368 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE flamande. Et sans doute, ni le département du Morbihan ni celui du Finistère ne sont exempts du. même reproche, quant à l’usage du bas-breton. Je n’ai pas besoin de vous faire sentir combien peuvent être funestes à la liberté nationale les conséquences de ces usages monstrueux. Les considérations majeures qui vous ont été exposées sur cette grande matière, par votre comité de salut public, à la séance du 8 pluviôse, sont encore présentes à vos esprits. Je dirai seulement que si les tyrans François Ier, Charles IX et Louis XIII ont cru nécessaire, pour détacher de la cour de Rome ceux qu’ils osaient appeler leurs sujets, d’interdire l’usage du latin dans les actes publics, et de consacrer cette défense par l’article III de l’ordonnance de 1539, par l’art. XXXV de celle de 1563, et par l’art. XXVII de celle de 1629 ; si le tyran Louis XIV a jugé utile, pour faire oublier la domination espagnole aux habitants du Roussillon, de rendre, en février 1700, un édit qui leur a défendu l’usage du catalan dans les procédures et dans les contrats notariés; si le même despote a cru que, pour effacer dans l’esprit des Alsaciens et des Flamands les relations qui les avaient si longtemps liés à la maison d’Autriche, il était à propos de ne leur permettre de plaider ni en flamand, ni en allemand, nous pouvons bien, pour consolider la liberté du peuple, employer de semblable mesures, et à notre tour nous devons faire servir à l’affermissement de la République ce qui autrefois n’a fait que river les fers de nos ancêtres. Votre comité de législation me charge, en conséquence, de vous présenter le projet de décret suivant (l) : [MERLIN (de Douai] propose et la Convention nationale décrète ce qui suit : « Art. I. - A compter du jour de la publication de la présente loi, nul acte public ne pourra, dans quelque partie que ce soit du territoire de la République, être écrit qu’en langue française. « II. - Après le mois qui suivra la publication de la présente loi, il ne pourra être enregistré aucun acte, même sous seing privé, s’il n’est écrit en langue française. « III. - Tout fonctionnaire ou officier public, tout agent du gouvernement qui, à dater du jour de la publication de la présente loi, dressera, écrira ou souscrira dans l’exercice de ses fonctions des procès-verbaux, jugemens, contrats ou autres actes généralement quelconques conçus en idiomes ou langues autres que la française, sera traduit devant le tribunal de police correctionnelle de sa résidence, condamné à six mois d’emprisonnement, et destitué. « IV. - La même peine aura lieu contre tout receveur du droit d’enregistrement qui, après le mois de la publication de la présente loi, enregistrera des actes, même sous seing privé, écrits en idiômes ou langues autres que la française. » (2). (1) Mon., XXI, 273. (2) P.V., XLII, 75. Minute de la main de Merlin (de Douai). Décret n° 10 010. J. Paris, nos567, 568; J. Jacquin, n° 724 ; -J. Perlet, n° 667 ; M.U., XLIII, 55 ; -J. Fr., nos 664, 55 Un membre [BARÈRE], au nom du comité de salut public et de sûreté générale, fait un rapport sur les citoyens qui se sont soustraits à l’exécution de mandats d’arrêt et tous ceux qui, revêtus de fonctions publiques, ont été suspendus ou remplacés (l). BarÈRE. Tremblez, tyrans de l’Europe, si enfin les peuples du Nord, assoupis dans leurs fers, s’éveillent pour les briser. Bientôt les secours et les victoires deviendront solidaires entre les peuples libres; il faut que la tyrannie, à son dernier soupir, entende leur proclamation solennelle au nom de la première, de la seule véritable république qui ait existé, la république démocratique des Français. Et vous, hommes du Nord, ressaisissez-vous de votre courage, élevez-vous à la dignité des nations : ne comptez plus vos ennemis, ils sont moins nombreux que les hommes libres, et ils sont lâches comme des rois. (Vifs applaudissements.) Comptez plutôt les crimes des monarchies et les forfaits de la tyrannie; achevez d’écraser les satellites que la France