SÉANCE DU 10 FLORÉAL AN II (29 AVRIL 1794) - N° 47 485 47 [Le citoyen Chomel, à la Conv.; Gilly par Nuits, 26 germ. II] (1). « Citoyens représentants, Je vous ai envoyé 2 alphabets de la langue française, mais sur les observations qui m’ont été faites ici qu’ils étaient trop surchargés d’ac-cens et d’abréviations, j’ay cherché à en découvrir la cause. J’y suis parvenu à force de travail et d’efforts; il m’a été facile d’y remédier avec un tel succès que l’écriture que je propose se raproche infiniment de l’écriture actuelle. Les anciens instituteurs nommaient les lettres f, 1, n, r, s, èffe, èlle, ènne, èrre, èsse, et les nouveaux instituteurs les ont réduites aux seuls sons se, le, ne, re, se. Il est évident que ceux-ci ont erré, car les sons èf, èl, èr, ès sont aussi nécessaires dans les mots, loyal, nanon, Royer, souriez et autres semblables que les sillabes fe, le, ne, re, se. Mais comme cette nouvelle méthode était généralement reçue, je n’avais pas songé à l’examiner; je comptais sur sa solidité, lorsque je fis mes premiers alphabets, de manière que pour avoir les lettres finales 1 et r, je les distinguai par un trait de celles qui étaient destinées à commencer les sillabes et pour me procurer le n final, je mis un trait sur les voyelles qui les fesait sonner an, en, in, on, un. Il est beaucoup de sillabes de convention non sonnées par la prononciation des lettres, telles que ou, ail, eil, in et c que je désigne par des accens mis sur les lettres que j’empruntais. Je joins icy une épreuve de mon nouvel alfa-bet, en attendant que je puisse vous le faire passer. Accusez-moi, je vous prie, la réception de cet essai sur un des doubles que vous me renvoyerez à Gilly par Nuits, départ, de la Côte d’Or. S. et F. ». Chomel. Renvoyé au Comité d’instruction publique (2) . [Essoi de nouvelle orthographe]. Grammaire de Lancelot. page 51. L’art de la lecture est si difficile, que si on ne l’apprenoit de routine dans l’enfance; âge où les inconséquences de la méthode vulgaire ne se font pas encore appercevoir, on auroit beaucoup de peine à l’apprendre dans un âge avancé; et la peine seroit d’autant plus grande qu’on auroit l’esprit plus juste. page 54. Seroit-il possible qu’une nation reconnue pour éclairée et accusée de légèreté, ne fut constante que dans des choses déraisonnables ? Telles est la force de la prévention et de l’habitude, que lorsque la réforme, dont la proposition paroît aujourd’hui chimérique, sera (1) F17 1010B pl. 2, n° 2767 et J. Guillaume, Procès-verbaux du C. d’instruction Publique, T. IV, p 311. (2) Mention marginale datée du 10 flor. et signée Pottier. faite (car elle se fera), on ne croira pas qu’elle ait pu éprouver de la contradiction. Ci-git dessous ce marbre blanc Le plus avare homme de Rennes, Qui mourut tous-exprès le dernier jour de l’an, De peur de donner des étrennes. Depuis vos deux fontanges, Que vous montrez d’appas jusqu’à votre colier ! Depuis vos deux oranges, Que vous cachez d’appas, jusqu’à votre soulier ! Éqriture de Chomel. l’art de la léqtuRe èt si difisile, qe si on Ne l’apReNèt de Routine danz l’anfanse; âje où lèz inqonséqansez de la métode vulgèRe Ne se font paz anqoRe apèrcevouar, on ÔRèt bôqou de pèNE a l’apRandRe danz en âje avansé; é la péNe seRèt d’ôtant pluz gRande, q’on ÔRèt l’èspRit plus juste. SeRèt-il posible q’uNe Nasion ReqoNue pour équlèRée, é aquzée de légèReté, Ne fut qonstante qe danz dèz chozez déRèzoNablez ? Tèle èt la forse de la pRévansion é de habitude, qe lorsqe la Réforme, dont la pRopozision paRèt ôjourdui chiméRiqe, seRa fête (qar èle se feRa), on Ne cRoiRa paz q’èle èt pu épRouver de la qontRa-diqsion. Si-jit desouz se maRbRe blan le pluz avaRe orne de RèNez, Qi mouRut tout-èxpRèz le dèrNié jour de l’an, De peur de doNèr dèz etRèNez. Depuis voz deuz fontangez, Qe vouz montRéz d’apaz jusq’a votRe qolié ! Depuis voz deuz oRangez, Qe vouz qachéz d’apaz jusqu’à votRe soulié ! Essai de cet alphabet sur des morceaux connus. Ecriture ordinaire. Les droits de l’homme sont la liberté, l’égalité, la sûreté, et la propriété. Tous les hommes sont égaux par la nature et devant la loi. La liberté est le pouvoir qui appartient à l’homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d’autrui; elle a pour principe, la nature; pour règle, la justice; pour sauve-garde, la loi; sa limite morale est dans cette maxime : Ne fais pas à un autre ce que tu ne veux pas qui te soit fait. Nul ne peut être privé de la moindre portion de sa propriété sans son consentement, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. Les secours publics sont une dette sacrée; la société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en