200 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. plus haute idée de la place qu’il occupe; tant d’estimables navigateurs, qui enrichissent l’Etatdu fruit de leurs sueurs, sauront également travailler pour la fortune et combattre pour la gloire; défenseurs nés des fortunes particulières dont ils sont les dépositaires, ils ne défendront pas avec moins de zèle la fortune publique, qu’elles augmentent et qui les conserve. Le corps actuel de la marine qui, malgré les vices de sa constitution, possède un si grand nombre d’officiers très précieux, que l’étude a instruits, que la guerre a formés par la plus pénible mais la plus utile de toutes les expériences, qui ont abordé avec courage et parcouru avec gloire une carrière plus rebutante encore, tant par la difficulté d’en atteindre le terme, que par les fatigues auxquelles elle expose ; ce corps, dis-je, trouvera, dans une marche plus rapide, un encouragement qu’il n’a que trop longtemps attendu : des talents distingués seront mis à la place où les appellent et l’opinion publique et l’intérêt de la patrie; de nouveaux talents s’empresseront d’éclore; dans un moment où tous les Français sont soldats, parce qu’ils sont citoyens, la patrie comptera autant de défenseurs que d’hommes de mer ; plus que jamais elle sera servie avec zèle et sans doute avec succès ; et le pavillon national, signe brillant de notre liberté, deviendra l’emblème d’une puissance qu’il faut craindre, d’une justice qu’il convient d’imiter. PROJET DE DÉCRET Sur l'organisation de la marine française et sur le mode d'admission et d’avancement. L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de marine, décrète : Art. 1er. Tous les citoyens soumis à la conscription maritime sont compris dans la marine française. Mousses. Art. 2. Nul ne pourra être embarqué comme mousse sur les bâtiments de l’Etat, que de 10 à 16 ans. Novices. Art. 3. Tous ceux qui commenceront à naviguer après 16 ans, et qui n’auront pas satisfait à l’examen exigé par l’article 14, seront novices. Matelots. Art. 4. Ceux qui auront commencé à naviguer en qualité de novices pourront, après douze mois de navigation, être admis à l’état de matelot. Art. 5. Les matelots obtiendront, suivant le temps et la nature de leurs services, des augmentations de paye ; et à cet effet la paye des matelots sera graduée en plusieurs classes. Art. 6. Aucun matelot ne pourra être porté à la haute paye, sans avoir passé par les payes intermédiaires. Officiers mariniers. Art. 7. Il y aura des officiers mariniers ayant autorité sur les matelots; ils seront divisés eu plusieurs classes. Ce grade ne sera accordé qu’aux matelots ou ouvriers matelots parvenus à la plus haute paye, et seulement lorsqu’ils au-[13 janvier 1191.) ront les qualités nécessaires pour en bien remplir les fonctions. Art. 8. On ne pourra être fait officier marinier de manœuvre, sans avoir été employé pendant une année de navigation en qualité de gabier. Art. 9. Toutes les augmentations de�solde et avancements en grade pour les gens de l’équipage seront faits pour chaque vaisseau par son commandant, qui se conformera aux règles établies à cet égard. Pilotes côtiers. Art. 10. Nul ne pourra commander au petit cabotage, qu’il n’ait le temps de navigation, et satisfait à l’examen qui sera prescrit. Ces maîtres seront employés au moins comme timoniers. Art. 11. Nul ne sera embarqué comme pilote côtier, s’il ri’a commandé au moins trois ans en qualité de maître au petit cabotage, et satisfait à l’examen qui sera prescrit. Maîtres entretenus. Art. 12. Les officiers mariniers parvenus par leurs services au premier grade de leur classe pourront être constamment entretenus ; et le nombre des entretenus sera déterminé d’après les besoins des ports. Les deux tiers des places des maîtres entretenus, vacantes dans chaque département, seront donnés à l’ancienneté, et l’autre tiers au choix du roi. L’ancienneté des maîtres ne sera évaluée que par le temps de navigation fait sur les vaisseaux et frégates de l’Etat, avec le grade et en remplissant les fonctions de premier maître. Art. 13. Les maîtres entretenus de manœuvre et de canonnage deviendront officiers conformément aux règles ci-après énoncées, encore qu’ils eussent passé l’âge auquel l’admission aux différents grades d’officiers pourrait avoir lieu. Écoles publiques. Art. 14. Il y aura des écoles gratuites de navigation dans les principales villes maritimes, ainsi qu’il sera déterminé par un règlement particulier. Aspirants de la marine. Art. 15. Ceux qui se présenteront pour servir en qualité d’aspirants dans la marine ne pourront y être admis qu’après 15 ans d’âge accomplis, et seulement après avoir subi un examen public sur l’arithmétique, la géométrie, les éléments de la navigation et delà mécanique. Art. 16. Les aspirants seront divisés en trois classes. Dans la troisième seront compris fous ceux qui commenceront à naviguer. Ils feront sur les vaisseaux l’apprentissage et le service des matelots, et seront exercés aux fonctions de gabier et de timonier. Dans la deuxième on admettra tous ceux qui auront 18 mois de navigation. Ils feront le service de quartier-maître, et passeront successivement à tous les grades d’officiers mariniers, celui de maître et de second maître exceptés. Ils ne seront reçus dans la première classe qu’après deux ans et demi de navigation, et après avoir subi d’une manière satisfaisante un examen sur la théorie et la pratique de l’art maritime, suivant ce qui sera prescrit. Le temps de 113 janvier 1791. J [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 201 navigation sera évalué conformément aux dispositions énoncées dans l’article 21. Art. 17. — Les aspirants de la marine de la première classe prendront rang après le premier maître d’équipage et le premier maître canonnier ; ils ne seront, ainsi que ceux des deux autres classes, payés que pendant le temps qu’ils seront en activité de service dans les ports ou sur les vaisseaux de l’Etat. Officiers de la marine. Art. 18. — Les grades d’officiers de la marine seront ceux d’enseignes de vaisseaux, lieutenants de vaisseau et capitaines de vaisseau, et les grades d’officiers généraux. On ne pourra être fait officier avant l’âge de 18 ans accomplis. Enseignes. Art. 19. — Le grade d enseigne sera le dernier grade d’officier de la marine. Art. 20. Les aspirants de la première classe seront susceptibles d’être embarqués comme enseignes de vaisseau, après quatre ans de navigation, dont une au moins obligée sur les vaisseaux de l’Etat en qualité d’aspirant, et avoir satisfait à l’examen qui sera prescrit ; et pour les trois autres années, le temps de navigation sur les bâtiments de commerce sera compté à raison des deux tiers do sa durée effective : ils en auront le titre et le grade, dès qu’ils auront été appelés au service à tour de rôle. Art. 20. Les aspirants de la première classe seront faits enseignes de vaisseau apres quatre ans de navigation, dont une au moins obligée sur les vaisseaux de l’Etat en qualité d’aspirant, et avoir satisfait à l’oxamen qui sera prescrit; et pour les trois autres années, le temps do navigation sur les bâti-nents de commerce sera compté à raison des deux tiers de sa durée effective. Art. 21. — L’année de navigation énoncée dans tous les articles précédents est censée faite sur les vaisseaux de l’Etat ; et si elle a eu lieu sur les bâtiments de commerce, elle ne sera comptée que pour huit mois; toute navigation antérieure à l’âge de 12 ans n’entrera pas en compte. Art. 22. On pourra être Art. 22. Tous les ensei-fait capitaine de navire gnes seront habiles à com-aprôs l’âge de 24 ans, mander des bâtiments de lorsqu’on aura 72 mois de commerce, pourvu qu’ils navigation, dont 12 mois aient, l’âge do 24 ans, et ils au moins sur les vaisseaux pourront seuls commander do l’Etat et 12 mois de au long cours. cabotage sur les côtes do France, et après avoir subi un examen public. Art. 23. — Le grade d’enseigne imposera à tous ceux qui le recevront l’obligation de servir, sur l’armée navale et dans les arsenaux, en cette qualité, lorsque les circonstances l’exigeront. Enseignes entretenus. Art. 24. — Sur la totalité des enseignes, il en sera pris un nombre déterminé, pour les destiner uniquement au service public. Ils seront payés constamment, et tenus à résider dans leur départe'ment. Art. 25. — Ces places d’enseignes entretenus seront données aux maîtres entretenus. Art. 26. — Les enseignes entretenus et non entretenus prendront rang immédiatement après les lieutenants, et entre eux suivant le temps de navigation qu’ils auront fait en cette qualité sur les vaisseaux de l’Etat. Art. 27. — Les enseignes n’auront d’appointements et n’exerceront