4 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 11 ses fondions, et que, dès aujourd’hui, l’assemblée nommera les officiers nécessaires pour le compléter. Lettre de M. Bacon de La Chevalerie au comte de Pénier, en date du 7 janvier. Vous reconnaîtrez la sagesse de notre conduite quand vous cesserez d’être séduits par l’aristocratie qui vous entoure; en attendant, nous vous disons très affirmativement que nos députés à l’Assemblée nationale n’ont pu concourir qu’aux décrets qui, rendus pour le continent, ne peuvent s’appliquer àla colonie. C’est respecter la loi et le pouvoir légis� latif que de s’en saisir ..... Mais pour faire cesser une correspondance qui pourrait vous déplaire, il faut vous dire que nous ne vous reconnaîtrons plus comme un agent du pouvoir exécutif, tant que vous ne serez pas soumis à la loi nationale du serment ; quant à la convocation de l’assemblée coloniale, nous n’avons besoin que du concours des trois provinces, et nous ne nous chargeons pas d’écarter nos ennemis, les vôtres, et la vermine qui nous ronge. Lettre de M. Vincent à M. de Pénier, le 17 janvier. Elle annonce queM. Bacon de La Chevalerie est nommé capitaine général des troupes nationales ; qu’il refuse aux nègres assemblés la faculté de nommer leurs officiers, et que douze électeurs de l’Ouest sont députés près de M. de Pénier pour l’engager à prêter et à faire prêter le serment. Le 13 janvier. Arrêté des électeurs de l’Ouest, par lequel ils ordonnent que les administrateurs surseoiront à l’éxécution de toute loi nouvelle jusqu’à la convocation de l’assemblée coloniale. M. de Pénier accède à cette demande. Lettre du 14, à M. le commandant général. On lui rend compte du serment prêté par la milice nationale et de l’installation du conseil supérieur du Cap. Lettre de M. de Parade à M. de Poissy, au sujet des honoraires du conseil du Gap. Il demande ce qu’il doit faire, si les officiers de ce tribunal exigent leur paiement. Il ajoute: J’ai dit un jour à quelqu’un qui me questionnait : les ordres de M. de Poissy, voilà mon premier moyen ; le second, les baïonnettes ; c’est péremptoire. Voilà les faits ; vous jugerez peut-être que l’assemblée du Nord et le conseil du Port-au-Prince se sont éloignés des bornes; mais les circonstances rendent peut-être leur conduite excusable. Bien n’annonce que les colonies veuillent se séparer de la métropole. Le comité n’a pas eu le temps de faire le travail nécessaire pour vous présenter un autre résultat-Les trois provinces de Saint-Domingue doivent envoyer incessamment des mémoires ; le comité pense qu’il serait peut-être convenable d’attendre qu’ils fussent parvenus. M. de Bichier. Existe-t-il quelques pièces qui donnent les détails de la formation de l’assemblée du Nord? Si elles existent, indiquent-elles la proportion des colons avec celle des habitants qui n’ont d’autres propriétés que leur industrie ? M. de Cocherel. Les pièces n’annoncent-elles pas que des vaisseaux anglais sont dans le port de Saint-Domingue? M. de La Luzerne n’en dit rien dans son mémoire. M. Goupilleau, rapporteur du comité. Je n’ai trouvé aucune pièce relative aux demandes des préopinants. [2 mars 1790.] M. Alexandre de Lametli. Avant de passer à la discussion du rapport qui vient de vous être fait, on pourrait vous soumettre quelques réflexions préalables, qui ne seraient pas inutiles. Vous aurez à considérer la question sous trois points de vue importants qui amèneront le développement de principes de morale., de philosophie, de politique et de commerce; la discussion de tous ces objets sera longue. Cependant les troubles des provinces nous ont fait sentir la nécessité de nous occuper sans retard des droits féodaux : notre détermination à ce sujet est un moyen sûr de dissiper l’erreur du peuple, et cette erreur est assurément la première source des insurrections.il me semble qu’il serait possible de concilier l’intérêt du commerce, celui des colonies et celui de la France entière; et pour cela je propose de nommer un comité auquel seront remis toutes les pièces relatives à Saint-Domingue et à la Martinique, ainsi que tous les détails instructifs à cet égard. Ce comité