92 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 36 La commune de Rueil (1), district de Versailles, offre à la patrie une somme de 1,262 liv. en assignats, et 60 liv. en espèces. Mention honorable, insertion au bulletin (2). 37 Sur rapport d’un membre du comité des domaines [DELACROIX (de la Marne)], au sujet des biens dépendant de la grande Chartreuse, au département de l’Isère [et, après quelques difficultés, sur la motion de BREARD] (3), la Convention nationale rend le décret suivant. « La Convention nationale, sur la soumission faite par les citoyens Joseph Chanrion et Claude Perier, procureurs fondés des actionnaires réunis à Grenoble pour l’établissement d’une fabrique de fusils dans ladite commune, et à la ci-devant grande Chartreuse, d’acquérir la maison claustrale des ci-devant Minimes, située dans ladite commune de Grenoble, ensemble les bâtimens, bois, prairies et pâturages y enclavés, forges, moulins à soie et autres usines, dépendans de ladité ci-devant grande-Chartreuse; les bois dépendans de l’ancien domaine de la ci-devant couronne, situé entre les torrens de Vence et Roise; ensemble les fourneaux, usines et bois dépendans de la ci-devant chartreuse de Saint-Hugon, situés sur le département de l’Isère, à l’effet d’y former ledit établissement; oui le rapport de ses comités de salut public et des domaines, réunis, décrète ce qui suit : » Art. I. — Il sera très-incessamment procédé à l’estimation des bâtimens, bois et autre biens-fonds ci-dessus désignés, par deux experts nommés par la commission des revenus nationaux, ensemble des fontes, fers, charbons, et des animaux servant à l’exploitaion. » Ces experts opéreront en présence d’un autre expert nommé par la compagnie que représentent lesdits citoyens Joseph Chanrion et Claude Perier, et de trois commissaires nommés, le premier, par le directoire du département de l’Isère; le second, par le district de Grenoble; le troisième, par la municipalité dudit lieu, pour la maison nationale située sur son territoire seulement. » Le troisième commissaire qui assistera à l’estimation des bâtimens, bois et domaines situés hors de la commune de Grenoble, sera nommé par les municipalités desquelles ils dépendent. » II. — Lesdits experts sont autorisés à se faire délivrer par tous administrateurs, notaires, dépositaires publics, fermiers, régisseurs, les titres, pièces et documents propres à déterminer la plus juste valeur desdits biens. Us (1) Et non Ruelle. (2) P.V., XXXVI, 16 et 225. (3) J. J. Bréard voulait ajouter une manufacture de canons à celle des fusils (Mess. Soir, 611). adresseront leur procès-verbal d’estimation au comité des domaines, qui en fera son rapport à la Convention nationale, laquelle décrétera l’aliénation, s’il y a lieu. » III. — La compagnie représentée par les citoyens Joseph Chanrion et Claude Perier, ne pourra entrer en possession qu’après que l’état des lieux, dressé par l’agence des domaines nationaux, aura été préalablement reconnu et signé par eux. » IV. — Pour assurer la stabilité de l’établissement proposé, les actionnaires composant ladite compagnie, seront tenus de passer entr’eux, ainsi qu’ils s’y sont engagés, un acte ou traité qui empêche la division des biens-fonds y affectés. >» V. — Lesdits actionnaires paieront dans la quinzaine du décret qui les aura envoyés en possession, un tiers du prix qui sera déterminé, moitié en assignats, et moitié en inscriptions sur le grand livre de la dette publique. Les deux autres tiers seront acquittés en neuf annuités, qui se paieront d’année en année dans les valeurs désignées. » VI. — Faute, par lesdits actionnaires, de réaliser l’établissement proposé, dans les quatre mois de la publication du décret d’adjudication, ils seront évincés des bâtimens, bois et domaines a eux adjugés, tenus de remettre les lieux en bon état, et ne pourront [réclamer] le premier paiement qu’ils auront fait en conformité de l’article précédent. »> VII. — Les actionnaires seront tenus de faire à la République les fournitures portées en leur soumission du 21 germinal dernier, approuvées par la commission des armes et de poudres, et par le comité de salut public. .. VIII. — Ils seront soumis, pour l’exploitation des bois à eux aliénés, au régime de l’administration forestière. La commission chargée des constructions maritimes pourra faire prendre, au prix courant, dans lesdits bois, ceux qui seront reconnus propres au service de la marine. » Le présent décret ne sera point imprimé » (1). 