SÉANCE DU 22 PRAIRIAL AN II (10 JUIN 1794) - N° 72 487 même en vertu), deux cent mille de nos frères ont tombés victimes des plus lâches trahisons; et le triomphe de la plus sainte de toutes les causes a été retardé de quelques années. C’en étoit fait de la liberté, si vous n’aviez enfin rendu à la justice le droit de la venger; c’est votre énergie qui, dans ces derniers temps, nous a donné les moyens de vaincre nos ennemis étrangers, en arrêtant l’audace de nos ennemis intérieurs. Comment croire à la République ou à la victoire, quand la ligue des tyrans et des traîtres dominoit dans l’état, et se jouoit impunément des destinées du peuple français ! Il est vrai que l’audace des conjurations sans cesse renaissantes, vous a sans cesse prouvé que vous n’aviez point fait assez pour les étouffer. Vous avez senti à-la-fois l’insuffisance d’un seul tribunal révolutionnaire pour délivrer la République des perfides et féroces ennemis qu’elle renferme dans son sein, et les dangers de trop multiplier cette institution. Vous avez désiré du moins de la perfectionner, et de la débarrasser des entraves absurdes ou funestes qui peuvent arrêter la marche de la justice nationale. Vous aviez en conséquence ordonné à votre comité de salut public, il y a deux mois, de vous présenter un projet de décret qui pût remplir cette vue. Distraits jusqu’à ce jour de cet objet, par des soins non moins pressans, nous essaierons de réaliser aujourdhui votre vœu. Nous ne vous proposerons cependant point de changement dans l’organisation du tribunal révolutionnaire, mais seulement quelques dispositions qui tendent à écarter les abus les plus visibles que l’expérience a constatés, et que nous à dénoncés le zèle des magistrats qui le composent, et à le mettre en état de remplir ses fonctions importantes avec plus d’activité. Il s’agit, 1°. de compléter le nombre des jurés et des juges diminué par plusieurs circonstances; 2°. De fixer les principes de cette institution, de manière à garantir la liberté des patriotes calomniés, en accélérant le jugement des conspirateurs; 3°. De résumer dans une loi unique des définitions et des dispositions éparses dans une multitude de décrets. Tel est le but de celui que je vais vous proposer. C’est encore des poignards que nous dirigeons sur nous, nous le savons; mais que nous importent les poignards ! Le méchant seul tremble quand il agit; les hommes bien intentionnés ne voient point de dangers quand ils font leur devoir; ils vivent sans remords, et agissent sans crainte (1) . (1) P.V., XXXIX, 170. Minute de la main de Couthon. Décret n° 9463. B,n, 22 prair. et 22 prair. (1er et 2® suppl*); Imprimé par ordre de la Conv., (B. N. 8° Le38 24 17); Débats, n°” 628, p. 330 et 629, p. 345; J. Sablier, n°» 1370, 1373, 1377 et 1379; J. Lois, nos 620, 621, 623 et 628; Ann. R.F., n°* 192 et 194; J. Mont., n°* 45 et 49; M.U., XL, 347, 360 et 367; J. Fr., n°* 624 et 625; Mess, soir, n°® 661 et 662; J. Perlet, n°» 626, 627 et 628; C. Eg., n°* 662, 663; Mess, soir, nos 661 et 662; Rép., n°* 173, 175 et 177; C. Univ., 23, 24 et 26 prair. J. Univ., n° 1662; Audit, nat., n°* 625, 626, 627, 628, 629; J. S.-Culottes, n° 482; Ann. patr., n° DXXVI, voir ci-après, séances du 23 prair., n° 67 et du 24 prair., n° 10. 72 Au nom du comité de salut public, un membre [BARERE] annonce les nouvelles de l’armée des Pyrénées-Occidentales (1) . BARERE, au nom du comité de salut public : Citoyens, il ne manquait à la gloire des armées de la République dans le Midi que celle des Pyrénées Occidentales prit le mouvement victorieux que les armées des Alpes, des Pyrénées Orientales et surtout celle d’Italie lui ont imprimé. C’est cette vocation que l’armée campée le long de l’océan vient enfin de sentir. La campagne s’est ouverte pour elle le 14 prairial, et elle s’est ouverte sous les plus heureux auspices. Je vous en lirai les détails, après vous avoir fait observer la nouvelle tactique de nos ennemis intérieurs. Cachés dans nos cités, recélés dans Paris, ils tourmentent leur imagination pour fabriquer des nouvelles. Longtemps ils ont pris le parti d’en imaginer de mauvaises, espérant