478 [Assephiw qationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 janvier 1791.) finances et des rapports sur les troubles de la ville de Chinon. M. Vernier, rapporteur (1). Messieurs, vous connaissez les troubles qu’a excités à CliiDon la formation du rôle des impositions. La municipalité de Chinon n’a pas encore opéré la confection de ces rôles aux termes de vos décrets. On prétend que c’est la faute du maire ; nous l’ignorons. Nous n’avons pas le droit de l’inculper sur les seules plaintes de ses parties adverses; mais une seule réflexion nous sera permise, c’est que déjà, à raison de ces mêmes objets, la première municipalité a donné sa démission. Eu vertu de votre décret du 2 novembre, on a créé une nouvelle municipalité qui devait rendre les rôles exécutoires, et les a encore laissés en suspens. Nous vous proposons, en conséquence, le décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités des finances et des rapports réunis, considérant que les troubles et les désordres qui ont eu lieu en la ville de Chinon, paraissent être les seules causes delà démission des 8 officiers municipaux de cette ville, et qu’elle doit assez présumer üe leur patriotisme pour être assurée que, ces causes cessantes, ils reprendront des fonctions qu’ils ne pourraient abandonner qu’au grand détriment de la chose publique, décrète ce qui suit ; « Le roi sera incessamment supplié d’envoyer à Chinon des forces suffisantes pour maintenir et assurer l’exécution des lois, et faire respecter les administrateurs dans l’exercice de leurs fonctions, « Le sieur Pichereau sera obligé d’opter dans 3 jours de la signification du présent décret, entre les deux places de maire et de juge de paix, auxquelles il a été successivement pommé. « U sera informé par le tribunal du district de Tours, contre les auteurs et instigateurs des troubles qui se sont élevés à Chinon, et des désordres qui s’en sont suivis, pour être prononcé par ce tribunal telle peine qu’il appartiendra. « Les officiers municipaux, reprenant leurs fonctions, continueront de procéder à la confection des rôles, conformément au décret du 2 novembre dernier. « Dans le cas où le recouvrement desdits rôles serait retardé au delà du délai accordé par ce décret, la responsabilité du montant des rôles sera exécutée contre les personnes qui, par l’événement de l’information ordonnée, seront reconnues coupables de ce retardement *. M. d’Vndré. J’observe à l’Assemblée que le décret qu’on nous présente doit être renvoyé purement et simplement au pouvoir exécutif. Voici comment je le prouve : ce décret renferme 3 dispositions. Par la première, le roi est prié d’envoyer des forces suffisantes à Chinon pour y rétablir l’ordre ; il me semble qu’il serait temps que le pouvoir exécutif s’occupât seul de l’exécution des lois et qu’il ne fallut pas toujours un décret de l’Assemblée pour l’y obliger, voilà pour une disposition. Par la seconde, on dit que les rôles seront faits sous la responsabilité des officiers municipaux ; il me semble qu’il ne faut pas (1) Nous empruntons cette discussion au Journal lû“ NX, p. 320. rendre un décret gur des choses qui ont déjà été décrétées. Vous avez décrété que les rôles seront faits, or il est incontestable que les rôles doivent l’être. A quoi bon un nouveau décret ? Ensuite on propose une autre disposition qui oblige un officier municipal d’opter entre sa place et celle de juge de paix. Il est, je crois, sage de rendre un décret par lequel vous déciderez que les places de juges de paix seront incompatibles avec celles d’officier municipal ; je crois que cela ne doit pas souffrir beaucoup de difficultés; mais vous ne devez pas particulariser, le décret doit être général. Ici nous sommes donc tous d’accord. De quoi peut-il être question entre nous? De la demande que je fais du renvoi de cette affaire an pouvoir exécutif, et de décréter que les fonctions de juge de paix sont incompatibles avec celles d’officier municipal. Voilà à quoi doit se borner toute notre mission. M. Goupil de Préfeln. Il egt assurément bien étrange que, tout en convenant qu’il n'y a point de cfëcrets qui établissent l’incompatibilité des fonctions de juges