38 Un membre du comité de salut public [BARERE] fait un rapport sur les mouve-mens des armées du Nord et de la Moselle. Il annonce que celle-ci vient de s’emparer du poste d’Arlon, qui intercepte la commucation des pays de Trêves et de Luxembourg avec ceux de Liège et de Namur; il lit les lettres qui renferment les détails de cette action. La Convention en décrète l’insertion au bulletin (2). (1) P.V., XXXVI, 19. Minute de la main de Ch. Delacroix (C 301, pl. 1066, p. 10). Décret n° 8866. Mention dans C. Eg., n° 611, p. 162; J. Perlet, n° 576; P. Paris, n° 476; J. Matin, n° 611; J. Fr., n° 574. J. Sablier, n° 1270. (2) P.V., XXXVI, 19. Btn, 1er flor. 92 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE 36 La commune de Rueil (1), district de Versailles, offre à la patrie une somme de 1,262 liv. en assignats, et 60 liv. en espèces. Mention honorable, insertion au bulletin (2). 37 Sur rapport d’un membre du comité des domaines [DELACROIX (de la Marne)], au sujet des biens dépendant de la grande Chartreuse, au département de l’Isère [et, après quelques difficultés, sur la motion de BREARD] (3), la Convention nationale rend le décret suivant. « La Convention nationale, sur la soumission faite par les citoyens Joseph Chanrion et Claude Perier, procureurs fondés des actionnaires réunis à Grenoble pour l’établissement d’une fabrique de fusils dans ladite commune, et à la ci-devant grande Chartreuse, d’acquérir la maison claustrale des ci-devant Minimes, située dans ladite commune de Grenoble, ensemble les bâtimens, bois, prairies et pâturages y enclavés, forges, moulins à soie et autres usines, dépendans de ladité ci-devant grande-Chartreuse; les bois dépendans de l’ancien domaine de la ci-devant couronne, situé entre les torrens de Vence et Roise; ensemble les fourneaux, usines et bois dépendans de la ci-devant chartreuse de Saint-Hugon, situés sur le département de l’Isère, à l’effet d’y former ledit établissement; oui le rapport de ses comités de salut public et des domaines, réunis, décrète ce qui suit : » Art. I. — Il sera très-incessamment procédé à l’estimation des bâtimens, bois et autre biens-fonds ci-dessus désignés, par deux experts nommés par la commission des revenus nationaux, ensemble des fontes, fers, charbons, et des animaux servant à l’exploitaion. » Ces experts opéreront en présence d’un autre expert nommé par la compagnie que représentent lesdits citoyens Joseph Chanrion et Claude Perier, et de trois commissaires nommés, le premier, par le directoire du département de l’Isère; le second, par le district de Grenoble; le troisième, par la municipalité dudit lieu, pour la maison nationale située sur son territoire seulement. » Le troisième commissaire qui assistera à l’estimation des bâtimens, bois et domaines situés hors de la commune de Grenoble, sera nommé par les municipalités desquelles ils dépendent. » II. — Lesdits experts sont autorisés à se faire délivrer par tous administrateurs, notaires, dépositaires publics, fermiers, régisseurs, les titres, pièces et documents propres à déterminer la plus juste valeur desdits biens. Us (1) Et non Ruelle. (2) P.V., XXXVI, 16 et 225. (3) J. J. Bréard voulait ajouter une manufacture de canons à celle des fusils (Mess. Soir, 611). adresseront leur procès-verbal d’estimation au comité des domaines, qui en fera son rapport à la Convention nationale, laquelle décrétera l’aliénation, s’il y a lieu. » III. — La compagnie représentée par les citoyens Joseph Chanrion et Claude Perier, ne pourra entrer en possession qu’après que l’état des lieux, dressé par l’agence des domaines nationaux, aura été préalablement reconnu et signé par eux. » IV. — Pour assurer la stabilité de l’établissement proposé, les actionnaires composant ladite compagnie, seront tenus de passer entr’eux, ainsi qu’ils s’y sont engagés, un acte ou traité qui empêche la division des biens-fonds y affectés. >» V. — Lesdits actionnaires paieront dans la quinzaine du décret qui les aura envoyés en possession, un