722 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |3 juin 1791.] pourra trouver place dans une disposition particulière. (L’Assemblée, consultée, renvoie aux comités l’observation de M. Regnaud (de Saint-Jean d'An-gély ), pour être placée dans une instruction, et adopte l’article 6). M. Le Pelletier-Saint-Fargeau , rapporteur. Voici l’article 7 : « La peine de la chaîne ne pourra excéder vingt années. » M. Prieur. Cette disposition me paraît infiniment juste. Dans l’ancienne jurisprudence, le crime se prescrivait par un intervalle de trente années ; lorsqu’il y avait jugement, la peine se prescrivait par un intervalle de vingt années... {Murmures.) Un membre : Ce n’est pas cela ! M. Prieur. On me dit que ce n’est pas cela. C’est un fait à vérifier ; au surplus, cela ne change rien à mon hypothèse. (Murmures.) Pourquoi, au bout de ce temps, la loi remettait-elle la peine? Parce qu’elle croyait que la crainte continuelle de cette peine avait suffi pour faire expier au coupable son crime. Or, il s’agit de savoir si la peine elle-même n’est pas plus forte que la crainte. Nous devons donc, Messieurs, imiter la sagesse de l’ancienne loi et dire que les peines ne seront as perpétuelles ; d’ailleurs c’est concourir au ut moral du comité, qui n’a jamais vu dans les peines que l’espoir d’amender les hommes; je demande donc que l’avis du comité soit adopté. M. üfougins de Roquefort. Je crois qu’on ne doit pus dans ce moment-ci fixer le maximum de la peine; mais je crois d’un autre côté que vous pouvez très bien décider si la peine sera temporaire. L’objet de la délibération me paraît donc devoir se fixer sur ce point : la peine de la chaîne sera-t-elle, oui ou non, temporaire? M. Pelletier-Saint-Fargeau , rapporteur. J’adopte volontiers la proposition de M. Mou-gins; ou pourrait alors renvoyer la question de la durée de la peine de la chaîne, après que les articles suivants auront été décrétés, afin de la proportionner aux différents délits auxquels elle peut être appliquée. M. Mougins de Roquefort. Je pense pour ma part, Messieurs, que la peine de la chaîne doit être temporaire. Vous avez décidé, en effet, que la peine de mort serait prononcée pour les plus grands crimes; or, je dis que les autres délits ne drivent pas être punis d’une peine perpétuelle. Si vous prononciez ce décret, il en résulterait que vous porteriez une loi dure et cruelle ; Car, Messieurs, retracez-vous l’image d’un malheureux gémissant pendant toute sa vie dans les horreurs d’une prison : cet état serait pire que la mort; cette idée contraste avec l’esprit de vos nouvelles lois Je parle à des législateurs sensibles et humains; ils ont prononcé à regret la perte de la vie et, en partageant leur opinion, j'ai éprouvé le même sentiment. Ils ne voudront pas, dans des délits moindres que ceux que l’on appelle qualifiés, établir un genre de peine qui affligerait d’une manière bien dure l’humanité. Je conclus à ce que l’Assemblée décrète que la peine de la chaîne sera temporaire. M. Régnier. Je pense au contraire que non seulement il faut décréter que les peines dont il s’agit seront temporaires, mais qu’il importe même de fixer le maximum auquel elles pourront être portées. En voici les raisons. Le système de vos peines est de faire à l’humanité l’honneur de n’en pas désespérer. Or, si dans une pénitence de 20 années, on ne suppose pas que l’homme a corrigé sa mauvaise habitude par ses réflexions, vous ne devez pas espérer davantage qu’il s’est corrigé par un espace de 10 années de plus. Votre comité propose même qu’ils aient l’aptitude à posséder toutes les charges et tous les honneurs de la société; il faut donc être conséquent avec votre nouveau système, et nous qui voulons faire des lois infiniment plus douces que celles de l’ancien régime, nous devons supprimer la perpétuité. Vous avez d’ailleurs la ressource de la déportation pour débarrasser la société d’un homme qui lui serait dangereux. Je demande donc qu’il soit déclaré, dès à présent, que la durée des peines sera toujours temporaire. M. Delavigne. Je