chasse devant elle, comme le vent chasse une vile poussière. Jurez d’être libres, et vous serez vainqueurs comme nous. (On applaudit.) Cependant ne nous laissons pas endormir au milieu des succès; que la victoire ne corrompe ni le législateur ni l’armée. Capoue perdit Carthage, et la bataille de Cannes n’était pas sans gloire. Les victoires militaires renversent quelques soldats et détruisent l’effroyable mécanique des rois; mais les victoires morales renversent la royauté et ses odieuses institutions. (On applaudit.) Nous aurions beau triompher de la politique extérieure, de quelques hordes étrangères, si nous ne triomphons pas des ennemis domestiques et des passions de l’intérieur. (On applaudit.) Quand vous avez mis à l’ordre du jour la justice et la probité, ce ne sont pas ces deux mots que vous avez mis à l’ordre du jour, mais la justice qui a ses preuves, et la probité qui a son caractère. (Nouveaux applaudissements.) Ce n’est point un décret pompeux que vous avez proclamé, mais des vertus républicaines dont vous avez voulu ordonner la pratique et recommander les bienfaits. (Les applaudissements recommencent.) Quel est celui qui n’a pas remarqué que l’amour de la liberté s’est accru à mesure que les lumières se propageaient ? Et cependant on veut proscrire les hommes éclairés ! Qui n’a pas senti que la république se fortifiait chaque jour par les vertus quelle enfante ? et cependant tous les jours des corrupteurs publics cherchent à démoraliser le peuple, à emdormir son courage, à annuler son énergie; des patriotes égarés par une sensibilité mal entendue, ou trompés par des propos mensongers, prennent pour eux la terreur qui n’appartient qu’aux coupables, et laissent échapper quelques mouvements de pitié pour ceux qui nous égorgeraient sans exception s’ils avaient un instant de puissance ou de liberté. 665 ; C. Eg., n° 702 ; F. S. P., n° 382 ; Ann. patr., n° DLXVIII. Mentionné par J. S. Culottes, n° 522; Audit. nat., n° 665. Voir, ci-après, séance du 3 therm., n° 57. (l) P.V., XLII, 77. 368 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE flamande. Et sans doute, ni le département du Morbihan ni celui du Finistère ne sont exempts du. même reproche, quant à l’usage du bas-breton. Je n’ai pas besoin de vous faire sentir combien peuvent être funestes à la liberté nationale les conséquences de ces usages monstrueux. Les considérations majeures qui vous ont été exposées sur cette grande matière, par votre comité de salut public, à la séance du 8 pluviôse, sont encore présentes à vos esprits. Je dirai seulement que si les tyrans François Ier, Charles IX et Louis XIII ont cru nécessaire, pour détacher de la cour de Rome ceux qu’ils osaient appeler leurs sujets, d’interdire l’usage du latin dans les actes publics, et de consacrer cette défense par l’article III de l’ordonnance de 1539, par l’art. XXXV de celle de 1563, et par l’art. XXVII de celle de 1629 ; si le tyran Louis XIV a jugé utile, pour faire oublier la domination espagnole aux habitants du Roussillon, de rendre, en février 1700, un édit qui leur a défendu l’usage du catalan dans les procédures et dans les contrats notariés; si le même despote a cru que, pour effacer dans l’esprit des Alsaciens et des Flamands les relations qui les avaient si longtemps liés à la maison d’Autriche, il était à propos de ne leur permettre de plaider ni en flamand, ni en allemand, nous pouvons bien, pour consolider la liberté du peuple, employer de semblable mesures, et à notre tour nous devons faire servir à l’affermissement de la République ce qui autrefois n’a fait que river les fers de nos ancêtres. Votre comité de législation me charge, en conséquence, de vous présenter le projet de décret suivant (l) : [MERLIN (de Douai] propose et la Convention nationale décrète ce qui suit : « Art. I. - A compter du jour de la publication de la présente loi, nul acte public ne pourra, dans quelque partie que ce soit du territoire de la République, être écrit qu’en langue française. « II. - Après le mois qui suivra la publication de la présente