tiers du prix qui sera déterminé, moitié en assignats, et moitié en inscriptions sur le grand livre de la dette publique. Les deux autres tiers seront acquittés en neuf annuités, qui se paieront d’année en année dans les valeurs désignées. » VI. — Faute, par lesdits actionnaires, de réaliser l’établissement proposé, dans les quatre mois de la publication du décret d’adjudication, ils seront évincés des bâtimens, bois et domaines a eux adjugés, tenus de remettre les lieux en bon état, et ne pourront [réclamer] le premier paiement qu’ils auront fait en conformité de l’article précédent. »> VII. — Les actionnaires seront tenus de faire à la République les fournitures portées en leur soumission du 21 germinal dernier, approuvées par la commission des armes et de poudres, et par le comité de salut public. .. VIII. — Ils seront soumis, pour l’exploitation des bois à eux aliénés, au régime de l’administration forestière. La commission chargée des constructions maritimes pourra faire prendre, au prix courant, dans lesdits bois, ceux qui seront reconnus propres au service de la marine. » Le présent décret ne sera point imprimé » (1). 38 Un membre du comité de salut public [BARERE] fait un rapport sur les mouve-mens des armées du Nord et de la Moselle. Il annonce que celle-ci vient de s’emparer du poste d’Arlon, qui intercepte la commucation des pays de Trêves et de Luxembourg avec ceux de Liège et de Namur; il lit les lettres qui renferment les détails de cette action. La Convention en décrète l’insertion au bulletin (2). (1) P.V., XXXVI, 19. Minute de la main de Ch. Delacroix (C 301, pl. 1066, p. 10). Décret n° 8866. Mention dans C. Eg., n° 611, p. 162; J. Perlet, n° 576; P. Paris, n° 476; J. Matin, n° 611; J. Fr., n° 574. J. Sablier, n° 1270. (2) P.V., XXXVI, 19. Btn, 1er flor. SÉANCE DU 1er FLORÉAL AN II (20 AVRIL 1794) - N° 38 93 BARERE : Nous apprenons du quartier général de Lille, le 30 germinal, que le poste de Catillon, qui avait été pris dernièrement par les troupes de la république, vient d’être repris. C’est 1’effet de quelques intelligences avec l’en-!nemi; mais les traîtres sont arrêtés; deux d’entre eux, officiers de chasseurs et de hussards, sont passés à l’ennemi. Voici un passage de la lettre qu’a reçue le comité: «Le jeune Bouillé a été tué ce matin avec d’autres scélérats de sa bande. Il avait pour environ 80,000 livres d’assignats dans son porte-manteau. Mais comme il y a lieu de croire que ces scélérats émigrés ne portent chez nous que des faux assignats, je ne ferai rien distribuer aux hussards qui l’ont tué que lorsque je les aurai fait vérifier ». Mais s’il y a eu un léger revers dans le Nord par l’effet des intelligences des traîtres, nous avons du moins un succès important à vous apprendre dans l’armée de la Moselle. Le 19 ventôse, le comité de salut public avait pris un arrêté pour que l’armée de la Moselle allât s’établir en avant de Longwy, près d’Arlon, où elle devait s’établir de manière à intercepter la communication des pays de Trêves et de Luxembourg avec ceux de Liège et de Namur. L’ordre du comité a été rempli par l’armée commandée par le général Jourdan, que le comité a placé à la tête des troupes républicaines. Voici sa lettre et celle de Gillet, représentant du peuple, dont vous ordonnerez l’insertion au Bulletin : Le ga!l Jourdan, command * en chef l’armée de la Moselle, aux citoyens du C. de S. P. Au quartier-général d’Arlon, le 20 germinal, l’an II «Arlon est à la république; deux jours de marche et de combat en ont chassé l’ennemi, fort de treize mille hommes d’infanterie et de trois mille de cavalerie, dont les positions formidables et une artillerie nombreuse paraissaient défier nos baïonnettes. Tous les obstacles ont été vaincus. L’ennemi, voyant nos dispositions et notre audace à le poursuivre, a pris le parti de faire promptement sa retraite. Nous n’avons pas perdu de temps à le poursuivre; les troupes légères, tant à pied qu’à cheval, et la brave artillerie légère l’ont harcelé et fait replier plus vite qu’il ne le voulait, puisqu’il a été obligé de nous abandonner trois caissons et des chevaux. «Je ne saurais donner trop d’éloges à l’avant-garde, et particulièrement aux intrépides canonniers à cheval, commandés par l’adjudant