décourager le peuple et faire haïr la Convention; longtemps ils ont exagéré nos pertes, douté de nos succès, centuplé les maux de la guerre, tenté de rabaisser le courage des armées et de rallier les mécontents de l’intérieur; mais ils n’ont pas tardé à s’apercevoir que ces faux désastres et ces défaites préparées dans les journaux, ou les mauvais succès semés dans le public, ne produisaient que des mesures plus rigoureuses contre l’aristocratie et la faction de l’étranger, qu’il n’en résultait qu’un plus haut degré d’énergie dans le peuple et de courage dans les soldats républicains. Ils n’ont pas tardé à sentir qu’un peuple qui veut être libre est excité par le malheur et électrisé par les obtacles mêmes qui s’opposent à son dessein. Dès lors, les grands politiques de gazettes, les sociétés contre-révolutionnaires des Halles, se sont retournés; ils ont pris le parti de débiter des nouvelles plus heureuses, mais en exagérant les succès, en dépassant toutes les possibilités de victoire. C’est ainsi qu’ils ont tacitement accusé le gouvernement de tous les succès qu’eux-mêmes créaient dans leurs bulletins mensongers, et qu’ils trompaient le peuple par des espérances qu’ils savaient bien que les armées ne pouvaient pas remplir. C’est ainsi que, lorsque la partie gauche de l’armée du Nord prenait Menin, Fûmes et Courtray, les exagérateurs disaient que Valenciennes et Le Quesnoy étaient évacués et remis au pouvoir de la République; c’est ainsi que lorsque l’armée victorieuse d’Italie eut effrayé les tyrans coalisés d’Autriche et de Piémont, les exagérateurs publiaient hier que Turin était pris, et que le tyran de Piémont était arrêté. Citoyens, voilà le piège le plus adroit : le comité vient-il vous annoncer hier que l’armée d’Italie a des succès, l’opinion publique était déjà montée à une telle hauteur en succès que ce que les armées ont fait avec effort, avec cou-(1) Pyrénées occidentales et non orientales. P.V., XXXIV, 186; C. Eg., n° 661. SÉANCE DU 22 PRAIRIAL AN II (10 JUIN 1794) - N° 72 487 même en vertu), deux cent mille de nos frères ont tombés victimes des plus lâches trahisons; et le triomphe de la plus sainte de toutes les causes a été retardé de quelques années. C’en étoit fait de la liberté, si vous n’aviez enfin rendu à la justice le droit de la venger; c’est votre énergie qui, dans ces derniers temps, nous a donné les moyens de vaincre nos ennemis étrangers, en arrêtant l’audace de nos ennemis intérieurs. Comment croire à la République ou à la victoire, quand la ligue des tyrans et des traîtres dominoit dans l’état, et se jouoit impunément des destinées du peuple français ! Il est vrai que l’audace des conjurations sans cesse renaissantes, vous a sans cesse prouvé que vous n’aviez point fait assez pour les étouffer. Vous avez senti à-la-fois l’insuffisance d’un seul tribunal révolutionnaire pour délivrer la République des perfides et féroces ennemis qu’elle renferme dans son sein, et les dangers de trop multiplier cette institution. Vous avez désiré du moins de la perfectionner, et de la débarrasser des entraves absurdes ou funestes qui peuvent arrêter la marche de la justice nationale. Vous aviez en conséquence ordonné à votre comité de salut public, il y a deux mois, de vous présenter un projet de décret qui pût remplir cette vue. Distraits jusqu’à ce jour de cet objet, par des soins non moins pressans, nous essaierons de réaliser aujourdhui votre vœu. Nous ne vous proposerons cependant point de changement dans l’organisation du tribunal révolutionnaire, mais seulement quelques dispositions qui tendent à écarter les abus les plus visibles que l’expérience a constatés, et que nous à dénoncés le zèle des magistrats qui le composent, et à le mettre en état de remplir ses fonctions importantes avec plus d’activité. Il s’agit, 1°. de compléter le nombre des jurés et des juges diminué par plusieurs circonstances; 2°. De fixer les principes de cette institution, de manière à garantir la liberté des patriotes calomniés, en accélérant le jugement des conspirateurs; 3°. De résumer dans une loi unique des définitions et des dispositions