[États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] 23o 2° Que l’impôt connu sous le nom d’industrie et ustensiles, cesse de frapper sur les agriculteurs, artisans et journaliers; 3° Que la perception des subsides dans chaque province soit confiée aux Etats provinciaux ou administrations provinciales ; 4° Que le clergé ayant consenti à renoncer à ses privilèges pécuniaires, il ne soit plus assujetti au payement des décimes ni à aucune espèce d’imposition qui ne soit supportée par les autres ordres ; 5° Que la gabelle étant regardée comme un impôt désastreux, Sa Majesté soit suppliée de vouloir bien suivre l’impulsion de son amour pour ses sujets, en anéantissant cette espèce de subside si à charge aux malheureux, et infiniment vexa-toire sous tous les rapports ; que le Roi soit encore supplié d’ajouter un bienfait à ce premier, en supprimant les aides dont les préposés désolent l’infortuné vigneron et tourmentent toutes les classes de citoyens. Telles sont les très-humbles et très-respectueuses doléances, demandes et supplications que le clergé de la prévôté et vicomté hors les murs de Paris à chargé ses députés aux Etats généraux de déposer aux pieds de Sa Majesté. Elles sont dictées par le zèle, l’amour de la patrie et l’attachement inviolable à la personne sacrée d’un roi juste et bienfaisant, qui n’a rien plus à cœur que de rendre ses sujets heureux. Puisse le Roi des rois accomplir les vœux de notre auguste monarque, donner à tous ceux qu’il rassemble autour de lui, pour prendre leurs conseils, l’esprit de sagesse et de concorde, ranimer parmi nous la foi de nos pères, y établir l’innocence des mœurs et rendre à la France sa gloire et sa félicité ! Et a, ledit clergé, donné à ses députés tous pouvoirs de proposer, arrêter et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume et le bien de tous et chacun des sujets de Sa Majesté, s’en rapportant à leur honneur et à leur conscience ; n’entendant limiter autrement leurs pouvoirs, et promettant que lesdits pouvoirs seront expressément énoncés dans le procès-verbal de la nomination des députés. Fait et arrêté en l’assemblée générale du clergé de la prévôté et vicomté de Paris hors les murs, le 6 mai 1789. Signé f Ant. E. L., archevêque de Paris; S. -G. Gandolphe, docteur de la maison et société de Sorbonne, curé de Sèvres, secrétaire ; D. Germ. Poirier, député de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, de l’académie des inscriptions et belles lettres, secrétaire ; Royon, chapelain de l’ordre de Saint-Lazare et professeur de philosophie au collège de Louis-le-Grand, secrétaire. CAHIER De la noblesse , de la prévôté et vicomté de Paris hors des murs , contenant les pouvoirs qu'elle confie à ses députés aux Etats généraux (i). L’ordre de la noblesse de la prévôté et vicomté de Paris hors des murs, dépose au pied du trône (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. l’hommage de sa respectueuse reconnaissance et de son inviolable fidélité. Il était digne du Roi de rassembler autour de lui la nation, si longtemps négligée. Le devoir de la noblesse est de chercher avec les autres ordres les moyens d’affermir sur des bases à jamais inébranlables l’autorité royale, la liberté publique et le crédit national. Elle distinguera dans ses pouvoirs la constitution, d’administration, et ses demandes particulières. Après la vérification des pouvoirs, l’assemblée des Etats généraux une fois formée, les députés de la noblesse ne pourront, sous aucun prétexte, délibérer sur les subsides ni sur d’autres objets, sans qu’on ait assuré par une loi précise et promulguée : La liberté individuelle des citoyens , La sûreté des propriétés, La liberté de la presse, Le secret des lettres ; Le retour périodique des Etats généraux, à des époques rapprochées, dont il paraît à l’ordre de la noblesse que le plus long intervalle ne doit pas excéder trois ans. La nécessité du concours de la résolution des Etats généraux et de la volonté du Roi pour la formation des lois. Le droit des Etats généraux d’accorder seul les subsides, qui seront déterminés quant à la somme; ils seront aussi limités pour le temps, à l’exception néanmoins de ceux qui seront hypothéqués à la dette publique, sans que les autres puissent, en aucun cas, se prolonger au delà du terme fixé pour le retour des Etats. Le droit des Etats généraux de déférer seuls la régence, d’aviser aux moyens d’être convoqués pour cet objet dans le plus bref délai, et d’assurer provisoirement l’administration des affaires publiques jusqu’au moment de leur choix. Enfin la responsabilité de tous ministres, ordonnateurs, officiers publics et autres qui porteraient atteinte à ces principes fondamentaux de toute