à cause du fonds même, et il peut toujours s’en décharger pour l’avenir, en abandonnant le fonds. Art. LXXXVTI. - Elle est essentiellement rachetable. Titre V. Des manières d’acquérir la propriété. Art. LXXXVIII. - La propriété s’acquiert : par l’occupation, par l’accession, par la tradition, par la donation, par la succession, par la prescription. Art. LXXXIX. - De l’occupation. Ce qui n’appartient à personne devient la propriété de celui qui s’en saisit le premier. Art. XC. - De l’accession. Le propriétaire acquiert de plein droit ce qui s’unit et s’incorpore à sa propriété. Art. XCI. — De la tradition. La tradition s’opère par l’acte qui a pour objet de transférer la propriété. Art. XCII. - Elle s’opère encore par la délivrance réelle, lorsqu’il s’agit de marchandises ou d’effets mobiliers. Titre VI. Des donations. Art. XCIII. - Pour donner il faut être majeur. Art. XCIV. - On peut donner entre-vifs ou à cause de mort. Art. XCV. - Celui qui n’a pas de parens peut donner tout son bien. Art. XCVI. - On ne peut donner au-delà du dixième, quand on a des parens en ligne directe; et du sixième, quand on n’ a que des parens collatéraux. Art. XCVII. - Toute donation faite à autre qu’un successible, est réductible à la portion dont la loi permet de disposer. Art. XCVIII. - Les donations faites à des héritiers successibles sont aussi réduites à la portion légale du donataire dans la succession du donateur. Art. XCIX. - Les réductions s’opèrent à compter du jour de décès du donateur, et les fruits des portions réduites ne sont dus que depuis cette époque. Art. C. - On ne peut donner à celui qui possède un revenu de cinquante bards de bled. Les donataires, dans ce cas, sont forcés de restituer aux héritiers du donateur, même les fruits, à compter du jour de leur entrée en possession. Art. CI. - Les donations entre-vifs sont irrévocables. Art. CIL - Le donateur peut cependant stipuler le droit de retour. Art. CIII. - Les donations à cause de mort sont toujours révocables jusqu’au trépas. v Art. CIV. - Pour leur validité, il suffit qu’elles soient écrites de la main du donateur. Les donations entre vifs sont nécessairement reçues par des officiers publics. Art. CV. - Dans toute espèce de donations, les conditions impossibles, les dispositions contraires aux lois et aux mœurs, celles qui porteroient atteinte à la liberté du donataire et aux droits de l’homme et du citoyen, sont réputées non écrites. Titre VII. Des successions. Art. CVI. - Les successions s’ouvrent par la mort naturelle et par la mort civile. Art. CVII. - Les enfans et descendans du défunt lui succèdent. Art. CVIII. - A défaut de descendans, la succession appartient aux pères et mères, et à défaut, aux autres ascendans. Art. CIX. - Les parens collatéraux succèdent, lorsque le défunt n’a point laissé de parens en ligne directe. Art. CX. - La Nation succède à celui qui n’a point de parens. Art. CXI. - La loi exclut des successions les personnes dont elle ne reconnoît plus l’existence. Art. CXII. - L’enfant reconnu dans les formes prescrites, a les mêmes droits de suc-cessibilité que l’enfant né dans le mariage. Art. CXIII. - La part héréditaire de l’enfant adoptif est fixé aux deux tiers de la portion échue à chacun des enfans du sang. Néanmoins elle ne peut s’élever au-delà d’un capital produisant un revenu annuel de quinze bards de froment. Art. CXIV. - Lorsqu’il n’y a point d’enfans du sang, l’enfant adoptif prend, à son choix, ou une portion égale à celle des héritiers col- 43 SÉANCE DU 23 FRUCTIDOR AN II (9 SEPTEMBRE 1794) - N° 63 latéraux ou le maximum établi par l’article précédent. Art. CXV. - Il n’y a point de différence dans la nature des biens, ni dans leur origine, pour en régler la transmission. Art. CXVI. - La représentation a lieu à l’infini en l’une et l’autre ligne. Art. CXVII. - Néanmoins les ascendans succèdent par tête et sans représentation. Art. CXVIII. - La représentation fait entrer les représentans, dans la place, dans le degré, et dans les droits du représenté. Art. CXIX. - En toutes successions collatérales on fait deux parts égales, l’une pour la