636 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 43 « François Legou, grenadier de la légion des Francs, est admis à la barre; il expose qu’il a été blessé de 27 coups de sabre à Mayence; que sa santé est loin de se rétablir, et que, dépourvu de fortune, il sollicite la générosité nationale. « Sur la proposition d’un membre [GOU-PILLEAU], la Convention nationale décrète qu’il lui sera payé, à la présentation du décret, un secours provisoire de la somme de 300 liv., imputable sur sa pension; renvoie la pétition au comité de liquidation, pour fixer incessamment cette pension à laquelle il a droit conformément aux décrets » (1) . 44 Un membre [POULTIER] fait un rapport, au nom des comités de salut public et de la guerre, sur l’amalgame des divisions de gendarmerie à pied (2) . POULTIER : Citoyens, la révolution a eu, comme la nature, ses différentes époques : toutes ont été marquées par une tendance violente vers la liberté; mais, au 10 août, la révolution prit une physionomie fortement prononcée, et marcha rapidement vers la démocratie sans mélange. Grâce à votre courage, son sort est déterminé, et les Français ont pris la première place dans le rang des nations libres. Sans doute vos efforts eussent été vains si vous n’aviez été secondés par le peuple, et surtout par des citoyens qui, dans les circonstances critiques où nous nous sommes trouvés, ont affronté la mort avec intrépidité pour abattre les derniers asiles de la tyrannie; et nettoyer le sol sur lequel vous avez planté l’arbre immortel de la liberté et de l’égalité. Les gardes-françaises, les premiers, refusèrent d’obéir aux ordres du tyran et de tourner leurs armes contre la nation; d’autres militaires les imitèrent, et ces braves soldats, après avoir continué de servir la révolution à Paris, demandèrent, pour toute récompense, l’honneur d’aller se battre aux frontières : on en forma les premières divisions de gendarmerie à pied. L’infâme Capet voulait anéantir la représentation nationale et raviver le despotisme expirant. Une armée formidable, dirigée par le comité autrichien, cernait Paris : à l’instant cette fille aînée de la liberté française se lève; mille voix se font entendre; elles crient qu’il n’y aura point de paix tant que la Bastille subsistera. Une phalange de citoyens se porte à la Bastille, et la Bastille n’est plus. Les fastes de la nation ont consacré les noms de ces hommes courageux, sous la dénomination générale de vain-(1) P.V., XXXIX, 308. Minute de la main de Goupilleau (C 304, pl. 1125, p. 3); Décret nu 9522. Bin, 30 prair. (suppl4); M.U., XL, 423; C. XJniv., 28 prair.; Débats, n° 633, p. 409; J. Mont., n° 50; J. Sablier, n° 1380; Mon., XX, 742; Mess, soir, n° 666; J. Fr., n° 629; J. S.-Culottes, n° 486; J. Perlet, n° 631. (2) P.V., XXXIX, 309. queurs de la Bastille, qui, à l’imitation des gardes françaises, ont demandé de nouveaux combats à soutenir et de nouveaux ennemis à vaincre; ils composent aujpurd’hui la dernière division de gendarmerie à pied. Enfin, au 10 août, les patriotes, fatigués des crimes de la cour, assiégèrent ce repaire impur, et à coups de canons et de baïonnettes ils effacèrent de la constitution le honteux chapitre de la royauté. Les patriotes blessés dans cette expédition mémorable furent à peine guéris qu’ils demandèrent à suivre à l’armée les hommes du 14 juillet, vous ordonnâtes leur incorporation dans les différentes divisions à pied. Ces infatigables coopérateurs de la Révolution n’ont point dégénéré; à Dunkerque, à Hondschoote, à la Vendée, ils se sont battus comme des lions, ils ont constamment soutenu leur premier caractère. 