[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [il décembre 1790.] Noailles répond très bien, quant au fond, aux différentes observations qui sont faites ; mais il ne prononce point sur un autre objet très délicat. Le ministre a fait punir des militaires sans jugement légal ; que les soldats soient coupables ou non, il faut écarter l’arbitraire. Je demande que les congés arbitrairement délivrés soient annulés, que les soldats soient rétablis dans leur état, et que, s’ils sont accusés, ils soient jugés. M. Bubois-Crancé. Ce n’est pas le ministre qui a donné les congés, puisqu’il faut tout dire et qu’on m’y force ; il lésa envoyés en blanc et ce sont les officiers qui les ont délivrés à ceux des soldats qui leur déplaisaient, même après le rapport des commissaires, où nul d’eux n’est chargé. Les officiers ont du reste déclaré que, si l’on faisait rentrer dans le corps les cavaliers congédiés, ils donneraient leur démission. Voilà une insubordination qu’il faut punir. M. Salle de Choux. Les commissaires envoyés à Hesdin ont fait une information de deux cents témoins. Cette information ne contient aucune accusation d’insubordination contre le détachement de Royal-Champagne. M. Bonite ville-Bnmetz . Le projet de décret de M. de Noailles, tendant à faire juger les cavaliers par une cour martiale, est bon ; mais il ne suffit pas. D’abord, le ministre est coupable d’avoir puni arbitrairement, puisqu’il reste encore à juger; 2° on ne peut ordonner la formation d’une cour martiale avant qu’il y ait une accusation précisément intentée ; 3° il faut faire juger les officiers qui, sur des motifs ignorés, ont fait congédier leurs soldats, etc.; 4° il faut improuver la municipalité qui a outrepassé ses pouvoirs. (Il présente un projet de décret dans ce sens.) L’Assemblée, délibérant sur le projet de décret de M. Dumetz, déclare qu’il n’y a pas lieu à délibérer, quant à présent, sur les dispositions tendant à improuver le ministre et la municipalité et décrète ce que suit : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités réunis, militaire, des rapports et des recherches, sur les événements arrivés à Hesdin dans le courant d’août dernier, <« Déclare nuis et non-avenus les cartouches délivrés aux cavaliers, sous-officiers du régiment de Royal-Champagne ; décrète en conséquence qu’il leur en sera délivré de nouveaux, sauf à faire le procès suivant les lois aux cavaliers et aux officiers devant une cour martiale, s’il y a contre eux quelques accusations pour des faits postérieurs à la proclamation des décrets des 6 et 7 août; ordonne que, provisoirement, les cavaliers congédiés recevront leur solde depuis leur absence du corps, jusqu’à ce qu’ils aient été jugés, ou, à défaut d’accusation, jusqu’à ce qu’ils soient replacés ». M. le Président donne lecture d’une lettre de M. Duportail, ministre de la guerre, qui rend compte des plaintes des administrateurs du département du Nord, relativement aux excès commis par quelques soldats licenciés de l’armée patriotique des Pays-bas autrichiens, qui vont même jusqu’à exiger des habitants des rançons à main armée. (L’Assemblée nationale ordonne le renvoi de cette adresse aux comités militaire et des rapports, réunis.) 897 M. le Président lève la séance à dix heures et demie. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 11 DÉCEMBRE 1790. INSTRUCTION PASTORALE De son Altesse Eminentissime Monseigneur le Cardinal de Rohan, prince-êvêque de Strasbourg. Louis-René-Edouard de Rohan, par la grâce de Dieu et l’autorité du Saint-Siège apostolique, cardinal de la sainte Eglise romaine, prince-évêque de Strasbourg, Landgrave d’Alsace, prince-état du Saint-Empire, proviseur de la Sorbonne, etc... Au clergé séculier et régulier et à tous les fidèles de notre diocèse, salut et bénédiction en notre Seigneur. 11 est consolant pour la religion, mes très chers frères, que déjà plusieurs évêques, dignes des premiers siècles de l’Eglise, se soient élevés contre des nouveautés que l’apôtre condamne (1), et qui portent la désolation dans le sanctuaire. Ces pasteurs, quoique dépouillés, poursuivis et persécutés, conservent néanmoins, au milieu des outrages, cette dignité modeste, qui convient si bien aux ministres de Jésus-Christ, et n’opposent aux vexations sourdes, que la patience et le courage de l’Evangile. Nous gémissons avec eux ; élevons la voix comme eux. Ne touchons-nous point, mes très chers frères, à ces temps dangereux prédits par l’apôtre (2), où des hommes plein d’amour-propre , ennemis de la paix, enflés d'orgueil, plus amateurs de la volupté que ae Dieu, corrompus dans l'esprit et pervertis dans la foi, travailleront, de concert, pour miner le trône et l’autel? Du moins avons-nous lieu de le craindre, en voyant les secousses données à la monarchie la plus brillante qui fût jamais, et les dangers de la religion dans le plus beau royaume, qui s’est toujours fait gloire de porter le nom de très chrétien. Le citoyen gémit sur les ruines de sa patrie, et le chrétien craint pour sa foi. Tous les liens de la subordination sont brisés. L’Eglise gallicane, cet antique édifice, fondé par les premiers successeurs des apôtres, arrosé du sang des martyrs, illustré par les lumières des plus grands docteurs, s’écroule sous nos yeux (3). La hiérarchie de l’Eglise est renversée; un schisme funeste peut en être la malheureuse suite. A la morale de l’Evangile on semble vouloir substituer les conseils et les préceptes d’une fausse sagesse. Dans ces jours de troubles et de peine, vous demandez de nous des paroles de force et de consolation. Nous vous parlerons : et malheur à nous, si la frayeur étouffait notre voix, au mo-(1) Devitans profanas vocum novitates. I. Tim., 6.20. (2) Erunt homines se ipsos amantes ..... sinepace... tumidi, et voluptatum amatores magis, quam Dei ..... homines corrupti mente, roprobi circa fidem. II. Tim., 3. (3) Les archevêchés de Vienne et d’Arles sont supprimés. II ne reste pas un seul des évêchés suffragauts de cette dernière Eglise si antique et si vénérable, qui fut le berceau du christianisme dans les Gaules, et qui compte dans ses annales un des premiers conciles de l’Eglise.