vous présentera, dans peu de jours, un plan fixe de travail. Nous gagnerons ainsi du temps, et d’ici à ce que votre comité puisse vous communiquer ses vues, nous travaillerons à la constitution, qui est notre premier devoir. M. de Çocherel. L’Assemblée est déjà assez instruite; les colonies sont en péril; je pense que nous ne pouvons différer de nous occuper d’elles. M. de Cazalès. L’état d’insurrection de Saint-Domingue n’est que trop certain, et je ne crois pas que l’Assemblée ait des devoirs plus importants que celui de porter le calme dans les colonies. Je ne suis pas, comme le préopinant, effrayé du nombre des objets à examiner : il s’agit seulement de s’occuper à resserrer les liens qui lient les colonies à la métropole, liens qu’elles sont à la veille de briser. Je demande qu’on revienne à l’ordre du jour. M. Bégonen. Il y a très longtemps que le commerce, les manufactures appellent les regards de l’Assemblée nationale; il n’y a pas un moment à perdre pour s’occuper de ces intérêts; le moindre retard mettrait la chose publique en péril. Votre comité d’agriculture et de commerce a un rapport très intéressant à vous faire sur les adresses qui vous ont été présentées jeudi par les députés du commerce et par ceux de l’armée bordelaise. Je demande que ce comité soit entendu préliminairement à tout. M. Blin. Je demande qu’on s’occupe sur-le-champ de la traite des nègres et je suis prêt à parler sur ce sujet. — (La parole lui est retirée. — Voyez son discours annexé à la séance.) MM. le marquis de Gouy et Garat l'aîné invoquent la question préalable sur la motion de M. Alexandre de Lameth. M. Alexandre de Lametli demande la parole. M. Barnave la demande aussi pour la question préalable. M. le Président se dispose à la mettre aux voix. M. le baron de Menou et plusieurs membres demandent à parler sur la manière de poser la question. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 mars 1790. J M. le Président consulte l’Assemblée, et prononce que le second rapport sera entendu. Une partie de la salle se plaint vivement de ce que le président a posé la question sans entendre ceux qui demandaient à parler sur la manière de la poser. M. le Président. Je crois avoir donné dans cette Assemblée des preuves du désir que j'ai de ne pas lui faire perdre un seul moment ; c’est dans ces vues que je viens de poser la question : je prouverai encore, dans cette occasion, que je suis avare du temps de l’Assemblée, et je demande que le président ne soit jugé qu’après deux jours de discussion sur l’objet qui nous occupe. M. l’abbé Grégoire, ‘président du comité des rapports. Nous n’avons encore que deux pièces relatives à la Martinique: la première est un mémoire en date du lü décembre 1789, envoyé par M. de Yidrnénil. On ne connaît les faits que par ce mémoire. Plusieurs des arrêtés de l’assemblée de cette colonie paraissent à ce commandant tenir de si près à l’autorité exécutive et legislative, qu’il croirait passer les bornes de son pouvoir s’il les autorisait. II pense que la colonie ne Deut se dispenser d’adresser son vœu à l’Assemblée nationale : il adopte la demande de vendre aux étrangers les nègres condamnés à la chaîne, et admet provisoirement le servicede la maréchaussée, que la colonie propose de faire faire par des compagnies de milices. 11 autorise provisoirement un règlement formé pour l’établissement d’une municipalité dans les villes et bourgs de la colonie, ainsi qu’un règlement pour la’ tranquillité publique, il adopte la ermission accordée d’entrer dans les ports aux âtiments espagnols chargés de mulets. Le commandant observe que la situation de la colonie exige plus que jamais l’abordage des vaisseaux, et if consent provisoirement, et sous le bon plaisir du roi, à ce que, pendant quatre mois, les navires américains soient admis dans les quatre ports de la colonie, comme aussi à ce que tous les droits soient suspendus; autorise néanmoins les représentants du commerce de France à placer dans les ports des commis pour empêcher les fraudes, contrebandes, etc., et consent enfin à ce que la session de l’assemblée coloniale soit annuelle. La seconde pièce est un mémoire en