2.000 ont péri dans les combats. L’incomplet de ces corps, réduits à la moitié, atteste assez leur bravoure, et nécessite la mesure que vous propose le comité de la guerre; c’est, de deux de ces divisions, de n’en faire qu’une, en conservant à ceux dont les places seraient supprimées et leur traitement et l’assurance des premières places vacantes. Cette opération diminue la dépense des états-majors; elle ne retranche rien de la reconnaissance nationale; elle place dans les mêmes cadres des hommes qui, en s’entretenant des époques brillantes de la Révolution, où ils se sont toujours distingués, nourrissent dans leurs âmes le feu sacré du républicanisme, et doublent ainsi l’énergie de leur courage. Cette opération, enfin, complétant les divisions affaiblies par des pertes multipliées, les rend plus propres aux mouvements militaires, leur donne un front plus redoutable, et assure plus solidement nos succès. Nous n’avons pas toujours suivi la série des numéros dans le procédé de l’amalgame, parce qu’il aurait été absurde de réunir une division de l’armée du Rhin ou de la Moselle, avec une division de l’armée du Nord. Nous avons préféré la réunion des divisions cantonnées ensemble, se battant ensemble, et qui ne seront point obligées, par des marches longues, dispendieuses et pénibles, de suspendre leurs travaux militaires. Nous avons, sous des peines graves, défendu toute nomination ultérieure d’officiers et sous-officiers dans les divisions, parce que le comité, frappé de la mauvaise organisation de la gendarmerie de l’intérieur et de celle des armées, s’occupe en ce moment des moyens de républi-caniser cette troupe dont les formes sont encore remplies de taches royales. Nous mettrons la gendarmerie à la place qu’elle doit occuper; nous l’épurerons, nous la rendrons utile sans que jamais elle puisse nuire et reproduire le scandale de sa coalition avec les administrateurs des départements fédéralisés. Nous distinguerons toujours les héros de la révolution, les vainqueurs de la Bastille et les blessés du 10 août. La nation française ne sera jamais ingrate, et la Convention, son organe fidèle, n’oubliera point ceux qui ont versé leur sang dans les époques critiques de la révolution (1). [POULTIER] propose ensuite un projet de décret qui est adopté en ces termes : (1) Mon., XX, 749; C Eg., n° 666. 636 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 43 « François Legou, grenadier de la légion des Francs, est admis à la barre; il expose qu’il a été blessé de 27 coups de sabre à Mayence; que sa santé est loin de se rétablir, et que, dépourvu de fortune, il sollicite la générosité nationale. « Sur la proposition d’un membre [GOU-PILLEAU], la Convention nationale décrète qu’il lui sera payé, à la présentation du décret, un secours provisoire de la somme de 300 liv., imputable sur sa pension; renvoie la pétition au comité de liquidation, pour fixer incessamment cette pension à laquelle il a droit conformément aux décrets » (1) . 44 Un membre [POULTIER] fait un rapport, au nom des comités de salut public et de la guerre, sur l’amalgame des divisions de gendarmerie à pied (2) . POULTIER : Citoyens, la révolution a eu, comme la nature, ses différentes époques : toutes ont été marquées par une tendance violente vers la liberté; mais, au 10 août, la révolution prit une physionomie fortement prononcée, et marcha rapidement vers la démocratie sans mélange. Grâce à votre courage, son sort est déterminé, et les Français ont pris la première place dans le rang des nations libres. Sans doute vos efforts eussent été vains si vous n’aviez été secondés par le peuple, et surtout par des citoyens qui, dans les circonstances critiques où nous nous sommes trouvés, ont affronté la mort avec intrépidité pour abattre les derniers asiles de la tyrannie; et nettoyer le sol sur lequel vous avez planté l’arbre immortel de la liberté et de l’égalité. Les gardes-françaises, les premiers, refusèrent d’obéir aux ordres du tyran et de tourner leurs armes contre la nation; d’autres militaires les imitèrent, et ces braves soldats, après avoir continué de servir la révolution à Paris, demandèrent, pour toute récompense, l’honneur d’aller se battre aux frontières : on en forma les premières divisions de gendarmerie à pied. L’infâme Capet voulait anéantir la représentation