636 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 décembre 1789.J vous avez droit de l’espérer de leur zèle patriotique. C’est, ce qu'a pensé la majorité de votre comité qui, remarquant à quel point les divisioos d’ordres sont déjà effacées, et combien l’Assemblée nationale est essentiellement une, a jugé que ses décrets seraient toujours l’expression de la volonté générale, et que, sanctionnés par le Roi, ils ne rencontreraient jamais d’opposition. La seule difficulté qui ait paru mériter l'attention particulière de votre comité, est celle de l'hypothèque déjà établie sur les domaines ecclésiastiques en faveur des créanciers du clergé. Vous déciderez, Messieurs, dans votre sagesse, si vous pouvez lever cette difficulté en déclarant que l’hypothèque de ces créanciers devenus ceux de la nation, et dont la créance générale et particulière qui ne monte pas à 200 millions sera transportée sur les autres biens ecclésiastiques, et y sera suffisamment assise, surtout lorqu’eile a, en outre le gage de ces biens, la garantie de la nation entière qui a étendu cette hypothèque à tous les autres biens et revenus. Quel que soit le parti que vous adoptiez pour la forme, (a nécessité de trouver une ressource extraordinaire n’est pas douteuse, elle est extrêmement instante ; le décret qui doit y pouvoir, suffit pour assurer le salut public. Lorsque vous aurez décidé que les domaines de la couronne, à l’exception des forêts, une quantité de domaines ecclésiastiques, montant jusqu’à une valeur estimée à 400 millions seront mis en vente sous la forme et sous les conditions que vous réglerez incessamment, et que les deniers en seront versés dans la caisse de l’extraordinaire, et applicables aux dépenses extraordinaires de l’année 1790, vous pourrez procurer à la nation la jouissance anticipée de ces valeurs. Il suffira pour cela de créer, sur la caisse de l’extraordinaire, des assignats de 1,000 livres chacun, en quantité suffisante pour égaler le prix de la totalité des ventes que vous aurez jugées nécessaires, et d’attribuer à ces assignats un intérêt de 5 0/0 ; ils pourraient être retirés en cinq années ; leur remboursement serait d’autant plus assuré, que le produit de la contribution patriotique s’y trouverait consacré en entier, et 250 millions de* biens-fonds vendus en cinq années suffiraient avec la contribution patriotique pour qu’il ne restât plus un seul assignat. 11 est possible que les ventes surpassent cette somme; il est même vraisemblable qu’il en sera ainsi, et que le remboursement ne sera pas cinq années à s’effectuer. 11 se ferait le plus communément sans émission de deniers, et sans dépense pour le Trésor royal par la livraison des biens-fonds, dans la vente desquels on mettrait pour conditions qu’ils seraient payés en assignats, en concurrence avec de l’argent.* Vous en donneriez à la caisse d’escompte en échange de billets, par lesquels elle aurait fourni le secours provisoire de 17Ü millions dont 90 pour solder ce qu’elle a fourni à l’Etat en 1789, et 80 pour les premiers mois de l’année prochaine. Le premier ministre des finances a résolu, nous a-t-il dit, « de n’employer cette somme que s’il ne peut pas l’éviter, et qu’avec la plus sévère parcimonie » ; il a désiré, non sans raison, que le cours des dépenses du service public ne fût pas exposé à être interrompu, mais il s’est réservé de ne faire que le plus faible usage qu’il serait possible de la ressource qu’il a demandé à être autorisé à chercher dans la caisse d’escompte. Quant à celui-ci dont on doit louer le zèle, et qui n’a pas besoin d’un vain titre, mais d’un bon gage, sa [créance et celle des porteurs de ses billets une Ibis appuyées sur des propriétés foncières, auraient un degré de solidité, et inspireraient une confiance qui ne pourraient que hâter le rétablissement de la circulation. Vous verriez en même temps les dépenses ordinaires et les recettes ordinaires du Trésor public, que votre comité vous supplie de déterminer incessamment, cesser d’être accablées et dérangées par le poids des dépenses extraordinaires et de l’arriéré; l’état des finances deviendrait clairet intelligible pour tout le monde. L’ordre de comptabilité que M. Dupont vous a proposé le 24 septembre, et que M. de Laborde vous a développé avec de nouveaux détails, et les plus utiles dispositions, pourrait être institué; il mettrait le ministre, le Roi, l’Assemblée nationale