ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 août 1789.] [Assemblée nationale.} de ces prohibitions subtiles qui ne laissent plus de la liberté que le nom. Il est temps d’effacer de la législation française les absurdités qui la déshonorent depuis longtemps. G est à la liberté de la presse , plus encore qu’aux besoins publics, que vous devez le bienfait de cette Assemblée : consacrez donc cette liberté de la presse, qui est une partie inséparable de la libre communication des pensées. L’arbre de la liberté politique ne croîtque par l’inlluence salutaire de la liberté d’imprimer. D’ailleurs, Messieurs, le progrès de l’opinion armée de la presse est devenu irrésistible. Le moment est venu, où aucune vérité ne peut plus être dérobée aux regards humains ; et réprimer ou contraindre la liberté de la presse, c’est un vain projet. Réparer les droits d’autrui, est la seule moditication que la morale des Etats apporte à la liberté. Tout homme a le droit de communiquer et de publier ses pensées ; la liberté de la presse, nécessaire à la liberté publique, ne peut être réprimée, sauf à répondre des abus de cette liberté, dans les cas et suivant la forme déterminée par par la loi. M. Robespierre. Vous ne devez pas balancer de déclarer franchement la liberté de la presse. 11 n’est jamais permis à des hommes libres de prononcer leurs droits d’une manière ambiguë ; toute moditication doit être renvoyée dans la Constitution. Le despotisme seul a imaginé des restrictions : c’est ainsi qu’il est parvenu à atténuer tous les droits... Il n’y a pas de tyran sur la terre qui ne signât un article aussi modifié que celui qu’on vous propose. La liberté de la presse est une partie inséparable de celle de communiquer ses pensées. Un curé du bailliage de Metz présente son cahier qui demande que tous les ouvrages soient soumis à la censure. On allait délibérer, lorsque M. l’évêque d’Amiens a demandé la parole, et l’on a cru devoir faire une exception au règlement pour entendre ce prélat. M. De Macliault, évêque d'Amiens. Je satisfais à ma conscience qui me presse, ainsi qu’au mandat que j’ai reçu : il y a du danger pour la religion et les bonnes mœurs dans la liberté indéfinie de la presse. Combien la religion n’a-t-elle pas souffert des attaques que la licence des écrits lui a portées ! Combien le repos de la société n’a-t-il pas été compromis ! Combien de pères de famille peuvent être alarmés pour leurs enfants des mauvais principes de certains ouvrages!... Je termine en proposant un amendement pour la conservation des mœurs et l’intégrité de la foi. M. Desmontiers de Mérinville, évêque de Dijon , lit le projet suivant : « Toute communication libre des pensées et des opinions est un des droits du citoyen ; elle ne doit être restreinte que dans le cas où elle nuirait au droit d’autrui. » M. le comte de Mirabeau demande à faire un amendement à tous ces modèles. Tous portaient restreindre ; il propose d’y mettre réprimer. On vous laisse, dit-il, un écritoire pour écrire uue lettre calomnieuse, une presse pour un libelle ; il faut que vous soyez puni quand le 483 délit est consommé : or, ceci est répression , et non restriction; c’est le délit que l’on punit, et l’on ne doit pas gêner la liberté des nommes, sous prétexte qu’ils veulent commetre des délits. Un ecclésiastique propose un autre amendement. 11 demande que l’on insère dans l’article contraires aux lois ae l’Etat. Cet amendement est rejeté. On met aux voix l’article 19 du projet du sixième bureau. L’article est rejeté. On met aux voix celui de M. le duc de La Rochefoucauld. M. Dupont demande par amendement de le terminer ainsi : les cas qui seront prévus par la loi. M. Pétion observe que cela est inutile, et dit qu’il ne peut pas y avoir de lois antérieures à une constitution. L’article est décrété en ces termes : « Art. 11. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme. Tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. » L’ Assemblée passe à la discussion de l'article 20 du projet du sixième bureau. M. de Gouy-d’Arcy reproche à ce projet du sixième bureau, d’être diffus, long et inintelligible, et propose l’article suivant : « De la nécessité d’une contribution suffisante à l’entretien d’une force publique, capable de garantir les droits des citoyens, dérive le droit de consentir l’impôt, de constater sa nécessité, d’en déterminer la quotité, d’en fixer l’assiette et la durée, enfin de demander compte de cet emploi à tous les agents de l’administration. » M. le baron de Marguerites présente aussi un projet à peu près dan3 les mêmes termes : « Tout subside nécessaire pour les dépenses publiques étant une portion retranchée de la propriété, chaque citoyen a le droit de consentir l’impôt, d’en fixer la durée, la nécessité et l’em-plôi. » M. le comte de Mirabean. Ce n’est pas un retranchement de la propriété, c’est une jouissance commune à tous les citoyens ; c’est le prix avec lequel vous possédez vos propriétés. M. le comte de Lally-Tollendal demande à défendre le principe attaqué par M. de Mirabeau ; mais cette controverse n’est pas entamée. Voici encore quelques projets de divers membres. M. le prince de Broglic. La garantie des droits particuliers nécessite une force publique ; son but étant la sûreté des propriétés, chacun doit contribuer à l’établissement de l’impôt, à la fixation de sa durée, et de sa quotité, et à la responsabilité des agents de l’administration. M. Target. C’est un droit des citoyens de ne payer aucunes contributions publiques que celles qui ont été librement accordées par eux-mêmes ou par leurs représentants, et qui ont été fixées par eux, tant pour la