éparses dans une multitude de décrets. Tel est le but de celui que je vais vous proposer. C’est encore des poignards que nous dirigeons sur nous, nous le savons; mais que nous importent les poignards ! Le méchant seul tremble quand il agit; les hommes bien intentionnés ne voient point de dangers quand ils font leur devoir; ils vivent sans remords, et agissent sans crainte (1) . (1) P.V., XXXIX, 170. Minute de la main de Couthon. Décret n° 9463. B,n, 22 prair. et 22 prair. (1er et 2® suppl*); Imprimé par ordre de la Conv., (B. N. 8° Le38 24 17); Débats, n°” 628, p. 330 et 629, p. 345; J. Sablier, n°» 1370, 1373, 1377 et 1379; J. Lois, nos 620, 621, 623 et 628; Ann. R.F., n°* 192 et 194; J. Mont., n°* 45 et 49; M.U., XL, 347, 360 et 367; J. Fr., n°* 624 et 625; Mess, soir, n°® 661 et 662; J. Perlet, n°» 626, 627 et 628; C. Eg., n°* 662, 663; Mess, soir, nos 661 et 662; Rép., n°* 173, 175 et 177; C. Univ., 23, 24 et 26 prair. J. Univ., n° 1662; Audit, nat., n°* 625, 626, 627, 628, 629; J. S.-Culottes, n° 482; Ann. patr., n° DXXVI, voir ci-après, séances du 23 prair., n° 67 et du 24 prair., n° 10. 72 Au nom du comité de salut public, un membre [BARERE] annonce les nouvelles de l’armée des Pyrénées-Occidentales (1) . BARERE, au nom du comité de salut public : Citoyens, il ne manquait à la gloire des armées de la République dans le Midi que celle des Pyrénées Occidentales prit le mouvement victorieux que les armées des Alpes, des Pyrénées Orientales et surtout celle d’Italie lui ont imprimé. C’est cette vocation que l’armée campée le long de l’océan vient enfin de sentir. La campagne s’est ouverte pour elle le 14 prairial, et elle s’est ouverte sous les plus heureux auspices. Je vous en lirai les détails, après vous avoir fait observer la nouvelle tactique de nos ennemis intérieurs. Cachés dans nos cités, recélés dans Paris, ils tourmentent leur imagination pour fabriquer des nouvelles. Longtemps ils ont pris le parti d’en imaginer de mauvaises, espérant décourager le peuple et faire haïr la Convention; longtemps ils ont exagéré nos pertes, douté de nos succès, centuplé les maux de la guerre, tenté de rabaisser le courage des armées et de rallier les mécontents de l’intérieur; mais ils n’ont pas tardé à s’apercevoir que ces faux désastres et ces défaites préparées dans les journaux, ou les mauvais succès semés dans le public, ne produisaient que des mesures plus rigoureuses contre l’aristocratie et la faction de l’étranger, qu’il n’en résultait qu’un plus haut degré d’énergie dans le peuple et de courage dans les soldats républicains. Ils n’ont pas tardé à sentir qu’un peuple qui veut être libre est excité par le malheur et électrisé par les obtacles mêmes qui s’opposent à son dessein. Dès lors, les grands politiques de gazettes, les sociétés contre-révolutionnaires des Halles, se sont retournés; ils ont pris le parti de débiter des nouvelles plus heureuses, mais en exagérant les succès, en dépassant toutes les possibilités de victoire. C’est ainsi qu’ils ont tacitement accusé le gouvernement de tous les succès qu’eux-mêmes créaient dans leurs bulletins mensongers, et qu’ils trompaient le peuple par des espérances qu’ils savaient bien que les armées ne pouvaient pas remplir. C’est ainsi que, lorsque la partie gauche de l’armée du Nord prenait Menin, Fûmes et Courtray, les exagérateurs disaient que Valenciennes et Le Quesnoy étaient évacués et remis au pouvoir de la République; c’est ainsi que lorsque l’armée victorieuse d’Italie eut effrayé les tyrans coalisés d’Autriche et de Piémont, les exagérateurs publiaient hier que Turin était pris, et que le tyran de Piémont était arrêté. Citoyens, voilà le piège le plus adroit : le comité vient-il vous annoncer hier que l’armée d’Italie a des succès, l’opinion publique était déjà montée à une telle hauteur en succès que ce que les armées ont fait avec effort, avec cou-(1) Pyrénées occidentales et non orientales. P.V., XXXIV, 186; C. Eg., n° 661. 