588 [Assemblée nationale.] étranger; nous vous proposons seulement de les faire poursuivre comme tels; ce délit sera le titre delà plainte. Si les officiers de Colonel-Général, par exemple, qui sont passés en corps chez l’é-iranger, en enlevant les drapeaux, et en engageant les soldats à les suivre, ne sont pas des transfuges, s’ils ont des excuses légitimes à fournir, il les fourniront, et ils seront absous. Je passe à la seconde partie de l’article, et j’observe qu’à l’égard des officiers passés en pays étranger après avoir donné leur démission, on ne les poursuivra pas s’ils rentrent dans le délai d’un mois ou de 6 semaines; on charge même spécialement les corps administratifs de veiller à leur sûreté. Ce n’est pas leur évasion, leur émigration que l’on punira, s’ils ne rentrent pas dans le délai prescrit, c’est l’intention persévérante de rester unis aux ennemis de la France, et de témoigner des desseins hostiles, malgré l’invitation qui leur est faite, et malgré la garantie de sûreté qui leur est donnée. (Applaudissements.) Je demande donc que l’article soit décrété avec la clause proposée par M. de Dortan, qui charge les corps administratifs de veiller spécialement à leur égard à l’exécution des lois concernant la sûreté des individus. J’adopte également le délai de 6 semaines proposé par le même opinant. M. d’Ambly. Je demande qu’on assure la propriété chez moi; on a été pour tuer mon petit-fils. (Murmures.) (L’Assemblée, consultée, adopte les 2 amende-dements de M. de Dortan et décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur les autres amendements.) M. Emmery, rapporteur. Voici la nouvelle rédact on de l’article. Art. 1er. « Les officiers qui, depuis l’époque du 1er mai dernier, ont abandonné volontairement leurs corps ou leurs drapeaux sans avoir donné leur démission, et qui sont ensuite passés à l’étranger, seront incessamment poursuivis comme transfuges par les commissaires auditeurs des guerres, et jugés par les cours martiales. Il en sera de même à l’égard des officiers qui, ayant donné leur démission, sont ensuite passés à l’étranger, si, dans le délai de 6 semaines à compter du jour de la publication du présent décret, ils ne sont pas rentrés dans le royaume, où les corps administratifs et les municipalités veilleront à ce que les lois protectrices de la sûreté des personnes et des biens soient spécialement observées à leur égard. » M. de Croix. Je demande la questionpréalable sur l’article. (Murmures.) (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il y a lieu à délibérer sur l’article 1er, qui est ensuite mis aux voix et adupté dans sa nouvelle rédaction.) M. Emmery, rapporteur. Voici l’article 2 : Art. 2. « Les officiers qui, sans être passés à l’étranger, ont abandonné volontairement leur corps ou leurs drapeaux, sans permission ni congé, seront censés avoir renoncé pour toujours au service, et ne pourront prétendre à aucun remplacement ni avancement. » (Adopté.) 124 juillet 1791.J M. Emmery, rapporteur. Voici les articles 3, 4 et 5 : Art. 3. « A l’égard des officiers qui ont été forcés de quitter leur corps en conséquence des soupçons élevés contre eux, mais non légalement vérifiés, toutes dénonciations in üviduelles que voudront faire à leur charge aucun des sous-officiers ou soldats de leurs régiments seront reçues par les commissaires auditeurs des guerres, qui en rendront plainte, et poursuivront devant la cour martiale le jugement des officiers ainsi dénoncés. « Art. 4. Ceux desdils officiers contre lesquels il n’y aura pas de dénonciation faite, dans la quinzaine de la publication du présent décret, au commissaire auditeur ayant aujourd'hui la police du corps, ou contre lesquels le premier juré n’aura pas trouvé qu’il y ait lieu à accusation, ou qui seront absous par le jugement définitif des cours martiales, reprendront leurs places, ou, s’ils l’aiment mieux, seront pourvus de places équivalentes dans d’autres corps, pourvu que ces officiers n’aient pas refusé le serment prescrit par le décret du 22 juin dernier; et dans le cas où ils n’auraient pas été à portée de le prêter à leur régiment, qu’ils le fassent parvenir, sous quinzaine, au ministre de la guerre et à la municipalité du lieu de leur domicile. » « Art. 5. Les dénonciateurs qui n’auronl pas administré des preuves