80 (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1790.) mière fois, M. de Cazalès respecte la volonté générale. M. le Président. J’ai suivi l’ordre établi par le règlement. On a demandé que la discussion tut fermée ; j’ai consulté l’Assemblée; j’ai prononcé le décret ; il m’est impossible dè mettre votre proposition aux voix. M. de Cazalès. C’est un procédé très extraordinaire... (On interrompt par la demande d'aller aux voix.) J’ai donc l’honneur de vous observer, M. le président, que l’épreuve a paru douteuse à une grande partie de 1 Assemblée ; je demande qu’elle soit recommencée. Il est incroyable qu’on ferme la discussion après avoir entendu un seul opinant ; c’est sur cette observation que je m’appuie eu vous demandant de faire recommencer l’épreuve. M. le Président. Je ne puis mettre votre position aux voix si l’Assemblée ne l’ordonne. J’ai prononcé le décret ; les secrétaires et moi nous n'avons nul cloute ..... Cependant il seiait possible que l’Assemblée en eût, et je vais la consulter. M. de Foucanlt. Je n’ai pas plus de doute que les secrétaires ; mais il y a deux propositions différentes : 1° Armer la discussion sur le fond : elle est aplanie , 2° savoir si on la fermera sur l’ajournement : c’est ce qui reste à décider. M. le Président consulte l’Assemblée, et la discussion est fermée sur l’ajournement. M. Yoidei. Les comités ayant remarqué quelque obscurité dans le projet de decret, nous en avons retouché la rédaction pour le rendre plus clair. (Ou se dispose à mettre l’article 1er aux voix.) M. l'évêque de.... Je déclare qu’il nous est impossible de prendre part à la délibration. Plusieurs ecclésiastiques se lèvent en signe d’adhésion à cette déclaration. Divers membres présentent des amendements et additions dont quelques-uns sont adoptés. La partie droite de l’Assemblée ne délibère pas. Le projet de décret des comités, amendé par les différents votes, est ensuite adopté en ces termes : L’Assemblée nationale, ouï le rapport qui lui a été fait au nom de ses comités ecclésiastique, des rapports, d’aliénation et des recherches, décrète ce qui suit ; Art. 1er Les évêques, les ci-devant archevêques et les curés conservés en fonction, seront tenus, s’ils ne l’ont pas fait, de prêter le serment auquel ils sont assujettis par l’article 39 du décret du 24 juillet dernier, et réglé par les articles 21 et 38 de celui du 12 du même mois, concernant la constitution civile du clergé : en conséquence, ils jureront, en vertu de ce décret, de veiller avec soin sur les fidèles du diocèse ou de la paroisse qui leur est confiée, d’être tidèles à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le roi ; savoir: ceux qui sont actuellement dans leurs diocèses ou leurs cures, dans la huitaine ; ceux qui sont absents, mais qui sont en France, dans un mois ; et ceux qui sont en pays étrangers, dans deux mois, le tout à compter de la publication du présent décret. Art. 2. Los vicaires des évêques, les supérieurs et directeurs de séminaires, les vicaires des curés, les professeurs de séminaires et de collèges, et tous autres ecclésiastiques fonctionnaires publics, feront, dans les mêmes délais, le serment de remplir leurs fonctions avec exactitude, d’être tidèles à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le roi. Art. 3. Le serment sera prêté un jour de dimanche, à l’issue de la messe ; savoir : parles évêques, les ci-devant archevêques, leurs vicaires, les supérieurs et directeurs de séminaires, dans l’église épiscopale ; et par les curés, leurs vicaires et tous autres ecclésiastiques fonctionnaires publics, dans l’église de leurs paroisses, et en présence du conseil général delà commune et des fidèles ; à cet effet, ils feront par écrit, au moins deux jours d’avance, leurs déclarations au greffe delà municipalité, de leur intention de prêter le serment, et se concerteront avec le maire pour arrêter le jour. Art. 4. Ceux desdits évêque3, ci-devant archevêques, curés et autres ecclésiastiques fonctionnaires publics qui sont membres de l’Assemblée