488 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE rage, est presque nul, est atténué et disparait presque entièrement par la comparaison de la vérité des faits avec les nouvelles gigantesques que ces hypocrites ont répandues la veille. Le comité vient-il vous dire aujourd’hui que Port-Vendres, Collioure sont repris ou que le camp des Aldudes est occupé par les troupes de la République, cette nouvelle, qui a coûté des sueurs et du sang à nos frères est évanouie devant le gagiste à nouvelles qui a répandu 3 jours auparavant que la Catalogne et la Biscaye sont subitement devenues françaises. Cet agiotage de l’opinion publique se fait sous nos yeux, malgré les exemples que fait la justice révolutionnaire; rien ne corrige les colporteurs des mensonges aristocratiques par lesquels on a alléché notre curiosité et souvent nos désirs. Mais le comité a cru devoir vous dénoncer cet agiotage moral; les nouvelles sont devenues, dans les mains de ces agents périodiques, des effets publics qu’ils livrent à la hausse ou à la baisse, avec la même scélératesse qu’ils mettaient dans la tourmente la fortune publique. Citoyens, quand les esprits sont agités au milieu d’une grande révolution, quand le froissement de tous les intérêts chauffe ou refroidit toutes les espérances, ils sont également coupables ceux qui contentent et tranquillisent le peuple par de grands succès imaginaires, ou qui le tourmentent et l’exaspèrent par des défaites mensongères; une fausse joie donnée au peuple est un crime public; on ne doit tromper ni son courage ni ses espérances. En attendant qu’il soit fait un rapport sur les journaux, comme faisant partie de l’instruction publique et étant les canaux par lesquels la volonté nationale et le courage des armées circulent dans toutes les parties de la République, la Convention ne saurait trop recommander aux agents de la police révolutionnaire de surveiller de très près ces trompettes de l’étranger, ces agents secrets de l’aristocratie, qui sous prétexte de bonnes nouvelles données au peuple, lui insinuent de fausses espérances, atténuent les bonnes nouvelles, décrient les relations véritables et obtiennent aux auteurs de ces faux récits un succès perfide et une impunité scandaleuse. Celui qui exagère ou qui alarme, celui qui ment sur les succès ou sur les revers de nos armées, est un endormeur ou un ennemi; il flatte ou il trahit, il décourage ou il tourmente, c’est un ennemi de la Révolution. L’exagéra-teur ne doit pas être plus ménagé que l’alarmiste, et la peine des contre-révolutionnaires les attend tous les deux également. Je reviens aux nouvelles du Midi : l’Espagne présente à l’Europe coalisée le spectacle d’un gouvernement très éclairé, puisqu’il s’est allié à son ennemi naturel, l’Anglais; il présente le spectacle plus intéressant encore d’un gouvernement très énergique, puisque ses troupes conviennent que c’est à la trahison qu’il doit ses succès de l’année dernière, et enfin le spectacle d’une nation très forte, puisqu’après avoir été honteusement chassée de Toulon, elle l’est à la fois de Collioure, de Port Vendres, de Saint-Elme et du camp des Aldudes. D’une extrémité à l’autre des Pyrénées ,1a renommée publie la honte du nom espagnol, en attendant que la mer soit le théâtre de leur diplomatie nouvelle, de l’union monstrueuse des marins espagnols et des forbans anglais. Le succès de l’armée des Pyrénées Occidentales n’est que l’ouverture de la campagne. Publier ces succès devant les représentants du peuple, c’est les récompenser et c’est le présage que cette armée sera digne avant peu de jours qu’on dise d’elle, comme des autres, qu’elle a bien mérité de la patrie. (On applaudit) . Voici les nouvelles : [ Les repr. près VA. des Pyrénées-Occidentales au C. de S. P.; Aux Aldudes, 13 prair. II]. « La campagne vient de s’ouvrir dans cette armée sous les plus heureux auspices. Depuis longtemps les Espagnols occupaient les Aldudes : toutes les dispositions furent faites pour s’emparer de ce village et du col d’Ispegny : c’est de ces hauteurs qu’ils défendaient la vallée de Bastan; il fallait s’en rendre maitre pour faciliter notre irruption de ce côté sur le territoire espagnol. Nous nous sommes rendus à Nivefranche; la résolution en a été prise, les dispositions ont été faites en notre