crois qu’il serait absurde de fixer un maximum de temps. Comme les peines doivent être infligées à chaque crime, il n’est pas possible de déterminer leur latitude plus ou moins grande ou de laisser de l’arbitraire dans un genre aussi sérieux de l’application de la peine au crime. Ainsi, point de maximum. Quant à la question de savoir si la peine de la chaîne sera temporaire, il est à craindre que nous ne connaissions pas assez quels sont tous ces crimes qui, dans l’ancien système de peine, étaient punis de la peine de mort et auxquels dans le projet du comité il faudra plus au moins déterminer la gravité de la peine à infliger. Je crois donc que la même raison d’équité qui ordonne d’adopter à chaque crime la peine qui lui convient, doit vous faire renvoyer la question de la durée de la peine au temps où vous vous occuperez en détail de chaque délit. Un membre propose de renvoyer l’examen en entier de l’article aux comités, afin que cette question soit plus exactement déterminée, parce qu’il peut y avoir des circonstances, telles que la récidive, où il serait peut-être indispensable d’ordonner la perpétuité de la peine de 1er chaîne. M. Tuant de Fa Rouverie. Messieurs, je crois, contrairement à l’opinion de M. Delavigne, qu’il est d’un préalable nécessaire , avant de fixer les peines, de savoir si ces peines seront temporaires. M. Rriois-Reaumetz. Il me semble qu’il n’est pas dans l’intention de l’Assemblée d’ajourner ce que l’on peut décider. Je crois que l’Assemblée peut décréter que la peine de la chaîne ne sera pas perpétuelle, en se réservant de fixer le terme plus ou moins long de sa durée, suivant la nature des délits, et d’en régler fauplication à mesure que les cas lui seront présentés. (L’Assemblée ferme la discussion.) M. FePelletier-Saint-Fargeau, rapporteur . Voici comment on pourrait concevoir l’article : Art. 7. « La peine de la chaîne ne pourra, en aucun cas, être perpétuelle. » (Adopté.) [Assemblée nationale.] ARCHIVES ÊAftLÊMËNTAIRËS. [30 mai 179 1.] 62$ S’en passer? Par quelle fatalité ces peuples ont-ils été les plus sages, les plus heureüx et les plus libres? Si la peine de mort est la plus propre à prévenir les grands crimes, il faut donc qu’ils aient été plus rares chez les peuples qui l’ont adoptée et. prodiguée : or, c’est précisément tout le contraire. Voyez le Japon; nulle part la peiné de mort et les supplices ne sont autant prodigués; mille part les crimes ne sont ni si fréquents ni si atroces. On dirait que les Japonais veulent disputer de, férocité avec les lois barbares qui les outragent et qui les irritent. Les républiques de la Gièce, où les peines étaient modéré» s, où la peine de mort était ou infiniment rare, ou absolument inconnue, offraient-elles plus dë crimes et moins de vertus que les pays gouvernés par des lois de sang? Croyez-vous que Rome fût souillée par plus de forfaits, lorsque dans les jours de sa gloire, la loi Porcia eut anéanti les peines sévères portées par les rois et par les décemvirs, qu’elle ne Je fut sous Sylla qui les fît revivre, et sous les empereurs qui en portèrent la rigueur à un excès digne de leur infâme tyrannie! La Russie a-t-elle été bouleversée depuis que le despote qui la gouverne a entièrement supprimé la peine de mort, comme s’il eût voulu expier, par cet acte d’humanité et de philosophie, le crime de retenir des millions d’hommes sous le joug du pouvoir absolu? Ecoutez la voix, de la justice et de la raison; elle nous crie que les jugements humains ne sont jamais assez certains pour que la société puisse donner la mort à un homUie condatpné par d’autres hommes sujets à l’erreur. Eussiez-vous imaginé l’ordre judiciaire le plus parfait, eussiez-vous trouvé les juges les plus intègres et les plus éclairés, il restera toujours quelque place â l’erreur et à la préveution. Pourquoi vous interdire le moyen de les réparer? Pourquoi vous condamner à l’impuissance de tendre une main secourable à l’innocence opprimée? Qu’importent ces stériles regrets, ces réparations illusoires que vous accordez à une ombre