à portée de connaître chaque semaine, et s’ils le voulaient, chaque soir, la véritable situation des affaires publiques, le bilan de la nation. Le tout dépend d’établir un parfait équilibre entre les recettes et les dépenses ordinaires, d’en bien séparer l’extraordinaire et l’arriéré, d’appuyer le remboursement de celui-ci sur un fonds ample et assuré, de tenir les comptes tant de l’ordinaire que de l’extraordinaire, comme les négociants et les banquiers font celui de leurs affaires. Ce plan, Messieurs, est d’une telle simplicité; il porte sur une base si solide, que votre comité croit pouvoir répondre du succès. Il a puisé dans vos principes et dans les discussions auxquelles vous vous êtes livrés, la plus grande partie des vues qui l’ont déterminé. L’accord des volontés et des intérêts doivent être, Messieurs, le but de tous les bons citoyens. Notre zèle patriotique doit épargner à l’Etat, nous épargner à nous-mêmes de grands malheurs : la paix et l’abondance n’attendent que vos dispositions et l’expression solennelle de votre volonté, pour consolider et accréditer la caisse que vous .destinez aux recettes et aux dépenses de l'extraordinaire. La capitale et la France entière y ont placé leurs espérances ; il ne peut plus y avoir à balancer entre les malheurs qui naîtraient de nos débats, et les immenses avantages que la paix nous promet. C’est dans cet esprit que votre comité va vous soumettre deux projets de décret, et il désire que son travail ait votre approbation comme son zèle. M. Dupont, de Nemours. Je rappelle la discussion du plan proposé par votre comité et de celui développé par M. de Montesquiou. M. le marquis de Montesquiou vous propose de créer du papier qui durera sept ans, au lieu de papier qui durerait pendant six mois, c’est-à-dire qu’il veut vous guérir de la peur par la mort. Ce papier serait reçu dans les caisses publiques, et pourrait être refusé dans le commerce. Quel désordre ne résulterait pas de cette cause? M. le duc de la Rochefoucauld propose de donner une hypothèque spéciale. Le comité croit que c’est une chose très-utile, et l’a comprise dans la réserve des conditions des ventes, faite par un article du projet du décret. DÉCRETS de l'Assemblée nationale , sur les finances. L’Assemblée nationale a décrété et décrète : 1° Que les billets delà caisse d’escompte continueront d’être reçus en payement dans toutes les caisses publiques et particulières jusqu’au i#r juil- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 décembre 1789.J 33 7 Jet 1790 et qu’elle sera tenue d’effectuer ses payements à bureau ouvert, à cette époque. 2° La caisse d’escompte fournira au Trésor public, d’ici au 1er juillet prochain, 80 millions en ses billets. 3* Les 70 millions déposés par la caisse d’escompte au Trésor royal, en 1787, lui seront remboursés en annuités', portant 5 0/0 d’intérêts, et 3 0/0 pour le remboursement du capital en vingt aunées. 4° 11 sera donné à la caisse d’escompte, pour ses avances de l’année présente et des six premiers mois 1 790, 170 millions en assignats surla caisse de l’extraordinaire, ou billets d’achat sur les biens-fonds qui seront mis en vente, portant intérêt à 5 0/0 et payables à raison de 5 millions par mois, depuis le 1er juillet 1790 jusqu’au l*r juillet 1791, et ensuite à raison de 10 millions par mois. 5° La caisse d’escompte sera autorisée à créer 25,000 actions nouvelles, payables par sixièmes, de mois en mois, à compter du 1er janvier prochain, moitié en argent ou en billets décaissé, et moitié en effets qui seront désignés. 6° Le dividende sera fixé invariablement à 6 0/0 ; le surplus des bénéfices restera en caisse, ou dans la circulation de la caisse, pour former un fonds d’accumulation. 7° Lorsque le fonds d’accumulation sera de 6 0/0 sur le capital de la caisse, il en sera retranché 5 pour être ajoutés au capital existant alors, et le dividende sera également payé à 6 0/0 sur ce nouveau capital. 