général Debelle. Six de leurs bouches à feu se sont battues, le premier jour de l’attaque, pendant quatre heures, contre vingt-deux pièces de gros calibre, que le général Beaulieu, qui commandait dans cette partie, avait fait porter sur notre avant-garde, trouvant sans doute qu’elle allait coucher trop près de lui. «Nous avons à regretter très peu de monde; la perte de l’ennemi n’est pas non plus très considérable, parce qu’il a bien voulu nous céder promptement le champ de bataille. Nous lui avons fait quelques prisonniers. Nos troupes ont marché au son d’une musique guerrière et dans un ordre vraiment admirable. «Les généraux de division Hatry, Lefebvre, Morlot, Championnet, et tous les généraux de brigade, se sont montrés en chefs habiles et en vaillants soldats. Ils ont exécuté avec précision et intelligence les ordres qui leur étaient confiés; en un mot, chacun a fait son devoir; le représentant du peuple Gillet, qui a toujours marché à la tête des troupes, peut en rendre témoignage. Le citoyen Chasseloup, chef de bataillon dans l’arme du génie, qui était l’année dernière à la bataille qui a eu lieu sur le même terrain, qui avait acquis une connaissance exacte du pays, a rendu des services importants. « Voilà donc vos vues remplies, citoyens représentants. «Le général Hatry commande le corps d’armée qui prend aujourd’hui une position respectable devant Arlon. Je vais lui donner des ordres et des instructions pour qu’il s’oppose à tout passage entre le pays de Namur et celui du Luxembourg, en un mot pour qu’il intercepte le mieux possible toutes les communications de ces deux provinces. Je me porterai dès demain à la droite de l’armée pour y tenter quelque chose, suivant que les circonstances me le permettront, et pour y presser l’arrivée des effets d’habillement, de campement et d’armement, dont nous avons un besoin urgent. S. et F. » Jourdan. [GiZZet, repr. aux armées de la Moselle et des Ardennes, à la Conv .] Au quartier général, à Arlon, le 20 germ., l’an II. « Citoyens collègues, je m’empresse de vous annoncer notre entrée à Arlon. Le corps d’armée qui avait été chargé de cette expédition, contrarié d’abord par le mauvais temps, se mit hier en marche du camp sous Longwy. On connaît l’importance que les Autrichiens attachent à la conservation de ce poste, qui coupe la communication de Luxembourg avec les Pays-Bas; ils y avaient, en ce moment, selon tous les rapports, environ 14 000 hommes. La journée d’hier se passa en attaques de postes, et le soir une forte canonnade s’engagea avec notre avant-garde, près la chapelle dite de Sainte-Croix. Le combat a recommencé ce matin avec vigueur; les ennemis ont annoncé une résistance opiniâtre; et ils étaient favorisés par l’avantage de la position que donnent les hauteurs d’Arlon et par une artillerie et une cavalerie nombreuses; mais ils n’ont pu tenir au courage des soldats républicains, et ils ont pris la fuite au moment où ils se sont aperçus que l’armée se disposait à les charger à la baïonnette. « On ne saurait donner trop d’éloges à la valeur des troupes, aux sages dispositions du général en chef Jourdan, et à la précision avec laquelle elles ont été exécutées par les officiers généraux à ses ordres. Témoin de leur conduite, je dois vous dire que tous ont rempli leur devoir : les jeunes gens de la première réquisition se sont battus comme de vieux soldats. «L’artillerie légère et les troupes légères, tant à pied qu’à cheval, ont particulièrement contribué au succès de cette bataille. « Parmi les traits de courage qui ont eu lieu dans cette journée, je dois citer celui d’un charretier d’artillerie nommé Claude Revein. Cet SÉANCE DU 1er FLORÉAL AN II (20 AVRIL 1794) - N° 38 93 BARERE : Nous apprenons du quartier général de Lille, le 30 germinal, que le poste de Catillon, qui avait été pris dernièrement par les troupes de la république, vient d’être repris. C’est 1’effet de quelques intelligences avec l’en-!nemi; mais les traîtres sont arrêtés; deux d’entre eux, officiers de chasseurs et de hussards, sont passés à l’ennemi. Voici un passage de la lettre qu’a reçue le comité: «Le jeune Bouillé a été tué ce matin avec d’autres scélérats de sa bande. Il avait pour environ 80,000 livres d’assignats dans son