nationale, et qui y exercent actuellement leurs fonctions de députés, prêteront le serment qui les concerne respectivement à l’Assemblée nationale dans la huitaine du jour auquel la fonction du présent décret y aura été annoncée ; et dans la huitaine suivante, ils enverront un extrait de la prestation de leur serment à leur municipalité. Art. 5. Ceux desdits évêques, ci-devant archevêques curés, et autres ecclésiastiques fonctionnaires publics qui n’auront pas prêté, dans les délais déterminés, le serment qui leur est respectivement prescrit, seront réputés avoir renoncé à leur office, et il sera pourvu à leur remplacement comme en cas de vacance par démission, à la forme du titre second du décret du 12 juillet dernier, concernant la constitution civile du clergé ; à l’effet de quoi le maire sera tenu, huitaine après l’expiration desdits délais, de dénoncer le défaut de prestation de serment; savoir: de la part de l’évèqueou ci-devant archevêque, de ses vicaires, des supérieurs ou directeurs de séminaires, au procureur général syndic du departement; et de celle du curé, de ses vicaires et des autres ecclésiastiques fonctionnaires publics, au procureur syndic du district ; l’Assemblée les rendant garants et responsables les uns et les autres de leur négligence à procurer l’exécution clu présent décret. Art. 6. Dans le cas où lesdits évêques, ci-devant archevêques, curés et autres ecclésiastiques fonctionnaires publics, après avoir prêté leur serment respectif, viendraient à y manquer, soit en refusant d’obéir aux decrets de l’Assemblée nationale, acceptés ou sanctionnés par le roi, soit en formant ou en excitant des oppositions à leur exécution, ils seront poursuivis dans Iqs tribunaux de dis- (27 novembre 1790.] 81 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. trict, comme rebelles à la loi, et punis par la privation de leur traitement, et en outre, déclarés déchus des droits de citoyens actifs, incapables d’aucune fonction publique: en conséquence, il sera pourvu à leur remplacement à la formedudit décret du 12 juillet dernier, sauf plus grandes peines, s’il y échet, suivant l’exigence et la gravité des cas. Art. 7. Ceux desdits évêques, ci-devant archevêques, curés et autres ecclésiastiques fonctionnaires publics conservés en fonction, et refusant de prêter leur serment respectif, ainsi que ceux qui ont été supprimés, ensemble les membres des corps ecclésiastiques séculiers également supprimés, qui s’immisceraientdansaucunede leurs fonctions publiques, ou dans celles qu'ils exerçaient en corps, seront poursuivis comme perturbateurs de l’ordre public, et punis des mêmes peines que ci-dessus. Art. 8. Seront de même poursuivis comme perturbateurs de l’ordre public, et punis suivant la rigueur des lois, toutes personnes ecclésiastiques ou laïques qui se coaliseraient pour combiner un refus d’obéir aux décrets de l’Assemblée nationale, acceptés ou sanctionnés par le roi, ou pour former ou pour exciter des oppositions à leur exécution. M. la President lève la séance à dix heures et demie. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 27 NOVEMBRE 1790. Opinion de M. l’abbé Manry sur la constitution civile du clergé , prononcée à la séance du soir. (Nota. — • Nous avons inséré plus haut la version mouvementée du Moniteur, mais nous avons pensé néanmoins qu’il y avait lieu de reproduire ici in-extenso le discours de M. l’abbé Maury.) Messieurs, le calme profond avec lequel nous avons entendu hier le rapport et la discussion d’une cause, dans laquelle le clergé de France vous est dénoncé avec tant de rigueur, nous donne droit d’espérer que vous voudrez bien écouter aujourd’hui, avec la même attention et la même impartialité, les faits et les principes que uous venons invoquer dans ce moment pour notre légitime défense. Nous avons besoin que votre neutralité la plus manifeste nous réponde ici de votre justice. Ou nous dit, de toute part, que nous venons mettre en question un parti pris irrévocablement; que notre sort est fixé par les conclusions de vos comités; que le décret est proclamé d’avance; que nous nous élevons inutilement contre une détermination invariablement adoptée et que la majorité de l’Assembléenationale est impatiente de prononcer le fatal arrêt de suprématie qui doit reléguer tous les ecclésiastiques du royaume, entre l’apostasie et la proscription, entre !’ indigence et le parjure. La solennité de cette discussion nous place déjà devant vous, dans une situation d’autant plus périlleuse, qu’à l’infériorité ordinaire du lre Série. T. XXI. nombre, ce combat vient encore ajouter l’inégalité particulière des armes. Nos adversaires nous attaquent avec des principes philosophiques ; et ils nous invitent à leur opposer les moyens que la théologie nous fournit. Hélas ! Messieurs, cette science divine aurait dù être toujours étrangère, sans doute, à cette tribune; mais, puisqu’elle y est interrogée aujourd’hui, vous pardonnerez dû moins à la nécessité qui uous obligera de vous parler son langage pour éclairer votre justice. Remontons d’abord à l’origine de cette contestation. Cette chaîne de faits doit nous conduire à l’époque où vos délibérations ont excédé vos pouvoirs, et ont signalé votre incompétence. Au moment où l’on nous dit, pour la première fois dans cette Assemblée, que la constitution du clergé allait devenir l’objet de vos travaux, nous prévîmes que cette prétendue organisation civile serait, pour les ministres de l’Eglise, un véritable code spirituel, et nos crainte-n’ont été que trop justifiées. M. l’évêque de Clermont que uous choisîmes, dès lors, pour organe, vous renouvela l’hommage de notre respectueuse déférence pour vos décrets purement temporels; mais après avoir ainsi acquitté notre dette comme citoyens, nous vous déclarâmes, par sa bouche, que la juridiction ecclésiastique vous étant absolument étrangère, il nous serait impossible d’adhérer et même de participer à aucune délibération relative aux droits et à la discipline de l’Eglise. Nous avons été fidèles à cet engagement solennel ; et nous nous sommes imposé le silence le plus absolu, durant le cours de ces discussions, qui blessaient tous nos droits en attaquant tous les principes. Le même prélat, qui vous notifia si loyalement nos motifs et nos moyens de récusation, ajouta que si la nation nous demandait de salutaires réformes, le clergé de France s’y prêterait avec zèle, pourvu qu’il lui tût permis d’y procéder, suivant les formes canoniques. Pour y parvenir, il vous offrit aussitôt, en notre nom, la convocation d’un concile national; et cette proposition si régulière, que vous ne daignâtes pourtant pas discuter, fut repoussée par l’improbation la plus so daine et la [dus éclatante. Il ne nous restait plus alors qu’une seule route canonique à suivre. Nous y entrâmes aussitôt en invoquant le recours ordinaire au chef visible de l'Eglise; à ce pontife si exact et si modéré que le trône a montré encore plus grand, tandis qu’il rabaisse toujours les hommes vulgaires; à cet illustre émule de Renoit XIV, que l’éminence de ses vertus, l’intégrité éclairée de ses principes, et la haute réputation de sagesse et de prévoyance dont il jouit dans toute l’Europe rendent également digue de votre confiance et de la noire dans une cause dont la discipline de l’Eglise lui défère ladécision. Le pape est en effet le chef suprême et l’organe de l’Eglise universelle, le défenseur ordinaire des saints canons, et le réformateur légitime des abus qui s’introduisent dans le gouvernement ecclésiastique. Vous ne vous expliquâtes point alors, Messieurs, sur cette forme légale que nous avions solennellement réclamée; et sans nous déclarer si votre intention était de procéder d’uue manière définitive, ou purement préparatoire, à la nouvelle constitution du cierge, vous la réglâtes promptement sans être arrêtés par aucune opposition, ni même par aucune représentation qui eût été dans notre bouche un dangereux aveu de votre compétence. La voix publique uous apprit ensuite que le roi avait sanctionné vos décrets vers la lia du mois d’août, mais qu’il les avait 6