présence. Aujourd’hui le plus grand succès vient de couronner les efforts et l’intrépidité de nos braves soldats. C’est après 14 heures d’une marche pénible, sur les plus hautes montagnes et sur les rochers escarpés, que les colonnes ont commencé leur attaque sans avoir voulu prendre le moindre repos, tant leur impatience de combattre était grande. Le feu a été très vif de part et d’autre sur tous les points et principalement à Berda-wits, ou l’ennemi a opposé une longue et opiniâtre résistance. Cette position, qui commande les Aldudes, était défendue par 2 redoutes presque inexpugnables. La colonne avec laquelle nous avons marché a commencé à 11 heures. Nos braves camarades ayant à leur tête le brave Harrispe, commandant du 2° bataillon basque, ont sauté au pas de charge dans la première redoute, qui était défendue par 2 pièces de 12 et ressemblait à un volcan par le feu qu’elle vomissait de tous côtés. Au milieu de la 2e redoute était une maison crénelée; les Espagnols qui s’y étaient renfermés tiraient sur nous sans crainte d’être atteints. Le pas de charge n’y pouvait rien; nous n’avions que des fusils et des baïonnettes, et les canons de la lre redoute avaient été en-cloués; nos braves soldats n’en répondaient pas moins au feu de l’ennemi avec leur courage ordinaire. Un volontaire a été tué à 10 pas de la redoute. Les canonniers qui étaient attachés à la colonne ont enfin réussi à déclouer une pièce; alors, protégés par la canonnade, nos soldats qui avaient entouré la redoute, y ont fondu avec impétuosité, en ont franchi les fossés, défendus par plusieurs rangs de palissades, et ont terminé par cette action l’une des plus belles journées. Le nombre de nos morts est d’environ 25 dans les 4 colonnes, celui des blessés se porte à 50. Vous aurez la consolation d’apprendre que presqu’aucun ne l’est dangereusement. Le général de brigade La Victoire, aussi intrépide que bon républicain, a été blessé au premier feu qu’a fait sur nous la première 488 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE rage, est presque nul, est atténué et disparait presque entièrement par la comparaison de la vérité des faits avec les nouvelles gigantesques que ces hypocrites ont répandues la veille. Le comité vient-il vous dire aujourd’hui que Port-Vendres, Collioure sont repris ou que le camp des Aldudes est occupé par les troupes de la République, cette nouvelle, qui a coûté des sueurs et du sang à nos frères est évanouie devant le gagiste à nouvelles qui a répandu 3 jours auparavant que la Catalogne et la Biscaye sont subitement devenues françaises. Cet agiotage de l’opinion publique se fait sous nos yeux, malgré les exemples que fait la justice révolutionnaire; rien ne corrige les colporteurs des mensonges aristocratiques par lesquels on a alléché notre curiosité et souvent nos désirs. Mais le comité a cru devoir vous dénoncer cet agiotage moral; les nouvelles sont devenues, dans les mains de ces agents périodiques, des effets publics qu’ils livrent à la hausse ou à la baisse, avec la même scélératesse qu’ils mettaient dans la tourmente la fortune publique. Citoyens, quand les esprits sont agités au milieu d’une grande révolution, quand le froissement de tous les intérêts chauffe ou refroidit toutes les espérances, ils sont également coupables ceux qui contentent et tranquillisent le peuple par de grands succès imaginaires, ou qui le tourmentent et l’exaspèrent par des défaites mensongères; une fausse joie donnée au peuple est un crime public; on ne doit tromper ni son courage ni ses espérances. En attendant qu’il soit fait un rapport sur les journaux, comme faisant partie de l’instruction publique et étant les canaux par lesquels la volonté nationale et le courage des armées circulent dans toutes les parties de la République, la Convention ne saurait trop recommander aux agents de la police révolutionnaire de surveiller de très près ces trompettes de l’étranger, ces agents secrets de l’aristocratie, qui sous prétexte de bonnes nouvelles données au peuple, lui insinuent de fausses espérances, atténuent les bonnes nouvelles, décrient les relations véritables