porte-manteau. Mais comme il y a lieu de croire que ces scélérats émigrés ne portent chez nous que des faux assignats, je ne ferai rien distribuer aux hussards qui l’ont tué que lorsque je les aurai fait vérifier ». Mais s’il y a eu un léger revers dans le Nord par l’effet des intelligences des traîtres, nous avons du moins un succès important à vous apprendre dans l’armée de la Moselle. Le 19 ventôse, le comité de salut public avait pris un arrêté pour que l’armée de la Moselle allât s’établir en avant de Longwy, près d’Arlon, où elle devait s’établir de manière à intercepter la communication des pays de Trêves et de Luxembourg avec ceux de Liège et de Namur. L’ordre du comité a été rempli par l’armée commandée par le général Jourdan, que le comité a placé à la tête des troupes républicaines. Voici sa lettre et celle de Gillet, représentant du peuple, dont vous ordonnerez l’insertion au Bulletin : Le ga!l Jourdan, command * en chef l’armée de la Moselle, aux citoyens du C. de S. P. Au quartier-général d’Arlon, le 20 germinal, l’an II «Arlon est à la république; deux jours de marche et de combat en ont chassé l’ennemi, fort de treize mille hommes d’infanterie et de trois mille de cavalerie, dont les positions formidables et une artillerie nombreuse paraissaient défier nos baïonnettes. Tous les obstacles ont été vaincus. L’ennemi, voyant nos dispositions et notre audace à le poursuivre, a pris le parti de faire promptement sa retraite. Nous n’avons pas perdu de temps à le poursuivre; les troupes légères, tant à pied qu’à cheval, et la brave artillerie légère l’ont harcelé et fait replier plus vite qu’il ne le voulait, puisqu’il a été obligé de nous abandonner trois caissons et des chevaux. «Je ne saurais donner trop d’éloges à l’avant-garde, et particulièrement aux intrépides canonniers à cheval, commandés par l’adjudant général Debelle. Six de leurs bouches à feu se sont battues, le premier jour de l’attaque, pendant quatre heures, contre vingt-deux pièces de gros calibre, que le général Beaulieu, qui commandait dans cette partie, avait fait porter sur notre avant-garde, trouvant sans doute qu’elle allait coucher trop près de lui. «Nous avons à regretter très peu de monde; la perte de l’ennemi n’est pas non plus très considérable, parce qu’il a bien voulu nous céder promptement le champ de bataille. Nous lui avons fait quelques prisonniers. Nos troupes ont marché au son d’une musique guerrière et dans un ordre vraiment admirable. «Les généraux de division Hatry, Lefebvre, Morlot, Championnet, et tous les généraux de brigade, se sont montrés en chefs habiles et en vaillants soldats. Ils ont exécuté avec précision et intelligence les ordres qui leur étaient confiés; en un mot, chacun a fait son devoir; le représentant du peuple Gillet, qui a toujours marché à la tête des troupes, peut en rendre témoignage. Le citoyen Chasseloup, chef de bataillon dans l’arme du génie, qui était l’année dernière à la bataille qui a eu lieu sur le même terrain, qui avait acquis une connaissance exacte du pays, a rendu des services importants. « Voilà donc vos vues remplies, citoyens représentants. «Le général Hatry commande le corps d’armée qui prend aujourd’hui une position respectable devant Arlon. Je vais lui donner des ordres et des instructions pour qu’il s’oppose à tout passage entre le pays de Namur et celui du Luxembourg, en un mot pour qu’il intercepte le mieux possible toutes les communications de ces deux provinces. Je me porterai dès demain à la droite de l’armée pour y tenter quelque chose, suivant que les circonstances me le permettront, et pour y presser l’arrivée des effets d’habillement, de campement et d’armement, dont nous avons un besoin urgent. S. et F. » Jourdan. [GiZZet, repr. aux armées de la Moselle et des Ardennes, à la Conv .] Au quartier général, à Arlon, le 20 germ., l’an II. « Citoyens collègues, je m’empresse de vous annoncer notre entrée à Arlon. Le corps d’armée qui avait été chargé de cette expédition, contrarié d’abord par le mauvais temps, se mit hier en marche du camp sous Longwy. On connaît l’importance que les Autrichiens attachent à la conservation de ce poste, qui coupe la communication de Luxembourg avec les Pays-Bas; ils y avaient, en ce moment, selon