avec celles d’officier municipal, on croie pouvoir se permettre de vous proposer de décréter ce que le maire de Chinon sera tenu d’adopter. Sous quel gouvernement vivrions-nous si une pareille proposition pouvait être admise? Il ne faut point de lois partielles, de lois particulières, de lois locales. Une pareille proposition m’oblige de faire cette dénonciation sur l’abus que l’on fait des décisions de vos comités. Il m’est tombé entre les mains, il y a quelques jours, un petit code de juge de paix. Je l’ouvre et j’y vois que les procureurs ne peuvent pas être nommés juges de paix; ainsi décidé par le comité de constitution, et néanmoins il n’y a point de décret pareil. Or, voilà une décision qui n’est pas la vôtre. J’y trouve, après cette interprétation de votre décret par lequel vous avez déclaré les fonctions des ecclésiastiques incompatibles avec les fonctions des juges. Cela ne doit s’entendre que des ecclésiastiques , curés et vicaires , ainsi décrété par le comité de Constitution ; et cependant, votre décret, Messieurs, porte indéfiniment, sur tous les ecclésiastiques. Que deviendra donc notre législation, si les comités portent ainsi des décrets sur vos lois ? J’appuie la motion du préopinant. M. Bouchet. Je suis de la ville de Chinon, je connais les troubles qui y ont eu lieu, je connais les motifs qui ont empêché la formation des rôles des six premiers mois de 1789. Je demande donc, Messieurs, que l’Assemblée veuille bien agir ici comme elle a fait pour les autres villes qui se sont trouvées dans une position aussi affreuse. Je dois vous dire que chaque fois qu’il a été question d’élire, soit des officiers municipaux, soit des juges de paix, on a usé de force, on a même été jusqu’à menacer de les pendre à I’ins-tant, et peut-être l’aurait-on fait si l’on n’avait opposé la force à la force. Lorsqu’il a été question de la nomination du juge de paix, les troubles ont été à un tel point, que l’on a brisé les portes de l’aueierme prisoD, qu’on s’est emparé des personnes qui y étalent. On a menacé de s’emparer des canons, de leg braquer sur les citoyens; on a fait venir les habitants des campagnes, qui se sont portés aux insurrections les plus atroces. Je demande que M. le rapporteur donne lecture du mémoire. M. Regnaud(d0 Saint-Jean d'Angély). S’il était 479 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [35 janvier 119 l.j indispensable pour faire ce que propose le décret, que l’Assemblée l’ordonnât, certes, il n’y aurait pas à balancer ; mais, comme les lois en vertu desquelles tout ce que le décret propose doit être exécuté sont déjà portées, dans des dispositions applicables au cas particulier, le district et le département ont très évidemment le droit, je dis plus, ils ont le moyen de demander au roi d’envoyer des troupes pour maintenir l’exécution de la loi et assurer la tranquillité. Si le district et le département ne l’ont pas fait, ils ont eu tort; si le ministre n’a pas obtempéré à leur demande, c’est le ministre qui est repréhensible, et suivant la gradation constitutionnelle que vous avez adoptée, vous pouvez, dans un instant, vous informer et vous faire rendre compte de ce qui s’est passé afin de savoir sur qui le tort peut tomber. Ainsi, sous le premier point de vue, nulle difficulté. Vous avez institué des autorités qui peuvent réclamer la force publique et la mettre en mou vement; les administrateurs sont encore obligés de le faire, et la force publique, qu’ils peuvent invoquer, les mettra à même de protéger les bons citoyens qui, peut-être là comme partout ailleurs, sont tourmentés par les ennemis de iaRévolutio i et de la sûreté publique. Enfin, Messieurs, sur le troisième point, l’incompatibilité des fonctions du juge de paix avec d’autres fonctions, je suis bien aise de représenter à l’Assemblée qu’il y a une infinité de gens, comme on vous l’a dit, privés de leur état, par des décisions portant une incompatibilité que l’Assemblée nationale n’aurait pas adoptée; il est temps de faire cesser les incertitudes qui établissent une jurisprudence de comités pire que l’ancienne jurisprudence, Je demande que les mesures à prendre soient, comme l’a proposé M. d’André, renvoyées