et obtiennent aux auteurs de ces faux récits un succès perfide et une impunité scandaleuse. Celui qui exagère ou qui alarme, celui qui ment sur les succès ou sur les revers de nos armées, est un endormeur ou un ennemi; il flatte ou il trahit, il décourage ou il tourmente, c’est un ennemi de la Révolution. L’exagéra-teur ne doit pas être plus ménagé que l’alarmiste, et la peine des contre-révolutionnaires les attend tous les deux également. Je reviens aux nouvelles du Midi : l’Espagne présente à l’Europe coalisée le spectacle d’un gouvernement très éclairé, puisqu’il s’est allié à son ennemi naturel, l’Anglais; il présente le spectacle plus intéressant encore d’un gouvernement très énergique, puisque ses troupes conviennent que c’est à la trahison qu’il doit ses succès de l’année dernière, et enfin le spectacle d’une nation très forte, puisqu’après avoir été honteusement chassée de Toulon, elle l’est à la fois de Collioure, de Port Vendres, de Saint-Elme et du camp des Aldudes. D’une extrémité à l’autre des Pyrénées ,1a renommée publie la honte du nom espagnol, en attendant que la mer soit le théâtre de leur diplomatie nouvelle, de l’union monstrueuse des marins espagnols et des forbans anglais. Le succès de l’armée des Pyrénées Occidentales n’est que l’ouverture de la campagne. Publier ces succès devant les représentants du peuple, c’est les récompenser et c’est le présage que cette armée sera digne avant peu de jours qu’on dise d’elle, comme des autres, qu’elle a bien mérité de la patrie. (On applaudit) . Voici les nouvelles : [ Les repr. près VA. des Pyrénées-Occidentales au C. de S. P.; Aux Aldudes, 13 prair. II]. « La campagne vient de s’ouvrir dans cette armée sous les plus heureux auspices. Depuis longtemps les Espagnols occupaient les Aldudes : toutes les dispositions furent faites pour s’emparer de ce village et du col d’Ispegny : c’est de ces hauteurs qu’ils défendaient la vallée de Bastan; il fallait s’en rendre maitre pour faciliter notre irruption de ce côté sur le territoire espagnol. Nous nous sommes rendus à Nivefranche; la résolution en a été prise, les dispositions ont été faites en notre présence. Aujourd’hui le plus grand succès vient de couronner les efforts et l’intrépidité de nos braves soldats. C’est après 14 heures d’une marche pénible, sur les plus hautes montagnes et sur les rochers escarpés, que les colonnes ont commencé leur attaque sans avoir voulu prendre le moindre repos, tant leur impatience de combattre était grande. Le feu a été très vif de part et d’autre sur tous les points et principalement à Berda-wits, ou l’ennemi a opposé une longue et opiniâtre résistance. Cette position, qui commande les Aldudes, était défendue par 2 redoutes presque inexpugnables. La colonne avec laquelle nous avons marché a commencé à 11 heures. Nos braves camarades ayant à leur tête le brave Harrispe, commandant du 2° bataillon basque, ont sauté au pas de charge dans la première redoute, qui était défendue par 2 pièces de 12 et ressemblait à un volcan par le feu qu’elle vomissait de tous côtés. Au milieu de la 2e redoute était une maison crénelée; les Espagnols qui s’y étaient renfermés tiraient sur nous sans crainte d’être atteints. Le pas de charge n’y pouvait rien; nous n’avions que des fusils et des baïonnettes, et les canons de la lre redoute avaient été en-cloués; nos braves soldats n’en répondaient pas moins au feu de l’ennemi avec leur courage ordinaire. Un volontaire a été tué à 10 pas de la redoute. Les canonniers qui étaient attachés à la colonne ont enfin réussi à déclouer une pièce; alors, protégés par la canonnade, nos soldats qui avaient entouré la redoute, y ont fondu avec impétuosité, en ont franchi les fossés, défendus par plusieurs rangs de palissades, et ont terminé par cette action l’une des plus belles journées. Le nombre de nos morts est d’environ 25 dans les 4 colonnes, celui des blessés se porte à 50. Vous aurez la consolation d’apprendre que presqu’aucun ne l’est dangereusement. Le général de brigade La Victoire, aussi intrépide que bon républicain, a été blessé au premier feu qu’a fait sur nous la première