l’autorité de ce grade que lorsqu’ils seront en d’activité de service militaire. Ils ne pourront en porter l’uniforme que lorsqu’ils auront été appelés à servir en cette qualité sur les vaisseaux de l’Etat. Art. 28. — Les bâtiments de commerce commandés par des officiers militaires ne pourront arborer les marques distinctives réservées exclusivement aux vaisseaux de l’Etat. Lieutenants. Art. 29. — Le grade de lieutenant sera immédiatement au-dessus de celui d’enseigne. Il sera donné au concours, d’après un examen public sur la théorie et la pratique de l’art maritime, suivant ce qui sera prescrit. Art. 30. Seront admis à Art. 30. Seront admis à cet examen tous ceux ayant cet examen tous ceux ayant rempli les conditions né-le titre d’enseigne, et cessaires pour être ensei-n’ayant pas passé l’âge de gne et n’ayant pas passé 30 ans. l’âge de 30 ans. Art. 31. — Ceux qui se trouveront à la mer pendant le concours, et auront atteint l’âge de 30 ans pendant ce voyage, pourront se présenter au premier concours après leur retour. Art. 32. — Les lieutenants seront entretenus, et entièrement et perpétuellement voués au service de l’Etat, et prendront rang entre eux, suivant leur ancienneté d’admission. Art. 33. — 11 y aura un certain nombre de places de lieutenant qui ne sera pas donné au concours; une partie sera réservée aux enseignes entretenus, et leur sera donnée par ancienneté sans égard à l’âge; l’autre sera réservée au choix du roi, parmi tous les marins, aussi sans égard à l’âge. Capitaines de vaisseau. Art. 34. — Les capitaines de vaisseau seront pris parmi tous les lieutenants, de la manière suivante : une moitié de ce remplacement se fera en suivant le rang d’ancienneté, et l’autre moitié au choix du roi, sans égard à l’âge. Ce choix ne pourra porter que sur ceux qui auront au moins deux ans de navigation dans ce grade. L’ancienneté ne sera plus un titre pour les lieutenants âgés de 50 ans. Art. 35. Les capitaines de vaisseau prendront rang entre eux de la date de leur brevet. Les officiers faits capitaines de vaisseau dans la même promotion conserveront entre eux le rang qu’ils avaient lorsqu’ils étaient lieutenants. Officiers généraux. Art. 36. Les officiers généraux sont divisés en trois grades : Les amiraux, les vice-amiraux et les contre-amiraux. Art. 37. Les contre-amiraux seront pris parmi les capitaines, un tiers par ancienneté, deux tiers au choix du roi. Ce choix ne pourra porter que sur ceux des capitaines de vaisseau qui auront au moins douze mois de navigation dans ce grade. Art. 38. Les contre-amiraux parviendront au grade de vice-amiral par rang d’ancienneté. 202 [Assemblée nationale.] Art. 39. Les amiraux pourront être pris parmi les vice-amiraux et les contre-amiraux, et toujours au choix du roi. Art. 40. Les officiers, commandant en temps de guerre les escadres dans les mers de l’Amérique ou des Indes, seront autorisés par le roi à récompenser par des avancements conformes aux règles précédentes, et en nombre déterminé, les officiers qui l’auront mérité. Les officiers ainsi avancés jouiront provisoirement du grade qu’ils auront obtenu et de ses appointements ; mais ils ne pourront le conserver qu’autant qu’ils auront été confirmés par le roi. Ces avancements seront comptés parmi ceux laissés au choix du roi. Art. 41. Les remplacements par ordre d’ancienneté dans les différents grades marcheront avant ceux par choix, et auront lieu à mesure que les places viendront à vaquer, et, au plus tard, deux mois après la connaissance de la vacance. Nomination aux commandements , Art. 42. Le commandement des armées navales et escadres composées au moins de neuf vaisseaux de ligne ne pourra être confié qu’à des amiraux, vice-amiraux ou contre-amiraux, mais indistinctement entre eux. Art. 43. Le commandement des divisions sera confié aux contre-amiraux et capitaines indistinctement, et celui des vaisseaux de ligne armés en guerre à des capitaines. Art. 44. Les commandants de frégate seront pris indistinctement, soit parmi les capitaines, soit parmi les lieutenants. Art. 45. Les commandants pour les autres batiments, comme corvettes, avisos, flûtes, ga-barres, lougres et autres bâtiments appartenant à l’Etat, seront pris indistinctement, soit parmi les enseignes entretenus ou non entretenus, pourvu que ces enseignes aient fait une campagne en cette qualité sur les vaisseaux de l’Etat, soit parmi les lieutenants. Art. 46. Leroi nommera aux commandements, et il pourra les ôter par un ordre simple, quoiqu’il n’y ait pas d’accusation. Art. 47. Les commandants des armées navales et escadres, pendant le cours de leurs campagnes, exerceront le droit donné au roi par l’article précédent. Retraites et décorations. Art. 48. Tous les hommes de profession maritime auront droit aux retraites et décorations militaires, en raison de leurs services, ainsi qu’il sera déterminé par un règlement particulier. Art. 49. L’Assemblée nationale se réserve de statuer par un décret particulier sur la manière d’appliquer le présent décret à l’état actuel de la marine. (L’Assemblée ordonne l’impression de ce rapport.) M. le Président demande à l’Assemblée si son intention est de mettre à l’ordre de ce soir l’affaire de la compagnie du Sénégal. L’Assemblée ajourne cette affaire au 18 du courant, séance du soir. M. de lion tcalin-Gozon demande et obtient un congé de quinze jours. L’ordre du jour est un rapport du comité ec~ [13 janvier 1791.] clésiastique relatif à la circonscription de la paroisse cathédrale de la ville de Paris et à la validité de V élection d'un évêque dans le département de la Creuse. M. Despatys de Courteilies, rapporteur. Messieurs, je demande la permission de vous proposer deux décrets dont l’adoption ne demandera pas une longue discussion. Le premier est relatif à la circonscription de laeathédrale de Paris ; la municipalité, qui a touioursapportéà l’exécution de vos décrets d’autant plus d’activité qu’elle savait que l’exemple de la capitale aurait une grande influence pour maintenir la liberté qu’elle a également servi à conquérir, la municipalité de Pans devait sans doute être la première à vous faire cette proposition. Mais des circonstances dont il est inutile de vous parler l’ont engagée à mettre dans l’exécution de vos dispositions sur cet objet la modération dont vous-mêmes lui avez donné l’exemple. Le système combiné d’inertie qu’on lui oppose l’a forcée à la fin de sortir de ces bornes ; elle espère qu’elle aura votre approbation. Après avoir rempli, Messieurs, toutes les formalités de l’article 6 du décret du 14 novembre, elle a pris hier une délibération dont vous accueillerez avec grand empressement l’homologation. Elle a arrêté la suppression des paroisses que contenaient ci-devant les îles de Saint-Louis et du Palais et la réunion de ces paroisses à l’église-cathédrale. Il est inutile de vous donner les motifs d’une pareille délibération; il suffit, je crois, de vous la proposer pour vous la faire adopter. En conséquence, je vais vous faire la lecture du projet de décret que votre comité ecclésiastique m’a chargé de vous présenter, d’après la délibération et les pièces justificatives dont il a eu communication : « L’Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu par son comité ecclésiastique, d’une délibération prise, le onze de ce mois, par la municipalité de Paris, faisant provisoirement fonction de district et de département, en l’absence de l’évêque métropolitain de Paris, invité et requis, par procès-verbal de la veille, de concourir par lui-même, ou son fondé de pouvoirs, à la circonscription de sa paroisse cathédrale, décrète; « 1° Que les paroisses de la Madeleine, Saint-Germain-le-Vieux, Saint-Pierre aux-Boeufs, Saint-Landry, Sainte-Croix, Saint-Pierre-des-Arcis, Saint-Barthélemy, Sainte-Marine, Saint-Jean-Baptiste et Saint-Denis, la Basse-Sainte-Chapelle et Saint-Louis-en-lTIe, toutes renfermées dans les deux îles appelées île du Palais et île Saint-Louis, sont et demeurent supprimées, et que le territoire de toutes ces paroisses forme l’arrondissement de la paroisse cathédrale de Paris, établie dans l’église de Notre-Dame. « 2° Que l’église de Saint-Louis-en-l’Ile subsistera provisoirement, pour servir de succursale à la paroisse cathédrale, jusqu’à ce que la communication entre les deux îles Saint-Louis et du Palais ait été établie. » M. l’abbé Hlaury. Je ne me permettrai pas d’examiner en détail toutes les parties du projet qu’on vous propose. Pour peu que l’Assemblée ait connaissance de la ville de Paris, elle doit être bien convaincue qu’il est aussi absurde que barbare de vouloir séparer l’île Saint-Louis de sa paroisse, parce qu’elle est séparée de Plie de ARCHIVES PARLEMENTAIRES.