74 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Un navire de 300 tonneaux, chargé de 1 960 barils de farine pour l’Angleterre, pris par la même. Prises entrées à la Rochelle. Un navire portugais de 700 tonneaux, armé de 10 canons, chargé d’indigo, sucre, café, riz et cuirs, pris par la corvette l’Eugénie, commandée par le citoyen Heraud. Cet officier a déposé à la caisse de Lorient des matières d’or et d’argent trouvées à bord de ce navire, savoir : 1563 portugaises, 138 marcs 2 onces 6 gros de poudre d’or, une coupe de calice en argent pesant 4 onces, une chaîne d’or avec une madonne, 2 creudades d’argent, 3 grandes paires de boucles d’argent, 2 paires de petites, pesant ensemble 3 onces 6 gros. Prise entrée à Port-Malo. Un navire anglais, de 350 tonneaux, armé de 16 canons, chargé en plein de poudre de guerre, mousseline, toiles, rhum, mouchoirs, et autres marchandises pour la traite des noirs, pris par la frégate La révolutionnaire. Total : 17 entrés dans les ports, 19 coulés bas ; en tout 36. 46 RICHARD : Voici une lettre du représentant du peuple à Valenciennes : (107). J. -B. Lacoste, représentant du peuple, au comité de Salut public. Valenciennes, le 1er brumaire, l’an III de la République française une et indivisible. Citoyens collègues, Je vous envoie quelques exemplaires des jugements qui ont 'été rendus par la commission militaire établie à Valenciennes; ils vous convaincront que les coupables ne trouvent point ici de grâce : mais ces frontières qui, depuis la révolution, ont constamment été le théâtre de la guerre, qui ont eu le malheur d’être arrosées du sang des braves défenseurs de la patrie et d’ardents républicains qui ont été impitoyablement égorgés, qui ont encore plus été effrayées des exécutions arbitraires qui ont eu lieu à Cambrai, ne doivent plus voir d’exemples de mort, sans la conviction préalable des coupables et la stricte observation des formes prescrites par la loi : tout autre conduite produirait dans ce département les effets les plus funestes, et ferait détester la révolution. (107) Moniteur, XXII, 351-352. Bull., 4 brum.; Débats, n° 763, 505-507; Ann. R. F., n° 34; Ann. Patr., n° 663; C. Eg., n° 798; J. Perlet, n° 762; J. Fr., n° 760; M.U., XLV, 76 et 82- 84; F. de la Républ., n° 35; Rép., n° 35; J. Paris, n° 35; J. Mont., n° 13. Depuis qu’il est purgé de la présence de l’ennemi, les actes de bienfaisance doivent succéder aux horreurs de la guerre ; et depuis la chute des dictateurs, la justice ne doit plus être une chimère, mais une réalité à l’ordre du jour. La commission militaire est toujours en permanence : chaque jour il se fait des exécutions, et le peuple y applaudit, parce qu’il a l’évidence de la justice. La deuxième section du tribunal criminel du département du Nord est déjà établie, en exécution de la loi du 19 vendémiaire. Vous trouverez ci -joint l’arrêté pris à cet égard, et j’ose espérer que ses articles rempliront les vues de la Convention nationale. Une partie des détenus qui doivent être jugés par ce tribunal, est transférée à Douai : on s’occupe du départ des autres. Pour ne pas confondre l’innocent avec le coupable, et ne pas renvoyer à ce tribunal des individus qui n’étaient pas de sa compétence, je me suis déterminé à entreprendre une opération qui m’a donné bien de la peine, mais dont j’ai été amplement dédommagé par les actes de justice et de bienfaisance qu’elle m’a mis à portée de rendre, et qui ont fait la plus grande sensation. Vous connaissez la liste que je vous ai envoyée, des individus mis en état d’arrestation et leur division en six classes : pour m’assurer de l’exactitude de cette classification, qui est de la plus grande importance, j’ai fait transporter ici l’accusateur public du tribunal criminel du département, et avec lui, les agents nationaux du district et de la commune, deux membres de chaque autorité constituée, deux du comité de surveillance et quatre de la société populaire ; j’ai été dans tous les lieux de détention y faire l’application de ces classifications et y opérer tous les changements dont elles étaient susceptibles. Dans la cinquième classe, qui comprend ceux prévenus de propos et de faits contre-révolutionnaires, et dans la sixième, qui comprend les gens suspects et les autres individus arrêtés par mesure de sûreté générale, j’ai reconnu une infinité d’ouvriers, de laboureurs, de jeunes gens de la première réquisition, tous de la classe des sans-culottes, dont le plus grand nombre était plus à plaindre que coupable ; d’autres qui avaient été arrêtés sans motifs fondés, d’autres par la lutte des passions; enfin, un malheureux batelier, pour avoir sauvé du naufrage un paquet de faux assignats, de 271000 L, qu’il s’était empressé de déposer à la commune, tandis que les ateliers, la culture et la navigation manquent de bras. Je me suis hâté de les mettre en liberté. Le batelier a reçu 300 L à titre d’indemnité et de gratification, et les cris mille fois répétés de vive la Convention nationale! vive la République! qui se sont fait entendre dans le fond de tous ces lieux de détention, ont été la sanction de ces jugements républicains. Je vous ai aussi prévenus, chers collègues, que j’avais fait une classe particulière de tous les individus qui, étant sans fortune, se sont laissés entraîner par crainte, ignorance ou per- SÉANCE DU 4 BRUMAIRE AN III (25 OCTOBRE 1794) - N° 47 75 fidie, ont abandonné leurs foyers pour aller se réfugier sur le pays occupé par l’ennemi, avec leurs femmes et enfants, et se sont par conséquent rendus coupables d’émigration sans s’en douter; il est de la loyauté française, il est de l’humanité et de la justice de la Convention, qui vient de prendre une attitude sublime, d’accorder la grâce à ces malheureuses victimes de l’ignorance, de la crainte et de l’erreur. Cet acte de clémence rendra encore à la culture des bras, à des familles éplorées les auteurs de leurs jours, à la patrie de nouveaux défenseurs, à la République de bons citoyens; cet acte de clémence contribuera beaucoup à faire oublier à ces frontières tous les maux qu’elles ont soufferts, et à porter toutes les âmes à bénir la révolution. Je vous invite donc, chers collègues, à faire lecture de ma lettre à la Convention nationale, et à appuyer ma réclamation pour cette amnistie. Salut et fraternité. J.