bonne constitution, à ces droits essentiels de toute nation libre. Ces bases une fois assurées, ces lois une fois promulguées dans les formes que les Etats du royaume auront prescrites, les députés de la noblesse déclareront que l’ordre entier regarde comme nuis les impôts établis sans le consentement des. Etats généraux ; mais ils proposeront d’en accorder la continuation provisoire pour un an, après quoi ils s’occuperont des objets suivants : 1 . Le respect dû à la majesté royale paraît exiger que les lois prennent naissance dans les Etats généraux, pour être agréées ou refusées par le Roi, sans qu’il soit nécessaire en aucun cas que Sa Majesté explique les motifs de son refus ; et c’est le vœu defordre delà noblesse. 2. Les députés s’attacheront à l’ancienne forme de l’opinion, par ordres indépendants les uns des autres, que la noblesse regardera toujours comme la sauvegarde constitutionnelle de la liberté des Etats généraux. 3. Les députés s’occuperont des moyens de régler la convocation, la composition et l’organisation des Etats généraux, par des lois constitutionnelles, qui préviennent les troublesj et fondent à jamais la force et la prospérité publiques sur l’union des citoyens et l’harmonie ae tous les ordres. 4. La noblesse demande que les députations soient réglées en raison composée de la richesse 236 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs. et de la population;- que toutes les élections soient renouvelées à chaque tenue d’Etats, et qu’il ne puisse être formé sous aucun prétexte, ni sous aucune dénomination, ni par le moyen d’aucun corps ou d’aucune assemblée, une commission intermédiaire. 5. La noblesse pense que les domaines corporels doivent être déclarés aliénables, suivant les formes qui seront prescrites par les Etats généraux, à l’exception des forêts. 6. La question des apanages et des dotations sera soumise aux Etats généraux. Les députés de la noblesse proposeront d’y prendre pour l’avenir, les moyens d’accorder la dignité des fils de France avec les intérêts de l’Etat. 7. Ils s’occuperont également des domaines engagés. Mais ils prendront les mesures nécessaires pour concilier à cet égard les principes de l’équité et les droits de la couronne. 8. La noblesse demande que l’inamovibilité des juges soit confirmée par une loi constitutionnelle, et qu’il soit établi par la même loi que le cours de la justice ne puisse être suspendu en aucun cas, ni par l’autorité du gouvernement à peine de responsabilité, ni par la délibération des tribunaux à peine de forfaiture. 9. Le vœu de la noblesse est qu’il soit pris aux Etats généraux des précautions légales, pour préserver des entreprises du pouvoir arbitraire l’non-neur et l’état des officiers militaires, et pour concilier à l’égard de l’armée les devoirs de citoyen et de soldat. 10. Le vœu de la noblesse est également qu’il soit formé dans chaque province une assemblée d’administration, composée d’un certain nombre de citoyens des trois ordres librement élus, et comptables aux Etats généraux, qui prescriront l’organisation, les fonctions et les pouvoirs de ces assemblées. 1 1 . Les députés s’occuperont de la dette publique pour la vérifier et la consolider, du déficit pour le constater, remonter à sa source, en rechercher les auteurs , enjoindre à tout administrateur d’en venir rendre compte aux Etats généraux. Ils s’occuperont de chaque département, pour en fixer les fonds avec une exactitude scrupuleuse, des pensions, dons et gratifications annuelles, pour demander que l’état actuel en soit mis sous les yeux des Etats généraux; qu’il soit à l’avenir imprimé et publié tous les ans, et que la somme annuelle, applicable à cet objet, soit déterminée : ils demanderont en même temps que l’état des traitements de toute espèce, affectés aux charges de la cour, soit publié comme celui des pensions. 12. La noblesse demande que les vices de la perception soient corrigés ; les abus de la comptabilité réformés ; les impôts les plus onéreux modifiés, en attendant qu’on puisse les remplacer ; les impôts distinctifs, convertis en subsides communs également répartis. Que les refontes arbitraires des monnaies soient prévenues; qu’il soit pourvu au remboursement prompt et fidèle en argent des charges civiles et militaires, supprimées ou réformées; etqu’enfinl’on s’occupe des moyens d’assurer la subsistance des pauvres, d’opérer la destruction des loteries et de la mendicité, et de faire supporter les contributions publiques aux rentiers, négociants et capitalistes. 