tous les rapports, environ 14 000 hommes. La journée d’hier se passa en attaques de postes, et le soir une forte canonnade s’engagea avec notre avant-garde, près la chapelle dite de Sainte-Croix. Le combat a recommencé ce matin avec vigueur; les ennemis ont annoncé une résistance opiniâtre; et ils étaient favorisés par l’avantage de la position que donnent les hauteurs d’Arlon et par une artillerie et une cavalerie nombreuses; mais ils n’ont pu tenir au courage des soldats républicains, et ils ont pris la fuite au moment où ils se sont aperçus que l’armée se disposait à les charger à la baïonnette. « On ne saurait donner trop d’éloges à la valeur des troupes, aux sages dispositions du général en chef Jourdan, et à la précision avec laquelle elles ont été exécutées par les officiers généraux à ses ordres. Témoin de leur conduite, je dois vous dire que tous ont rempli leur devoir : les jeunes gens de la première réquisition se sont battus comme de vieux soldats. «L’artillerie légère et les troupes légères, tant à pied qu’à cheval, ont particulièrement contribué au succès de cette bataille. « Parmi les traits de courage qui ont eu lieu dans cette journée, je dois citer celui d’un charretier d’artillerie nommé Claude Revein. Cet 94 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE homme a la cuisse emportée d’un boulet de canon et est renversé; son frère, employé à la même pièce d’artillerie, vient pour l’embrasser; il lui répond : « Mon frère, retire-toi; retourne à ton poste, tu y es nécessaire; pour moi, je suis trop heureux de mourir pour ma patrie; que chacun en fasse autant ». « On remarque aussi celui de deux chasseurs du 1er régiment, qui, quoique blessés assez sérieusement, continuaient à se battre, et qui, forcés par leurs camarades de se retirer pour aller se faire panser, revinrent à leur poste aussitôt après l’avoir été (1) . Gillet. ( V ifs applaudissements ) . 39 Le député Javogues (2) monte à la tribune, et donne le détail des matières d’or et d’argent qu’il a recueillies pendant sa mission dans les départemens de Rhône et Loire. Ensuite il déclare que, trompé par de faux rapports des ennemis de la République, il a outragé son collègue Couthon dans une proclamation; mais qu’il a reconnu son erreur, qu’il la désavoue et rétracte, et qu’il ne cessera d’estimer et d’ho-norer ses collègues Couthon et Maignet. Il demande que sa rétraction soit insérée au bulletin; ce qui est décrété (3). JAVOGUES : Dans la mission dont j’ai été chargé dans les départements de Rhône-et-Loire, Saône-et-Loire et de l’Ain, j’ai recueilli une foule d’objets d’or et d’argenterie, débris de la fortune des rebelles et des fédéralistes, et tribut du zèle des bons citoyens. Au moment de mon rappel, je n’ai pu apporter avec moi que mes registres, qui ont été déposés jusqu’à ce jour au comité de salut public. J’ai laissé à Commune-Affranchie vingt et une caisses qui contiennent six mille trente marcs, argenterie et or; en espèces d’or et d’argent monnayées, 678,067 1. 6 s.; en assignats, 117,236 liv. 9 sous. Dix montres et deux boîtes en or, avec plusieurs croix de Saint-Louis et croix d’église, dont quelques unes sont garnies de diamants. Je demande que les états de tous ces articles soient insérés au Bulletin, et qu’il soit donné ordre aux représentants du peuple d’envoyer les vingt et une caisses à la trésorerie nationale. Après avoir annoncé les effets que j’ai recueillis dans ma mission pour être déposés sur l’au-(1) Mon., XX, p. 273; Débats, n° 578, p. 4; J. Mont., n° 159; C. Eg., n° 611, p. 163, 612, p. 169; J. Sablier, n° 1270; C. TJniv., 2 flor.; J. Matin, n° 611; Audit, nat., n° 575; Ann. pair., n° 475, 476; J. Fr., n° 574; J. Lois, n°B 570, 571; J. Perlet, n° 576; J. Paris, n° 476 et 477; Ann. Rép. Fr., n° 142, 143; Batave, n° 430; M.U., XXXIX, 29; Feuille Rép., n° 292; Rép., n° 122; Mess. Soir, n° 611. (2) Et non Javogue. (3) P.V., XXXVI, 19. C. Univ., 3 flor.; Débats, n° 578; Ann. patr., n° 475; Rép., n° 122. J. Fr., n° 574; J. Mont., n° 159; J. Matin, n° 611; J. Paris, n° 677; J. Lois, n° 570; M.U., XXXIX, 30; C. Eg., n° 611, p. 164; J. Perlet, n° 576; Ann. Rép. Fr., n° 143; J. Sablier, n° 1271; Audit, nat., n° 575; Batave, n° 430; Feuille Rép., n° 292. tel de la