-B. Lacoste. Renvoyé aux trois comités réunis (108). 47 Rapport d’Eschasseriaux (aîné) au nom du comité de Salut public, sur un meilleur mode de réquisition pour les subsistances (109). Citoyens, a dit Eschasseriaux au nom du comité de Salut public, vous avez un objet très pressant à examiner. Un mal se fait ressentir : il n’est point particulier, il porte sur toute la République. La gêne qu’éprouve le commerce, la lenteur des circulations, le défaut d’harmonie dans la marche des subsistances, leur rareté apparente, les détresses locales, les justes réclamations de plusieurs contrées avertissent depuis longtemps le législateur qu’il existe un vice dans l’organisation des approvisionnemens de la République. C’est le système de réquisition qui doit fixer particulièrement votre attention. Un grand Etat est un vaste ensemble sur lequel la législation doit sans cesse porter les mains pour en diriger les mouvemens. Quand la loi fonde un établissement, il n’y a que l’expérience qui en découvre les défectuosités ou en prononce le succès : elle ne forme pas même toujours une autorité infaillible. L’expérience d’un temps ne constate quelquefois rien pour un autre temps, et ne peut établir une règle certaine. Tout change et tout varie à chaque (108) Décret de renvoi relatif à une lettre du représentant du peuple J.-B. Lacoste, datée de Valenciennes; Richard, rapporteur selon C* II 21, p.17. (109) C 323 pl. 1369, p. 12. J. Univ., n° 1797; Moniteur, XXII, 374-376; Ann. R.F., n° 34; Ann. Patr., n° 663; C. Eg., n° 798; J. Perlet, n° 762; J. Fr., n° 760; Mess. Soir, n° 798; M.U., XLV, 75; J. Paris, n° 35; J. Mont., n° 13; Rép., n° 35. Voir ci-dessous Arch. Parlement., 19 brum., n° 42. instant sur le sol d’un peuple en révolution. Il faudrait que le génie des lois révolutionnaires eût la prévision de tous les événemens et il est de sa nature de ne pouvoir saisir jamais que la circonstance, et de bâtir sur un terrein presque toujours mobile. Ses lois, les opérations de son gouvernement, l’état de son commerce, de ses approvisionnemens sont toujours le résultat de la situation politique où se trouve un peuple. C’est la nature des choses qu’il faut accuser, plutôt que l’administration. Chaque période que nous avons parcourue est une assertion de ces vérités. Un peuple en révolution chez lui, obligé de combattre en son sein pour sa liberté, et de porter des armées immenses sur ses frontières contre l’ennemi extérieur, ne ressemble point à une nation dans un état ordinaire, où chaque citoyen trouve dans son atelier ou sur le territoire qu’il cultive une subsistance facile. Douze cent mille hommes livrés au dehors aux fatigues des combats, une partie de la nation préparant chez elle les arts et tous les besoins de la guerre, toutes ses facultés mises en activité pour sa défense, les travaux de l’agriculture poussés révolutionnairement, la nécessité de porter les subsistances d’une contrée de la République à l’autre, un travail continuel appelant tout un peuple à une vie plus active, la justice et le besoin d’un gouvernement démocratique, d’assurer la subsistance à tous les citoyens ; ces diverses causes ont forcé et doublé les consommations en tout genre de la République. Les armées, les flottes, les ports de mer ont demandé tout à coup des approvisionnemens : les besoins étaient immenses, il a fallu trouver des moyens extraordinaires pour les remplir. Dans un état ordinaire, c’est le commerce qui porte et distribue partout les objets essentiels à la société. Les ressources du commerce seraient devenues peut-être insuffisantes pour lever tout d’un coup de grandes masses de subsistances et de matières, et les porter rapidement aux armées et dans les ateliers, où il a fallu fabriquer à la hâte tous les instrumens de campement et de guerre. Le gouvernement a donc eu besoin de créer une autre puissance pour approvisionner la nation en révolution et en guerre avec des ennemis nombreux, pour rendre à l’instant l’industrie et tous les genres de productions du territoire tributaires des besoins de la République. Les réquisitions ont été créées, elles ont fait des prodiges. Aucune nation n’avait encore offert au monde un plus grand exemple de dévouement, de ressources et de puissance. Chez les despotes, le gouvernement vexe le citoyen pour composer, pour approvisionner l’armée ; les républicains ont tout donné à la patrie ; la gloire de leurs armes pourra seule un jour être mise au rang des beaux sacrifices qu’ils ont faits. Mais les meilleures institutions se corrompent bientôt; le temps fait découvrir des vices que le législateur n’avait pas aperçus d’abord : le législateur est obligé de changer ou modifier son ouvrage suivant les circonstances.