ligne paternelle, l’autre pour la ligne maternelle. Art. CXX. - Les plus proches parens du défunt, dans chaque ligne ou ceux qui les représentent, sont préférés. Art. CXXI. - Les représentans, dans chaque branche, partagent entre eux également la portion du représenté. Art. CXXII. - Les parens d’une ligne ne succèdent pour le tout, qu’à défaut de parens dans l’autre ligne. Art. CXXIII. - Le double lien n’a aucune préférence. Art. CXXIV. - Si des parens collatéraux descendent tout-à-la-fois des auteurs de plusieurs branches appelées à la succession, ils recueillent cumulativement la portion à laquelle ils sont appelés dans chaque branche. Art. CXXV. - Nul n’est tenu de recueillir la succession qui lui est échue. Art. CXXVI. - Celui qui a recueilli une succession, peut y renoncer en tout temps, pourvu qu’il ait fait inventaire. Art. CXXVII. - Celui qui accepte sans faire inventaire, est tenu indéfiniment des dettes du défunt. Art. CXXVIII. - La portion de celui qui renonce à une succession, accroît à ceux qui l’acceptent, lorsqu’elle n’est acceptée, ni par ses créanciers, ni par ses ascendans. Art. CXXIX. - On ne peut renoncer à la succession d’un homme vivant, ni aliéner les droits éventuels qu’on peut y avoir. Art. CXXX. - Celui qui est appelé à une succession, doit rapporter les avantages, soit directs, soit indirects, qu’il a reçus du défunt. Art. CXXXI. - Le rapport a lieu entre cohéritiers, sans qu’aucun d’eux puisse s’en dispenser en renonçant à la succession. Titre VIII. De la prescription. Art. CXXXII. - La prescription établit la propriété par la possession. Art. CXXXIII. - Elle éteint aussi les droits et les obligations. Art. CXXXIV. - Tout ce qui est dans le commerce est prescriptible. Art. CXXXV. - La possession n’est qu’un fait. Tout possesseur est présumé propriétaire, jusqu’à preuve du contraire. Art. CXXXVI. - Cette présomption cesse lorsque le possesseur jouit, par un titre exclusif, de la propriété. Art. CXXXVII. - La loi détermine le temps de la prescription. Ce temps varie en raison du délai dont chaque individu a besoin pour l’exercice de ses droits, et de la nécessité de garantir les propriétés de toute incertitude. Art. CXXXVIII. - Le prix des marchandises vendues en détail, celui des travaux et des journées, se prescrivent par six mois. Art. CXXXIX. - Le prix des marchandises vendues en gros, les meubles et les effets mobiliers possédés autrement qu’à titre d’héritier, et hors le cas de vol, à l’égard de celui qui a commis le délit, se prescrivent par deux ans. Art. CXL. - Tout ce qui est payable par années, semestres, trimestres, mois, se prescrit par le laps de deux termes de paiement. Art. CXLI. - Les biens, droits et créances pour lesquels il n’est point fixé de délai particulier, se prescrivent par dix ans. Art. CXLII. - La prescription ne court point, contre le mineur, contre l’interdit, entre époux, ni pour les droits non encore ouverts. Art. CXLIII. - Elle est interrompue, si le possesseur a cessé de jouir pendant un an; s’il a reconnu les droits du propriétaire; si le débiteur a reconnu les droits du créancier; s’il y a eu demande judiciaire. LIVRE III DES OBLIGATIONS. Titre premier. Des obligations en général. Art. CXLIV. - Les obligations peuvent avoir deux causes : Les conventions formées entre les parties et la loi. Art. CXLV. - Sans consentement point de conventions. Art. CXLVI. - Toute convention, quelle qu’en soit la cause, fait loi entre ceux qui l’ont formée. Art. CXLVII. - Les conventions n’ont d’effet que relativement à la chose qui en est l’objet, et à ceux qui ont concouru à les former. Art. CXLVIII. - Les conventions sont su-ceptibles de toutes les dispositions que la loi ne prohibe pas. Celles qui blessent l’honnêteté publique et l’ordre social, sont nulles. Art. CXLIX. - L’objet des conventions cesse à l’égard de celui qui établit qu’il est intervenu à son préjudice dol ou violence grave, de la part de la personne avec qui il a traité. Il cesse encore lorsqu’il y a erreur sur l’objet du contrat, ou sur la qualité qui en fait la substance. Art. CL. - Nul ne peut être relevé de