patrie, je m’empresse de donner à un collègue dont je révère autant les vertus que j’estime son patriotisme brûlant une réparation qu’il a droit d’exiger. Des scélérats qui avaient surpris ma confiance, abusant de mon exaltation républicaine, m’avaient égaré sur le compte de notre estimable collègue Couthon; j’ai eu le malheur de céder aux insinuations perfides de ces hommes pervers; j’ai outragé notre collègue dans une proclamation que je désavoue, que je rétracte (vifs applaudissements), que je voue solennellement au blâme de l’opinion publique. (Nouveaux applaudissements). Mon cœur n’a jamais cessé d’aimer, d’honorer le citoyen Couthon, ainsi que le citoyen Maignet. Voilà la profession de foi dont je ne me serais jamais écarté si j’eusse toujours été moi. Je prie la Convention de la recevoir et de permettre qu’elle soit insérée au Bulletin. Je sais que Couthon n’en a pas besoin; mais c’est pour moi que je demande. Un homme pur doit reconnaître avec franchise ses erreurs, et les réparer autant qu’il est en lui. (Les applaudissements recommencent et se prolongent) (1). Couthon déclare, à son tour, qu’il sait que Javogues a été trompé, et qu’il n’a jamais cessé de l’estimer (2). COUTHON : Citoyens, jamais je n’ai haï les hommes; je n’ai fait que détester leurs mauvaises actions. Javogues a eu des torts avec moi; il les répare aujourd’hui d’une manière authentique. Depuis longtemps je les avais oubliés; il ne me reste qu’à dire à mon collègue qu’il doit à l’avenir se prémunir contre les tentatives et les insinuations des hommes perfides qui ne cherchent qu’à nous désunir. Citoyens, demeurons unis; marchons tous d’un pas égal vers le bonheur du peuple qui nous a confié ses intérêts, et montrons-nous dignes par notre sagesse et notre énergie de représenter le peuple français. Je le répète, j’oublie, ou plutôt j’avais depuis longtemps oublié les légers torts que Ja-voques avait eus envers moi; sa démarche prouve qu’il avait été trompé, je déclare en présence de mes collègues que je lui voue aujourd’hui autant d’estime que d’amitié. Javogues et Couthon s’embrassent. (On applaudit) (3). 40 Un autre membre [BILLAUD-VARENNE] du comité de salut public fait un rapport sur la guerre et les moyens de la soutenir (4). BILLAUD-VARENNE : Citoyens, à l’ouverture d’une campagne qui sera terrible, car il est temps de terminer cette lutte révoltante de la royauté contre la république, le comité de salut public a senti la nécessité de fixer enfin les bases du système qui doit régler notre politique. S’il ne faut que du courage ou un excès de désespoir pour entreprendre une révolution, (1) Mon., XX, 273. Bin, 1er flor. Le Mon. écrit Javoques. (2) P.V., XXXVI, 19. (3) Mon., XX, 273. v4) P.V., XXXVI, 20. Bin, 1er flor. 94 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE homme a la cuisse emportée d’un boulet de canon et est renversé; son frère, employé à la même pièce d’artillerie, vient pour l’embrasser; il lui répond : « Mon frère, retire-toi; retourne à ton poste, tu y es nécessaire; pour moi, je suis trop heureux de mourir pour ma patrie; que chacun en fasse autant ». « On remarque aussi celui de deux chasseurs du 1er régiment, qui, quoique blessés assez sérieusement, continuaient à se battre, et qui, forcés par leurs camarades de se retirer pour aller se faire panser, revinrent à leur poste aussitôt après l’avoir été (1) . Gillet. ( V ifs applaudissements ) . 39 Le député Javogues (2) monte à la tribune, et donne le détail des matières d’or et d’argent qu’il a recueillies pendant sa mission dans les départemens de Rhône et Loire. Ensuite il déclare que, trompé par de faux rapports des ennemis de la République, il a outragé son collègue Couthon dans une proclamation; mais qu’il a reconnu son erreur, qu’il la désavoue et rétracte, et qu’il ne cessera d’estimer et d’ho-norer ses collègues Couthon et Maignet. Il demande que sa rétraction soit insérée au bulletin; ce qui est décrété (3). JAVOGUES : Dans la mission dont j’ai été chargé dans les départements de Rhône-et-Loire, Saône-et-Loire et de l’Ain, j’ai recueilli une foule d’objets d’or et d’argenterie, débris de la fortune des rebelles et des fédéralistes, et tribut du zèle des bons citoyens. Au moment de mon rappel, je n’ai pu apporter avec moi que mes registres, qui ont été déposés jusqu’à ce jour au comité de salut public. J’ai laissé à Commune-Affranchie vingt et une caisses qui contiennent six mille trente marcs, argenterie et or; en espèces d’or et d’argent monnayées, 678,067 1. 