SÉANCE DU 25 BRUMAIRE AN III (SAMEDI 15 NOVEMBRE 1794) - Nos 23-26 257 23 La section de la Montagne [Paris], admise à la barre, fait part à la Convention de sa sollicitude sur l’épuisement de ses moyens pour subvenir au secours de la classe la plus souffrante de ses concitoyens, c’est à dire des vieillards, des infirmes et des indigens; elle demande la prompte exécution des lois relatives aux secours publics; elle sollicite un secours provisoire dans le courant de la décade en faveur de ces infortunés. La Convention nationale renvoie la pétition à ses comités des Secours publics et de Salut public pour en faire un prompt rapport. Les pétitionnaires sont admis aux honneurs de la séance (71). 24 Un membre, au nom du comité des Secours publics, fait rendre les décrets suivans. a La Convention nationale, après avoir entendu son comité des Secours publics sur la pétition de la citoyenne Marie-Marguerite Gelinier, épouse du citoyen Etienne Paul, sergent à la compagnie Vincent, bataillon Antoine, armée de l’Ouest, mère de deux enfans, renvoyée au comité des Secours par celui des Finances, considérant que, d’après le certificat qui lui a été délivré par le comité de bienfaisance de sa section, il résulte que d’après les ren-seignemens pris sur ses facultés, elle se trouve dans l’indigence, décrète que, sur le vu du présent décret, la Trésorerie nationale paiera à la citoyenne Marie-Marguerite Gelinier, épouse du citoyen Etienne Paul, sergent dans le bataillon Antoine, la somme de 200 L, à titre de secours, pour les causes déduites en sa pétition (72). b La Convention nationale, après avoir entendu son comité des Secours publics sur la pétition du citoyen Alexandre Larue, capitaine au premier bataillon des chasseurs Francs, qui a été blessé à la par-(71) P.-V., XLIX, 215-216. Rép., n° 56. F. de la Républ., n° 56. Mess. Soir, n° 820. J. Fr., n° 781. Rapporteur Lefranc selon C* II, 21. (72) P.-V., XLIX, 216. tie supérieure du bras droit, en a perdu l’usage et se trouve hors d’état de servir dans les armées de la République, suivant le certificat à lui délivré par la commission de santé, décrète que la Trésorerie nationale, sur le vu du présent décret, paiera au citoyen Alexandre Larue, capitaine au premier bataillon des chasseurs Francs, la somme de 400 L de secours provisoire, renvoie sa pétition et les pièces jointes pour déterminer la pension à laquelle il a droit (73). 25 Un membre au nom du comité des Finances propose et fait adopter le décret suivant. La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Finances, décrète : Le bail général de la mense abbatiale de Villers-Bertenack [Bre-tenach, Moselle], passé à Pelin par acte sous seing privé du 8 janvier 1789, est déclaré nul, ainsi que les arrêtés du département de la Moselle des 21 décembre 1790 et 26 juillet 1792, qui l’ont confirmé. Ledit Pelin sera tenu de restituer aux acquéreurs le dixième qu’il a perçu du prix des baux particuliers ayant une date authentique antérieure au 2 novembre 1789, et de payer le loyer de la maison ci-devant abbatiale, à dire d’experts, depuis le 2 novembre 1789, sauf à lui à percevoir les fruits des terres qu’il a fait cultiver et ensemencer (74). 26 Une députation des artistes du Théâtre de l’Égalité [Paris] est admise à la harre; elle fait part à l’Assemblée des pertes considérables que la société a successivement éprouvées par l’arrestation de ses directeurs, victimes des Chaumette et des Hébert et enfin par l’abandon qu’elle a été obligé de faire aux artistes du théâtre des arts, d’une salle pour laquelle elle avoit fait des dépenses considérables dont elle n’a pu retirer aucun fruit. Il résulte de ces différentes pertes un déficit pour le complément du paiement des artistes du Théâtre de l’Egalité. C’est la rentrée de ce déficit que la réputation vient réclamer. Les pétitionnaires sont admis aux honneurs de la séance et sur la motion d’un membre la Convention nationale décrète le renvoi de cette pétition au comité, pour qu’il s’occupe de l’organisation de cette partie de l’instruction publique (75). (73) P.-V., XLIX, 216-217. (74) P.-V., XLIX, 217. (75) P.-V., XLIX, 217-218. 