ses engagemens pour d’autres causes. Art. CLI. - L’accomplissement des conditions est indivisible. Art. CLII. - Celui qui s’est engagé à livrer de deux choses l’une, est maître du choix. Si l’une des deux périt, il doit livrer l’autre. Art. CLIII. - Il y a des faits qui obligent sans convention et par la seule équité. Ainsi, celui qui reçoit le paiement de ce qui ne lui est pas dû, est tenu de le restituer. Il y a engagement réciproque entre l’absent et celui qui gère les affaires sans mandat. Celui qui cause 44 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE un dommage est tenu à le réparer. Dans tous les cas, la loi est la cause de l’obligation. Titre II. Des obligations solidaires. Art. CLIV. - Quand il y a solidarité entre plusieurs individus liés par le même engagement, le créancier peut en poursuivre un seul pour le tout. Art. CLV. - Ses poursuites contre l’un d’eux conservent son action contre les autres. Art. CLVI. - La solidarité a lieu sans stipulation : entre associés dans le commerce, entre ceux qui ont coopéré à un même délit, entre tous les co-administrateurs de deniers publics ou pupillaires, entre tous les co-détenteurs d’un fonds sujet à une rente foncière : hors de ce cas elle doit être exprimée. Art. CLVII. - Le créancier n’est point censé renoncer à la solidarité en recevant une partie de la créance. Cette renonciation doit être expresse. Art. CLVIII. - Le co-débiteur solidaire, qui a acquitté l’engagement pris en commun, est subrogé de plein droit au créancier. Titre III. Des cautions. Art. CLIX — Celui qui cautionne une obligation en est responsable. Ses engagemens ne peuvent être plus étendus que ceux du principal obligé : ils peuvent être moindres. Art. CLX. - La caution d’un capital n’est caution des intérêts que par l’effet d’une convention expresse. Art. CLXI. - Tout ce qui éteint, annulle ou diminue l’obligation principale, éteint, annulle ou diminue les engagemens de la caution. Art. CLXII. - Néanmoins si l’obligation principale est consentie par un mineur ou un interdit, le majeur qui a cautionné demeure valablement obligé. Art. CLXIII. - Le créancier doit constater l’insolvabilité du débiteur principal avant de poursuivre la caution. Il peut être dérogé à cette règle par la volonté des contractans. Art. CLXIV. - La caution qui paie peut exercer envers le débiteur principal tous les droits du créancier. Art. CLXV. - Les obligations et leurs effets passent aux héritiers de ceux qui ont concouru à les former. Titre IV. De l’extinction des obligations. Art. CLXVI. - Les obligations s’éteignent : par le paiement, par la novation, par la délégation acceptée, par la remise de dette, par la compensation, par l’extinction de la chose, par l’accomplissement des conditions résolutoires, par la prescription. Art. CLXVII. - Le débiteur peut en tout temps se libérer, nonobstant toute stipulation contraire. Art. CLXVIII. - Néanmoins il peut être convenu que le paiement sera précédé d’un avertissement préalable. Art. CLXIX. - L’intervalle entre l’avertissement et la libération ne peut excéder six mois. Art. CLXX. - Le paiement ne peut se faire partiellement. Art. CLXXI. - Le paiement fait par celui qui est chargé de plusieurs dettes envers le même créancier, s’impute sur celle qu’il désigne. Art. CLXXII. - A défaut de désignation, l’imputation se fait sur la dette que le débiteur a le plus d’intérét d’acquitter. Art. CLXXIII. - Si le débiteur n’a pas d’intérêt d’acquitter une dette plutôt qu’une autre, l’imputation se fait sur la plus ancienne, et proportionnellement sur chacune, lorsqu’elles sont de la même date. Art. LXXIV. — Dans tous les cas, l’imputation n’a lieu sur les capitaux que lorsque les intérêts sont acquittés. Art. CLXXV. - Sur le refus du créancier de recevoir ce qui lui est dû, le débiteur lui fait des offres réelles. Si ces offres sont suivies de consignation, et qu’elles soient jugées suffisantes, elles équivalent à un paiement. Art. CLXXVI. - La novation substitue une obligation à celle qu’elle éteint. Elle doit être expresse, ou fondée sur des faits qui l’emportent nécessairement. Art. CLXXVII. - Par