suffisantes pour établir le mérite de leurs dénonciations seront punis comme calomniateurs. La moindre peine qu’ils pourront encourir sera celle d’être cassés et déclarés incapables de porter les armes pour le service de la patrie. » Je vais vous exposer les motifs de ces articles. Beaucoup d’officiers ont été renvoyés, non seulement illégalement, mais injustement par les soldats. Je crois qu’il faut laisser à ces officiers, contre lesquels il s’est élevé des soupçons bien ou mal fondés, répandus par l’ambition de ceux qui en voulaient à leurs places, les moyens de rentrer avec honneur dans leur corps; mais il en est beaucoup sans doute qui ne voudraient pas y rentrer, craignant les préventions qui ont occasionné les premiers désagréments qu’ils y avaient essuyés; et même il est certain qu’ils éprouveraient les mêmes désagréments dans des nouveaux, s’ils y étaient suivis des mêmes soupçons. Il faut donc que ces soupçons soient purgés; et ils ne peuvent l’être que par un jugement. Si, dans l’espace de 15 jours, il ne se trouve pas de dénonciateurs, ils seront reconnus irréprochables: s’il s’en présente, ils auront la ressource du premier jury qui, dans le cas où le fait serait faux, déclarerait qu’il n’y a pas lieu à accusation. Enfin, si ce premier jury déclare qu’il y a lieu à accusation, ils peuvent être réintégrés en vertu d’un jugement d’une cour martiale. Nous avons ajouté que les calomniateurs subiraient la peine du talion. Il est juste, en effet, de punir ceux qui dénonceraient leurs chefs dans la seule vue de les supplanter. M. Prieur. Je vois dans ces articles un grand mal, que je vais indiquer; un autre propos ra le remède. Pourquoi beaucoup d’officiers ont-ils été expulsés de leur régiment? On peut le dire tout haut, puisque vous le savez : c’est parce que les soldats étaient attachés à la Révolution, et que les officiers s’étaient rendus odieux par leur aristocratie. (Murmures.) Ce n’est pas dans de mau-ARLH1VES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 juillet 1791.] vaises intentions que je rappelle les malheureuses dissensions qui ont eu lieu dans notre armée; mais, puisque vous êtes les médecins, il faut vous découvrir la plaie. Je suppose un régiment quelconque, qui, après avoir lutté longtemps contre l’intluence maligne des chefs antirévolutionnaires, s’est enfin déterminé à la mesure illégale de les renvoyer. Les soldats diront : Nous n’avons pas obéi à de tels chefs, parce qu’ils n’aimaient pas la Révolution. Ce motif est moralement bon ; mais n’aimer pas la Révolution n’est pas un délit; on ne pourra poursuivre ces officiers ; et cependant combien il est dangereux de leur confier le sort de notre armée. Ils rentreront dans leur corps, ils y apporteront les mêmes sentiments qui leur avaient déjà suscité la méfiance de leurs subordonnés ; et les mêmes dissen-ions et les mêmes troubles renaîtront. (Murmures.) Je plaide véritablement la cause des officiers, autant que celle des soldats; car rien n’est plus malheureux pour des officiers que d'être attachés à des corps dont ils n’ont pas la confiance. M. Tronche!. Je propose un amendement à l’article 5, et voici mes motifs; il est conforme à la justice et à l’humanité de procurer aux officiers, contre lesquels on aurait élevé des soupçons mal fondés, le moyen de servir leur patrie, lorsqu’ils en seront jugés dignes, mais il ne faut pas non plus mettre de telles entraves aux dénonciations qu’elles ne puissent pas se produire, qu’un régiment ne puisse pas déposer entre les mains de l’autorité publique les soupçons qu’il aurait pu concevoir contre ses chefs et qu’on ne puisse pas connaître ceux qui sont légitimement suspects. 11 y a un grand défaut dans la rédaction de l’article 5; il y est dit que ceux qui n’auront pas administré des preuves suffisantes pour établir le mérite de leurs dénonciations seront punis comme calomniateurs. 