SÉANCE DU 10 FLORÉAL AN II (29 AVRIL 1794) - N° 47 485 47 [Le citoyen Chomel, à la Conv.; Gilly par Nuits, 26 germ. II] (1). « Citoyens représentants, Je vous ai envoyé 2 alphabets de la langue française, mais sur les observations qui m’ont été faites ici qu’ils étaient trop surchargés d’ac-cens et d’abréviations, j’ay cherché à en découvrir la cause. J’y suis parvenu à force de travail et d’efforts; il m’a été facile d’y remédier avec un tel succès que l’écriture que je propose se raproche infiniment de l’écriture actuelle. Les anciens instituteurs nommaient les lettres f, 1, n, r, s, èffe, èlle, ènne, èrre, èsse, et les nouveaux instituteurs les ont réduites aux seuls sons se, le, ne, re, se. Il est évident que ceux-ci ont erré, car les sons èf, èl, èr, ès sont aussi nécessaires dans les mots, loyal, nanon, Royer, souriez et autres semblables que les sillabes fe, le, ne, re, se. Mais comme cette nouvelle méthode était généralement reçue, je n’avais pas songé à l’examiner; je comptais sur sa solidité, lorsque je fis mes premiers alphabets, de manière que pour avoir les lettres finales 1 et r, je les distinguai par un trait de celles qui étaient destinées à commencer les sillabes et pour me procurer le n final, je mis un trait sur les voyelles qui les fesait sonner an, en, in, on, un. Il est beaucoup de sillabes de convention non sonnées par la prononciation des lettres, telles que ou, ail, eil, in et c que je désigne par des accens mis sur les lettres que j’empruntais. Je joins icy une épreuve de mon nouvel alfa-bet, en attendant que je puisse vous le faire passer. Accusez-moi, je vous prie, la réception de cet essai sur un des doubles que vous me renvoyerez à Gilly par Nuits, départ, de la Côte d’Or. S. et F. ». Chomel. Renvoyé au Comité d’instruction publique (2) . [Essoi de nouvelle orthographe]. Grammaire de Lancelot. page 51. L’art de la lecture est si difficile, que si on ne l’apprenoit de routine dans l’enfance; âge où les inconséquences de la méthode vulgaire ne se font pas encore appercevoir, on auroit beaucoup de peine à l’apprendre dans un âge avancé; et la peine seroit d’autant plus grande qu’on auroit l’esprit plus juste. page 54. Seroit-il possible qu’une nation reconnue pour éclairée et accusée de légèreté, ne fut constante que dans des choses déraisonnables ? Telles est la force de la prévention et de l’habitude, que lorsque la réforme, dont la proposition paroît aujourd’hui chimérique, sera (1) F17 1010B pl. 2, n° 2767 et J. Guillaume, Procès-verbaux du C. d’instruction Publique, T. IV, p 311. (2) Mention marginale datée du 10 flor. et signée Pottier. faite (car elle se fera), on ne croira pas qu’elle ait pu éprouver de la contradiction. Ci-git dessous ce marbre blanc Le plus avare homme de Rennes, Qui mourut tous-exprès le dernier jour de l’an, De peur de donner des étrennes. Depuis vos deux fontanges, Que vous montrez d’appas jusqu’à votre colier ! Depuis vos deux oranges, Que vous cachez d’appas, jusqu’à votre soulier ! Éqriture de Chomel. l’art de la léqtuRe èt si difisile, qe si on Ne l’apReNèt de Routine danz l’anfanse; âje où lèz inqonséqansez de la métode vulgèRe Ne se font paz anqoRe apèrcevouar, on ÔRèt bôqou de pèNE a l’apRandRe danz en âje avansé; é la péNe seRèt d’ôtant pluz gRande, q’on ÔRèt l’èspRit plus juste. SeRèt-il posible q’uNe Nasion ReqoNue pour équlèRée, é aquzée de légèReté, Ne fut qonstante qe danz dèz chozez déRèzoNablez ? Tèle èt la forse de la pRévansion é de habitude, qe lorsqe la Réforme, dont la pRopozision paRèt ôjourdui chiméRiqe, seRa fête (qar èle se feRa), on Ne cRoiRa paz q’èle èt pu épRouver de la qontRa-diqsion. Si-jit desouz se maRbRe blan le pluz avaRe orne de RèNez, Qi mouRut tout-èxpRèz le dèrNié jour de l’an, De peur de doNèr dèz etRèNez. Depuis voz deuz fontangez, Qe vouz montRéz d’apaz jusq’a votRe qolié ! Depuis voz deuz oRangez, Qe vouz qachéz d’apaz jusqu’à votRe soulié ! Essai de cet alphabet sur des morceaux connus. Ecriture ordinaire. Les droits de l’homme sont la liberté, l’égalité, la sûreté, et la propriété. Tous les hommes sont égaux par la nature et devant la loi. La liberté est le pouvoir qui appartient à l’homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d’autrui; elle a pour principe, la nature; pour règle, la justice; pour sauve-garde, la loi; sa limite morale est dans cette maxime : Ne fais pas à un autre ce que tu ne veux pas qui te soit fait. Nul ne peut être privé de la moindre portion de sa propriété sans son consentement, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. Les secours publics sont une dette sacrée; la société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en