la délégation un débiteur est substitué à un autre avec le consentement du créancier. Art. CLXXVIII. — Le débiteur qui s’est ainsi libéré, demeure garant de la dette qu’il a déléguée. Il n’en garantit pas le recouvrement s’il ne s’y trouve expressément obligé. Art. CLXXIX. - La remise faite au débiteur, du titre qui contient son obligation, équivaut à une remise expresse de sa dette. Art. CLXXX. - La compensation a lieu de plein droit entre ceux qui se doivent respectivement, lorsque les créances sont liquidées et que les termes en sont échus. Art. CLXXXI. - L’obligation de livrer ou rendre un corps certain ou déterminé cesse s’il périt par cas fortuit ou force majeure. Art. CLXXXII. - La perte tombe sur celui qui est en retard ou de délivrer ou de retirer la chose. Titre V. De la preuve. Art. CLXXXIII. - En cas de contestation sur l’existence des obligations ou sur leur extinction, la preuve est à la charge de celui qui allègue l’une ou l’autre. Art. CLXXXIV. - Elle se puise dans les actes, dans les déclarations des témoins, dans les aveux judiciaires. Art. CLXXXV. - La loi n’admet en cette matière, ni présomption, ni demi-preuves, ni commencement de preuves, ni serment judiciaire. Art. CLXXXVI. - Les actes ne sont authentiques que lorsqu’ils portent le caractère de l’autorité publique. Art. CLXXX VII. - Les actes sous seing-privé obligent ceux qui les font, comme les actes SÉANCE DU 23 FRUCTIDOR AN II (9 SEPTEMBRE 1794) - N° 63 45 authentiques. Cet effet cesse lorsqu’ils se trouvent au pouvoir de celui qui les a souscrits. Art. CLXXXVIII. - A l’égard des tiers intéressés, les actes privés ne font foi quant à leur date, que du jour de leur enregistrement public, ou de celui du décès de l’un de ceux qui ont souscrit l’acte. Art. CLXXXIX. - Celui qui est obligé par écrit, doit justifier de sa libération par écrit. Art. CXC. - La preuve par témoins n’est pas reçue contre un acte, ni au-delà de ce qu’il contient. Art. CXCI. - Elle est admise dans tous les faits dont il a été impossible de s’assurer la preuve par écrit; Quand il est constant que la preuve littérale s’est perdue par force majeure ou cas fortuit; En toute contestation qui peut être terminée définitivement par lé juge-de-paix. Art. CXCII. - La preuve qui résulte de l’aveu judiciaire peut être détruite, en justifiant que cet aveu est l’effet de l’erreur. Titre VI. De la vente. Art. CXCIII. - Tout ce qui est dans le commerce peut être vendu. Art. CXCIII. - Le contrat de vente est formé quand on est convenu de la chose et du prix. Art. CXCV. - Le vendeur ne peut, par le contrat de vente, se réserver la faculté de rachat. Art. CXCVI. - Le vendeur est toujours garant de la propriété qu’il aliène. Il n’est tenu d’aucune autre garantie si elle n’est formellement stipulée. Art. CXCVII. - En cas de possession de l’acheteur, l’effet de la garantie du vendeur est : le remboursement du prix, des dépenses faites, et de l’augmentation survenue depuis la vente dans la valeur de la chose vendue. Art. CXCVIII. - Le vendeur est garant des vices rédhibitoires qui existoient au temps du contrat. Art. CXCIX. - Les vices rédhibitoires sont ceux qui par leur nature rendent nuisible ou presque nul l’usage de la chose vendue. Art. CC. - Il n’y a pas lieu à la garantie si le vice rédhibitoire a pu être facilement connu de l’acheteur lors du contrat. Art. CCI. - La vente ou cession d’une créance n’a d’effet contre le débiteur que du jour où elle lui a été notifiée. Art. CCII. - Le vendeur d’une créance en garantit l’existence au moment où il fait le transport. Il ne répond pas de la solvabilité du débiteur. Art. CCIII. - A défaut de paiement du prix dans les termes convenus, la vente demeure résolue de plein droit par la seule volonté du vendeur. Art. CCIV. — S’il n’y a pas eu de convention sur les termes du paiement, le vendeur peut, après sommation, faire résoudre la vente. Art. CCV. — Les clauses obscures ou ambiguës s’interprètent contre le vendeur. Art. CCVL - Le contrat de vente ne peut intervenir entre le tuteur et son pupille, ni entre époux pendant le mariage. Art. CCVII. - En