592 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (19 mai 1790.] ■ d’employer, à cet effet, s’il le juge convenable, le détachement de la garde nationale de Bordeaux. » M. Garat l'aîné. La municipalité de Bordeaux et la garde nationale ont déjà obtenu de vous la • récompense qu’elles ambitionnaient. Vous venez d’applaudir avec transport à leur patriotisme. Gomme Français, comme citoyen de la même ville, j’en partage la gloire, avec d’autant plus de raison, que j’ai deux fils dans cette garde nationale ; peut-être le sort m’a-t-il réservé un honneur de plus en les faisant entrer dans une expédition aussi patriotique. Je ne peux dénoter ce qui se passe en ce moment dans mon cœur, et • sans trop pouvoir en expliquer la cause, je n’éprouve aucune alarme, j’adhère avec toute ma raison au décret, qui vous est proposé; je l’adopte dans son entier, en demandant toutefois qu’on y ajoute, par amendement, que le détachement de 1,500 hommes attendra à Moissac les ordres du roi. M. le vicomte de Mirabeau. Le projet de décret qui vous est proposé me paraît infiniment sage sous beaucoup de rapports. Il me sera permis, j’espère, de vous offrir mes réflexions sur l’événement qui l’a provoqué. Oserais-je vous demander si vous avez donné au roi la plénitude du pouvoir exécutif? En approuvant rélan patriotique qui a pu déterminer la démarche des gardes nationales bordelaises, je crois que la municipalité n’aurait pas dû le partager, et qu’elle aurait dû les arrêter jusqu’au moment où elle aurait reçu vos ordres. Mais, dira-t-on autour de moi, les circonstances étaient pressantes. Je vais anticiper un fait dont je voulais vous rendre compte après - avoir établi le point de droit. La garde nationale de Toulouse s’est mise en chemin ‘aussitôt qu’elle a appris la démarche de celle de Bordeaux ; elle est partie avec six pièces de canon pour appuyer la municipalité de Montauban. Je désapprouve autant la démarche de l’une que celle de l’autre; mais j’observe qu’il était nécessaire qu’une Assemblée dont la sagesse doit dicter les décrets, eût attendu un récit plus fidèle des faits, avant de donner un applaudissement, qui n’est peut-être qu’un applaudissement à la guerre civile. On voudrait persuader au peuple - que ceux qui en découvrent les premières étincelles sont ceux qui la désirent. Mais tôt ou lard • la vérité l’éclairera, et il rendra justice à ses vrais amis, à ses vrais défenseurs. (On demande à aller aux voix.) Je dénonce à la nation quiconque ne donnera pas la plus sérieuse attention àl’arfairedont on s'occupe; je le dénonce comme coupable du crime de lèse-nation, comme coupable de la guerre civile que j’annonce. Je demande donc qu’on improuve la permission accordée par la municipalité de Bordeaux. — M. le vicomte de Mirabeau, après avoir quitté la tribune, s’écrie du milieu de la salle: « Quand j’ai dit la guerre civile que j'annonce , c’est que je la crains ; voilà mon intention. » M. Roussillon. Je demande à être entendu comme député de Toulouse. D’abord je demande à M. le vicomte de Mirabeau par qui il a appris que la garde nationale de Toulouse est partie • avec six pièces de canon pour défendre la municipalité de Montauban. D’où tient-il ces faits? Par quelle pièce peut-il les justifier? M. lo vicomte de Mirabeau. Veuillez vous rappeler la manière dont j’ai exposé les faits. Au moment où l’on m’interrompait à cette tribune, j’ait dit que la garde nationale de Toulouse était partie avec six pièces de canon pour aller au secours de la municipalité de Montauban ; quelqu’un m’avait assuré ce fait, et lorsque je suis sorti de ma place, un député, que je crois être de la ville de Toulouse, m’a dit le même fait. Je vous l’ai raconté, mais je n’ai pas assuré que j’eusse des pièces authentiques. Lorsque, sur une lettre particulière, j’ai entendu accuser des membres de cette Assemblée et des ministres, j’ai bien pu, moi, rendre compte de mes inquiétudes. Je sais que les mille et un journaux ne