11 faut, cependant, meitre une différence entre les preuves suffisantes pour une dénonciation, et les preuves. nécessaires pour la conviction. En général, l’accusation fausse n’expose à la peine de la calomnie que lorsqu’elle est véritablement calomnieuse, et il faut qu’elle soit jugée telle par le tribunal. Je voudrais en conséquence que l’article qui impose la peine de la calomnie ne fût prononcée que dans le cas où les juges de la cour martiale trouveraient la dénonciation calomnieuse, et je demande qu’aux mots : « qui n’auront pas administré des preuves suffisantes pour établir le mérite de leurs dénonciations » on substitue ceux-ci : « si la dénonciation est jugé calomnieuse ». M. Eiuinery, rapporteur. J’adopte l’amendement de M. Tronchet. M. d’Aremberg de La Marck. Beaucoup d’excellents officiers ont refusé de prêter le serment du 22 juin, par i’ignorance où ils étaient des mesures prises par l’Assemblée nationale, parce qu’on leur faisait envisager comme des mesures définitives des mesures provisoires, nécessitées par les circonstances. Ces hommes pervers, qui ont voulu faire protester les départements contre le décret du 15 juillet, ont cru que le meilleur moyen de venir à bout de leurs desseins criminels était de gagner l’armée. Us ont donc répandu que l’Assemblée nationale voulait changer la forme du gouvernement, que c’était en conséquence de celte intention qu’elle chan-589 geait la formule du serment décrété 8 jours auparavant, et qu’elle a envoyé des commissaires pris dans son sein pour le recevoir. Je demande qu’il soit accordé un délai de 15 jours à tous les officiers qui, ayant d’abord refusé le serment, voudront aujourd’nui le [ rê-ter, et je déclare que la grande majorité de c.s officiers est actuellement à Paris, ayant abandonné leur corps pour des causes légitimes. (Murmures.) Plusieurs membres : La question préalable. M. Chabroud. Il est impossible que si vous laissez aux soldats le droit de dénoncer leurs officiers, vous ne laissiez pas aux officiers le droit de dénoncer leurs soldats. En sorte que je regarde le retranchement du sixième article comme illusoire. Les 3 articles que l’on discute sont absolument inutiles et ne peuvent avoir que des inconvénients. Vous n’avez pas entendu encore, de la part des soldais, d’autres reproches que ceux d’aristocratie. Il est évident que cela tenait à l’agitation d’une grande révolution, mais que tout cela n’est pas délit ; en conséquence je demande la question préalable sur ces articles. On propose d’autre part d’accorder un délai de 15 jours aux soldats qui voudront dénoncer le3 officiers qu’ils ont forcés de quitter leur corps. Mais les procès qui seront la suite de ces dénonciations dureront plus de 15 jours, et votre armée sera dans un désordre extrêmement dangereux. D’ailleurs, ces dénonciations, ne pouvant porter le plus souvent que sur des intentions et des opinions, ne pourront pas faire la matière d’un jugement, et seront par conséquent au moins inutiles. M. Prieur. La discussion que vous venez d'entendre doit vous convaincre que les articles que vous a proposés M. Emmery sont entièrement mauvais, et qu’au lieu de rétablir la paix uans l’armée, ils ne tendent qu’à y je'er un tison de discorde. Croyez-vous qu’il soit dans les principes d’autoriser, de provoquer même la dénonciation des soldats contre les officiers? L’officier réintégré pardonnera-t-il jamais aux soldats qui l’auront dénoncé? Faut-il chercher à semer la d scorde entre des Immunes appelés à partager les mêmes périls ? Je plaide ici la cause de tout le monde, je parle pour les oflic ers comme pour les soldats. Non, Messieurs, il faut qu’il y ait des liaisons intimes entre les hommes qui partagent les mêmes dangers. Je crois donc que ce qu’il y a de plus sage à faire dans cette circonstance, c’est de retirer ces 3 articles et de renvoyer au comité militaire, pour nous présenter un moyen de faire rentrer les officiers dans leurs légiments ou les replacer dans d’autres. M. Woidcl. J’appuie la question préalable sur les 3 articles du comité; leur motif est louable; mais prenez garde à ce que vous allez faire. Vous entretenez par là une discorde éternelle entre les officiers et les solda's, et vous perdez entièrement votre armée. (Murmures. — Applaudisse - ments dans les tribunes.) A quoi serviront les dénonciations? L’expérience a prouvé qu’il n’y avait aucun délit formel de la part des officiers. M. Chabroud. A la place des 3 articles ac* ARCHIVES PARLEMENTAIRES. l£i juillet 1791-j ggO [Assemblé* BaÜon<'.] toellement en discussion, voici la rédaction que je propose : « A l'égard des officiers qui ont été forcés de quitter leur corps par des destitutions illégales, ils reprendront leur place en prêtant le serment