vaine, à une cendre insensible? Elles sont les tristes témoignages de la barbare témérité de vos lois pénales. Ravir à l’homme la possibilité d’expier son forfait par sOù repentir ou par des actes de vertus; lui fermer impitoyablement tout retour à la vertu, à /'estime de soi-même, se hâter de le faire descendre, pour ainsi dire, dans le tombeau encore tout couvert de la tache récente de son crime, c’est à mes yeux le plus horrible raffinement de la cruauté. Le premier devoir du législateur est de former et de conserver les mœurs publiques, source de toute liberté, source de tout bonheur social ; lorsque, pour courir à un but particulier, il s’écarte de ce but général et essentiel, il commet la plus grossière et la plus funeste des erreurs. Il faut donc que la loi pré-ente toujours aux peuples le modèle le plus pur de la justice et de la raisoD. Si, à la place de cette sévérité puissante, calme, modérée qui doit les caractériser, elles mettent’la colère et la vengeance ; si plies font couler Je sang humain qu’elles peuvent épargner, et qu’elles n'ont pas le droit de répandre; si elles étalent aux yeux du peuple des scènes cruelles et des cadavres meurtris par des tortures, alors elles altèrent dans le cœur des citoyens les idées du juste et de l’injuste; elles font germer, au sein de la société, des préjugés féroces qui en produisent d’autres à leur tour. L’homme n’est plus pour l’homme uiai objet si sacré; on a une idée moins grande de sa dignité quand l’autorité publique se joue de sa vie. L’idée du meurtre inspire bien moins d’effroi, lorsque la loi même en donne l’exemple et le spectacle; l’horreur du crime ai-minuedès qu’elle ne le punit plus que par un autre crime. Gardez-vous bien de confondre l’efficacité des peines avec l’excès de la sévérité : l’un est absolument opposé à l’autre. Tout seconde les luis modérées; tout conspire contré les lois cruelles. On a ob-ervé que, dans les pays libres, les crimes étaient plus rares et les lois pénales plus douces. Toutes les idées se< tiennent. Les pays libres sont ceux où les droits de l’homme sont respectés, et où, par conséquent, les lois sont justes. Partout où elles offensent l’humanité pâr un e,xcès de rigueur, c’est une preuve que la dignité de l’homme n’y est pas connue ; que celle du citoyen n’existe pas : c’est une preuve que le législateur nVst qu’un maître qui commande à des esclaves, et qui les châtie ‘impitoyablement suivant sa fantaisie. Je conclus à ce que la peine de mort soit abrogée. (Applaudissements.) (La suite de la discussion est renvoyée à la séance de demain.) M. Prieur. Messieurs, l’Assemblée a ajourné hier, à l’heure de deux heures, l’alfaire relative aux mesures à prendre pour la province d'Alsace en raison de son état actuel. M. le Président. Les comités sont assemblés dans ce moment-ci ; probablement ils ne sont pas prêts. M. Rœderer donne à l’Assemblée quelques détails sur les affaires politiques du royaume et sur l’état de situation dans lequel se trouvent les frontières ; et dans la persuasion où il paraît être que les gardes nationaux de l’Empire pourraient être mis en activité, il ajoute : Je prends, Messieurs, occasion de cette circop-tance pour vous rappeler le décret que vous avez rendu et par lequel vous avez accordé des pensions aux veuves des gardes nationales de Metz qui ont péri en voulant faire exécuter la loi à Nancy. Il est bien étonnant que, depuis 11 mois que ce décret est rendu, il n’ait pas encore reçu son exécution. Je crois cependant qu’il est du devoir de l’Assemblée nationale de ne pas les laisser sans récompense, surtout après l’avoir promise. Je demande donc que le comité des pensions noos présente sans délai un rapport sur cet objet. M. Emmery. Je demande que ce rapport soit fait samedi soir au plus lard. (L’Assemblée ordonne que son comité des pensions sera tenu de lui faire, samedi soir, le rapport des récompenses à accorder aux veuyes et enfants dont les maris ou les pères sont morts à Nancy pour la défense de la loi.) M, le Président lève la séance à trois heures*