258 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Une députation des artistes du Théâtre de l’Égalité est admise. VERTEUIL, orateur : Législateurs, vous avez mis les vertus à l’ordre du jour; l’huma-nité est sans doute la première. Nous sommes dans le sein de la Convention nationale les organes d’une nombreuse société d’artistes, dont les talents fournissent à l’existence de quinze cents citoyens composant leurs familles. Nous exercions notre art sous l’administration d’administrateurs intelligents, dans le plus beau théâtre et le mieux situé de Paris, lorsque nos directeurs, victimes des pamphlets du Père Duchêne et du club électoral, furent incarcérés, sur le réquisitoire de Chaumette, agent national de la commune. Nous restâmes sans guides, sans ressources, abandonnés à nous-mêmes. Ce ne fut que par grâce, et par une sorte de compassion pour nos familles, que la commune nous laissa la jouissance du Théâtre National, où nous vécûmes de privations pendant six mois, employant nos modiques recettes à payer les dépenses préparatoires que nécessitaient les grands ouvrages que nous devions offrir au public et que nous avions puisés dans les fastes et faits héroïques de notre glorieuse révolution. C’est à l’instant où nous allions les mettre en scène que nous reçûmes l’arrêté du comité de Salut public, en date du 27 germinal, qui disposait de notre théâtre en faveur des artistes de l’Opéra, et nous translatait au théâtre du faubourg Germain. La lettre du ministre de l’Intérieur ne nous permit aucun délai que celui de trois jours. Alors la petitesse de notre nouvel atelier ne nous permit aucune possibilité de pouvoir mettre en activité tous nos genres de talents, et nos dépenses premières furent perdues pour nous et pour la progression des arts. Un nouvel arrêté du comité de Salut public, en date du 18 prairial, établit l’organisation provisoire des théâtres. D’après un régime particulier pour ceux des Arts et de l’Égalité, il fut nommé pour eux un agent national surveillant la recette, la conduite et le payement des artistes. Nous fumes consolés de nos maux par l’honneur d’appartenir au gouvernement, et par l’espérance de voir effectuer le projet accepté depuis trois mois pour l’agrandissement de notre salle. Un troisième arrêté du comité de Salut public, en date du 5 thermidor, réunit à notre société les artistes du ci-devant Théâtre-Français, et cette augmentation nous engagea à solliciter des comités une prompte organisation. On nous renvoya après celle du Théâtre des Arts; et puisque la munificence nationale a réglé son sort, nous croyons pouvoir venir à notre tour, sous le niveau de l’égalité, réclamer les secours et l’organisation que nous avons droit d’attendre du gouvernement. Nous avons remis, depuis six décades, aux comités réunis des Finances et de l’Instruction publique, le tableau financier de notre théâtre. Il prouve qu’il existe, après cinq mois de travail et de zèle, et malgré notre réunion aux talents des artistes du Théâtre Français, un déficit pour le complément du payement de tous, provenant autant du retard à former l’organisation que du malheureux emplacement de notre théâtre, situé dans un quartier éloigné et désert. C’est la rentrée de ce déficit que nous venons réclamer. Les pétitionnaires sont admis aux honneurs de la séance. Un membre demande le renvoi de cette pétition au comité, pour qu’il organise cette partie d’instruction publique. Cette proposition est décrétée (76). 27 Un secrétaire donne lecture d'une adresse de la société populaire de l’Isle [-sur-la-Sorgue], département de Vaucluse. A peine les représentans Rovère et Poultier eurent-ils abandonné ces malheureuses contrées, qu’ils étoient venus organiser en département que la paix et le bonheur qu’ils y avoient ramenés, s’enfuirent avec eux pour faire place à tous les crimes, à toutes les horreurs que l’esprit de vengeance et de faction est capable d’enfanter pour déchirer la patrie. Les maisons d’arrêt, devenues comme autant de gouffres qui dévoient engloutir la population de ce département, furent encombrées de citoyens de toutes les classes, de tout âge et de tout sexe; plusieurs péris-soient d’inanition ou de l’air empesté qu’on respiroit dans ces affreux séjours : les autres dévoient périr sur l’échafaud. Le décret de la Convention qui suspendit toute espèce d'exécution, commença l'ouvrage que les représentans Goupilleau [de Montaigu] et Perrin ont si dignement achevé ; ils ont rendu nombre d’innocentes victimes à la liberté ; ils ont rendu à la culture des milliers d'arpens de terre qui réclamoient en vain les bras du cultivateur. L’énergie et la sagesse des représentans Auguis et Serres dans leur mission à Marseille [Bouches-du-Rhône] ont puissamment coopéré à ramener dans le midi la justice et le bonheur. Tel est le tableau que les membres de cette société populaire présentent à la Convention sur la situation de leur pays. Ils finissent en protestant de rester à jamais unis à la Convention et de la reconnoître toujours pour leur unique point de ralliement. (76) Moniteur, XXII, 511. J. Mont.,, n° 32 et J. Paris, n° 56 indiquent que l’affaire est renvoyée au comité d’instruction Publique pour en faire un rapport dans la décade suivante. Mess. Soir, n° 820 indique le renvoi aux comités des Finances et de Salut public pour en faire un rapport dans le délai d’une décade. F. de la Républ., n° 56, indique le renvoi aux comités des Finances et d’instruction publique et le même délai pour le rapport. Mentions dans J. Fr., n° 781; Gazette Fr., n° 1048 ; Ann. R. F., n° 55.