13. Les députés de la noblesse insisteront aux Etats généraux : Sur le maintien du respect dû à la religion ; Sur le rétablissement de la discipline ecclésiastique; Sur la résidence des évêques ; Sur l’abus de la pluralité des bénéfices, Et sur l’observation exacte des lois à cet égard; Sur la nécessité d’ordonner par une loi que les baux des bénéficiers faits sans fraude seront maintenus par leurs successeurs ; Sur l’examen des annates et du droit de dispense en cour de Rome ; Sur les moyens d’améliorer le sort des curés ; Sur l’état des non catholiques, pour l’assurer d’une manière uniforme dans tout le royaume; Sur la nécessité d’établir en principe constitutionnel que le clergé ne pourra consentir les subsides qu’en Etats généraux, et qu’il sera sujet au mode commun de répartition ; Enfin sur les dettes du clergé, à l’égard desquelles il sera statué, en distinguant leurorigine et leur nature. 14. Les députés réclameront avec instance la modification des lois pénales, la nécessité de rassurer l’innocence par l’instruction, et d’accorder dès à présent un conseil aux accusés; la réformation des lois fiscales ; la proscription absolue des commissions en matière criminelle ; la limitation des commissions en matière civile, à celles qui demandent toutes les parties intéressées; ils demanderont également des procédures plus simples, uneadministration de la justice plus prompte plus sûre et moins dispendieuse. Ils exprimeront le vœu de la noblesse, pour que nul ne soit admis dans les cours souveraines qu’il n’ait suivi le barreau pendant un temps déterminé, ou passé le même temps dans un tribunal inférieur; enfin, la noblesse insiste pour que tous les citoyens, privés arbitrairement de leur emploi, et notamment M. le comte de Moreton de Chabrillant, soient admis à demander des juges compétents. 15. La noblesse demande que les fondations royales faites en faveur de l’ordre soient maintenues; que la question des anoblissements par charge soit rigoureusement discutée aux Etats généraux; qu’il soit créé un tribunal pour juger les preuves de noblesse; que les décorations militaires soient exclusivement réservées aux militaires; que le pouvoir très-précieux des maréchaux de France soit circonscrit dans ses limites naturelles ; qu’il soit fait une loi pour déterminer les espèces ae professions et de commerce qui n’emporteront pas la dérogeance, et que le droit de franc-fief soit supprimé. Au surplus, la noblesse déclare qu’en renonçant volontairement à ses privilèges, elle n’entend compromettre par cet engagement ni ses autres propriétés, ni ses droits honorifiques. Elle charge expressément ses députés de renouveler aux Etats généraux la présente déclaration. 16 L’établissement des capitaineries est une atteinte aux propriétés, une source de vexations contre lesquelles il est impossible à la noblesse de ne pas réclamer. Elle charge ses députés de traiter aux Etats généraux les moyens d’effectuer l’abolition des capitaineries, et ue la conciiler avec le respect dû à la personne du Roi. 17. Ils insisteront sur la nécessité de détruire les bêtes fauves, et d’ordonner que les indemnités qui pourraient être dues à raison des dégâts qu’elles occasionnent, ou toute autre espèce de gibier, seront supportées par les propriétaires des chasses. 18. Ils s’occuperont également des moyens d’affecter aux dépenses publiques dans chaque province les fonds provenant de ses subsides. 19. Ils discuteront les abus de l’administration des eaux et forêts. 237 [Étals gén. 1789. Cahiers.] . ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] 20. Les vexations commises par ceux qui sont connus sous le nom de thierachiens, et leurs droits prétendus formeront un des objets de la réclamation des députés. 21 . Ils demanderont l’augmentation des maréchaussées. 22. Ils examineront s’il est possible d’établir, dans les marchés de la prévôté et vicomté, l’uniformité de poids et mesures. 23. Ils insisteront pour que les municipalités soient électives, et pour que les principes de l’édit de 1764, sur cette matière, soient établis et maintenus. 24. Ils proposeront incessamment aux Etats généraux de prendre des mesures pour que les colonies y soient représentées à la session qui va s’ouvrir. 25. Il traiteront des droits domaniaux et des droits de contrôle, pour qu’ils soient déterminés et perçus d’une manière invariable. 26. Ils rechercheront les abus qui résultent des arrêts de surséance, des sauf-conduits, des évocations et des droits de committimus et garde gardienne. 27. Leur attention se portera sur le commerce, les arts, les manufactures, et principalement sur l’agriculture, pour en favoriser l’accroissement; et sur les canaux navigables, pour en procurer la multiplication ; mais ils demanderont la suppression absolue du projet actuel de l’Yvette. 28. Us proposeront de fixer les principes sur le commerce des grains, et de restreindre les privilèges exclusifs aux inventeurs et pour un temps. 