(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, (6 mars 1791.] 707 de quelques-uns de ses membres, qu’il y a lieu à accusation ; et, d ms ce dernier cas, les renvoyer pour être jugé-, soit à la haute cour nationale, soit aux tribunaux criminels de département. » M. de Folleville. Je propose pour amendement qu’on retranche ces mots : soit aux tribunaux criminels du département. En effet, ce serait pour ainsi dire rentrer dans l’ancien ordre des choses où la justice avait quelque chose de commun avec l’administration, au lieu qu’il ne doit y avoir qu’un seul point central auquel tout doit venir aboutir, c’est la haute cour nationale. M. Prieur. Vous avez déclaré, dans vos précédents décrets, que le ministre n’exercerait les pouvoirs que vous lui avez confies que sous sa responsabilité. Je demande que cela soit rappelé à la fin de cet article, et qu’il porte que le Corps législatif pourra les renvoyer pour être jugés soit à la haute cour nationale, soit aux tribunaux criminels des déparlements, ou déclarer qu’il y a lien à inculpation contre le ministre. M. Réineunlcr, rapporteur. J’adopte l'amendement de M. Prieur, Quant à l'amendement de M. de Folleville, le comité a examiné avec beaucoup de soin si tous les délits dans l’ordre administratif qui s< raient portés à la législature, lorsqu’on aurait jugé qu’il y a lieu à accusation, devaient être renvoyés à la haute cour nationale. Nous avons pensé qu’il y aurait les plus grands inconvénients à rassembler la liante cour nationale pour un individu qui s’est rendu coupable d’un délit public, mais qui pur sa p> sition ne semble pas exiger tout cet appareil de procédure. D'ailleurs, le co-miié a cru que ce serait une vue de sagesse et de politique de votre part, de ne faire rassembler la haute cour nationale que dans des circonstances très importantes, il ne faut reserver ce tribunal, que pour les grands crimes ministériels. M. Duport. Vous avez ici deux points dont il ne faut point vous écarter : 1° mettre notre liberté à couvet t de tous les pouvoirs constitués ; 2° considérer que vous avez décrété qu’aucun homme ne serait traduit devant un tribunal criminel que sur l’accusation de ses pairs; et en adoptant ce qu’on nous propose, il y serait conduit sur l’accusation de la législature. Il y a donc le plus grand danger pour la liberté individuelle, dans cette thèse générale; et il est évide nt que vous violez le décret que vous avez précédemment rendu. Je crois donc qu’il faut examiner avec attention le point de noire jurisprudence criminelle. S’il n’y a que la haute cour nationale qui puisse juger, ce qu’ou vous propose serait une intervention singulière de pouvoirs que de donner cette attribution aux tribunaux criminels. Je demande donc, avec M. de Folleville, que l’on retranche la dernière partie de l’article. i\I. Régnault. Je propose de distinguer les crimes publics, des prévarications et délits ordinaires. Dans le premier cas, le Corps législatif prononcera s’il y a lieu à accusation ; et ce sera alors la haute cour nationale. Dans le second, elle renverra à l’accusateur public pour poursuivre. M. Prieur. Jusqu’ici, nous n’avons pas encore défini dans quelle classe seraient rangés les différents délits qui pourraient être commis par les corps administratifs, ou par les individus des corps administratifs : voilà d’où vient noire embarras. Je demande que l’article s’arrête ici : Dans le dernier cas , etc. Nous dirons alors s’ils doivent être poursuivis devant la haute cour nationale ou devant les tribunaux criminels ordinaires. M. Duport. Je ne vois aucun inconvénient à la rédaction de M. Prieur; mais elle laisse une grande question à décider. Il me semble que tout le monde serait d’accord par cette disposition-ci: « Pourra également le Corps législatif renvoyer les prévenus devant les tribunaux criminels, devant les tribunaux ordinaires dans les cas de ..... » M. Démeunier, rapporteur. Il n’est pas possible d’adopter cette rédaction; car