discussion judiciaire la vente s’opère sans le consentement du propriétaire : c’est l’action de la loi. Titre VIII. De l’échange. Art. CCVIII. - Tout ce qui est prescrit pour la vente s’applique à l’échange. Seulement dans l’échange la chose échangée tient lieu du prix. Titre VIII. Du louage. Art. CCIX. - Les meubles, les immeubles et la main-d’œuvre sont susceptibles de louage. Art. CCX. - Nul ne peut engager ses services à perpétuité. Art. CCXI. - Pour qu’il y ait louage, il faut que le temps et le prix de la location soient convenus. Art. CCXII. - La chose périt pour le preneur lorsqu’il y a excès ou abus de sa part. Dans tous les autres cas elle périt pour le bailleur. Art. CCXIII. - Le preneur doit les réparations de menu entretien. Toutes les autres sont à la charge du propriétaire. Art. CCXIV. - Le preneur ne peut dégrader. Il doit jouir conformément au bail. Art. CCXV. - Il peut sous-louer, s’il n’en est autrement convenu. Art. CCXVI. - Le bail non constaté par acte est résilié sur l’avertissement écrit, donné par l’une des parties à l’autre, trois mois d’avance s’il s’agit de maisons ou usines. Art. CCXVII. - Pour les héritages champêtres, la résiliation n’a lieu qu’après l’année de l’exploitation qui suit celle dans le courant de laquelle l’avertissement a été donné. Art. CCXVIII. - Le propriétaire peut faire prononcer la résiliation du bail s’il y a dégradation notable à défaut de paiement à deux échéances successives et lorsqu’il s’agit d’héritages champêtres, s’il y a abandon de culture pendant un an. Art. CCXIX. - En cas de perte de récolte par cas fortuit ou force majeure, il peut être accordé un délai au fermier pour le paiement. S’il y a lieu à une indemnité, elle est fixée définitivement à l’expiration du bail. Elle se règle d’après la durée du bail et le bénéfice que le fermier a pu faire. Art. CCXX. - Le bail se résoud de plein droit à l’expiration du terme sans aucun avertissement. Art. CCXXI. - Il n’y a point de reconduction tacite. Néanmoins si le locataire ou le fermier excède le terme de son bail, la jouissance doit continuer pendant trois mois pour les maisons ou usines et pendant une année pour les héritages champêtres, aux prix, clauses et conditions prescrites par le bail expiré. Art. CCXXII. - Hors le cas de réserve expresse dans le bail, le locataire ou fermier ne peut être dépossédé ni par la vente de l’objet 46 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE loué ou affermé ni par la volonté du propriétaire de l’occuper lui-même. Titre IX. De la société. Art. CCXXIII. - Il y a société lorsque deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun, dans la vue de partager les bénéfices qui en résulteront. Art. CCXXIV. - La mise des associés peut n’être pas du même genre ni de la même quotité. L’un d’eux peut fournir des fonds et l’autre son industrie. Art. CCXXV. - Chacun des associés a droit aux bénéfices pour une part égale si le contraire n’a été convenu. Art. CCXXVI. - Après épuisement des fonds de mise, les pertes sont supportées par chacun des associés, proportionnellement à la part qu’ils auroient eue dans les bénéfices si la société eût été avantageuse à moins qu’il n’y ait convention contraire. Art. CCXXVII. - En tout autre société que celle du commerce, nul ne peut en contractant obliger ses associés s’ils ne lui en ont confié le pouvoir. Art. CCXXVIII. - Nul ne peut sans le consentement de ses associés introduire un tiers dans la société. Art. CCXXIX. - La société finit par la faillite ou la mort de l’un des associés, par son interdiction générale. Art. CCXXX. - Néanmoins les effets de la société subsistent à l’égard de ses successeurs jusqu’à l’accomplissement des affaires commencées. Art. CCXXXI. - Chacun des associés peut en tout temps renoncer à l’association pourvu que cette renonciation ne soit point contraire à l’intérêt général de la société. Art. CCXXXII. - La société qui s’établit sans convention entre co-héritiers, co-donataires, ou co-acquéreurs finit dans la division des fonds et le partage des fruits recueillis en commun. Art. CCXXXIII. - L’action