[Assemblés nationale-] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 décembre 1789. J 591 M. le Président rappelle l’interrupteur à l’ordre. M. le vicomte de Mirabeau réclame la parole et pendant longtemps, refuse de quitter la tribune dont il s’est emparé. M. le Président propose de clore la discussion. — La clôture est prononcée. M. le vicomte de Mirabeau interrompt le président, en termes peu mesurés, et s’obstine à vouloir être entendu, malgré les observations qui lui sont faites de toute part. (L'Assemblée reste longtemps dans un désordre extrême.) M. le Président parvient enfin à ramener le calme. I M. Bouche. Le scandale auquel nous venons d’assister n’a pu être prévu par votre règlement-, je demande que celui qui en est l’auteur soit exclu pendant huit jours de l’Assemblée. M. Barnave. Cette peine excède notre droit. Je propose l’exclusion pour la séance seulement, afin que l’orateur réfléchisse sur ses intempérances de langage et autres. (L’intempérance de M. le vicomte de Mirabeau lui avait mérité le surnom de Mirabeau-Tonneau.) M. Alexandre de Lameth. Comme il est indispensable de conserver quelque décence dans les séances de l’Assemblée, je demande que M. le vicomte de Mirabeau soit rappelé à l’ordre et que son nom soit inscrit au procès-verbal. Je demande ensuite que l’Assemblée ajourne à la séance de samedi soir la question de savoir quelle punition mérite un membre qui s’oublie au point de manquer de respect au président et à l’Assemblée, et si cette punition peut s’étendre jusqu’à l’exclusion de ce membre. L’ajournement à samedi est décrété, ainsi que la reprise de l’ordre du jour. M. le vicomte de Mirabeau réclame la parole avec un grand éclat de voix. (Les termes peu mesurés de l’orateur et ses emportements au delà des bornes prescrites dans une assemblée publique, font renaître le tumulte.) Plusieurs membres demandent que la séance soit levée, en mentionnant la cause de sa discontinuation. M. Lambert de Frondeville cherche à excuser l’orateur en disant que, s’il a tant élevé, la voix, c’est par un excès de sensibilité et d’inquiétude sur l’ajournement prononcé à samedi prochain. Il demande que l’ajournement soit révoqué et qu’on revienne simplement à l’ordre du jour. M. le duc de Liancourt. L’Assemblée a été troublée d’une manière extrêmement pénible pour elle-même et pour le public qui assiste à la séance. Je suis loin de pencher pour les partis rigoureux, mais je ne puis m’empêcher, dans l’intérêt de l’Assemblée, de demander qu’en révoquant l’ajournement, le membre qui a été rappelé à l’ordre par M. le président soit nommé dans le procès-verbal. Cette motion est mise aux voix et l’Assemblée décrète seulement : « Que M. le vicomte de Mirabeau, qui a été mis à l’ordre par M. le président, sera nommé dans le procès-verbal. » M. le baron de Menou. La plus belle grâce qu’on puisse faire à M. le vicomte de Mirabeau, c’est de croire qu’il n’est pas de sang-froid. La discussion est reprise sur l'affaire du parlement de Rennes. M. le vicomte de Mirabeau dit qu’il existe, au comité des rapports, différentes pièces tendant à justifier la chambre des vacations du parlement de Rennes et à démontrer que le président seul a fait au Roi la réponse qui a été mentionnée. Il ajoute que l’adresse qui a été lue a été faite par la municipalité sans que le surplus des citoyens y ait eu aucune part. Ces motifs le déterminent à penser que la chambre n’est pas coupable, et il demande que la discussion soit continuée à demain, deux heures, pour qu’on puisse faire le rapport des pièces. M. Giraud-Duplessis appuie la motion de M. Le Chapelier par la lecture d’une délibération de la ville de Morlaix. M. d’Estourmel dit que l’ancienne constitution de Bretagne a sans doute induit le parlement en erreur ; que les magistrats se sont trouvés embarrassés entre les lois anciennes et les lois modernes; qu’il faut prier le Roi d’écrire au parlement et de remplacer les magistrats de la chambre des vacations. On demande l’ajournement de la question. L’ajournement, mis aux voix, est rejeté. M. Rœderer fait une motion qui est adoptée en ces termes : « L’Assemblée nationale décrète : « Que les magistrats composant la chambre des vacations du parlement de Rennes seront mandés pour comparaître à la barre, dans la quinzaine de la réception du décret, et que le Roi sera supplié de former une autre chambre parmi les autres magistrats du même parlement. » M. le Président lève la séance, après avoir indiqué celle de demain, à neuf heures et demie. PREMIÈRE ANNEXE à la séance de V Assemblée nationale du 15 décembre 1789. Idées et réflexions sur quelques points de la constitution militaire adressées à MM. les députés , membres du comité militaire, par le marquis de Puységur (1) , colonel du régiment de Strasbourg -Artillerie. Une constitution militaire doit, comme celle d’un gouvernement, être appuyée sur des bases si stables, sur des principes si clairs, qu’une fois ces principes établis et sanctionnés par l’unanimité des opinions, aucun être ne puisse s’en écarter sans eD devenir responsable au tribunal de la loi. (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur.