[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 mai 1791. J gQ7 vous, ensuite par la terreur, la révocation du décret que vous avez rendu. Je crois devoir avertir l'Assemblée nationale qu’un très grand nombre de citoyens redoutent cette manœuvre, à la possibilité de laquelle on croira, quand on connaîtra, par l’expérience passée, toutes celles dont nous avons été environnés, et tous les moyens que l’on a mis en œuvre pour anéantir en France les décrets protecteurs de la liberté. ( Murmures et applaudissements,) M. Goupil-Préfeln. J’appuie cette motion. M. Malouet. Il est une réponse à faire à M. Regnaud, Je ne sais pas quels sont les mouvements dont on a parlé; mais ce que je sais bien, c’est qu’il est très fâcheux que l’Assemblée n’ait pas voulu connaître quelles sont les difficultés qui, sans mauvaise volonté, contrarieront l’exécution parfaite du décret. (Murmures.) M. Rewbell. Vous opposez-vous à la motion de M. Regnaud? M. Malouet. 0 est très extraordinaire, lorsqu’on a repoussé de toutes les manières les représentations qui arrivent journellement de nos ports, et de la part de ceux qui ne peuvent pas être accusés d’être imbus des préjugés coloniaux, mais seulement pénétrés des difficultés, des désordres que peuvent y exciter les nouveaux décrets, et qu’on y a substitué avec une grande affectation, une lettre du département de Bordeaux, très contradictoire au vœu du commerce et à son opinion motivée; il est bien extraordinaire, dis-je, que l’on annonce maintenant des mouvements combinés, tandis qu’on n’a pas voulu connaître, apprécier, juger les représentations... M. Rewbell. Des factieux... M. RouUevIlIe-Dumetz. M. Malouet n’a jamais d’autre projet que d’attaquer les décrets. Il prêche toujours contre les opérations de l’Assemblée nationale. M. de Cazalès. L’Assemblée pourrait être comparée à ce roi qui défendit, sous peine de mort, de lui annoncer qu’il était malade, et qui en mourut parce qu’aucun médecin n’osa le lui dire. L’Assemblée nationale doit entendre tout ce qu’on a à lui dire. M. liavie. Je demande qu’on entende ceux qui ont des choses utiles à dire. M. Lanjuinais. On ne peut pas être entendu quand on plaide contre un décret. M. le Président. Je n’ai pas cru qu’il me fût permis d’interrompre M. Malouet, çarce que, suivant moi, il n’attaque point les décrets. M. Malouet. La preuve que je n’ai pas eu de mauvaises intentions, c’est que je n’ai rien dit sur le projet d'instruction, quoique je ne la croie ni utile, ni convenable; c’est que je n’ai pris la parole que lorsque M. Regnaud, sans mauvaise intention sans doute, mais d’une manière qui m’a paru très insidieuse, vous a présenté les difficultés attachées à votre décret, comme la suite de mouvements combinés par des ennemis de la Révolution. Or, Messieurs, je dis qu’une telle observation est d’autant plus déplacée, que les ports de mer qui se sont montrés les plus ardents pour la Révolution sont dans ce moment-ci dans une alarme extrême sur les suites de votre décret... (C’est faux!) Messieurs, cela est; je le certifie, et je ne doute pas qu’un très grand nombre de membres dans cette Assemblée n’en ait aussi la certitude. D’après cela, s’il avait été question de concerter les mesures pour, sans rétracter votre décret, en atténuer les inconvénients et en rendre l’exécution plus facile... M. Rewbell. Je demande la parole. M. Malouet. Vous l’aurez, Monsieur. Je crois qu’il eût été possible, par un article interprétatif qui est à peu près indiqué dans les instructions qu’on vient de vous lire, mais qui se trouve. contrarié par les paragraphes qui précèdent et qui suivent, il eût été possible de rendre aux colonies la paix que cette nouvelle disposition va tout à fait leur ôter; il eût été possible qu’après avoir prononcé le principe de l’admissibilité des gens de couleur dans les assemblées primaires, vous laissassiez aux assemblées coloniales à déterminer les conditions d'éligibilité pour les assemblées représentatives. (Murmures.) Encore une fois, si on ne vous avait épargné des développements et des détails de localités qui contrastent trop avec les principes prononcés de notre Constitution, et avec le langage habituel de l’Assemblée, vous auriez senti qu’il est contre toute possibilité qu’un nègre libre se trouve admis comme juge de paix ou comme administrateur à côté d’un colon blanc qui aurait chez lui ses neveux ou ses frères esclaves. D’après cela, il ne faut pas que l’Assemblée nationale, qui, a droit au respect et à l'obéissance de la part de toutes les parties de l’Empire, s’accoutume dans ce moment à croire que les observations qui lui seront probablement présentées par les colonies, soient le résultat de mouvements combinés. Il n’y a point de colon qui ne perde en cessant d’être Français ; il n’y a point de colon qui ne sente avec horreur les inconvénients affreux d’une scission; il n’y a point de colon instruit qui ne sache que, même en voulant se rendre indépendant de la France, il éprouverait sur cela les plus grandes difficultés. Que signifient donc les inconvénients dont on vous parle ? Il semble qu’il y a déjà un plan de conspiration formé à Paris delà part des colonies contre la métropole. Voix diverses : Oui ! oui ! — Non ! non ! M. Eiavie. Je demande que l’Assemblée entende un de ses membres, qui lui dira la vérité. (Murmures prolongés à gauche.) M. Regnaud (de Saint-Jean-d’Angély). Je demande, Monsieur le Président, que vous imposiez silence à M. Lavie. M. E09 du commerce de la France, ou si elles ne le sont pas; si vos décrets s’accordent avec l’opinio i, avec les intentions des peuples. Il n’y a d’autre moyen ne s'éclairera cet égard que d’ouvrir toutes les issues; il faut que l’Assemblée nationale ordonne que si le commerce a des adresses à lui présenter ( Murmures à gauche ), elles arrivent jusqu’à elle; il faut que l’Assemblée ne veuille pas oublier que le principe de tous ses décrets a été non seulement uu’ils lussent utiles aux. peu-les, mais mênu* qu’ils obtinssent l’opinion pu-lique. C’est l’opinion publique, dont vous êtes environnés, qui fait toute votre force; C’est elle qui est votre pouvoir exécu if. Lorsqu’elle vous ab mdonnera, vus décrets ne ser. nt plus exécutés. Je dem :nde donc que l’Assemblée nationale veuille bien s’éclairer sur l’effet véritable qu’a produit la publication de votre décret du 15 et qu’elle suspende toutes mesures ultérieures, jusqu’à ce que... Plusieurs membres à gauche : A l’ordre du jour ! M. de Cazalès. Je demande donc que l’As-semblee nationale suspende toutes mesures ultérieures jusqu à ce que... M. Rewbell. Jusqu’à ce qu’on ait pu exciter des troubles dans les colonies. M. de Cazalès. Jusqu’à ce qu’elle connaisse d’une manière certaine, d’une manière légale l’opinion du commerce de France, et qu’elle puisse profiter des lumières que lui donneront f s colons et les négociants ; car il ne faut pas pen-er que l’Assemblée nationale soit le foyer exclusif de toutes lumières, qu’elle soit infaillible... Un membre à gauche : Consultez les hommes libres et non les négociants. M. de Cazalès. Si l’Assemblée nationale a rendu un decret funeste à la tranqu llité, à la prospérité, à la richesse nationale, ce qu’elle peut faire de mieux, c’est de suspendre l’exécution ou d’y ajouter quelques moditications. M. Lanjninais. La question préalable sur la proposition de M. de Cazalès. M. Delavigne. Je demande si l’intention de l’Assemblée a éié d’aceoider, mm pas l’initiative, mais lx critique de ses oeciets, à ceux qui écrivent dans les départements pour solliciter la résistance. M. de Cazalès. Je demande si l’intention de l’Assemblée est de fermer la voie aux réclamations du peuple. (L’Assemblée ferme la discussion et décrète qu’il u’y a pas lieu à délibérer sur la proposition de M. de Cazalès.) (Les tribunes applaudissent.) M. de Cazalès ( montrant les tribunes). Apprenez à ces messieurs à ne pus huer une partie de l’Assemblée; qu’elle sache se respecter elle-même ! Plusieurs membres réclament la question préalable sur le renvoi de la motion de M. Malouet. M. Mlalouet. L’Assemblée ne peut refuser de renvoyer à l’examen une proposition... (Murmures et interruptions.) i * Série. T. XXVI. M. Rewbell. J’appuie la question préalable. Il serait indécent de laisser dire à l’Assemblée qu’elle ne savait pas ce qu’elle faisait. M. Mlalouet. Non, vous ne le saviez pas. M. le Président. Je mets aux voix la question préalable proposée sur la motion de M. Ma-louet. A droite : Eh I Messieurs, ne prenons pas part à un tel décret, (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y pas lien à délibérer sur la motion de M. Malouet.) M. le Président. Je dois déclarer que je n’ai pas reçu d’autre airesse que celle de Bordeaux dont il a été donné lecture à l’Assemblée. Je vais mettre aux voix la question préalable invoquée contre la motion de M. Regoaud, tendant à charger le Président de se retirer par devers le roi pour le prier de faire parvenir le plus tôt possible aux colonies l’instruction dont M. Dupont vient de donner lecture. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il y a lieu à délibérer sur la motion deM. Regoaud, qui est ensuite mise aux voix et adoptée.) M. le Président indique l’ordre du jour de la séance de demain. La séance est levée à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY. Séance du lundi 30 mai 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture des procès-verbaux des séances d’avant-hier 28 au soir et d’hier 29 au matin, qui sont adoptés. M. le Président fait donner lecture, par un de MM. les secétaires, d’une note du ministre de la justice ainsi conçue : « Le roi a sanctionné, le 27 mai présent mois, les décrets de l’ Assemblée nationale, dont voici l’état: « Le décret du 24 mai 1791, sur les formalités à observer r< lativeme t aux quittances de finance présentées à la liquida tion. « Le décret des 16 et 18 du même mois, portant organisation de la régie des droits d’enregistrement, timbre, hypothèques, et des domaines nationaux. « Le < écret du 18 du même mois, qui autorise des. acqui.-itions et location* d’immeubles' destinés à former remplacement ''es directoires des départements de la Moselle et de l’Al