en division ou partage appartient à chacun des intéressés. Il a toujours la faculté de l’exercer. Titre X. Du prêt. Art. CCXXXIV. - Toute espèce de prêt se forme par la tradition de la chose ou par la permission de s’en servir. Du prêt à usage. Art. CCXXXV. - Dans le prêt à usage, le prêteur conserve la propriété de la chose prêtée. Il doit rembourser les frais extraordinaires faits pour la conserver. Art. CCXXXVI. - La chose empruntée ne peut s’employer que pendant le temps et à l’usage qui a été convenu. Du prêt des choses de consommation. Art. CCXXXVTI. - Dans le prêt des choses de consommation, la propriété est transférée à celui qui emprunte. Art. CCXXXVIII. - L’emprunteur n’est tenu que de rendre la même qualité et la même quantité de choses qu’il a reçues. S’il est dans l’impossibilité d’y satisfaire, il doit en payer la valeur, eu égard au temps où elles doivent être rendues. Du prêt à intérêt. Art. CCXXXIX. - Par l’effet du prêt à intérêt, l’emprunteur d’une chose qui se consomme par l’usage, doit rendre une quantité plus forte que celle qu’il a reçue. Art. CCXL. - La loi détermine le taux de cet excédant. Art. CCXLI. - Le prêt à intérêt prend le nom de constitution de rente, lorsque le prêteur aliène son capital. Art. CCXLII. - Il peut l’aliéner de deux manières : moyennant une rente perpétuelle et moyennant une rente viagère. Art. CCXLIII. - La rente perpétuelle est due jusqu’au rachat. Le rachat s’opère par le remboursement du capital. Art. CCXLIV. - La rente viagère s’éteint par la mort de celui ou ceux pendant la vie desquels l’emprunteur s’est obligé de la payer. Art. CCXLV. - Le débiteur d’une rente perpétuelle peut la racheter en tout temps. La même faculté appartient au débiteur d’une rente viagère, constituée moyennant une somme déterminée. Art. CCXLVI. - L’un et l’autre peuvent être contraints au rachat lorsqu’ils ne remplissent pas les conditions du contrat. Titre XI. Du change. Art. CCXLVII. - Le contrat de change a lieu lorsqu’une personne s’oblige à faire payer à une autre, dans un lieu ou une époque déterminée, une somme qui lui a été ou doit lui être remise. Art. CCXLVIII. - L’acte au moyen duquel le change s’opère, se nomme lettre-de-change. Art. CCXLIX. - Le tireur d’une lettre-de-change en garantit le paiement. Art. CCL. - La propriété d’une lettre-de-change se transmet de plein droit par l’endossement ou ordre s’il est daté, s’il indique le nom ou le lieu du domicile de celui au profit duquel il est passé, s’il exprime la réception de la valeur portée en la lettre-de-change. Art. CCLI. - Celui qui accepte une lettre-de-change, contracte l’obligation de la payer au porteur quand même il ne devroit rien au tireur. Art. CCLII. - Tous ceux qui ont apposé leur signature sur une lettre-de-change, à quelque titre que ce soit, sont tenus solidairement à la garantie envers le porteur. Art. CCLIII. - La lettre-de-change n’est valablement acquittée qu’entre les mains de celui au profit duquel est souscrit le dernier ordre. Art. CCLIV. - Il ne peut être forcé de recevoir le paiement avant l’échéance. Art. CCLV. - Toutes les actions relatives aux lettres-de-change se prescrivent par cinq SÉANCE DU 23 FRUCTIDOR AN II (9 SEPTEMBRE 1794) - N° 63 47 ans, à compter du jour où elles ont dû être protestées faute de paiement. Art. CCLVI. - Les règles relatives aux let-tres-de-change sont communes aux billets de change, aux billets à domicile, aux billets à ordre. Titre XII. Du dépôt. Art. CCLVII. - Le dépôt est essentiellement gratuit. Art. CCLVIII. - Le dépositaire est obligé d’apporter à la garde du dépôt le même soin qu’à ses propres affaires. Art. CCLIX. - Il ne peut user du dépôt. Art. CCLX. - Il doit le rendre tel qu’il l’a reçu, sans pouvoir le remplacer par des espèces de même genre, qualité, quantité et valeur. Titre XIII. Du mandat. Art. CCLXI. - Le pouvoir de gérer les affaires d’autrui se confère par le mandat. Art. CCLXII. - Il ne se forme d’obligation entre le mandant et le mandataire que par l’acceptation du mandat. Art. CCLXIII. - Le mandataire qui exécute, accepte. Art. CCLXIV. - Le mandat peut être