[Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 mai 1791.] 513 Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! (LT Assemblée nationale adopte le projet de décret du comité.) M. Lanj ulnais. Sur le décret rendu sur la ville de Toulouse, je demande que, si la ville de Toulouse a emprunté pour payer les 200,000 livres au Trésor, la somme que lui versera la caisse de l’extraordinaire ne soit employée qu’à rembourser les emprunts. Plusieurs membres à gauche : Oui ! oui ! c’est juste. M. le Président. La parole est à M. Voidel pour faire un rapport au nom du comité des recherches sur une fabrication de faux assignats. M. Voidel, au nom du comité des recherches. Messieurs, la nouvelle d’une fabrication de faux assignats a pu causer quelques inquiétudes au public : le devoir de votre comité des recherches est de les dissiper; et c’eU l’objet principal de ce rapport. Votre comité, Messieurs, au mois de décembre dernier, fut prévenu par M. de Lessart, que des particuliers se disposaient à partir pour Londres, dans le dessein d’y fabriquer de faux assignats. A l’instant même il concerta avec ce ministre les mesures les plus actives et les plus sûres pour que ces scélérats fussent suivis, surveillés, découverts et arrêtés, non en Angleterre, mais sur le territoire de France, s’il était possible de les y attirer avec la preuve de leur crime. Les instructions furent suivies avec tant d’intelligence, et les ordres exécutés avec une telle précision, qu’en débarquant à Calais, où ils avaient été engagés à se rendre, les nommés Phelipponeau et Simoneau furent arrêtés avec des planches pour une fabrication d’assignats de 300 livres et des essais informes de ces planches sur du papier commun. Ces particuliers furent arrêtés le 15 avril. Le 7 du même mois, on découvrit et l’on arrêta à Limoges, par les soins et par les ordres de la municipalité, un nommé Bordier, qui travaillait à la fabrication de faux assignats de 200 et de 300 livres. Il s’occupait, au moment de son arrestation, à préparer dans un tamis du papier de la qualité requise pour cette fabrication, après en avoir décomposé d’une qualité approximative, ar une opération chimique, à défaut de moulins. n trouvtuchez lui dans le même moment une partie des outils et matières qui pouvaient aider à la fabrication. Il avoua son projet, et lui donna pour motif, qu’il était bien aise de savoir si l’on pouvait faire de faux assignats. (Rires.) Eufin, Messieurs, le 11 avril, votre comité fut instruit qu’il se préparait à Paris une fabrication d’assignats de 2,000 livres : il en fut instruit par les ouvriers mêmes qu’on voulait employer à cette criminelle opération. Aidé des conseils de M. Camus, des soins vigilants du département de police, et du patriotisme des artistes qui, par nos conseils, se prêtèrent aux desseins des fabri-cateurs, le 24 avril, les nommés Lamievette, Du-nand et Vidaud furent arrêtés au moment où I’od allait faire sur deux de ces faux assignats la première épreuve du timbre sec. On trouva chez Lamievette, l’un d’eux, ce timbre, les presses, poinçons, caractères, et tout ce qui pouvait servir à l’entière fabrication. Il avoua son crime, et qu’il avait été séduit par les promesses de Du-nand et Yidaud. lre Série. T. XXV. Ainsi, Messieurs, sur ces trois opérations, on a la preuve matérielle du crime, et l’aveu des fabricateurs. Aucune de ces opérations n’a été conduite à sa perfection : elles ont toutes été arrêtées au point où elles pouvaient commencer à devenir dangereuses. Nous avons la certitude que, de toutes ces fabrications, il n'a été mis aucun assignat en circulation. Plusieurs membres : Tant mieux! M. Voidel, rapporteur. Et qu’il me soit permis, Messieurs, d’ajouter, à ces motifs de sécurité pour la nation, le zèle actif et infatigable de votre comité, sur tout ce qui pourrait altérer le crédit public, et retarder l’affermissement de la Constitution. ( Applaudissements .) Le crime est découvert; ses auteurs sont connus; il faut qu’ils soient jugés et punis. De là naît cette question : Par quel tribunal seront-ils jugés? Nous avons pensé, Messieurs, que ce délit n’était pas du genre de ceux qu’on peut mettre au nombre des crimes de lèse-nation; que l’instruction et le jugement devaient en appartenir aux tribunaux ordinaires. Mais le délit commis en Angleterre contre les intérêts de la France, ne peut être jugé à Londres. D’un autre côté, le nommé Vidaud, l’un de ceux qui ont été arrêtés à Paris, a déclaré qu’il était de Limoges, et qu’il devait partir pour cette ville le 25 avril. Vous avez vu que, presque dans le même temps, on travaillait à Limoges à une fabrication de faux assignats. Il est possible que ces deux opérations aient été concertées, et qu’il existe une correspondance entre leurs agrtits respectifs. Votre comité a donc cru qu’il était sage de faire instruire le procès de tous à Paris, où il est probable qu’aboutissent toutes les filières de ces abominables projets, et où il est plus facile de les découvrir. En conséquence, il vous proposera de charger, de l’instruction et de la suite de ces affaires, l’un des 6 tribunaux du département de Paris. Enfin, Messieurs, il nous reste une dernière mesure à vous présenter. Il est impossible de se dissimuler que ceux qui ont découvert, ou qui ont facilité la découverte de ces crimes, ont rendu un service important à la chose publique. Vous croirez sans doute qu’ils ont des droits à la reconnaissance de la patrie. Ainsi, d’une part, la terreur des supplices; de l’autre, la certitude d’une récompense ; le zèle de votre comité, le patriotisme des bons citoyens, et l’intérêt de tous, seront pour la nation autant de garants que, s’il se présente encore de ces scélérats, aucun d’eux ne nous échappera. Voici le projet de décret que nous vous proposons ; « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait au nom de son comité des recherches, décrète : « Que, par le tribunal du troisième arrondissement de Paris, le procès pour crime de fabrication de faux assignats sera fait aux nommés Lamievette, Dunand, Vidaud, Bordier, Phelippo-ueau et Simoneau, leurs fauteurs et complices; qu’à cet effet, les papiers, faux assignats, planches, poinçons, timbre, caractères, ensemble toutes pièces saisies et pouvant servir à conviction, seront remises au greffe du tribunal, et les nommés Bordier, Phelipponeau et Simoneau transférés, sous bonne et sûre garde, des prisons de Limoges et de Calais, dans celle du même tribunal.