dont la formule a éié décrétée le 22 juin. Ou, s’ils l’aiment mi< ux, ils seront employés dans d’autres corps, dans des places équivalentes. » M. d’André. La proposition faite par b> préo-pinant est infiniment plus favorable aux officiers que les articles mêmes du corn té ; mais je ne pense pas quYlle puisse être adoptée; car votre objet doit être non seulement de faire reprendre leur grade aux officiers qui ont été illégalement destitues, mais encore de les faire rentrer dans leur grade, purgés de tout soupçon, après avoir passé par l’épreuve de la loi. Il est évident que vous ne rem; I ssez pas votre objet si vous rétablissez, dans les corps, des officiers contre lesquels il resterait encore les mêmes préventi ns, vraies ou fausses, pour lesquelles on les a accusés. Un membre : Un jugement les détruira. M. d’André. Le projet du comité, quoique plu3 rigoureux pour les officiers, est infiniment plus convenable aux circonstances où nous nous trouvons. 11 s’en faut de beaucoup que les soldats soient aussi factieux que les personnes qui parlant coutte le projet du comité veulent nous les présenter ici. Un membre : On n’a pas dit cela. M. d’André. Ces messieurs parlent d’aristocratie, et moi je parle de factieux. Ce sont deux objets qui se tiennent évidemment par la main, comme nous l’avons vu dans la circonstance passée. ( Applaudissements .) Je dis que ce serait supposer que les soldats sont des factieux, que de croire qu’après un jugement légal, qu’après qu’ils auront t u la faculté de faire contre eux toutes les dénonciations qu'ils jugeront convenables, les soldats ne recevront pas volontiers les officiers que la loi purge a. Et ici, Messieurs, vous avez eu un grand exemple de ce que peut la loi et l’opinion éclairée par l’Assemblée nationale. Vous ne pouvez donc pas désespérer du même succès sur l’armée. L’armée a eu des soupçons et même des griefs fondés contre plusieurs officiers; et remarquez que pas un des régiments qui ont renvoyé leurs officiers n’a oublié d’exposer des motifs de renvoi, des motifs non seulement d’incivisme, mais de mauvais traitements contre la loi militaire. Ainsi, donc, laissez aux soldats la faculté d’exposer leurs griefs contre les officiers qu'ils jugeront coupables, et quand, à la suite d’une instruction, il aura été démontré aux yeux de la loi que ces officiers sont innocents, ils en seront les plus zélés défenseurs. Je conclus, Monsieur le Président, et je demande que le projet de décret soit adopté. M. Barnave. Je demande la parole pour le rejet des articles du comité, et pour l’adoption de celui de M. Ghabroud ; mais je déclare que mes motifs sont directement opposés à ceux qui ont été exposés par M. Chabroud lui-même contre les articles du comité. Je ne crois pas que des renvois illégaux, que des expulsions faites par la force et la violence dans des corps où l’obéissance, où la discipliae doit être le premier principe et l’élément, puissent, aux yeux de la loi, établir un soupçon, et nécessiter une information contre ces officiers. Je crois, au contraire, que l’état légal doit être rétabli avant tout ; que si des officiers rentrés à leur corps, en prêtant le serment, sont ensuite accusés soit pour des méfaits antérieurs, soit pour des méfaits postérieuis, ils devront être jugés et jugés rigoureusement; mais il ne peut pas y avoir lieu à les mettre en cause en ce moment, et à établir un jugement sur eux, parce que ceux qui avaient sur eux l’avantage du nombre les ont forcés à s’éloigner de leurs régiments pour des motifs quelconques. J’ai beaucoup entendu dire, dans cette discussion, que les causes du dissentiment avaient été que les soldats étaient pour la Constitution et que les olficiers étaient contre la Constitution. Je déclare quaDtà moi que je ne reconnais point, dans les soldats, des amis de ia Constitution quand, après des serments prêtés, des devoirs connus, je les vois manquer à la loi, et renvoyer ceux contre lesquels ils peuvent porter des plaintes, contre lesquels ils peuvent s’adresser à leurs supérieurs légitimes; mais contre lesquels l’intérêt public et la loi qui les régit ne leur permettent pas d’agir directement. Il est temps enfin de dire qu’on ne défend pas la Constitution par des faiblesses envers ceux qui s’en disent les amis, mais qu’on l’anéantit par de