716 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j « JS&Tm vous avez chassé de votre sein des mandataires infidèles qui abusaient de leurs caractères et de leurs moyens pour tuer la liberté : laisse¬ riez-vous des particuliers, sans mission, sans autorité, usurper celle du peuple? Non, non. Quel que soit leur masque, quelle que soit leur exaltation, nous dévoilerons leurs manœuvres. Vos comités vous doivent la vérité; ils vous la diront. Nous vous devons un compte de notre conduite, nous vous le rendrons. Mais nous avons des détails immenses; nous vous deman¬ derons le temps de réunir nos matériaux, mais ne cessez de compter sur le patriotisme et le dévouement absolu des membres de vos comités de Salut public et de sûreté générale à la chose publique. (On applaudit.) Merlin (de Thionvüle). Oui, les comités font leur devoir, et la Convention sauvera la liberté. Eh quoi ! citoyens, vous avez fait tom¬ ber la tête du tyran, et vous hésiteriez à écraser les intrigants qui voulurent lui succéder. Re¬ présentants dû peuple, marchez à grands pas dans la carrière que la Révolution vous a ouverte : la postérité tient la couronne civique. Les comités de sûreté générale et de Salut pu¬ blic ont fait arrêter deux de nos collègues, Cha¬ bot et Basire avec lesquels, moi troisième, dans l’Assemblée législative, j’ai travaillé à la des¬ truction de la tyrannie. Je demande qu’il soit ermis à leurs collègues de les voir au Luxem-ourg, en. représentant leur carte de député. Montaut. Je ne sais pas par quel motif nous serions déterminés à rendre un décret particu¬ lier pour Basire et Chabot. Ils furent mes amis ; je suis prêt à leur rendre mon estime et mon âmitié, dès que leur innocence sera claire¬ ment démontrée; jusque-là, je m’oppose à toute mesure particulière. Si vous adoptiez aujourd’hui celle que Merlin vous propose, il m’est difficile de trouver un motif plausible pour vous empêcher de permettre aussi à tous les citoyens de Paris de voir ceux de leurs amis qui sont détenus. L’égalité doit êftre la base de toutes nos lois. Je né crois pas que nous puissions, avant un examen appro¬ fondi de la conduite de Basire et Chabot, rendre le décret qui nous est proposé; car, je le répète encore, ils ne sont à mes yeux que de simples individus, jusqu’à ce que lo rapport du comité de sûreté générale et les pièces qu’il nous sou¬ mettra, aient fixé notre opinion. Je demande la question préalable sur la proposition de Mer¬ lin. Merlin (de ThionviUe). Je dois faire obser¬ ver à Montaut que Basire et Chabot ne sont pas dénoncés, mais dénonciateurs; il ne peut être défendu à personne de voir des dénoncia¬ teurs. Amar. Je dois annoncer à la Convention que le comité de sûreté générale, professant les principes de l'égalité la plus parfaite, n’a jamais entendu rien faire préjuger en faveur ou à la charge de qui que ce soit. Il veut s’éclairer avant tout, et sè diriger par les vues de cette justice sévère qui fonde les républiques, et dont l’exercice continu est la garantie de la liberté et de la sûreté du peuple. Je ne pense pas que la motion de Merlin puisse être adoptée. Basire et Chabot ont été mis au secret par mesure de sûreté générale, dans la crainte que l’obsession qu’ils pourraient essuyer de la part de quelques intéressés ou de quelques préve¬ nus, ne parvînt à les faire dévier plus ou moins de l’exacte vérité. Voilà le motif que j’oppose A la proposition de Merlin. Au reste nous verrons demain les prisonniers pour conférer avec eux, et nous ferons le rapport de ce que nous aurons recueilli dans nos entretiens avec eux. Merlin retire sa motion. La Convention l’écarte en passant à l’ordre du jour : IV Compte rendu de V Auditeur national (1). Au nom du comité de sûreté générale. Amar a obtenu la parole. Le Comité, a-t-il dit, est à la suite des com¬ plots et des conspirateurs qui se trament et qui ontr surtout pour objet l’avilissement de la représentation nationale. Nous avons pris hier une mesure de Salut public très importante. Plusieurs de nos collègues s’étant rendus faubourg Poissonnière, dans une maison qui nous avait été indiquée, ils y ont trouvé Ra-baut de Saint-Etienne et Rabaut-Pomier. Nous avons saisi leurs papiers, leur argent et leurs effets. Leur argent est peu de chose, mais leurs papiers sont tout. Ce sont ces deux indi¬ vidus qui influençaient le plus directement la contre-révolution qui se tramait dans le Midi. Nous les avons fait conduire à la Conciergerie et les avons' dénoncés à l’accusateur public près le tribunal révolutionnaire, qui le jugera. Nous avons cru également devoir faire arrêter deux particuliers qui leur ont donné asile et retraite, car Rabaut-Saint-Etienne et Rabaut-Pomier n’ont pas été à Lyon, ni à Marseille; ils n’ont pas cessé d’être à Paris, c’est de là qu’ils faisaient passer dans les départements qu’il fanatisaient des écrits affreux et qui ne ten¬ daient à rien moins qu’à armer les départements les uns contre les autres. Tous les jours, continue le rapporteur, les preuves de conspiration s’accumulent en nos mains. Nous avons à déjouer les comnlots�|eë malveillants, des folliculaires, de ces hommes qui foulant aux pieds tous les principes, sont par¬ venus à accaparer l’opinion publique et veulent se mettre entre la Convention et le peuple. Ces audacieux sont démasqués. Nous les dénonce¬ rons; nous ne respecterons personne. Quand nous avons eu le courage de dénoncer les cons¬ pirateurs qui étaient au milieu de nous, quand la Convention nationale s’est immortalisée en frappant le tyran, comment des hommes, qui ne sont que d’obscurs citoyens, pourraient -ils éviter un châtiment justement mérité? Votre comité vous doit la vérité; il vous la dira, fût -il exposé à périr. Nous recueillons les matériaux à mesure que les renseignements nous arrivent et que les conspirations se dévoi¬ lent. Soyez persuadés que nous ne perdrons pas un moment pour être en état de vous pré-(1) Auditeur national [n° 440 du 16 frimaire an II (vendredi 6 décembre 1793), p. 3]. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { déœm�re�lTOS 717 senter un rapport satisfaisant, et pour vous et Montaut invoque fortement l’ordre du jour pour le peuple que nous voulons sauver. sur cette motion. Merlin. La République est impérissable, le peuple est immortel. Nous saurons tous périr ici pour le faire triompher et écraser les scélé¬ rats; mais il existe un grand complot pour divi¬ ser les patriotes. Je demande que chaque membre de la Convention soit autorisé à voir Basire et Chabot au Luxembourg. Maribon-Montaut. L’égalité s’oppose à cette mesure. Nous ne pouvons l’adopter sans savoir au moins quelles ont été les causes de l’arresta¬ tion de nos collègues. Merlin. Chabot et Basire sont dénonciateurs et non coupables. S’ils sont détenus, c’est seu¬ lement par mesure de sûreté générale; mais au surplus, si ma motion offre le moindre incon¬ vénient, je la retire. Amar annonce que demain plusieurs mem¬ bres du comité de sûreté générale se rendront au Luxembourg, où ils recevront les déclarations de Chabot et Basire, et présenteront ensuite un rapport à la Convention. V. Compte rendu du Journal du Perlet (1). Amar, organe du comité de sûreté générale , annonce que Rabaut-Saint-Etienne et Rabaut-Pomier, son frère, ont été découverts dans une maison de la rue Poissonnière. Leur argent et tous leurs papiers ont été saisis. II y a, dit le rapporteur, contre les deux man¬ dataires infidèles de grands indices de conspi¬ ration. Le premier influençait le plus direc¬ tement une contre-révolution. Ni l’un ni l’autre n’ont quitté Pais, d’où ils s’occupaient à fana¬ tiser les départements par leurs écrits liberti-cides. Ils sont entrés à la Conciergerie; le tri¬ bunal révolutionnaire va instruire leur procès. Les particuliers qui leur donnaient asile ont été aussi arrêtés. Amar s’élève ensuite avec force contre les folliculaires qui corrompent l’esprit public, et contre les conspirateurs en général. Sans cesse occupé du Salut public, votre comité, poursuit-il, ne respectera personne. Il faut qu’il périsse ou qu’il dise la vérité. Eh bien ! il la dira toujours. Nous avons un grand travail à consommer; nous ne demandons que le temps de rassembler tous les matériaux. Merlin (de Thionvüle) nous mourrons touB ici, s’il le faut, pour sauver le peuple et écraser ses oppresseurs. (Vifs applaudissements.) L’orateur demande ensuite incidemment qu’il soit permis à tous les membres de la Convention de voir Chabot et Basire qui sont détenus au Luxembourg. (1) Journal de Perlet [n° 440 du 16 frimaire an II (vendredi 6 décembre 1793), p. 42]. Le préopinant observe que les deux députés en question ne sont point accusés, mais dénon¬ ciateurs. Un autre membre se disposait à combattre Merlin, lorsque, tout à coup, celui-ci retire sa motion. ANNEXE N° * A la «éauee de la Convention nationale dn 1& frimaire an 11). Compte rendu par divers journaux du discours prononcé et des mesures propo¬ sées par Maximilien Robespierre pour assurer la liberté des cultes (1). I. Compte rendu du Journal du Perlet (2). Robespierre prend la parole et développe une nouvelle trame des ennemis de la chose publique. Elle est, dit-il, d’autant plus perfide, qu’elle se cache sous des apparences philosophiques. Pour augmenter le nombre de nos ennemis on Voudrait lier l’anéantissement de la reli¬ gion à la création de la République. De là des inquiétudes qui se répandent parmi les hommes faibles et crédules. De là une nombreuse émi¬ gration du Midi dans la Suisse. De là, de nou¬ velles calomnies contre nous. Il est temps d’arrêter ces intrigues à la tête desquelles étaient des émissaires des puissances, et surtout ce Rabaut, prêtre protestant, qui n’était pas caché 6ans intention à Paris et qui a plus de part qu’on ne croit aux mouvements indiscrets, rela¬ tifs au culte. Il faut déclarer que vous êtes dans l’intention de maintenir la liberté des opinions religieuses et des cultes. Cambon appuie les mêmes principes. Mais pour donner plus de solennité à cette décla¬ ration, la Convention ajourne le tout à demain. II. Compte rendu du Mercure universel (3). Robespierre. Vous voyez, et vous le sentiriez d’autant mieux si vous connaissiez l’ensemble des projets et des moyens de nos ennemis, vous voyez, dis-je, que l’on ne peut laisser aux autorités constituées, ni aux citoyens, le pou¬ voir de communiquer des mouvements irrégu¬ liers. Les vils agents des rois se sont servis du (1) Voy. ci-dessus, même séance, p. 71 2, le compte rendu du Moniteur. (2) Journal de Perlet [n° 440 du 16 frimaire an II (vendredi 6 décembre 1793), p. 45]. (3) Mercure universel [16 frimaire an II (ven¬ dredi 6 décembre 1793), p. 254, col. 2].