[Convention nationale.J ARCHIVES I’ARLEMElNTAIRES. | � décembre «93 189 Lettre du représentant du peuple Massieu, gui rend compte des détails d’une fête civique célé¬ brée en sa présence dans la ci-devant église mé¬ tropolitaine de Reims, consacrée désormais au culte de la raison. Insertion au « Bulletin » (1). Suit la lettre de Massieu (2). L’autel de la patrie sera réparé et convenable¬ ment orné. A huit heures précises, le rassemblement aux promenades, les corps armés et les groupes auront leurs places étiquetées ; - des ordonna¬ teurs disposeront, suivront leurs mouvements, ils recevront l’impulsion de l’ordonnateur gé¬ néral. Ordre de la marche. « Reims, primidi 1er nivôse de l’an II de la République, une et indivi¬ sible. « Citoyen Président, « Je viens d’assister hier à une fête civique en cette ville ; il en est peu de plus imposante et de plus touchante. La Société populaire et tous les citoyens sans-culottes se sont réunis pour consacrer désormais à la raison leur antique et trop fameuse métropole, uniquement destinée jusqu’à ce jour aux plus absurdes cérémonies du fanatisme et du despotisme. L’inauguration nouvelle a bien expié l’espèce de souillure que les ridicules et funestes onctions de nos tyrans faisaient contracter à ce temple toutes les fois que l’ignorance et la stupidité donnaient un nouveau maître à la France. La raison, repré¬ sentée par une citoyenne et placée sur l’autel, de simples guirlandes de feuilles de chêne entre¬ laçant les piliers de cette superbe basilique, la tribune de la Société populaire à la place d’une cha ire où des hypocrites prêchaient le mensonge, de simples gradins où siègent les Montagnards, substitués aux trônes que s’érigeaient à eux-mêmes les ministres insolents d’un Dieu qu’ils disaient ennemi du faste et des richesses, enfin l’autodafé du mannequin du tyran d’Italie et de son triple bonnet, qui n’est pas celui de la liberté, le chant d’hymnes civiques en l’honneur de la raison et de la République, présentaient un contraste bien satisfaisant pour le philosophe républicain qui comparait ce culte nouveau à celui dont son œil, sa raison et son cœur avaient été affligés jusqu’à ce jour dans ces mêmes lieux. « Le représentant du peuple près l’armée des Ardennes, <; Massieu. » Détachement de cavalerie, avec ses trom¬ pettes. Corps de sapeurs. Corps de canonniers traînant leur artillerie, surmontée de cette inscription : Pour mettre à la raison les tyrans cl les pervers . Groupe de tambours. Musique militaire. Les divers états-majors de la place pêle-mêle. Détachement de chaque dépôt de ligne et de-chaque bataillon de gardes nationales, alternant l’un avec l’autre; au milieu d’eux une bannière portant ces mots d’un côté : Notre amour pour la patrie s’accroît avec ses dangers. De l’autre : Unis, nous vaincrons. Tables de la loi. A leurs côtés, deux bannières,. l’une portant ces mots : Liberté ou la mort. L’autre : Fraternité ou la mort. Les bustes des martyrs de la liberté sous un étendard commun, portant ces deux devises : Peuple, pleure tes amis, ils périrent pour toi. Les tables de la loi et les bustes seront escortés par le bataillon de l’Espérance de la patrie et la compagnie des vétérans. Programme (3). Fête civique en l’honneur de la raison , provoquée par les huit sections, sous l’autorisation des autorités constituées, pour le 30 frimaire. La veille, la solennité sera annoncée au sqn du tambour, le lendemain, au point du jour la grosse cloche se fera entendre, la générale bat¬ tra, la trompette sonnera, l’artillerie ne jouera pas. Dans une fête à la raison i! serait déraison¬ nable de prodiguer la poudre, qui doit être réservée contre les ennemis de la patrie. (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 