710 [26 février 1790.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] faire qui le concerne et en rendra compte à l’Assemblée. Cette proposition est adoptée. M. Thibaudeau, député du Poitou, demande à s’absenter pour trois jours. Cette permission lui est accordée. M. le comte d’Antraigues, député de Ville-neuve-de-Berg, demande un congé de six semaines. Le congé est accordé. M. Jean ne t , député de Troyess qui était absent le jour de la prestation du serment, civique, est admis à la prestation de ce serment. M. de Royère, évêque de Castres, donne sa démission de député à l’Assemblée nationale. M. le Président. J’ai reçu hier une lettre du ministre de la marine à laquelle sont jointes des pièces dont il va vous être donné communication. Un de MM. les secrétaires fait lecture d’un mémoire du conseil supérieur de Saint-Domingue qui se plaint des désordres qui affligent cette colonie et en particulier de la conduite d’une assemblée tenue au Cap français. Voici quelques passages de ce mémoire : Il s’est élevé, dans la province du Nord, une assemblée qui, méconnaissant à la fois son origine et sa destination et se qualifiant du titre d’assemblée provinciale du Nord, s’est portée à toutes les entreprises du pouvoir le plus étendu, le plus tyrannique et le plus illégitime. Alors le conseil supérieur s’est vu contraint d’opposer quelque résistance à ses écarts, et nous sommes chargés de mettre sous vos yeux quelques-uns des actes scandaleux et oppressifs de cette assemblée avec l’arrêt qui les a proscrits ; nous les joignons au réquisitoire du procureur général, dont les principes sont la juste censure de la conduite odieuse de cette assemblée du Cap. Ce n’était pas assez pour eux de méconnaître toute autorité, de réformer les anciens usages, de révoquer les lois jusque-là en vigueur, de s’emparer de la caisse des deniers municipaux au mépris de l’autorité de la Cour, à qui, jusque-là, les ordres de Sa Majesté en avaient confié le dépôt et le régime. Ce n’était pas assez de violer la foi publique, le secret des lettres, même ministérielles, d’attenter à la personne d’un magistrat, de l’enlever publiquement au milieu de l’exercice de ses fonctions, de le traîner en prison et d’instruire son procès. Ce n’était pas assez de licencier les milices, de les reproduire sous une nouvelle forme, de forcer les chefs de l’administration du Nord à: faire prêter aux troupes le serment national avant qu’ils en eussent reçu l’ordre. Us déclarent ne pas vouloir du plan de convocation générale de la colonie envoyé par le ministre de la marine, à la demande même de nos députés; ils somment le chef des finances de Saint-Domingue à leur en rendre compte et lui en prescrivent la forme; ils se sont rendus maîtres des caisses de la comptabilité de la province du nord de cette colonie; ils ont envoyé cet arrêté, en l’adressant directement au conseil supérieur avec une lettre. Le conseil supérieur, au nom de tous les vrais citoyens, réclame la protection de l’Assemblée nationale pour détourner le coup fatal que voudrait porter à la colonie l’assemblée illicite du Gap français; il vous sollicite de vouloir bien étendre sur la colonie de Saint-Domingue les généreux travaux auxquels vous vous consacrez et de prendre les moyens les plus efficaces et les. plus prompts pouf rappeler l’ordre dans toutes les parties de la colonie. L’Assemblée nationale renvoie le mémoire du, conseil supérieur de Saint-Domingue, et les pièces qui y sont annexées, à son comité des rapports. M. le Président. L’Assemblée a plusieurs objets à son ordre du jour; quel est celui qui doit. avoir la priorité ? Je la consulte à cet égard. M. le duc de Liancourt. Je demande que l’Assemblée fixe le jour où elle voudra s’occuper de la question de savoir quel sera l’état civil accordé aux juifs. M. Target. J’observe que la question relative aux juifs est sans doute fort importante, mais que nous en avons de