[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 avril 1790.] 339 ne dépend uniquement de l’abolition de la servitude, de la réforme des abus, de la distribution des pouvoirs ; mais qu’elle est encore fondée sur la régénération des mœurs publiques : dans cette vue, vous avez consacré les droits et la dignité de l’homme, si longtemps méconnus parmi nous, en abolissant les distinctions, les privilèges, les prérogatives de tout genre, attachés à certaines classes de citoyens, en les appelant tous aux fonctions publiques, suivant leurs vertus et leurs talents. L’inscription civique des jeunes citoyens, l’exclusion des faillis, des débiteurs insolvables et de ceux de leurs enfants qui n’auraient pas acquitté la portion virile de leurs dettes, sont autant de nouveaux moyens que vous avez cru propres à épurer et à maintenir les mœurs. Cette religieuse observance des engagements particuliers, à laquelle vous avez attaché les droits de citoyen, était la conséquence naturelle des préceptes” et des exemples que vous aviez déjà donnés à la nation, en respectant la foi publique, en sanctionnant la dette contractée sous l’ancien régime, et en mettant les créanciers de l’Etat sous la sauvegarde de la loyauté française. Dès lors, Nosseigneurs, tout ce qui pouvait tendre à consolider cet engagement solennel a dû. être soigneusement recherché par les législateurs de l’empire. Une ressource certaine se présentait dans les biens domaniaux et ecclésiastiques. Ces propriétés publiques ne pouvaient appartenir qu’à la nation : ses réprésentants durent donc en disposer suivant les convenances et les besoins de l’Etat. Tel est, Nosseigneurs, l’esprit et le but de vos premiers décrets des mois de novembre et décembre, dont l’un a déclaré les biens ecclésiastiques à la disposition de la nation, et l’autre en a ordonné la vente jusqu’à concurrence de 400 millions. Celui que vous venez de rendre n’est que le complément des deux autres, et sous le rapport des finances, et sous celui des mœurs publiques. En interdisant aux ministres des autels une administration étrangère à leurs fonctions, vous avez éteint eu eux tout esprit de corporation, vous avez rallié tous les intérêts particuliers au grand mobile de l’intérêt général : vous les avez, en quelque sorte, associés au bon ordre des finances et à la prospérité de l’empiré : ainsi cessera ce disparate choquant qui présentait, d’un côté, les administrateurs, les militaires et les magistrats subordonnés à la nation qui payait leurs services; et, de l’autre, les seuls ecclésiastiques se croyant propriétaires de biens dont ils n’étaient qu’usiifruitiers, et se regardant comme indépendants du peuple pour lequel ils furent institués ; ainsi vous rappellerez, Nosseigneurs, cette antique institution qui conserva pures et sans tache, dans les premiers siècles de l’Église, les augustes fonctions des ministres des autels, qui leur concilia la vénération des peuples par leur désintéressement et .la touchante simplicité de leurs vertus, qui les leur présenta sans cesse comme les vrais apôtres d’une religion sainte, fondée sur l’égalité et la charité, comme des enfants de la patrie, qui exerçaient en son nom un ministère de paix, comme des frères qui acquittaient pour eux un culte honorable et sacré. Gomment donc les ennemis de la liberté et de la Constitution ont-ils pu se persuader qu’ils viendraient à bout de séduire et d’égarer le peuple, en lui présentant comme attentatoires à la religion chrétienne des décrets qui retracent la pureté des maximes évangéliques, et qui, dégageant les ministres des autels des soins temporels, les laissent entiers à l’exercice des fonctions qui leur sont confiées pour le soutien des faibles, la consolation des malheureux et l'édification de tous? Ignorent-ils donc que, dans la plupart des départements, les pasteurs,, cette portion si intéressante des ministres de l’Évangile, étaient et sont encore réduits à une modique rétribution, qui forme à peine la moitié des honoraires que leur assure la nouvelle administration? Ignorent-ils aussi que ce dénuement, loin d’avoir dégradé les curés, les a rendus plus exemplaires et plus respectables? Et c’est un fait, Nosseigneurs, que nous pouvon d’autant mieux attester, que l’exemple en est plus près de nous : il y a peu de clergés plus réguliers que celui d’Auvergne : il y en a peu d’aussi généralement pauvres. C’est ainsi, Nosseigneurs, qu’en examinant les principes et en en rapprochant les faits, la commune de Clermont-Ferrand, découvre de plus en plus de nouveaux motifs de respecter vos décrets, et qu’elle place sa satisfaction la plus entière dans leur exacte observation : mais ce n’est pas assez pour elle que d’être animée de ces sentiments; leur manifestation dans les circonstances critiques où se trouve la patrie, est encore un de ses devoirs les plus sacrés. Toutes les cités, toutes les communautés de l’empire français doivent s’empresser d’assurer la marche, d’accélérer les travaux des représentants de la nation, et de dissiper leurs inquiétudes, en professant hautement et en toute occasion leurs principes, et en adhérant formellement et itérativement à ceux de leurs décrets que des esprits faibles ou mal intentionnés pourraient chercher à dénaturer par leurs fausses interprétalions. Mais ,pour que ce nouvel hommage et cette adhésion fussent plus ditrnes de vous Nosseigneurs, nous avons pensé qu’ils devaient être l’expression fidèle de l’assentiment général des habitants de cette cité, et c’est dans cette vue qu’après avoir été régulièrement convoqués, les citoyens se sont distribués, et ont délibéré dans des assemblées par quartiers, conformément à vos décrets: cet exemple qui, sans doute, a été prévenu, ou qui sera bientôt imité dans toute l’étendue du royaume fera évanouir les coupables espérances de tous ceux qui, couvrant leurs intérêts particuliers du zèle de la religion, oseraient tenter, par de perfides insinuations et d’odieuses trames, de reproduire les erreurs de la superstition et de réveiller les fureurs du fanatisme. Nous sommes avec le plus profond respect, Nosseigneurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs. Suivent les signatures de MM. les officiers municipaux et des commissaires de quartier. Signé: Monestier, Dijon de Sainl-Mayard, Couthon, Bourdillon, Terraire aîné, Monestier curé, d’Albiat, Debert, Sa~ hlon,Amy,Pouyet, Gaultier, Amouroux, Quessizois, Chapel, Dulain aîné, J. Drelon, Dumas, Tournade, Jarton, Artaud, Blanchard, Bonnefois, Hébrard, Pérol, ûoulcet, Picot Lacombe, Bo-narme, Montaient, Moranges,Chalamet, Chaudessol, Fontfreide, Deval, Cham-baud, Bourdier, Gachier, Lacaille, Lavillatelle. M. Target, au nom du comité de constitution* 340 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [30 avril 1790.[ propose un projet de décret provisoire, relatif aux gardes nationales. Il en expose les motifs en ces termes : « Le comité de constitution a reçu un très grand nombre de lettres qui lui donnent quelques inquiétudes. Le premier acte de la puissance de beaucoup de municipalités a été de changer le régime des gardes nationales dans leur arrondissement. Le droit de les organiser à leur manière ne leur appartient pas, et les entreprises qu’elles viennent de faire à cet égard ont présenté au comité l’idée des plus grands inconvénients. C’est par erreur qu’nier on a dit que le rapport sur l’organisation des gardes nationales était achevé; il serait le remède aux inquiétudes que le comité vous expose. En attendant sa confection, je suis chargé de vous présenter le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, voulant prévenir des difficultés qui résultent des règlements et propositions opposés qui lui sont adressés de toutes parts relativement au régime des gardes nationales, décrète que, jusqu’ à la prochaine organisation des gardes nationales, elles resteront dans le régime où elles se trouvent en ce moment ; et que si les circonstances exigent quelques modifications elles ne pourront être faites que de concert avec les gardes nationales et les municipalités. » M. d’André. Je demande que le décret soit conçu de manière à éviter toutes les difficultés. A Marseille, lorsque la nouvelle municipalité est entrée en fonctions, l’ancienne garde nationale, par des raisons particulières, a donné sa démission et a été remplacée par une autre ; je crains que le décret qui nous est proposé n’excite de nouveaux troubles en paraissant remettre en activité la première garde nationale. M. de Foucault. J’appuie l’observation du préopinant et je fais