manqueront point encore de calomnier mes intentions ; mais je le répète, celui qui dénonce la guerre civile ne l’attire pas, ne la cherche pas, n’en est pas le moteur. (On demande à M. de Mirabeau le nom du membre de l'Assemblée qui lui a appris ce fait.) Il est beaucoup de membres de l’Assemblée que je n’ai pas l’honneur de connaître. Ce fait est connu de plusieurs membres de la partie de la salle où je suis. Je les interpelle de se fairo connaître. ( Personne ne répond.) M. Roussillon. La réponse du préopinant vous a prouvé que c’était sans motif qu’il avait mis la garde nationale de Toulouse en mouvement. Je vous annonce que tout y est tranquille. S’il y était arrivé quelque chose de particulier, j’en aurais sans doute été instruit, parce que mes concitoyens connaissent mes sentiments. M. Renaud (d'Agen). Ce n’est pas seulement à Montauban que l’on veut exciter des troubles. Voici ce qu’on me mande de Castres, département du Tarn: « Le 10 mai des agents du fanatisme ont séduit une partie de la garde nationale et du peuple. Notre tambour-major parcourait les rues, invitait à quitter la cocarde nationale, pour arborer la cocarde blanche, et à se former en assemblées pour s’opposer à l’exécution de vos décrets. Il annonçait un parti formé contre les bons citoyens. On assure que plusieurs personnes, qu’on croyait honnêtes, se sont rangées de ce parti. Mais, de toutes parts, on offre de nous donner les secours nécessaires pour résister aux ennemis du bien public. Tout cela donnera lieu à élab'ir une fédération des gardes nationales du département. Nous n’avons rien à craindre, allez votre train, et comptez sur nous Que d’horreurs sous le voile de la religion ! Décrétez promptement les appointements du clergé; payez-le bien, alimentez-le bien: pour ma part, je vous annonce une bonne contribution d’impôts, et qu’il nous laisse tranquilles. » Plusieurs membres demandent la clôture de la discussion. D'autres membres demandent à présenter des observations. M. de Cazalès dit que l’Assemblée peut bien iraprouver, mais qu’elle ne doit pas approuver, et il conclut au rejet du projet de décret. M. baroir de Rochebrune demande le retranchement de tout ce qui donne des marques de satisfaction� lesquelles doivent être réservées pour le pouvoir exécutif. M. Poneet d’EIpech observe que la conduite de la garde nationale est d’autant plus louable [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 mai 1790.) £93 qu’il y a plus de risques ; que le peuple égaré par les sermons et les prières, ne cesse de détenir dans les cachots de braves et honnêtes citoyens ; que, dès lors, la garde nationale de Bordeaux sera de la plus grande ressource à Moissac, u’elle en imposera au fanatisme et aux ennemis e la Constitution. M. le baron de Menou demande que M. le président soit chargé de présenter au roi l’adresse de la garde nationale et la lettre, de la municipalité de Bordeaux pour prouver à Sa Majesté le respect qu’ils ont pour la Constitution. M. le comte de Mirabeau dit : Je m’étonne qu’on objecte qu’il soit inconstitutionnel que les gardes nationales ne puissent sortir de leur territoire sans un péril imminent; celle de Bordeaux était dans le cas d’agir lorsqu’elle l’a fait ; je demande donc que le roi soit prié de faire passer ses ordres par la municipalité de Moissac, tanta la milice nationale de Bordeaux qu’à celles qui se seront jointes à elle. M. Alexandre de Lametli ajoute que d’après les pactes fédératifs entre les gardes nationales, que l’Assemblée a souvent approuvé, il est bien naturel que la garde nationale de Bordeaux ne soit pas restée indifférente sur le sort de ses frères mis aux fers à Montauban. M. Barnave s’oppose à l’amendement de M. le comte de Mirabeau et demande la question préalable. Lorsque l’autorité du Corps législatif est réunie à celle du roi, dit-il, l’intermédiaire des municipalités est inutile. Nous avons décrété le principe des municipalités requérant le pouvoir militaire, pour