plus importantes à traiter. Ce que nous prononcerons à l’égard des juifs n’intéressera qu’une portion d’hommes; et fixer l’ordre du pouvoir judiciaire, détermiuer le nombre et le mode de l’armée française, établir un règlement sur les finances, voilà-trois objets qui intéressent tout le royaume, et qui sollicitent tous vos moments. Je demande l’ajournement de la question sur les juifs. M. le baron de Cernon. J’ai eu l’honneur de vous présenter, au nom de votre comité de constitution, un décret général sur la division du royaume. Depuis l’instant où il vous a été soumis, votre comité a été assez heureux pour faire évanouir les réclamations particulières qui avaient été faites à ce sujet. Je demande si l’Assemblée veut entendre une nouvelle lecturè de ce projet de décret, afin d’y statuer sans délai. M. Eramery. Je pense que les moments de l’Assemblée sont tous précieux, et que le décret lui est assez connu pour qu’elle puisse l’adopter sans en entendre une seconde lecture, surtout d’après l’assurance que vient de vous donner le comité, que les réclamations particulières avaient été étouffées. L’Assemblée adopte cet avis, et le projet du comité est décrété en ces termes : « L’Assemblée nationale décrète que la rédaction générale des décrets sur la division de la France en 83 départements, l’indication des lieux de leurs assemblées et celle des districts, sera incessamment présentée à l’acceptation et à la sanction de Sa Majesté, qui sera suppliée de donner sur-le-champ les ordres nécessaires pour que les assemblées de cantons, de districts et de départements soient formées le plus tôt possible.» M. le baron de Cernon. Votre comité a. pensé qu’il était important de donner une dém> mination particulière aux quatre-vingt-trois départements qui forment la totalité du royaume; J’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui l’avis du comité sur cet objet. Le département d’Artois sera dénommé Pas-de-Calais; celui d’Amiens portera le nom de la, Somme; Soissons et Laon, VAisne; Douai, la Manche ; M’elün, Marne-et-Scine. Votre comité n’a pas encore d’opinion détermi- 711 [Assemblée nationale.] AR€ïHYES PARLEMENTAIRES. [26 février 179Q.J Dée sur le nom quelle donnera au département de Versailles. Quelques personms réclament sur ce que le tra-vail du comité est iocomplet. M. le marquis de Foucault. Je demande la question préalable sur cet objet, et je désire qu’on passe à l’ordre du jour. M. Bureaux de Pusy. La division du royaume-est à l’ordre du jour, la dénomination des départements fait partie de la division du royaume; votre comité vous présente ses vues, et je crois qu’il est instant de s’en occuper. Votre comité pense que vous devez cesser d’accorder une suprématie à une ville sur une autre, et je pense avec lui que le moyen de détruire cette suprématie, est de ne pas donner aux départements le nom du chef-lieu. M. le baron de Cernon. Ce qui a surtout déterminé votre comité à ne pas donner aux départements le nom du chef-lieu, c’est que l’Assemblée a autorisé les alternats, et qu’il devient alors impossible de donner plusieurs noms à un département dont les assemblées seront tenues dans plusieurs villes. Quelques personnes s’obstinent encore à demander la question préalable. M. Target. Les anciennes dénominations ne peuvent pas absolument subsister ; il n’est pas moins important de détruire l’aristocratie des villes qu’il ne l’était de détruire celle des ordres ; je pense que �Assemblée doit rejeter la question préalable. M. l’abbé Manry. Je ne saurais apercevoir l’importance que le préopinant attache à la dénomination des départements. J'observe que cette dénomination ne pourra jamais être bien faite. Il faut conserver servilement les noms de l’ancien esclavage, et conserver aussi, par exemple, le nom du royaume de France. J’ai dit que la dénomination ne pourra jamais être bien faite-, parce que nommer un département du nom de la Seine, ce