8° La caisse d’escompte sera tenue de rembourser à ses actionnaires 2,000 livres par action, en quatre payements de 500 livres chacun, qui seront effectués le 1er janvier 1791, le 1er juillet de la même année, le lep janvier 1792, et le 1er juillet 1792. l’Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er II sera formé une caisse de l’extraordinaire, dans laquelle seront versés les fonds provenant de la contribution patriotique, ceux des ventes qui seront ordonnées par le présent décret, et toutes les autres recettes extraordinaires de l’Etat. Les deniers de cette caisse seront destinés à payer les créances exigibles et arriérées, et à rembourser les capitaux de toutes les dettes dont l’Assemblée nationale aura décrété l’extinction. Art 2. Les domaines de la couronne, à l’exception des forêts et des maisons royales dont Sa Majesté voudra se réserver la jouissance, seront mis en vente, ainsi qu’une quantité de domaines ecclésiastiques suffisante pour former ensemble la valeur de 400 millions. Art. 3. l’Assemblée nationale se réserve de désigner incessamment lesdits objets, ainsi que de régler la forme et les conditions de leur vente, après avoir recules renseignements qui lui seront donnés par les assemblées de département, conformément à son décret du 2 novembre. Art. 4. Il sera créé sur la caisse de l’extraordinaire des assignats de 1,01)0 livres chacuu, portant intérêt à 5 0/0 jusqu’à concurrence de la valeur desdits biens à vendre, lesquels assignats seront admis de préférence dans l’achat desdits biens. 11 sera éteint desdils assignats, soit par lesdites ventes, soit par les rentrées de la contribution patriotique, et par toutes les autres recettes extraordinaires qui pourraient avoir lieu, 100 millions en 1791, 100 millions en 1792, 80 millions en 1793, 80 millions en 1794, et le surplus eu 1795. Lesdits assignats pourront être échangés contre toute espèce de titres de créances sur l’Etat en dettes exigibles, arriérées ou suspendues, portant intérêt. M. Laborde de Méréville. Je demande que le rapport soit imprimé afin que tout le monde puisse l’étudier dans son ensemble. (L’impression est ordonnée.) M. I�ecouteulx de Canteleu. Le rapport dont vous venez d’entendre la lecture a été adopté parla majorité de votre comité, mais les membres de la minorité ont présenté un contre-projet que je ferai connaître à l’Assemblée si elle le désire. M. Barnave. On ne peut refuser d’entendre aucun décret, mais si celui ou ceux dont parle M. Lecoult-eux n’est proposé que par la minorité, il ne peut être lu au nom du comité. M. Dupont, de Nemours. Un projet de décret a été proposé par un membre ecclésiastique, et adopté par la minorité du comité, mais le comité lui-même a désiré que la lecture en fût faite à l’Assemblée. M. le Président prend les voix et il est décidé que la lecture aura lieu. Projet de décret proposé au comité des dix par quelques membres de ce comité. L’Assemblée nationale considérant que la prospérité du royaume et la stabilité de la constitution dépendent principalement du rétablissement de l’ordre dans les finances, et qu'un bien si désirable ne peut s’opérer que lorsque, par l’extinction totale des anticipations, des dettes exigibles et de l’arriéré de toutes les caisses et de tous les départements, le Trésor public dégagé pour toujours de ces charges extraordinaires, sera sans cesse vivifié par une recette supérieure à la dépense; Considérant que la renaissance du crédit public, la circulation du numéraire, l'indépendance de l’Etat envers les compagnies de finances qui l’asservissent, et les avantages inappréciables d’une confiance universelle, seront le prompt et infaillible effet de cette aisance du Trésor public, laquelle rendra possible tous les genres de biens que les précédents décrets de l’Assemblée nationale ont préparés; Considérant que l’épuisement des peuples ne leur permet plus de fournir les ressources extraordinaires dont l’Etat a besoin pour se libérer du fardeau de cette dette particulière à laquelle nuis fonds libres ne sont assignés, et qui, portant à faux sur la masse des revenus publics, réduit sans cesse le gouvernement à des opérations également onéreuses pour le royaume et insuffisant au Trésor national ; Considérant que les représentants de la nation ayant fermement résolu de combler ce déficit, apperçoivent de puissants secours dans le produit de la contribution patriotique, ainsi que dans le retrait et l’aliénation des domaines du Roi; mais que la source la plus abondante de la régénération des finances doit se trouver dans les décrets de l’Assemblée nationale relativement aux biens du clergé; Considérant que, par son décret du 2 novembre dernier, elle a déclaré que les biens du clergé étaient à la disposition de la nation, à la charge, par elle, de fournir aux frais du culte, à l’entretien de ses ministres, et au soulagement des pau-