somme que pour la durée. M. Bouche demande que l’on prenne quel- 484 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 août 1789.] ques articles deM. Sieyès. Cette proposition n’est pas acceptée. M. deLaborde. Tout citoyenale droit de constater par lui ou ses représentants la nécessité des contributions destinées à la chose publique, d’en déterminer la quotité, l’assiette, la durée, et d’en vérifier l’emploi. M. le comte de VIrieu insiste sur le projet de M. le baron de Marguerites. La discussion en était à la fin, tous les derniers articles allaient être réunis en un seul, lorsque M. Chapelier dit qu’il faut distinguer les articles ; que le vingtième article établit l’emploi des impôts, et les autres la forme de les accorder. Cette opinion prévaut. Après bien des agitations, on revient enfin au vingtième article du projet du sixième bureau. M. Biauzat propose la rédaction suivante : « Tout citoyen a une garantie sociale supérieure à tous les citoyens. Il faut une forme qui la maintienne; elle appartient à la nation, et les fonctions qu’elle donne ne peuvent jamais devenir la propriété de ceux qui les exercent. M. Pison du Galand en présente un où il ualilie les agents de l'administration deserviteurs e la nation. -Cette expression excite quelques murmures. L’orateur appuie sur ce mot en disant: « l’on s’honore d’être serviteur du roi : doit-on rougir dans cette Assemblée d’être serviteur delà nation ? » M. le marquis de Gouy d’Arcy propose un article pour remplacer les arlicles 20, 21, 22, et 23, relatifs à la propriété et l’entretien de la force publique, sans laquelle la loi est sans vigueur et la propriété sans appui. MM. Malouet, Robespierre, le prince de Broglie, Target, de Marguerites, Rhédon, Bouche, de La-borde, de Virieu, Vernier, Pison du Galand, De-fermont , Mounier et Duport, proposent divers projets de rédaction qui comprennent plus ou moins d’articles. D’autres en désirent qui soient pris dans la déclaration de M. l’abbé Sieyès. M. Chapelier attaque quelques-unes de ces rédactions, en ce qu’on n’y établit pas avec assez de précision la responsabilité des agents publics, et l’impossibilité d’abuser de la force publique contre les citoyens. M. de Boisgelin, archevêque d’Aix. Je demande qu’on s’occupe dans la déclaration des droits de la puissance respective des citoyens, du droit d’intluer sur Iç gouvernement, droit qui fait une partie essentielle de ceux du citoyen. Il faut que tous les citoyens participent également à l’établissement et au maintien de Ja puissance publique. G’ est sur ces principes que furent établis les Etats généraux, composés des représentants de tous les citoyens ; et ce principe ne peut être contesté dans une monarchie fondée sur les lois. Un homme ne commande aux autres que par l’emprunt et l’emploi de leur puissance. C’est la puissance réunie des citoyens qui rend un citoyen plus puissant que les autres. Ainsi les droits politiques communs à tous les citoyens sont indestructibles comme leurs droits naturels et civils. Un citoyen ne peut pas plus perdre la puissance qui lui appartient que la liberté. Cette multitude de rédactions embarrasse l’Assemblée dans le choix qu’elle veut faire. MM. Madter et de Lally mettent un terme à cette indécision, en observant que le seul défaut de l’article 20 était d’avoir été rédigé par le sixième bureau. Cette remarque inattendue ramène aux opinions, et l’Assemblée adopte unanimement l’article 20. C’est le premier des vingt-quatre articles du projet de déclaration qui ait été conservé; le voici : « Art. 12. La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. » L’article 21 a été décrété en ces termes : « Art. 13. Pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. » Uup députation de la garde bourgeoise de Versailles, composée de MM. de l’état-major et capitaines de cette garde est introduite et présente à l’Assemblée une délibération qu’elle vient de prendre à l’effet d’ouvrir une souscription patriotique pour contribuer au payement des dettes de l’Etat. On lit cette délibération. M. le Président. L’Assemblée nationale voit avec sensibilité l’acte de patriotisme de la milice nationale de Versailles. Elle fait en sa faveur une exception honorable en recevant sa députation. M. le Président propose de nommer une députation pour porter an Roi les félicitations de l’Assemblée à l’occasion du jour de sa fête. Il est arrêté que cette députation sera nommée par la voie du sort, et que le comité de rédaction présentera ce soir un projet d'adresse au Roi. M. le Président continue la séance à ce soir six heures et demie. Séance du soir. M. le Président a dit que MM. les électeurs des trois ordres du bailliage de Château-Thierry avaient envoyé à l’Assemblée nationale une députation, qui serait consolée de ne pouvoir être admise, si l’Assemblée voulait du moins permettre que lecture lui fût donnée, à l’instant, de l’adresse que cette députation était chargée de présenter. L’Assemblée l’ayant permis, un de MM. les secrétaires alu la délibération prise le 18 de ce mois, par les électeurs unis de Ja ville et du bailliage de Château-Thierry, portant nomination de quatre d’entre eux pour présenter à l’Assemblée nationale l’hommage de leur respect, de leurs félicitations et de leur reconnaissance, singulièrement excitée par le décret qui a pour objet d’assurer la tranquillité publique. Il a été présenté un acte passé par-devant notaires à Béziers, le 14 de ce mois, par M. le marquis de Villeneuve, portant qu’il adhère, pour ce ui le concerne, à la renonciation que les barons es Etats de Languedoc, présents à la séance de l’Assemblée nationale du 4 de ce mois, ont faite