donné dans la prévoyance d’un droit à exercer, l’événement arrivant. Art. CCLXV. - Le mandat peut comprendre la gestion de toutes les affaires du mandant, c’est le mandat général. Il peut donner au mandataire le pouvoir de faire ce qu’il jugera le plus convenable à l’intérêt du mandant, c’est le mandat indéfini. Il peut n’avoir pour objet qu’une chose particulière qu’il désigne, c’est le mandat limité ou spécial. Art. CCLXVI. - Le mandat général n’emporte pas le pouvoir de disposer de la propriété, il faut autorisation expresse. Art. CCLXVII. - Dans le cas de mandat indéfini le mandataire ne peut être recherché pour ce qu’il a fait de bonne foi. Art. CCLXVIII. - Si le mandataire excède les termes du mandat, le mandant n’est pas obligé. Art. CCLXIX. - La ratification valide les engagemens pour lesquels le mandat n’auroit pas contenu de pouvoirs suffisans. Art. CCLXX. - Le mandataire ne peut exiger de salaires qu’en vertu d’une convention expresse. Art. CCLXXI. - Le mandat finit par la mort du mandant, ou par celle du mandataire. Art. CCLXXII. - La mort du mandant ne dispense pas le mandataire de faire ce qui est urgent pour éviter une perte ou pour assurer le succès de l’affaire qui lui est confiée. Art. CCLXXIII. — En cas de mort du mandataire, son héritier doit en donner avis au mandant, et en attendant pourvoir à ce que les circonstances exigent. Art. CCLXXIV. - Le mandat finit encore par la révocation, aussitôt qu’elle est connue du mandataire. Art. CCLXXV. - Le pouvoir donné à un autre pour le même objet, tient lieu de révocation expresse, lorsqu’il est notifié au premier mandataire. Art. CCLXXVI. - Le mandat finit de même par la renonciation du mandataire, si elle est connue du mandant et faite en temps opportun. Titre XIV. Des droits des créanciers. Art. CCLXXVII. - Les droits des créanciers diffèrent suivant les causes dont les créances dérivent et suivant les effets qu’elles produisent. Art. CCLXXVIII. - Le débiteur peut être contraint au paiement par l’arrêt des sommes qui lui sont dues, la saisie, et la vente de ses biens. Art. CCLXXIX. - La contrainte par corps pour dettes purement civiles n’a point lieu. Il n’est même pas permis de la stipuler. Art. CCLXXX. - Elle a lieu, à l’égard des receveurs et dépositaires de deniers publics ou communaux, pour la représentation des sommes ou objets confisqués par ordonnance de justice. Titre XV. Du nantissement. Art. CCLXXXI. - Le créancier qui a reçu en nantissement des effets mobiliers, n’a pas le droit de s’en servir. Art. CCLXXXII. - Le nantissement ne peut être opposé aux autres créanciers que lorsqu’il est constaté par acte authentique. Art. CCLXXXIII. - A défaut de paiement au terme convenu, l’effet donné en nantissement est estimé. Art. CCLXXXIV. - Le créancier peut le retenir sur la prisée, à concurrence de ce qui lui est dû en capital et intérêts. Il remet au débiteur l’excédant. Art. CCLXXXV. - Si le créancier ne retient pas l’effet, il le fait vendre. Les frais de vente sont à la charge du débiteur. Titre XVI. Des préférences Art. CCLXXXVI. - En cas de concours de plusieurs des créanciers sur le prix des meubles d’un débiteur commun, l’ordre des préférences est celui-ci. Art. CCLXXXVII. - 1°. Les frais exécutifs de la vente. 2°. Les fournitures des subsistances faites au débiteur ou à sa famille pendant les trois mois. 3°. Les frais de sa dernière maladie. 4°. Le terme courant du loyer du fermage des immeubles qui lui sont loués ou affermés. 5°. Le montant des contributions publiques, tant pour la dernière année échue que pour l’année courante. 6°. L’année échue et l’année courante des salaires dus aux affidés ou hommes de service. 