29. Ils emploieront avec persévérance tout leur zèle, pour que les prisons d’Etat et autres maisons de force soient visitées sans délai, à Paris et dans chaque province, par des commissaires nommés à cet effet, pour que les prisonniers qui demanderont leur liberté ou leur jugement soient délivrés ou jugés, et pour que la servitude personnelle soit abolie dans tout le royaume. 30. Enfin, les députés de la noblesse demanderont que l’éducation publique soit rendue nationale. Tels sont les pouvoirs que la noblesse de la prévôté et vicomté de Paris, hors les murs, confie à ses députés. 'Ils en suivront l’esprit dans les cas non prévus elle attend; de leur sagesse et de leur fermeté, l’accomplissement des espérances publiques; ils sauront justifier l’estime de la noblesse, et en maintenant les droits de la nation et les principes de leur ordre, ils prouveront à l’univers que la liberté est, tôt ou tard, le fruit de la modération et du courage. Commissaires . Signé le marquis de Boulainvillers, président de la noblesse; le comte de Clermont-Tonnerre; Montholon, procureur général; le président de Saint-Fargeau ; Despremesnil ; le marquis de Crillon ; le bailli de Crussol ; de Blaire ; Le P. P. Hocquard ; d’Aguesseau ; le vicomte de Noailles; le P. Gilbert; le duc d’Aiguillon; le çdîïrte-de Nicolaï ; Boucher d’Argis; le marquis de Goui d’Arsy ; le comte de Walshserrant ; le duc d’Uzès ; le duc de Gastries ; le président d’Ormesson, secrétaire de la noblesse. CAHIER Des demandes et instructions du tiers-état de la prévôté et vicomté de Paris hors les murs (1). Une glorieuse révolution se prépare. La plus puissante nation de l’Europe va se donner à elle-même une constitution politique, c’est-à-dire une existence inébranlable, dans laquelle les abus de l’autorité soient impossibles. Ce grand ouvrage ne sera pas difficile, si les volontés sont unies et les délibérations libres. Pour que la liberté et l’union président à l’assemblée nationale, il faut que leur règne commence dans les assemblées élémentaires. Nous protestons en conséquence, tant en notre nom qu’au nom de toute la nation, contre la forme dans laquelle ont été tenues les assemblées d’élection ; En ce qu’aprês avoir été convoquées et formées, .elles ont encore été présidées par des officiers publics, lorsque la liberté exigeait qu’elles choisissent elles-mêmes leurs présidents, aussitôt après leur formation ; En ce qu’elles ont été soumises aux décisions provisoires des baillis, quoique la liberté exigeât que la police y fût exercée par des présidents de leur choix, et que les questions y fussent résolues à la pluralité des voix; En ce que les assemblées ont été obligées de se réduire, quoique la liberté exigeât que les citoyens y fussent représentés par tous les députés qii’ils avaient choisis ; En ce que la représentation nationale a été formée d’une manière illégale, le clergé et les nobles ayant nommé immédiatement leurs représentants, tandis que ceux du tiers-état ont été nommés, pour les communautés comprises dans les petits bailliages, par l’intermède d’une assemblée d’électeurs; pour les communautés des grands bailliages, par le double intermède d’une première assemblée d’électeurs, et d’une seconde assemblée réduite ; pour les villes, par le triple intermède de députés choisis par corporations, ensuite d’une partie de ces députés choisis aux hôtels de ville, enfin d’une moindre partie de ces députés réduits encore au bailliage ; En ce que les députés des grandes villes, telles que Lyon et Bordeaux, ont été dispensés par des ordres particuliers de subir la dernière réduction dans l’assemblée des bailliages, tandis que les députés des petites villes et ceux des campagnes y ont été assujettis; En ce que les ecclésiastiques et les nobles ont joui du privilège de se faire représenter dans plusieurs bailliages, tandis que les membres du tiers-état n’ont pu exercer qu’un droit de représentation, et qu’en effet un seul homme ne peut jamais être compté pour deux; En ce que l’usage des procurations engendre un second abus, celui de donner à ceux qui en sont porteurs l’influence de plusieurs voix; Enfin, en ce qu’on a méconnu partout le principe fondamental, que la puissance exécutive, après sa formation complétée par le serment, ne doit jamais exercer par elle-même ni par ses officiers, dans les assemblées élisantes, un pouvoir dont les actes blessent toujours la liberté, et ont souvent sur les élections une influence d’autant plus dangereuse qu’elle peut n’être pas manifeste; Et néanmoins, attendu l’urgence des conjec-(1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit de# Archives de l'Empire.