Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1 septembre 1791.] national; c’est au même instant de donner d’une manière immuable, d’une manière qui fasse cesser toute espérance comme toute inquiétude, de donner, dis-je, d’une main aux colons ce qui est nécessaire pour leur sûieté intérieure, et de retenir immuablement de l’autre main ce qui est nécessaire à l’intérêt commercial de la métropole. Par ce mouvement habile, au moment où vous leur porterez la tranquillité, car tout armés qu’ils sont, quoique environnés de forces, quoique résolus à la résistance, ils verront arriver avec une joie inexprimable la révocation de votre décret; au moment, dis-je, où vous porterez la tranquillité, la sécurité dans leurs âmes, ils accepteront avec une soumission absolue la loi immuable et constitutionnelle qui assurera la prospérité de votre commerce. On vous donne la preuve qu’on n’a pas étudié les faits, lorsqu’on vous dit que quelque parti qu’on prenne, il n’est pas possible de conserver les colonies. Gela est faux; on peut toujours conserver une possession nationale dont l’intérêt vrai et approfondi est de rester unie à vous. Or, l’intérêt des colonies est de rester unies à la France, parce que la rivalité qui existe entre 1 Angleterre et la France, nous force à ne les soumettre qu’à un régime de lois commerciales, prohibitives, raisonnables, tandis que, du moment qu’elles se sépareraient de vous, devenant une proe enviée de toutes les nations, elles passeraient nécessairement, fût-ce même au commencement à titre d’indépendance, sous la domination de la plus puissante, c’est-à-dire de l’Angleterre, et qu’indépendamment de ce que l’Angleterre a un régime prohibitif plus sévère que le nôtre, cette puissance devenant alors, par la perte de notre marine, la seule dominatrice des mers, pourrait rendre ce régime plus sévère encore et n’aurait aucune crainte, aucun frein qui pût la maintenir. Mais que faut-il pour que cet intérêt commercial soit maintenu ? Il faut leur assurer la tranquillité intérieure : car l’existence, la vie et la conservation des propriétés est au-dessus de toute espèce d’intérêt commercial. S’il arrivait que leur existence fût perpétuellement en péril, alors il est évident .qu’ils préféreraient un régime commercial très sévère, à l’inquiétude et à la perspective continuelle des désastres dont on les menacerait. Il est donc vrai que vous pouvez les conserver, parce que cela est dans la nature des choses ; mais il est vrai en même temps que vous ne les conserverez qu’en mettant à couvert ce qu’il y a pour elles de plus important, la tranquillité intérieure. Il viendra peut-être un temps où, par l’agrandissement successif d’une puissance très voisine de vos colonies, la nature des choses pourra vous les enlever, parce qu’alors si une puissance militaire et mariiime suffisante se trouve dans cette nation voisine, c’est-à-dire dans l’Amérique septentrionale, et qu’elle ait eu même temps les productions de change nécessaire aux colonies, la nature des choses éloignera alors les colonies de vous, comme elle les y attache à présent. Mais cet espace de temps est très éloigné; mais il est précisément le même que celui qui vous conduira à ne pas avoir besoin vous-mêmes des colonies; car, lorsque par les heureux effets de la Révolution, par les décrets qui ont établi l’égalité et l’industrie, vous serez parvenus à avoir sur les autres peuples de l’Europe l’avantage dans la concurrence de la vente des marchandises et de 285 la navigation, avantages qu’ils ont à présent sur vous, vous aurez alors intérêt à la liberté universelle du commerce et à l’indépendance de toutes les colonies, comme à présent vous avez non seulement intérêt, mais besoin de conserver vos colonies, et d’en conserver le régime prohibitif. C’est donc l’ignorance absolue des faits qui fait dire que nous ne devons pas mettre d’importance à nos colonies, parce qu’il est possible qu'un jour l’Amérique nous les enlève ; non, car le moment où l’Amérique pourra nous les enlever. sera celui où nous pourrons nous en passer, Leur possession dans le moment actuel nous donne toute la facilité d’atteindre à cet heureux moment, elle encourage, elle fortifie nos muyens de commerce, d’industrie et de navigation. Si, au contraire, vous faisiez hâtivement cette perte immense, vous feriez rétrograder cette industrie, vous retaideriez d’un siècle peut-être, le moment où vous pourriez n’avoir besoin ni de lois prohibitives, ni de propriétés dans les autres parties du monde. Il est donc faux de dire que l’accroissement de l’Amérique septentrionale, que d’ailleurs vous retardez en conservant vos colonies; que vous presseriez infiniment, si les colons passaient dans leurs mains en tout ou en partie; il est donc faux de dire que l’agrandissement futur de l’Amérique septentrionale soit une raison de rendre nos colonies peu importantes pour nous; car le vrai est que toute la question est de les conserver sous les lois françaises jusqu’au moment éloigné où, par la nature des choses, elles pourraient se réunir à l’Amérique septentrionale, et où nous-mêmes nous nous trouverons, par les progrès de notre industrie et les heureux effets de notre gouvernement, en état de nous en passer. Mais, comme je vous l’ai annoncé, vous ne parviendrez à ce résultat que par le pouvoir que vous avez seuls de rendre des lois immuables. Car, vous avez fini tout ce qui est de la Constitution du royaume, mais vous avez dit que nos colonies n’y entraient pour rien, et vous avez encore le pouvoir de rendre 2 décrets constitutionnels pour les colonies seulement. Si, dis-je, vous n’usez pas de ce pouvoir-là pour fixer d’une manière invariable l’intérêt national et commercial d’une part, et l’intérêt colonial de l’autre ; je vous dis que la querelle, qui est à présent pour les hom nés de couleur, changera bientôt de face, deviendra une querelle de compétence sur les lois de commerce; et que, par la réunion de toutes les colonies, par l’affaiblissement momentané de nos moyens de force, vous finirez par les perdre en tout ou en partie, formellement ou commercialement, ce qui est absolument la même chose. Je demande donc que, donnant à cette question toute l’importance qu’elle a, vous ne la décidiez, qu’avec les connaissances nécessaires; mais que vous la décidiez avant de vous séparer. Je demande qu’on ajourne à 10 jours, attendu que, dans l’intervalle, il arrivera vraisemblablement des nouvelles des colonies, et chacun de nous sera plus profondément convaincu, et que Monsieur le président soit chargé d’écrire à toutes les villes de commerce du royaume pour avoir leur avis. (. Applaudissements et murmures.) M. l’abbé Grégoire. Elles sont juges et parties. M. Barnave. Si toute la partie du royaume*