pareils actes : il est temps de dire la vérité, et la voici : c’est que dans le corps des officiers français dont un très grand nombre, et peut-être la majorité, s’est montrée contraire à la Constitution, ce ne sont pas ceux-là qui ont été directement l’objet de l’animosité de leurs soldats ; que les officiers qui ont été expulsés de leur corps ne l’ont pas toujours été par des motifs de patriotisme; que, dans les corps où ces violences ont eu lieu, les officiers n’étaient pas plus entachés d’aristocratie que dans les autres : quelquefois ils l’étaient m iris, notamment dans le régiment de Dauphiné; et que dans les régiments dont les soldats sont véritablement attachés à la Constitution, ces excès n’ont pas eu lieu ; que par conséquent, ils ne sont nas nécessairement liés par leurs causes à la Révolution. Mais, disons le mot, les officiers ont été expulsés, parce que les sous-officiers voulaient avoir leurs places. Une chose à remarquer, c’est que dans l’armée, tandis que les soldats vraiment patrioies observent leurs devoirs et le remplissent exactement, d’autres, sous le voile du patriotisme, nourrissent des vues d’ambition personnelle et des passions que la loi ne doit pas protéger. Ce n’est pas toujours contre le� officiers les moins attachés à la Révolution qu’il s’est élevé le plus de plaintes. Ceux qui étaient attachés à leur devoir se sont plaints de l’insubordination qui était fomentée dans l’armée. Ceux, au contraire, qui apportaient dans leurs fonctions une indifférence coupable, qui s’intéressaient peu au sort de la chose pubfique, se laissaient entraîner à un abandon absolu de ce qui pouvait arriver, excitaient moins les plaintes des soldats. Ils ne taisaient rien, absolument rien, pour les ramener au devoir et à la subordination. De là résulte que très souvent les officiers que l’on renvoyait, que l’on accusait, avaient le seul tort de n’avoir pas dése-péré de la chose publique, le seul tort d’avoir cru que sous les lois de l’Assemblée nationale, sous le régime de la liberté, un militaire qui avait juré d’obéir à la loi et de la 591 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [24 juillet faire exécuter, devait être fidèle à son serment. Tandis que ceux, qui, par haine de la Révolution, ne faisaient rien pour prévenir l’indiscipline, et peut-être trouvaient un secret plaisir à lui voir faire des progrès n’opposaient aucun frein à la licence, ceux-là ne devenaient pas l’objet de la plainte et du ressentiment. Si, parmi tant de faits divers, ©n peut recueillir quelques règles générales, voilà ce qui me semble le plus vrai, le mieux établi par l’observation. La loi doit vouloir qu’une expulsion illégale soit nulle et n’ait aucun effet quelconque, et son premier acte doit être de rétablir les chefs illégalement et arbitrairement destitués dans leur ancien état , car il est faux de dire que cette expulsion établisse un soupçon contre ceux qui en ont été l’objet ; aucune information ne peut avoir lieu contre eux à moins qu’ils ne soient ultérieurement accusés. Je demande donc que l’on adopte la proposition de M. Chabroud, et que les 3 articles du comité militaire soient rejetés par la question préalable, comme tendant évidemment à encourager l’insubordination et à affaiblir dans l’armée L'autorité de la loi. (Applaudissements.) M. Emmery, rapporteur. Par la discussion qui vient d’avoir li. u, l’Assemblée a pu se convaincre que les articles qui lui sont présentés par son comité militaire n’ont aucun des inconvénients qu’on leur reproche ; on a pu voir, d’un autre côté, que l’intention du comité est évidemment de rétablir l’ordre. Toutefois, la réflexion que vient de faire le préopinant, qu’une destitution illégale doit être nulle et sans effet aux yeux de la loi, me paraît t és juste et me porte non pas à proposer moi-même la question préalable sur les article s du comité, mais à en présenter la refonte. En conséquence, je propose de substituer aux articles 3, 4 et 5 de notre projet primitif la disposition suivante : Art. 3 (nouveau). « A l’égard des officiers qui ont été forcés de quitter leur corps en conséquence des soupçons élevés contre eux, mais non légalement véritiés, ils reprendront leurs places dans leur régiment, ou, s’ils l’aiment mieux, ils seront pourvus de places équivalentes dans d’autres corps, pourvu que ces ofticiers n’aient pas refusé le serment prescrit par le décret du 22 juin dernier, et dans le cas où ils n’auraient pas été à portée de le prêter à leur régiment, qu’ils l’y fassent sous quinzaine. » Un membre : 11 faut que les officiers qui ont été illégalement renvoyés soient réintégrés dans le même corps. Je demande que l’alternative du replacement dans un autre corps soit rejetée de la nouvelle rédaction. M. Emmery, rapporteur. La réintégration dans l’ancien corps est le principe de la nouvelle rédaction quj je propose ; le replacement dans un autre corps n’aura lieu que si i’of licier le préfère. Aussi l’article porte-t-il : « ou s’ils l’aiment mieux ». (L’Assemblée consultée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’amendement et adopte l’article 3 nouveau du comité.) M. Emmery, rapporteur. Je rappelle à l’Assemblée que le comiié militaire a supprimé l’article 6 du projet. Nous passons, en conséquence, à l’article 7 du projet de décret. Art. 7. « La disposition de l’article 5 du décret du 24 juin dernier, par laquelle la moitié des emplois vacants dans les différents corps, a été réservée aux sous-officiers des corps dans lesquels ils vaqueraient, n’aura pas lieu à l’égard des régiments qui se sont permis des destitutions illégales, et dans ces mêmes régiments, la nomination aux places d’officiers, spécialement affectées aux sous-officiers par la loi du 23 septembre 1790, demeurera suspendue, jusqu’à ce qu'il en ait été I autrement ordonné, d’après le compte qui pourra être rendu par les officiers généraux et supérieurs, de la bonne conduite de ces mêmes corps et sur la demande expresse de leurs chefs. » Il y a 2 lois gui appellent les sous-offieiers aux places d’officiers : la première, du 23 septembre 1790, qui les rend susceptibl s d’avancement au bout d’un certain temps de service; la seconde, du 24 juin dernier, qui réserve provisoirement la moitié des emplois vacants aux sous-officiers des corps. Nous proposons que cette dernière disposition, qui n’est que de faveur, n’ait pas lieu dans les régiments qui se sont permis des des itutions illégdes, et que, dans les mêmes régiments, celle du 23 septembre soit suspendue. En effet, nous sommes convaincus que la plupart de ces destitutions illégales n’ont été excitées que par l’ambition des sous-officiers, ambition qui a confondu dans son objet les bons et les mauvais, les patriotes et les ennemis de la Révolution. Nous avons vu une lettre d’un capitaine, qui écrivait au ministre de la guerre qu’il se voyait obligé de donner sa démission, parce que les officiers de son corps étant aristocrates, il ne pouvait r ésister au désagrément continuel qu’il éprouvait. Peu après, les soldats formèrent un comité dirigé par les sous-officiers; ce capitaine fut le premier désigné par ce club pour être expulsé. On désigna après lui son lieutenant et son sous-lieutenant, et cela parce que le sergent-major de la compagnie, qui présidait le club, voulait devenir capitaine. Je suis froissé, dit alors cet officier, entre la demande que font les patriotes pour que je m’en aille, et les désagréments que me font éprouver les aristocrates; mais je suis bon officier, et dans un moment de troubles, je veux rester à mon poste. Plusieurs membres demandent la parole. Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée. M. Merlin. Monsieur le Président, vous devez imposer silence à ceux qui veulent fermer la discussion avant qu’elle soit éclairée. M. d’André. Je pense, Messieurs, que si vous rejetez l’article, vous vous trouverez dans le même cas avant peu. En effet, Messieurs, tous les soldats n’ont pas été unis par l’intérêt de ceux qui désireraient avoir les places des officiers ; mais cei tainement un grand nombre de sous-officiers et de soldats qui ont renvoyé leurs officiers ont eu manifestement pour but d’occuper les places des gens qu’ils chassaient. Et il ne faut pas ici, Messieurs, raisonner dans des hypothèses particulières. Pouvez-vous mettre les sous-officiers à la place des officiers qui ont été renvoyés illégalement? Non, sans doute, vous ne le pouvez pas sans un jugement. Rétablissez donc l'exécution de la loi, rétablissez la subordination, rétablissez les officiers dans leurs places, et quand ils y seront rentrés, s’il est jugé qu’ils ont été cassés