loi, il ne pourra être enregistré aucun acte, même sous seing privé, s’il n’est écrit en langue française. « III. - Tout fonctionnaire ou officier public, tout agent du gouvernement qui, à dater du jour de la publication de la présente loi, dressera, écrira ou souscrira dans l’exercice de ses fonctions des procès-verbaux, jugemens, contrats ou autres actes généralement quelconques conçus en idiomes ou langues autres que la française, sera traduit devant le tribunal de police correctionnelle de sa résidence, condamné à six mois d’emprisonnement, et destitué. « IV. - La même peine aura lieu contre tout receveur du droit d’enregistrement qui, après le mois de la publication de la présente loi, enregistrera des actes, même sous seing privé, écrits en idiômes ou langues autres que la française. » (2). (1) Mon., XXI, 273. (2) P.V., XLII, 75. Minute de la main de Merlin (de Douai). Décret n° 10 010. J. Paris, nos567, 568; J. Jacquin, n° 724 ; -J. Perlet, n° 667 ; M.U., XLIII, 55 ; -J. Fr., nos 664, 55 Un membre [BARÈRE], au nom du comité de salut public et de sûreté générale, fait un rapport sur les citoyens qui se sont soustraits à l’exécution de mandats d’arrêt et tous ceux qui, revêtus de fonctions publiques, ont été suspendus ou remplacés (l). BarÈRE. Tremblez, tyrans de l’Europe, si enfin les peuples du Nord, assoupis dans leurs fers, s’éveillent pour les briser. Bientôt les secours et les victoires deviendront solidaires entre les peuples libres; il faut que la tyrannie, à son dernier soupir, entende leur proclamation solennelle au nom de la première, de la seule véritable république qui ait existé, la république démocratique des Français. Et vous, hommes du Nord, ressaisissez-vous de votre courage, élevez-vous à la dignité des nations : ne comptez plus vos ennemis, ils sont moins nombreux que les hommes libres, et ils sont lâches comme des rois. (Vifs applaudissements.) Comptez plutôt les crimes des monarchies et les forfaits de la tyrannie; achevez d’écraser les satellites que la France chasse devant elle, comme le vent chasse une vile poussière. Jurez d’être libres, et vous serez vainqueurs comme nous. (On applaudit.) Cependant ne nous laissons pas endormir au milieu des succès; que la victoire ne corrompe ni le législateur ni l’armée. Capoue perdit Carthage, et la bataille de Cannes n’était pas sans gloire. Les victoires militaires renversent quelques soldats et détruisent l’effroyable mécanique des rois; mais les victoires morales renversent la royauté et ses odieuses institutions. (On applaudit.) Nous aurions beau triompher de la politique extérieure, de quelques hordes étrangères, si nous ne triomphons pas des ennemis domestiques et des passions de l’intérieur. (On applaudit.) Quand vous avez mis à l’ordre du jour la justice et la probité, ce ne sont pas ces deux mots que vous avez mis à l’ordre du jour, mais la justice qui a ses preuves, et la probité qui a son caractère. (Nouveaux applaudissements.) Ce n’est point un décret pompeux que vous avez proclamé, mais des vertus républicaines dont vous avez voulu ordonner la pratique et recommander les bienfaits. (Les applaudissements recommencent.) Quel est celui qui n’a pas remarqué que l’amour de la liberté s’est accru à mesure que les lumières se propageaient ? Et cependant on veut proscrire les hommes éclairés ! Qui n’a pas senti que la république se fortifiait chaque jour par les vertus quelle enfante ? et cependant tous les jours des corrupteurs publics cherchent à démoraliser le peuple, à emdormir son courage, à annuler son énergie; des patriotes égarés par une sensibilité mal entendue, ou trompés par des propos mensongers, prennent pour eux la terreur qui n’appartient qu’aux coupables, et laissent échapper quelques mouvements de pitié pour ceux qui nous égorgeraient sans exception s’ils avaient un instant de puissance ou de liberté. 665 ; C. Eg., n° 702 ; F. S. P., n° 382 ; Ann. patr., n° DLXVIII. Mentionné par J. S. Culottes, n° 522; Audit. nat., n° 665. Voir, ci-après, séance du 3 therm., n° 57. (l) P.V., XLII, 77.