nationale et raviver le despotisme expirant. Une armée formidable, dirigée par le comité autrichien, cernait Paris : à l’instant cette fille aînée de la liberté française se lève; mille voix se font entendre; elles crient qu’il n’y aura point de paix tant que la Bastille subsistera. Une phalange de citoyens se porte à la Bastille, et la Bastille n’est plus. Les fastes de la nation ont consacré les noms de ces hommes courageux, sous la dénomination générale de vain-(1) P.V., XXXIX, 308. Minute de la main de Goupilleau (C 304, pl. 1125, p. 3); Décret nu 9522. Bin, 30 prair. (suppl4); M.U., XL, 423; C. XJniv., 28 prair.; Débats, n° 633, p. 409; J. Mont., n° 50; J. Sablier, n° 1380; Mon., XX, 742; Mess, soir, n° 666; J. Fr., n° 629; J. S.-Culottes, n° 486; J. Perlet, n° 631. (2) P.V., XXXIX, 309. queurs de la Bastille, qui, à l’imitation des gardes françaises, ont demandé de nouveaux combats à soutenir et de nouveaux ennemis à vaincre; ils composent aujpurd’hui la dernière division de gendarmerie à pied. Enfin, au 10 août, les patriotes, fatigués des crimes de la cour, assiégèrent ce repaire impur, et à coups de canons et de baïonnettes ils effacèrent de la constitution le honteux chapitre de la royauté. Les patriotes blessés dans cette expédition mémorable furent à peine guéris qu’ils demandèrent à suivre à l’armée les hommes du 14 juillet, vous ordonnâtes leur incorporation dans les différentes divisions à pied. Ces infatigables coopérateurs de la Révolution n’ont point dégénéré; à Dunkerque, à Hondschoote, à la Vendée, ils se sont battus comme des lions, ils ont constamment soutenu leur premier caractère. 2.000 ont péri dans les combats. L’incomplet de ces corps, réduits à la moitié, atteste assez leur bravoure, et nécessite la mesure que vous propose le comité de la guerre; c’est, de deux de ces divisions, de n’en faire qu’une, en conservant à ceux dont les places seraient supprimées et leur traitement et l’assurance des premières places vacantes. Cette opération diminue la dépense des états-majors; elle ne retranche rien de la reconnaissance nationale; elle place dans les mêmes cadres des hommes qui, en s’entretenant des époques brillantes de la Révolution, où ils se sont toujours distingués, nourrissent dans leurs âmes le feu sacré du républicanisme, et doublent ainsi l’énergie de leur courage. Cette opération, enfin, complétant les divisions affaiblies par des pertes multipliées, les rend plus propres aux mouvements militaires, leur donne un front plus redoutable, et assure plus solidement nos succès. Nous n’avons pas toujours suivi la série des numéros dans le procédé de l’amalgame, parce qu’il aurait été absurde de réunir une division de l’armée du Rhin ou de la Moselle, avec une division de l’armée du Nord. Nous avons préféré la réunion des divisions cantonnées ensemble, se battant ensemble, et qui ne seront point obligées, par des marches longues, dispendieuses et pénibles, de suspendre leurs travaux militaires. Nous avons, sous des peines graves, défendu toute nomination ultérieure d’officiers et sous-officiers dans les divisions, parce que le comité, frappé de la mauvaise organisation de la gendarmerie de l’intérieur et de celle des armées, s’occupe en ce moment des moyens de républi-caniser cette troupe dont les formes sont encore remplies de taches royales. Nous mettrons la gendarmerie à la place qu’elle doit occuper; nous l’épurerons, nous la rendrons utile sans que jamais elle puisse nuire et reproduire le scandale de sa coalition avec les administrateurs des départements fédéralisés. Nous distinguerons toujours les héros de la révolution, les vainqueurs de la Bastille et les blessés du 10 août. La nation française ne sera jamais ingrate, et la Convention, son organe fidèle, n’oubliera point ceux qui ont versé leur sang dans les époques critiques de la révolution (1). [POULTIER] propose ensuite un projet de décret qui est adopté en ces termes : (1) Mon., XX, 749; C Eg., n° 666.