6 s.; en assignats, 117,236 liv. 9 sous. Dix montres et deux boîtes en or, avec plusieurs croix de Saint-Louis et croix d’église, dont quelques unes sont garnies de diamants. Je demande que les états de tous ces articles soient insérés au Bulletin, et qu’il soit donné ordre aux représentants du peuple d’envoyer les vingt et une caisses à la trésorerie nationale. Après avoir annoncé les effets que j’ai recueillis dans ma mission pour être déposés sur l’au-(1) Mon., XX, p. 273; Débats, n° 578, p. 4; J. Mont., n° 159; C. Eg., n° 611, p. 163, 612, p. 169; J. Sablier, n° 1270; C. TJniv., 2 flor.; J. Matin, n° 611; Audit, nat., n° 575; Ann. pair., n° 475, 476; J. Fr., n° 574; J. Lois, n°B 570, 571; J. Perlet, n° 576; J. Paris, n° 476 et 477; Ann. Rép. Fr., n° 142, 143; Batave, n° 430; M.U., XXXIX, 29; Feuille Rép., n° 292; Rép., n° 122; Mess. Soir, n° 611. (2) Et non Javogue. (3) P.V., XXXVI, 19. C. Univ., 3 flor.; Débats, n° 578; Ann. patr., n° 475; Rép., n° 122. J. Fr., n° 574; J. Mont., n° 159; J. Matin, n° 611; J. Paris, n° 677; J. Lois, n° 570; M.U., XXXIX, 30; C. Eg., n° 611, p. 164; J. Perlet, n° 576; Ann. Rép. Fr., n° 143; J. Sablier, n° 1271; Audit, nat., n° 575; Batave, n° 430; Feuille Rép., n° 292. tel de la patrie, je m’empresse de donner à un collègue dont je révère autant les vertus que j’estime son patriotisme brûlant une réparation qu’il a droit d’exiger. Des scélérats qui avaient surpris ma confiance, abusant de mon exaltation républicaine, m’avaient égaré sur le compte de notre estimable collègue Couthon; j’ai eu le malheur de céder aux insinuations perfides de ces hommes pervers; j’ai outragé notre collègue dans une proclamation que je désavoue, que je rétracte (vifs applaudissements), que je voue solennellement au blâme de l’opinion publique. (Nouveaux applaudissements). Mon cœur n’a jamais cessé d’aimer, d’honorer le citoyen Couthon, ainsi que le citoyen Maignet. Voilà la profession de foi dont je ne me serais jamais écarté si j’eusse toujours été moi. Je prie la Convention de la recevoir et de permettre qu’elle soit insérée au Bulletin. Je sais que Couthon n’en a pas besoin; mais c’est pour moi que je demande. Un homme pur doit reconnaître avec franchise ses erreurs, et les réparer autant qu’il est en lui. (Les applaudissements recommencent et se prolongent) (1). Couthon déclare, à son tour, qu’il sait que Javogues a été trompé, et qu’il n’a jamais cessé de l’estimer (2). COUTHON : Citoyens, jamais je n’ai haï les hommes; je n’ai fait que détester leurs mauvaises actions. Javogues a eu des torts avec moi; il les répare aujourd’hui d’une manière authentique. Depuis longtemps je les avais oubliés; il ne me reste qu’à dire à mon collègue qu’il doit à l’avenir se prémunir contre les tentatives et les insinuations des hommes perfides qui ne cherchent qu’à nous désunir. Citoyens, demeurons unis; marchons tous d’un pas égal vers le bonheur du peuple qui nous a confié ses intérêts, et montrons-nous dignes par notre sagesse et notre énergie de représenter le peuple français. Je le répète, j’oublie, ou plutôt j’avais depuis longtemps oublié les légers torts que Ja-voques avait eus envers moi; sa démarche prouve qu’il avait été trompé, je déclare en présence de mes collègues que je lui voue aujourd’hui autant d’estime que d’amitié. Javogues et Couthon s’embrassent. (On applaudit) (3). 40 Un autre membre [BILLAUD-VARENNE] du comité de salut public fait un rapport sur la guerre et les moyens de la soutenir (4). BILLAUD-VARENNE : Citoyens, à l’ouverture d’une campagne qui sera terrible, car il est temps de terminer cette lutte révoltante de la royauté contre la république, le comité de salut public a senti la nécessité de fixer enfin les bases du système qui doit régler notre politique. S’il ne faut que du courage ou un excès de désespoir pour entreprendre une révolution, (1) Mon., XX, 273. Bin, 1er flor. Le Mon. écrit Javoques. (2) P.V., XXXVI, 19. (3) Mon., XX, 273. v4) P.V., XXXVI, 20. Bin, 1er flor.