n’est pas Sxer clairement .le nom du chef-lieu, puisque la Seine baigne plusieurs chefs-lieux. jusqu’à présent lés marins ont constamment appelé la rivière de Rouen la Seine, celle de Bordeaux la Garonne . Peut-être un jour pourrez-vous donner aux chefs-lieux le nom des grands hommes qui y auront pris naissance. Mais rien ne s’oppose, selon moi, à ce que nous conservions aux départements les noms des villes des chefs-lieux ; lorsque le chef-lieu changera de ville, il: changera de nom : voilà mon dernier avis. M. le eosnte de Mirabeau. Il me semble que le préopmant ne s’est pas fait une idée nette de ce que le comité se propose en donnant une nouvelle dénomination aux départements : Rome fut toujours; Rome, depuis César jusqu’à Claude, et cependant César avait l'empire du génie et l’autre celui de l’extrême imbécillité. On vous a proposé d’indiquer les chefs-lieux des départements par des numéros; je m’élève contre cet avis ; car l’amour-propre humain qui se replie en tout sens, sans nous abandonner, pourrait bien persuader un jour que le n° 24 ne vaut pas les nos 1 et 2. Il faut donner une dénomination nouvelle aux départements ; une dénomination Fixe la raison, et nos principes, d’accord avecla raison, nous en font un devoir; je. ne pense pas qu’il puisse exister une opération plus grande, plus importante et moins digne de persiflage, malgré l’esprit du préopiaaot. Il serait cependant très fâcheux que le travail des dénominations fît perdre encore beaucoup de temps à l’Assemblée. Je crois qu’il serait raisonnable de charger deux personnes de terminer ce travail. M. te marquis de Foucault. Je demande que la question soit ajournée à la prochaine législature. L’avis de M. de Foucault est mis aux voix et rejeté. M. l’abbé Satnary. Puisqu’on veut baptiser les départements, je propose de baptiser aussi les districts et les cantons. M. Garat Vaine. Il faut parler du baptême avec plus de respect. M. Target. Je demande que votre comité de constitution soit chargé de continuer et de perfectionner son travail sur eet objet. M. Fos de Taborde. Je demande la question préalable sur tous les amendements. Un grand nombre de voix. Appuyé! La question préalable sur les amendements est mise aux voix et adoptée. L’Assemblée porte ensuite le décret suivant : « L’Assemblée nationale décrète que le comité de constitution est chargé de donner des dénominations aux 83 départements. I. Camus. Je propose d’insérer au procès-verbal de la séance d’aujourd’hui, les divers décrets relatifs à la division du royaume. Cette proposition est adoptée ( Voyez plus loin le texte des divers décrets). M. iabbé Gouttes, au nom du comité des finances, propose le projet de décret suivant relatif aux impositions du Dauphiné : « L’Assemblée nationale, instruite que son décret du 27 janvier est mal interprété dans quelques provinces, a décrété et décrète ce qui suit : « L’article 2 du décret du 27 janvier ne peut s’appliquer ni en Dauphiné, ni dans les provinces sujettes au même régime, à la portion de la-taille que Les contribuables aux décimes payent pour les fonds roturiers qu’ils possèdent, ni* aux ac-! cessoires de cette taille, ni à la prestation représentative de la corvée, ni aux dons gratuits qui se perçoivent dans les villes et dans les communautés qui y sont sujettes, par voie d’imposition directe ; en conséquence, les quittances de la* ! moitié des décimes de 1789 ne serontreçues qu'en compensation de la capitation personnelle et de la; portion de la taille que lesdits coitribuables aux décimes payeront pour las fonds nobles dont \ ils jouissent. » \ 1 M. le Président le inet aux voix : il est adopté. M. le marquis de Montesquieu, au nom du comité des finances, fait à l’Assemblée le rapport suivant , concernant une réduction provisoire de soixante millions sur les dépenses publiques (1). (1) Le Moniteur ne donne qu’un sommaire du rapport de M. le marquis de Montesquiou.