remarquer que le fait qu’il vient de citer s’est produit dans d’autres villes du royaume. M. de Fumel. Je crois que le meilleur parti à prendre c’est de repousser le décret provisoire que nous propose le comité de constitution, afin qu’il se hâte de nous présenter le plan définitif qu’il nous annonce comme très prochain. M. Bouche. Le projet de décret est urgent pour empêcher l’anarchie dans un grand nombre de villes. Je propose de l’adopter en ajoutant aux mots : gardes nationales, ceux-ci : actuellement existantes . M. Target accepte l’amendement. Le projet de décret est ensuite mis aux voix et adopté ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, voulant prévenir les difficultés qui résultent des règlements et projets opposés qui lui sont adressés de toutes parts, relativement au régime des gardes nationales, décrète provisoirement que jusqu’à la prochaine organisation des gardes nationales, elles resteront sous le régime qu’elles avaient lorsque les municipalités dans l’arrondissement desquelles elles sont établies, ont été régulièrement constituées, et que les modifications que les circonstances rendraient nécessaires, ne seront faites que de concert entre les gardes nationales actuellement existantes, et les nouvelles municipalités. » M. Target présente ensuite, au nom du comité de constitution, un projet de décret relatif aux conditions exigées des étrangers pour devenir citoyens français. Le rapporteur dit ; Les départements des frontières et des villes maritimes sont remplis d’hommes nés en pays étranger, mariés, propriétaires depuis très longtemps, ou possesseurs d’établissements de commerce; ils ont occupé des fonctions civiles: les uns ont été officiers dans les anciennes municipalités ; les autres sont officiers de la garde nationale : tous ont prêté le serment civique : il forment dans beaucoup de villes le huitième, le septième, le sixième de la population : ce sont des amis de plus que vous acquerrez à une constitution qui voudrait rendre tous les hommes heureux. Le comité vous propose le projet de décret suivant: « L’Assemblée nationale, voulant prévenir les difficultés qui s’élèvent, principalement dans les départements frontières et dans les villes maritimes, au sujet des conditions requises pour devenir Français, décrète ce qui suit: « Tous ceux qui, nés hors du royaume de parents étrangers, sont établis en France, seront réputés Français, et admis, en prêtant le serment civique, à l’exercice des droits de citoyens actifs après cinq ans de domicile continu dans le royaume, s’ils ont, en outre, ou acquis des immeubles ou épousé une Française, ou formé un établissement de commerce, ou reçu dans quelque ville des lettres de bourgeoisie, nonobstant tous règlements contraires, auxquels il est dérogé, sans néanmoins qu’on puisse induire du présent décret, qu’aucune élection faite doive être recommencée. » (Ce projet est adopté.) M. Camus. J’ai eu l’honneur de représenter avant hier à l’Assemblée que la formule du serment... M. le marquis de Digoine. Vous n’êtes pas dans l’ordre du jour. M. Camus. Le membre du comité des finances qui doit taire un rapport n’est pas encore arrivé ; je profite de cet instant. M. le marquis de Digoine. La parole est à moi. M. le Président, observe à M. de Digoine que la parole a été accordée à M. Camus. M. de Digoine monte à la tribune. M. de Croix. M. de Digoine a la parole pour l’ordre de deux heures, et non pour ce moment. M. de Digoine insiste. L’Assemblée est consultée. — Elle accorde la parole à M. Camus. M. Camus. L’Assemblée a décrété que les officiers prêteraient serment en entrant en fonctions; cet usage a lieu dans toutes les assemblées. Je n’ai pas demandé qu’on rétractât le décret; j’ai seulement dit que la formule avait été rédigée très à la hâte. Une formule de serment ne saurait l’être avec trop de soin. J’ai demandé qu’on renvoyât au comité de constitution pour examiner la formule ; je réitère ma demande. M. le marquis de Foucault. Je n’entrerai pas dans un développement aussi grand que l’exigerait la proposition qui vous est faite; je dirai seulement que c’est la plus importante de vos opérations et la principale circonstance où vous vous soyez trouvés. Ne nous dissimulons pas qu’il y a deux partis dans cette Assemblée... Je