éviter l’abus que le pouvoir exécutif pourrait en faire seul ; mais cette précaution estinutile quand les deux pouvoirs se réunissent et que la souveraineté ordonne. Cette vérité est la sauvegarde de l’unité monarchique. M. Le Chapelier s’écrie : Il faut que le pouvoir exécutif ait des commissaires, mais il faut qu’ils soient citoyens; or, les commissaires citoyens sont les officiers municipaux qui doivent faire agir les gardes nationales. M. Rœderer. S’il ne s’agissait que d’un seul fait, le motif de M. Barnave serait bon ; mais il s’agit de la suite des faits qui seront malheureusement nécessaires pour faire rentrer dans l’ordre la vide de Montauban. Il faut donc que le détachement de Bordeaux soit requis par une municipalité quelconque. M. le Président met successivement aux voix tous les amendements; si sont rejetés, à l’exception de celui de M. le baron de Menou qui est adopté. Le décret et l’amendement sont ensuite adoptés en ces termes : « L’Assemblée nationale, instruite par des lettres qui lui ont été adressées directement par la municipalité et par la garde nationale de Bordeaux, du départ d’un détachement de 1,500 hommes de ladite garde nationale, à la réquisition des officiers municipaux, et à l’effet de rétablir le calme dans la ville de Montauban, approuve le zèle de ladite municipalité et de la garde nationale, et l’attachement qu’elles ont lre Série. T. X.V. témoigné pour les décrets de l’Assemblée nationale, acceptés ou sanctionnés par le roi : « Décrète, que son président sera chargé d’écrire aux maire et aux officiers municipaux de Bordeaux, à la garde nationale de cette ville et au détachement de 1,500 hommes envoyés a Moissac, pour leur témoigner la satisfaction de l’Assemblée nationale, de leur patriotisme, de leur générosité et de leur zèle à maintenir les décrets constitutionnels. > Décrète, en outre, que son président leur fera parvenir une expédition du décret rendu le 17 de ce mois, et qu’il se rendra par devers le roi, pour le supplier, en donnant les ordres nécessaires pour rétablir la paix dans la ville de Montauban, d’employer à cet effet, s’il le juge convenable, le détachement de la garde nationale de Bordeaux. » Décrète, en outre, que le président sera chargé de présenter au roi les deux lettres de la municipalité et de la garde nationale de Bordeaux. » M. le Président lève la séance à trois heures et ajourne l’Assemblée à ce soir, heure ordinaire. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. CAMUS. Séance du mercredi 19 mai 1790, au soir (1).. La séance est ouverte à six heures du soir. M. Camus, ex-président , occupe le fauteuil. Un de MM. les secrétaires fait la lecture des adresses ci-après : Adresse de la garde nationale d’Amboise, qui dépose entre les mains de l’Assemblée nationale le serment auguste de verser jusqu’à la dernière outte de son sang pour défendre la patrie et la onstitution. Elle supplie l’Assemblée de s’occuper de l’organisation des milices nationales. Adresses de félicitation, adhésion etdévouement des communautés de Saint-Olive, de Liancourt en Picardie, et de Saint-Didier de Formant. Elles font le don patriotique du produit des impositions sur les ci-devant privilégiés. Adresses de la ville de Caria, comté de Foix, et de celle de Dieulefît, en Dauphiné, contenant le procès-verbal de la prestation du serment civique des gardes nationales auxquelles se sont réunis les autres citoyens. Adresses des citoyens du canton de Vianne, desassemblées primaires ducantondePont-de-Roy, de celui du Mont-Saint-Père, et de celui de la ville d’Ay, en Champagne, qui présentent à l’Assemblée nationale l’hommage d’une adhésion respectueuse à tous ses décrets, et d’un dévouement absolu pour leur exécution. Adresses du même genre des nouvelles municipalités des communautés de Sommant, département de Saône-et-Loire, d’Hauterive, et de Saint-Hilaire en Dauphiné, de Quedillac, de Pinet, de (1) Cette séance n’est pas rapportée au Moniteur. 38