58. (2) Archives nationales, carton G 287, dossier 860, pièce 7. Aularcl, Recueil des actes el de la correspon¬ dance du comité de Salut public, t. 9, p. 573. (3) Archives nationales, carton C 287, dossier 860, pièce 8. Groupes moraux représentant les sections de Èeims. Premier groupe. Une charrue attelée de deux: bœufs, un couple sexagénaire assis dessus; sur leurs têtes flottera cet étendard : Honneur à la charrue; au dos : Respect à la vieillesse et à l'amour conjugal. Des agriculteurs des deux sexes, au nombre de 24, précéderont et suivront ; pareil nombre formera l’escorte des autres groupes. Deuxième groupe. Un cénotaphe antique chargé de couronnes, de cyprès et d’urnes funé¬ raires; ce monument sera surmonté d’un guidon où on lira ces mots : Mânes de nos frères, hon¬ neurs vous soient rendus. En avant et en arrière, leurs parents, des citoyens et citoyennes por¬ tant des marques de deuil, des enfants avec des cassolettes et des couronnes. Troisième groupe. Un char; dessus une ci¬ toyenne noblement, mais simplement vêtue, 190 jCoureation nationale. 1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ! J nivôse an 11 (23 décembre 1793 figurant la richesse avec des cornes d’abondance pour attributs; à côté d’elle une famille infor¬ tunée à laquelle elle distribue des secours. Les douze citoyens et citoyennes qui précéderont et suivront le char seront de vrais sans-culottes, fraternisant, hras dessus, bras dessous, avec des citoyens plus richement habillés. Au-dessus du char voltigera cette légende : Le riche doit assistance au “pauvre . Quatrième groupe. Un char drapé de blanc omé de guirlandes de fleurs et de verdure; on y verra une mère intéressante appuyée sur une barcelonnette, ses enfants folâtreront autour d’elle. Au-dessus du char sera cette devise : Qu’il est doux d’être mère. Des mères de famille avec leurs enfants accompagneront le char. Cinquième groupe. Un char drapé d’étoffes rembrunies, supportant l’intéressant groupe du célèbre Greuze : un père de famille étendu sur un lit de repos, autour de lui ses enfants éplorés adressant des voeux au ciel pour sa conserva¬ tion-L’inscription de l’oriflamme sera : Enfants, aimes) bien vos parents, vous ne les aurez pas toujours. Des adultes des deux sexes seront groupés autour du char; la douleur caractérisera leur attitude. Sixième groupe. Au milieu de deux pelotons de convalescents, ayant en tète leurs officiers de santé, sera porté, sur un brancard drapé à l’antique, un défenseur de la patrie, dont les nombreuses blessures seront recouvertes de leurs bandages ensanglantés. Du seul bras qui lui reste, il agitera un drapeau où seront lus ces mots : Notre sang a coulé pour la patrie, le reste est encore pour elle. Suivront les employés des deux hôpitaux. Septième groupe. Un char de teinte sombre garni de chaînes brisées; à l’entour, on lira ces mots : Prisonniers de guerre. Il portera huit prisonniers blessés, auxquels un chirurgien, aidé de deux infirmiers prodigueront leurs soins; l’exergue de leur bannière sera écrite en alle¬ mand et en français : L’humanité , soeur de la liberté; au revers : Les insensés, ils se battaient pour un tyran. En avant et en arrière, deux groupes de gardes nationaux victorieux, le sac et le fusil sur le dos, et des citoyennes portant des paquets de charpie. Huitième groupe. Le faisceau républicain. De ce faisceau sortira un étendard avec ces mots : Unité, Indivisibilité. Dix-sept citoyens porteront chacun, au bout d’une pique surmontée d’un bonnet rouge, des écussons où on lira le nom de chaque département. Neuvième groupe. La Société populaire, avec ses attributs ; au milieu, le palladium des Fran¬ çais : la statue de