[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 février 1791.] 225 L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur les patentes (1). M. d’AlIarde, rapporteur , donne lecture de l’article 13 ou projet du comité. M. Decretot. Je demande que l’Assemblée veuille bien s’expliquer sur les deux mots maîtres ouvriers de cet article. Je pense bien qu’elle entend par maîtres ouvriers les ouvriers travaillant pour leur co opte et non pour celui d’autres maîtres ; cependant on a parlé hier des tisserands comme devant être assujettis au droit de patente. J’observe qu’il y a deux espèces très différentes de tisserands : l’une est celle des tisserands travaillant à leur compte pour vendre leurs ouvrages à qui ils veulent ; l’autre, non moins nombreuse, est celle des tisserands ouvriers travaillant pour le compte des fabricants qui leur fournissent les matières et les payent à la journée ou à la tâche. Jp crois bien que votre intention n’est pas d’obliger ces derniers au droit de patente puisqu’ils travaillent, ainsi que les ouvriers menuisiers, etc., pour des maîtres qui payeront le droit. Je demande donc que, pour plus de clarté, on ajouie après les mots : maîtres et ouvriers , ceux-ci : travaillant pour leur compte , et après les mots : faisant le commerce ou exerçant... ceux-ci : pour leur compte. Un membre : Cet amendement donnerait lieu à bien des abus. Il ne faut excepter que les ouvriers travaillant à l’atelier, et les fonctionnaires publics. Un membre: 11 est impossible d’imposer des ouvriers travaillant chez eux, quoiqu’au compte d’un manufacturier, et qui ont à peine de quoi pourvoir à leur subsistance. M. La vie. On n’a pas compris dans l’article les huissiers, les avoués, les chirurgiens et les médecins ; il faut les comprendre nominativement dans cet impôt. Toutes les professions lucratives doivent payer la protection que leur accorde la loi : je ne vois pas pourquoi on nous ôte, nous, médecins, de la classe des citoyens ; nous gagnons de l’argent; pourquoi ne payerions-nous pas comme nos malades? M. d’André. Je trouve que le texte du comité est défectueux. 11 faut une rédaction qui comprenne toutes les professions soumises à l’impôt : ou plutôt, pour éviter la difficulté et la longueur de cette nomenclature, il faut spécifier toutes les professions et tous les genres de travaux qui doivent en être affranchis. Le comité a prétendu exprimer une certaine quantité de professions qu’il a détaillées sous les dénominations de manufacturiers, de fabricants, etc...; il a cru ensuite réparer les omissions qui se sont glissées dans son article, en disant ; Et généralement toutes les personnes faisant le commerce ou exerçant une profession ou métier quelconques. Si toutes les professions de l’État doivent être soumises au droit de patente, on devrait ne spécifier dans l’article que l’exception qui ne peut tomber que sur les fonctionnaires publics; (1) Voyez ci-dessus le rapport du comité d’imposi-tiou, séance du 1S février 1791, page 198. 1» Série. T. XXIIL ceux-là sans doute ne doivent pas payer de droits de patente, puisqu’ils exercent les droits de la nation. L’article, à mon sens, devrait être rédigé ainsi : « Toute personne exerçant pour son compte art ou métier quelconques... » Il y aurait les plus grands inconvénients à adopter l’article tel qu’il nous est proposé, parce qu’en mettant des clauses générales, les classes dont a parlé M. Lavie prétendraient être exceptées. Elles diraient : Si l’Assemblée avait voulu englober tout le monde dans le droit, elle n’aurait pas mis de détails. Je conclus donc, Monsieur le Président, que le comité nous présente une rédaction dans laquelle il n’y ait que ces deux exceptions, les fonctionnaires publics et les gens qui travaillent comme ouvriers. M. Grelet de Beauregard appuie la motion de M. d’André. M. Delavigne. Je voudrais qu’on ajoutât : « Ne seront exceptés de l’obligation de prendre des patentes que ceux qui, étant ouvriers et travaillant chez d’autres, ne font point un lucre particulier. » Messieurs, vous appliquez au nouveau système des lois qui ne peuvent être appliquées qu’à l’ancien, si vous distinguez des maîtres ouvriers et des maîtres artisans, lorsqu’il ne sera plus question de maîtrises et de jurandes, mais seulement de patentes. M. Goupil de Préfeln. Je demande que Par» ticle soit rédigé de manière à comprendre les maîtres de poste, les maîtres et directeurs de messageries et les directeurs de spectacles. Ces gens-là doivent assurément être assujettis à des patentes. M. Lanjuinals. Messieurs, vous ne devez pas perdre de vue le principe fondamental de l’institution qui vous est proposée. C’est une imposition sur les consommations prise sur les fabricants ; voilà quelle est la nature de l’impôt. Si elle est telle, il est évident que vous ne pouvez pas en excepter 2,000 ouvriers qui travaillent pour un manufacturier. M. Martineau. Je combats la proposition de M. d’Audré, ayant pour objet de n’exprimer dans l’article que lès exceptions. La loi ne peut jamais soumettre à un droit quelconque, sans désigner les choses et les personnes qui doivent payer ce droit. Il faut que le comité présente un tableau de toutes les professions qui doivent payer le droit de patente. Il est une foule de travaux que vous ne pouvez pas patenter. Par exemple, la profession des tileuses qui travaillent chez elles, à leur propre compte, et qui ne gagnent pas, dans certaines provinces , 10 sous par jour. Soumettez au droit tous ceux qui ont un atelier, une boutique, un appareil mercantile; mais ne les désignez pas sous une expression vague et générale ; car il est une infinité de travaux sur lesquels la loi ne peut et ne doit avoir de prise. Il serait insensé de vouloir interdire le travail et l’usage de ses bras au malheureux qui, n’ayant pas le moyen d’acheter une patente, aurait cependant, plus que tout autre, besoin de travailler ; ce serait mettre un impôt sur la pauvreté laborieuse, donner une prime à l’oisiveté et au vagabondage, et ôter la vie à l’honnête homme indigent. Il faut que les travaux de l’agricuLture, 15