636 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 septembre 1790.] viennent plutôt des religieux qui ont abandonné leurs monastères que de ceux qui sont restés fidèles à leurs vœux: il serait injuste de les punir tous. Ce qui est certain c’est qu’un grand nombre de maisons religieuses sont dans la misère. Je suis spécialement chargé par Mme l’abbesse de Confians de vous rendre compte de la situation de cette abbaye: tous ses biens ont été saisis, comme partout. Le collecteur est venu demander les impôts; l’abbesse a répondu que les revenus étaient arrêtés, qu’il fallait s’adresseraux officiers municipaux; et comme le collecteur a menacé d’envoyer garnison dans l’abbaye, elle s’est dessaisie d’une somme de 200 livres, sa dernière ressource. Je demande si l’on peut laisser de malheureuses filles dans une semblable détresse? Quand nous avons jugé à propos de mettre les biens ecclésiastiques à la disposition de la nation, nous nous sommes engagés à nourrir ceux qui en vivaient: les revenus échus au mois de juin ont été arrêtés ; ils devaient assurer la subsistance des six derniers mois : il ne reste rien; mais observez une contradiction mauifeste : vous avez décrété que les religieux qui régissent leurs domaines prélèveraient sur leurs revenus le traitement qui sera accordé; pourquoi la même justice ne serait-elle pas rendue à ceux qui ont affermé leurs biens? Je demande qu’il soit ordonné aux fermiers de payer les pensions et de verser le surplus dans la caisse des districts. Cette demande me paraît porter le caractère de la justice et de la modération. Non seulement les municipalités retiennent nos revenus, mais encore elles nous forcent à payer les portions congrues et les impositions. Comment payer, puisque nous ne recevons rien? M. l’évêque de Condom me charge de vous annoncer qu’il éprouve des contraintes pour les charges de son diocèse. M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély). Il y a un compte à faire pour cette année entre ceux qui ont administré leurs biens ou qui ont dilapidé une partie du mobilier. Il est donc naturel d’adopter la proposition de M. Camus : des secours seront donnés quand ils seront jugés nécessaires. Voilà ce que propose encore le comité dans les derniers articles du titre 1er. Voilà ce que l’Assemblée accordera sans difficulté et ce qu’on pourrait demander, sans se permettre des déclamations inutiles. M. Boutte ville-Dumetz . Je demande qu’on mette aux voix la motion de M. Camus ; c’est la seuie que l’Assemblée puisse adopter en ce moment. (Après quelques discussions, la question préalable, demandée sur cette proposition, est rejetée, et la motion de M. Camus obtient la priorité.) M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély). S’il est juste d’accorder aux religieux rentés des pensions pour les biens qu’ils ont abandonnés, en remontant jusqu’au tor janvier dernier, est-il juste de grever la nation depuis notre époque du traitement des religieux non rentés? Ils ont vécu jusqu’à ce moment , ils vivront encore des secours de la bienfaisance , iis en ont regu des administrations. Vous ne pouvez dire que vous compterez de clerc à maître avec eux, �’ils n’ont aucun compte à taire avec vous. lande qu’on renvoie aux articles 34 et 36 à s’occuper de ce qui concerne les religieux non rentes. M. Canins adopte cet amendement et rédige l’article 1er, qui est adopté à une grande majorité, en ces termes : « Art. 1er. Le traitement fixé pour les religieux par le décret du 13 février dernier, commencera à être payé au 1er janvier 1791, pour l’année 1790. « A cette époque, il sera fait compte avec les religieux qui se présenteront pour recevoir leur traitement, de tout ce qu’ils auront touché à compter du 1er janvier 1790, et il ne leur sera remis que la somme qui se trouvera nécessaire pour compléter leur traitement, en faisant d’ailleurs par lesdits religieux, les déclarations qui seront prescrites ci-après; à l’égard des religieux vivant habituellement et actuellement de quêtes et aumônes, et qui sont demeurés dans leurs couvents, il y sera pourvu ci-après. » Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une lettre adressée à M. le président par M. l’abbé Perrotin de Barmond. Elle est ainsi conçue : « J’ai l’honneur de vous adresser quelques observations sur mon affaire. Je vous prie de les mettre sous les yeux de l’Assemblée ; elles sont courtes, dignes, je crois, de sou attention, peut-être même de son intérêt. Depuis six semaines je suis détenu, environné de troupes, surveillé le jour et la nuit ; depuis quinze jours, un décret a été rendu contre moi ; ce décret ne m’accuse pas, C’est plutôt une épreuve à laquelle l’Assemblée a voulu soumettre la conduite d’un de ses membres, en permettant à chacun de l’accuser : le silence le plus profond a été de ma part une preuve de mon respect pour ses décrets. J’ai attendu mes accusateurs, il ne s’en est présenté aucun; j’ai défié mes ennemis, ils ont évité le combat; la calomnie a cherché à m’atteindre de ses traits les plus venimeux; j’ai méprisé ses efforts. La patience est le courage de la vertu : cependant je ne peux pas tellement isoler mon affaire, que le principe de ma détention n’intéresse la liberté de tous les Français. S’il était vrai qu’une arrestation provisoire ne dût avoir d’autre terme que la plainte d’un accusateur, quelle serait la ressource de l’innocence? Je supplie l’Assemblée de peser, dans sa sagesse, quels moyens je puis avoir de recouvrer ma liberté, lorsque je n’ai ni adversaire ni accusateur. Ma position est telle que, détenudepuis six semaines, j’ai encore à regretter de n’avoir pas eu un ennemi assez généreux pour faire un pas de plus contre moi, en m’accusant légalement ; je pourrais alors entrevoir le moment de ma délivrance, puisque je pourrais me justifier. C’est cette position que je dénonce à l’Assemblée, c’est sur elle qu’elle doit prononcer. » M. E