la première partie préjuge la seconde, et est même contradictoire. Après avoir dit que le Corps législatif pourra statuer, contre tout ou partie ne ces membres, qu’il y a lieu à accusation, et les renvoyer à la haute cour nationale, ce qui tranche la question dans le système de M. Duport, on ajoute ensuite incidemment qu’on pourra cependant les renvoyer aux tribunaux criminels de département. Je proposerais donc de décréter le fond de l’article et de ne rien prononcer pour le moment sur le moue de renvoi des prévenus soi1 à ia haute cour nationale, soit aux tribunaux criminels ordinaires ; on ne préjugerait pas, de cette façon, du système de M. Duport, ni de ceiui du comité. L’article serait donc conçu en ces termes : Art. 38. « Sur cette notification, le Corps législatif, après avoir examiné la conduite du ministre en cette occasion, pourra, ou lever la su-pension, ou dissoudre le corps administratif, ou renvoyer quelques-uns de ses me libres aux tribunaux criminels de département; ou enfin, en déclarant qu’il y a lieu à accusation, les faire poursuivre devant la haute cour nationale ». {Adopté.) Un membre , au nom du comité des domaines , présente le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des domaines, confirme la concession, à titre de bail emphytéotique, du droit d’établir et louer seuls des parasols et autres abris aux marchands et regratiers dans le marché desinnocents, faite au sieur Courvoisier et Cie, par lettres paternes dûment véri liées, à la charge par les con-ceesionnaires de veis r dans le Trésor public, dans le délai de trois mois, la somme de 80 000 livres et de réduire, selon leurs offres, à 4 sols par jour, la location de chaque parasol, ou autre abri, sans distinction de personnes. » M. d’André. Je demande le renvoi de cette affaire à la municipalité. M. le rapporteur. Monsieur, elle lui a été renvoyée. M. d’André. Eh bien, Monsieur, je demande le renvoi au département. Il est incroyable que l’on vienne occuper l’Assemblée nationale des parasols des halles de Paris. 17 mars 1791. J 708 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (L’Assemblée décrète le renvoi au département j de Paris.) M. le Président lève la séance à trois heures et demie. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE NOA1LLES Séance du lundi 7 mars 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. Un de MM les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier, qui est adopté. M. Voulland. Messieurs, les administrateurs du district d’Uzès vous ont adressé la relation, certifiée par les administrateurs du département du Gard, des événements qui se sont passés dans cette ville depuis le 14 février jusqu’au 22. Plusieurs folliculaires, dans le seul et trop coupable espoir de perpétuer les troubles et d’augmenter le désordre, ne cessent dégrossir, dans les écrits qu’ils répandent, ces malheureux événements. Je demande que, pour servir de réponse à ces libelles, la relation des administrateurs du district d’Uzès soit littéralement transcrite dans leprocès-verbal. (Cette motion est décrétée.) Suit ce document : Récit des événements arrivés à Uzès les 13 et 1 4 février 1791 et jours suivants jusqu'au 22. La ville d'Uzès était depuis longtemps menacée d’une explosion; un évêque, distributeur d’un grand nombre de bénéfices et de places temporelles, un seigneur puissant, et qui avait dans ses mains de grands moyens de récompense; un clergé enfin nombreux et riche, ne cherchaient pas à faire des amis à la Constitution française. Cependant jusqu’aux décrets sur la rentrée des biens du clergé dans les mains de la nation, un bon esprit avait dirigé tous Jes citoyens, et les efforts des malintentionnés n’avaient pas pu réussira les diviser : tous aimaient et respectaient les législateurs et les lois. Le fanatisme n’avait pas encore été mis en jeu, parce qu’on aurait manqué de prétexte; mais ces armes ont été déployées, et ce n’a pas été sans succès. La ville d’Uzès renferme une population d’environ 6,000 âmes, dont le tiers seulement est protestant. Parmi les catholiques, les uns, en grand nombre, tenaient aux privilèges ou étaient privilégiés eux-mêmes, attachés aux places de l’ancienne administration, intéressés aux revenus du clergé, à sa puissance ; en un mot, à l’ancien ordre de choses; ceux-là avaient leurs créatures. D’autres n’ont ni possessions, ni fortune, et peu leur importe la forme du gouvernement, pourvu qu’ils vivent. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. Enfin, une troisième classe estcomposée de ceux qui ne tiennent à aucune place ou à aucun privilège, ou qui ont assez de grandeur d’âme pour savoir sacrifier leur intérêt particulier au bonheur général et de ceux qui connaissaient le prix de ta liberté, les droits et les devoirs du citoyen. A ceux-ci il faut joindre les non-catholiques, qui, n’ayant ni autorité, ni places sous l’ancien régime, qui, n’étant rien et ue pouvant rien être dans l’État, ne peuvent regretter l’ancienne forme de notre gouvernement. Ce sont ces deux dernières classes réunies, qui sont restées à Uzès les amis de la Constitution. Pour rendre ces citoyens odieux, on n’a pas manqué d’invoquer la religion; les catholiques patriotes ont été des renégats; les protestants, des gens qui voulaient détruire la religion catholique et qui dirigeaient l’Assemblée nationale vers ce but. Dès lors, il s'est établi une séparation marquée entre les citoyens ; et, pour éloigner tout rapprochement, il s’est formé de nouvelles sociétés, où on n’admettait que les gens d’une même opinion politique, que le peuple confond avec les opinions religieuses. Ces sociétés antipatriotiques lisaient au peuple l'Ami du roi, la Gazette de Paris, le Mercure de France, et toutes les brochures propres à engendrer le mépris des lois nouvelles et à réveiller le fanatisme. Nouvellement encore une nouvelle société s’était formée près l’évêché, composée de prêtres, de gens d’affaire, et d’une partie des artisans; la dernière délibération de ce club a été une députation envoyée à un club de prétendus vrais Français, séantaAlais pour lui demander son affiliation (1). Les amis de la Constitution étaient ici les moins nombreux; ils étaient subjugués; les propos les plus téméraires, les chansons les plus indécentes contre les lois, et les citoyens qui les aimaient, étaient impunément proférés; la modération et la patience ont été constamment la vertu des patriotes. Il fallait exécuter les décrets sur la constitution civile du clergé; il fallait faire cesser aux chanoines leurs fonctions ; mais le peuple ne voulait pas le souffrir, et menaçait; le directoire usa de la plus grande circonspection, et se cont nta de faire fermer le chœur de la cathédrale ; deux chapelles furent laissées libres, et cependant il se manifesta une émeute populaire auprès de ladite église; le jour de l'opération, plusieurs personnes furent injuriées et blessées. Enfin la loi du 26 décembre fut sanctionnée, et les ennemis de la Constitution s’agitèrent encore plus ; M. de Béthisy, ci-devant évêque d’Uzès, fit répandre dans tout son diocèse une lettre prétendue pastorale, et l’instruction de M. de Boulogne, avec plusieurs autres écrits, tendant à éloigner les ecclésiastiques de l’obéissance à la loi; cet écrit fut dénoncé par nous à l’Assemblée nationale. La fermentation devenait tous les jours plus (1) Dans la séance du club des prétendus vrais Français d’Àlais, où fut reçue celte députation, on fit la motion dangereuse d’effectuer un rassemblement, soit de députés, soit de gardes nationales, dans la plaine de rivière de Teisargues; on ajourna à 10 jours la discussion de cette matière. Le district et la municipalité d’Alais, instruits de ce qui se passait, crurent devoir dénoncer au directoire du département ces coupables projets. Le club des vrais Français a été dissous par ordre de la municipalité d’Alais, qui a la preuve acquise des mauvais desseins qui s’y tramaient.