au pouvoir exécutif, et cependant que vous ordonniez à votre comité de Constitution de vous présenter des articles constitutionnels qui déclarent positivement les offices entre lesquels il y aura incompatibilité; comme cette loi peut vous être résentée iucessamment, elle forcera le maire de hinon et le procureur de la commune à opter ou bien elle les laissera jouir. M. Vernier, rapporteur. En deux mots, on peut remédier à tout. Je n’ai point prétendu donner des détails volumineux ; il suffira de vous faire observer que, par vos premiers décrets, il s’agissait d’établir de nouveaux officiers municipaux. Pourquoi ? pour donner exécution à de nouveaux décrets et faire des rôles dans les délais prescrits. Or, Messieurs, ils ont été nommés, mais ils ont donné leur démission. Il ne reste donc personne pour rendre les rôles exécutoires. M. Goupil de Préfeln. Ii est bien étonnant, Messieurs, que l’on veuille retarder la marche des délibérations de l’Assemblée, lorsque l’on ne cherche ici qn’à retarder l'exécution despotique des décisions arbitraires et personnelles que l’on veut substituer à la loi. Il n’y a donc d’autre moyen dans ce moment-ci que celui d’ordonner la nouvelle nomination de la municipalité, parce que vous ne pouvez pas faire une loi de circonstance et qui ne soit applicable que dans un lieu, et quand une municipalité manque, il faut en nommer une autre. M. Bouchet. Ûn ne trouvera dans la ville de Chinon, aucun citoyen qui veuille accepter les places municipales ; c’est ce même maire qui, pendant une année entière, a fait les rôles dans cette ville qui a montré le plus de droiture et de patriotisme. Plusieurs membres : Aux voix 1 M. Bouchet. C’est le 30 décembre dernier que le décret a été publié, c’est le 4 janvier suivant que les officiers municipaux out donné leur démission, leur asile a été violé ; l’un d’eux, menacé d’être pendu, a été contraint de donner un ordre pour ouvrir les prisons. Je demande donc, Messieurs, qu’il soit donné des forces suffisantes à la ville de Chinon pour y ramener le calme et la tranquillité, et faire en sorte que les lois y soient exécutées. M. d’André. Si le préopioant avait suivi la délibération, il aurait vu que nous sommes parfaitement d’accord. Trois dispositions composent le décret. La première, c’est de demander au pouvoir exeéutif d’envoyer des troupes à Chinon; sur cela, je pense comme le préopinant, mais je pense qu’jl ne faut pas un décret, il suffit qu’on renvoie l’affaire au pouvoir exécutif, et ce sera lui indiquer assez qu’il faut envoyer des troupes à Chinon, et si le pouvoir exécutif, sur la réquisition qui lui en sera faite par le département, par la municipalité, n’exécute pas les lois, alors nous dénoncerons le ministre. Il faut que le maire de Chinon opte entre la place de juge de paix et celle de maire de la ville, parce que je crois absolument que les fonctions administratives et judiciaires sont incompatibles. Je conclus donc à ce que l’Assemblée décrète que les fonctions de juge de paix et d’officier municipal sont incompatibles, et que tout le reste soit renvoyé au pouvoir exécutif. M. Bouche. Je demande que l’on mette seulement le mot « juge », et non ceux de « juge de paix ». M. Bouchet. D’après les observations de M. d’André, il faudrait dire que le procureur de la commune ne pourra point être admis dans les tribunaux de districts. Un membre propose de déclarer aussi l’incompatibilité des fonctions des officiers municipaux avec celles de greffiers de juges de paix. M. Martineau. Je demande que la discussion soit fermée. (Cette motion est adoptée.) L’Assemblée décrète ce qui suit : « L’Assemblée nationale décrète que les fonctions de maire, officiers municipaux et procureur de la commune sont incompatibles avec celles des juges de paix et de leurs greffiers, et que ceux qui auraient été élus à ces places se* ront tenus d’opter dans les trois jours de la publication du présent décret. « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances relativement à l’affaire de Ghinon, renvoie cette affaire au pouvoir exécutif. » L’ordre du jour est la suite de la discussion sur les droits de traites à l'entrée du royaume.