la Liberté, supportée par douze de ses membres. Corps de musique. Dixième groupe. Le char de la déesse de la Saison, attelé de chevaux de belle encolure; en avant et en arrière, marcheront deux groupes de citoyens et citoyennes portant les débris du despotisme et de la féodalité. Onzième groupe. Le souverain, représenté par la masse imposante des citoyens de toutes les professions s’honorant d’arborer l’instru¬ ment caractéristique qui leur donne du pain. Cette grande famille de' frères aura dans son sein les autorités constituées, les tribunaux, etc,, chacun avec ses marques distinctives; sur les deux faces du guidon antique ce mot simple se lira : le Souverain. A cet endroit seulement, la force armée formera une triple haie de piques et de baïonnettes, en signe de force, de puis¬ sance et de respect. Un détachement de cavalerie fermera la marche; sur un guidon sera lu ce décret de la Convention nationale : Le Gouvernement est révolutionnaire jusqu’à la paix. A neuf heures très précises le cortège partira des Promenades, il passera par les rues de la Couture, de Vesle, Saint-Denis, rue Neuve, rue Saint-Remi, rue des Cailloux, cour Saint-Remi, place Saint-Remi, rue de la Bonne-Femme, la Halle Saint-Remi et reviendra par les rues de la Grosse-Enclume, rue du Bar-bâtre, Saint-Étienne, la Peirrierre, place Natio¬ nale, l’obélisque sera salué sans cependant que l’on s’y arrête, on y déposera deux vases d’où s’exhalera l’encens; on suivra la rue des Tapis¬ siers, de la Poissonnerie; arrivée au parvis, l’avant-garde de la marehe formée par un déta¬ chement de cavalerie, se portera de droite et de gauche sur les rues du Trésor et du Corbeau, qui seront fermées par des barrières. Au milieu du parvis sera un poteau infamant où seront attachés les mannequins des tyrans coalisés et deLafayette; autour du poteau, un bûcher. La haie entrera de droite et de gauche dans le temple. Les groupes à pied tiendront le milieu et iront déposer dans le sanctuaire leurs attributs sur des tréteaux préparés à cet effet; les groupes des chars descendront pour les suivre, les con¬ ducteurs auront soin de diriger .les chars de droite et de gauche dans les cours du oi-devant Hôtel-Dieu et de la maison du Moulinet, pour éviter confusion ou malheur. Les musiciens occuperont le fond du sanctuaire, les chanteurs le milieu, les autorités constituées et le souve¬ rain, ee qu’on appelait ci-devant le chœur et les stalles; la Société populaire ira déposer le palladium de la République sur l’autel de la raison, sur lequel flottera cette simple légende : A la Raison. Le discours inauguratoire sera prononcé. Le président de la Société populaire, le représen¬ tant du peuple, s’il se trouve présent, haran¬ gueront; 1 ’ Hymne de la liberté, l’hymne de : Veillons au salut de l’Empire, seront chantés au son de l’orgue, au bruit de la musique, de la trompette et des tambours; le peuple est invité à ne répéter que le refrain. Cette cérémonie expiatoire achevée, il restera un sacrifice expia¬ toire, un acte fraternel à consommer. Le souve¬ rain ira mettre le feu au bûcher qui devra dévo¬ rer les restes impurs du despotisme et de la féo¬ dalité; alors une vaste draperie se déroulera au-devant du frontispice du temple, on y lira : Jugement dernier de ces aristocrates; les trom¬ pettes disposées an balcon des deux tours l’annonceront. La Carmagnole sera dansée autour du bûcher; après, le souverain sera conduit à la fontaine de la fraternité, sur l’air : Où peut-on être mieux qu’au sein de sa famille? Les mains pures d’un jeune enfant y feront la première libation; le3 citoyens s’avanceront vers la fontaine avec cet ordre et cette dignité qui est le vrai caractère d’un peuple libre, et la