(Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 mai 1791. 589 L’interrogatoire des sieurs Thévenot, de La-combeetladamedeLacombea été fait, etsur toutes lesquestions, ils ont unanimement et formellement nié tous les faits. Le sieur Thévenot, lorsqu’on lui a présenté les deux assignats de 50 livres, a nié les avoir donnés; cependant MM. Rutteau, Gallet et Gonnard persistent dans leurs dépositions. Il n’est nullement question de M. de La-combe dans aucun des entretiens dont je vous ai donné connaissance; et les seuls motifs qui ont déterminé son arrestation est la quantité d’exemplaires de la lettre du Père Duchêne aux ouvriers di s ateliers, que l’on a trouvés chez lui. D ns son interrogatoire, il persiste à dire qu’il n’en avait nulle connaissance : et la même espèce de papiers, qui ont été trouvés chez le sieur Thévenot, et sa liaison intime avec Mm8 de La-cornbe, donnent lieu de ctoire que ces papiers peuvent avoir été placés chez lui sans son aveu. Les sieurs Rutteau, Gallet, Gonnard et Ginnet auront sans doute rendu un service important en découvrant un projet dont les suites auraient pu devenir funestes. Cependant, Messieurs, cette affaire n’étant point encore éclaircie, le comité n’a pas cru devoir vous proposer aucune mesure pour témoigner à ces citoyens la reconnaissance qui leur sera due, lorsque cette affaire, examinée dans tous les points par un tribunal, vous mettra à portée de connaître exactement la vérité. Votre comité, Messieurs, ne se permettra aucune réflexion sur cette affaire qui est encore sous un voile que l’on n’a pu pénétrer; il croit qu’il est important qu’elle soit éclaircie, et c’est dans ces vues qu’il vous propose le décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des recherches, décrète que l’affaire du sieur Thévenot et du sieur et dame de Lacombe sera renvoyée au tribunal de leur arrondissement, pour y être statué ainsi qu’il appartiendra; que la liberté sera provisoirement rendue au sieur de Lacombe, mais que le sieur Thévenot et la dame de Lacombe seront gardés en état d’arrestation, jusqu’à ce que le tribunal ait prononcé. » M. de Folleville. Messieurs, il me semble que si le projet de décret du comité était adopté, nous irions positivement contre ce que nous avons décrété, lin effet, le Corps législatif, par là, déclarerait qu’il y a lieu à accusation contre ces deux particuliers. Or, il n’y a que les membres du Corps législatif qui soient soumis à ce genre d’épreuve. Que devait donc faire votre comité des recherches? il devait s’adresser à l'accusateur public de l’arrondissement de la prison où ils sont incarcérés, pour que, d’après la vue des pièces, cet accusateur public fasse les poursuites nécessaires. L’Assemblée nationale ne devait pas perdre son temps à entendre des détails de cette nature ; et c’est le perdre en compromettant la Constitution. Je demande la question préalable sur le projet du comité. M. Ifcegnaud (de Saint-Jean-d' Angèly). Je demande à modifier l’avis de M. le rapporteur et et lui du comité. Je ne suis pas de l’avis du préo-pinaot, parce que toutes les fois qu’au milieu des soupçons qui nous environnent et qu’on cherche à semer autour de nous, il paraît se présenter un fil pour nous guider enfin dans ce labyrinthe ; il n’y a pas un véritable ami de la chose publi-ue qui ne doive s’empresser à le saisir et à xer enfin sur les vrais coupables ces soupçons qui peut-être sont tombés sur des innocents. C’est sous ce rapport, je crois, que la question préalable ne peut pas y être appliquée. D’un autre côté, je dis que l'Assemblée nationale a ordonné que, lorsqu’elle croirait qu’il y a lieu à accusation pour crime de lèse-nation, elle aurait le droit d’ordonner par un décret non susceptible de sanction, l’information; mais ce n’est pas encore ici le cas, puisque l’existence du crime de lèse-nation nVst pas prouvée; elle ne peut que décréter que son président se retirera par devers le roi pour le prier d’ordonner qu’il sera informé contre les particuliers, qui cependant demeureront en état d’arrestation, puisqu’ils y ont été mis, pour, après l'information rapportée à l’Assemb ée nationale, être par elle jugé s’il v a lieu ou non à renvoyer par-devant le tribunal d’Orléans. Cette marche concilie tout à la fois et le décret constitutionnel que vous avez rendu, et l’intérêt, national qui est enfin d’éclairer, s’il est possible, cet abîme de conjurations dont on nous entoure. Voici comme je propose de rédiger le projet de décret : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le compte qui lui a été rendu par son comité des recherches, décrète que son président se retirera par devers le roi, pour le prier de donner des ordres à l’accusateur public du tribunal de l’arrondissement de Paris, puurqu’à sa diligence il soit informé contre les sieur Thévenot, sieur et dame de Lacombe, sur les faits portée en la dénonciation des sieurs Butieau et Gannet, et, l’information faite et rapportée à l’Assemblée nationale, être, par elle, décidé s’il y a lieu ou non à accusation de crime de lèse-nation; que cependant le sieur de Lacombe sera élargi, et que la dame de Lacombe et le sieur Thévenot demeureront en état d’arrestation. » M. de Sillery, rapporteur. J’adopte cette rédaction. M. de Lachèze. Je n’ai qu’un mot adiré sur le projet de décret qui vient de vous être présenté. De deux choses l’une : ou.il est question de crime de lèse-nation, ou il n’en est pas question. S’il est question d’un crime de lèse-nation, c’est devant le iribunal d’Orléans qu’il faut le renvoyer. S’il n’est pas question d’un crime de lèse-nation, le comité des recherches ne devait pas s’en occuper. M. ttelavigne. Il me paraît que le préopinant va un peu trop vite. Lorsque l'information judiciaire aura constaté s’il y a délit, quels sont ceux que l’on présume être les coupables, ce sera alors que l’Assemblée nationale, sur le compte qui lui en sera rendu, déclarera par un décret s’il y a lieu ou s’il n’y a pas lieu à accu-ation. Quant à présent, Messieurs, voilà des recherches, voilà des faits, voilà dt s détails dans lesquels il n’est pas possible de i-e dissimuler qu’il y a quelque chose de réel. Voilà un fil qu’il est important, de ne pas voir se rompre dans les mains de celui qui l’a saisi. Voilà des particuliers sur lesquels des accusations, qui sont plus ou moius vraisemblables, se réunissent. L’Asemblée nationale n’ordonne pas dans cet instant qu’il y a lieu à accusation ; mais elle se met à portée, par les voies juridiques, de déclarer qu’il y a ou qu’il n’y a pas lieu à accusation. D’après cela, je crois que l’Assemblée nationale ne doit pas faire de difficulté d’ordonner le renvoi par-devant le juge ordinaire pour, l’information faite, être statué ce qu’il appartiendra.