date du 15 décembre dernier, contenant les protestations des commissaires, des négociants, capitaines, géreurs, etc., des deux paroisses de Saint-Pierre. ils observent que l’assemblée coloniale, étant composée de cent vingt membres, avait arrêté qu’elle ne pouvait rien statuer, si elle n’était composée au moins de quatre-vingt-un membres ; que cependant, depuis la fin de novembre, les différentes délibérations ont été prises en nombre bien inférieur; que cette assemblée s’estdéclarée complète au nombre de vingt, et que cette déclaration est illégale, puisqu’elle a été formée par un nombreinfé-rieur à celui qui avait été déterminé par l’assemblée générale ; qu’en conséquence ils protestent de nullité contre tout ce qui a été fait en nombre incomplet. Ils s’opposent notamment à ce que les quatre ports reçoivent tous les navires américains, parce qu’ils regardent cette admission comme l’occasion d’un grand nombre d’opérations frauduleuses, et que d’ailleurs, aux termes de la loi, le port de Saint-Pierre doit seul leur être ouvert. L’arrêté à cet égard est contraire au serment par lequel le commandant a juré de protéger particulièrement la ville de Saint-Pierre. M. Alexandre de Lamcth. Le premier devoir de tout membre de l’Assemblée est de ne point faire perdre du temps. Je dois donner raison des motifs qui me déterminaient à demander la parole. M. le président a eu tort de me la refuser, et je le prouve. En effet, M. le président, je vous ai demandé la parole pour abréger le travail de l’Assemblée, et vous me l’avez refusée. M. Barnave vous a demandé la question préalable, et vous la lui avez refusée. M. le baron de Menou vous l’a demandée sur la manière déposer la question, et vous la lui avez refusée... M. le fi* résident. En deux mots, Monsieur, j’ai eu tort: voulez-yous bien passer à la discussion ? M. Le Chapelier. Avant que la discussion commence sur les rapports qui viennent de vous être faits, il faut savoir si elle commencera. (On interrompt par des murmures .) M. Camus. Je fais la motion expresse de la nomination d’un comité qui discutera et présentera à l’Assemblée un rapport plus simple. (Cette motion est appuyée par un grand nombre de membres.) M. Le. Chapelier. On vient de renouveler la motion de nommer un comité pour abréger le travail et fixer l’ordre de la discussion. Je l’appuie, et voici mes raisons. Deux rapports vous ont été présentés; peu de membres, sans doute, en ont suivi clairement les détails : je défie qu’on puisse asseoir une opinion quelconque sur leur objet. Cette affaire présente de grandes questions. Il faudrait établir ces questions, et déterminer l’ordre dans lequel elles doivent être examinées ; sans cela nous nous perdrons dans une foule de raisonnements et de projets : trente-trois personnes se sont déjà fait inscrire; si chacune donne son avis et présente ses vues particulières, nous emploierons peut-être huit jours à une discussion à laquelle deux séances auraient suffi, si l’on eût marché avec méthode. Toute l’Assemblée est convenue de la nécessité de terminer promptement le travail sur les droits féodaux. (On interrompt.) Je m’étonne d’autant plus de cette interruption, que j’ai vu désirer le terme de ce travail à toute l’Assemblée. Nous devons hâter nos opérations, de manière cependant que la précipitation ne nuise pas à leur sagesse. Quand nous aurons posé les bases de l’affaire des colonies, notre marche sera plus sûre et plus rapide. C’est hâter notre travail que de nommer un comité qui serait tenu de faire son rapport dans un temps très court. (On demande la question préalable.) L’Assemblée décide qu’il y a lieu à délibérer sur la question de savoir si on nommera un comité. M. de Kîehicr. Les pétitions du commerce de France et de l’armée bordelaise sont particulièrement à l’ordre du jour. 11 faut savoir de quoi sera chargé le comité. Sera-ce de discuter sur ces pétitions? Dans ce cas, il faudrait entendre le comité de commerce, qui a un rapport à vous présenter à ce sujet. Sera-ce de préparer un résultat sur les affaires de Saint-Domingue et de la Martinique? Alors il faut s’occuper (les pétitions et revenir ainsi à l’ordre du jour.