48 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Titre XVII. Des hypothèques. Art. CCLXXXVIII. - L’hypothèque résulte d’un acte authentique ou d’un jugement inscrit sur un registre public. Art. CCLXXXIX. - L’hypothèque inscrite dans le mois de la date ou du jugement a rang du jour de sa date. Après le mois, elle n’a rang que du jour de son inscription. Art. CCXC. - Dans le concours des deux hypothèques acquises le même jour, la date de l’heure décide de l’antériorité. Art. CCXCI. — La créance hypothécaire, renouvelée à l’échéance, conserve sa date primitive. Art. CCXCII. - Les biens immeubles sont seuls susceptibles d’hypothèques. Art. CCXC III. - Les immeubles grevés d’hypothèques et leurs accessoires inhérens sont responsables de la dette, en quelques mains qu’ils passent. Art. CCXCIV. - Les intérêts de la dernière année échue et de l’année courante des créances hypothécaires sont payés dans le même ordre que les capitaux qui les ont produits. Le surplus des intérêts arréragés est payé comme dette simple. Art. CCXCV. - Il n’y a point d’hypothèque tacite. Art. CCXCVI. - Néanmoins l’année échue et l’année courante de la contribution foncière, sont préférées sur le fonds à toute autre créance. Les frais de culture et de semence le sont également sur les fruits de la récolte pendante. Art. CCXCVII. - L’hypothèque s’éteint par l’anéantissemnt total de la chose hypothéquée, par l’acquisition que fait le créancier de la chose qui lui est hypothéquée, par la renonciation expresse du créancier dans un acte public, par le paiement volontaire ou forcé de la dette, par la prescription. Arrêté au comité de Législation, ce 8 fructidor, l’an II de la République française. Signé, Cambaceres, Merlin (de Douai), T. Berlier, Bezard, Treilhard, Pons (de Verdun), Bar, C. F. Oudot, Hentz. 64 Le représentant du peuple Guillemar-det demande à la Convention nationale un congé de quatre décades; il joint à sa demande le certificat de la commission de santé qui constate l’état de délabrement de sa santé, et la nécessité où il se trouve de suspendre ses occupations pour la réparer. La Convention nationale accorde le congé (137). (137) P.-V., XLV, 186. C. 318, pl. 1285, p. 17. Signé Guil-lemardet, l’accord est signé Cordier. Décret n° 10 812. Rapporteur : Guillemardet lui-même d’après C* II 20, p. 290. [Certificat de visite, délivré par la commission de santé, le 23 fructidor de l’an JJ] (138) Le Citoyen Guillemardet, Représentant du peuple s’est présenté aujourd’hui à la Commission de Santé pour faire constater son état; nous avons observé que la gène de la circulation dans les viscères du ventre, suitte de travaux et de veilles est telle que toutes les fonctions en sont notablemens dérangés ce qui expose ce citoyen à des accidens fâcheux auxquels il remédiera par la cessation de la concentration d’esprit, l’exercice modéré du cheval et la respiration de l’air des champs. En conséquence, les soussignés membres de la commission de santé désignés pour la visite des militaires estiment que le citoyen dénommé ci-dessus doit obtenir la permission de faire usage des moyens sus indiqués pendant trois ou quatre décades. Pelletier, Thery, Bayen, Buoux, Dubois. La séance est levée à quatre heures (139). Signé, Bernard (de Saintes), président; Cordier, Guffroy, Bentabole, Borie, L. Louchet, Reynaud, secrétaires. AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCES-VERBAL 65 [Adresse de la société populaire d’Auxerre, département de l’Yonne, à la Convention nationale s. cJ. ] (140) Citoyens représentons, La mise en liberté d’une foule d’individus contre-révolutionnaires par théorie et par principes, afflige les vrais patriotes; elle donne à notre société des inquiétudes que nous ne devons plus vous dissimuler. Nous voyons des hommes sans principes, sans mœurs, correspondons et soutiens des émigrés, des hommes amis de la tyrannie, et qui ont ouvertement plaidé sa cause; des hommes enfin qui ne doivent pas voir le jour, obtenir une liberté dont ils sont indignes. Ne serions-nous sortis, citoyens, d’une tyrannie, que pour tomber sous le joug d’une autre? N’aurions-nous échappé aux fureurs de Robespierre, que pour voir, après son supplice, le sol de la liberté se couvrir d’hommes de (138) C 318, pl. 1285, p. 18. (139) P.-V., XLV, 186. M.U., XVIII, 382 indique trois heures. J. Fr., n° 715, donne trois heures et demie. J. Perlet, n° 717 signale quatre heures. (140) M. U., XLIII, 354-355. Cette adresse est à rapprocher de la séance du 16 fructidor, n°14. Voir Arch. Pari., t. XCVI, p. 189.