SÉANCE DU 7 FRIMAIRE AN III (27 NOVEMBRE 1794) - N° 47 271 - 1 500 liv. de salaire pour entretenir les horloges ; c’est-à-dire les nettoyer, les régler, les disposer, les tenir en état de prendre la mer. Ces 3 000 livres, qui forment en effet le traitement de Berthoud, ne sont pas entièrement à lui, car il faut qu’il fournisse les matières et paye quelquefois les ouvriers. - 1 500 liv. en sus pour le logement des pendules et l’atelier de travail. Ce ne peut être regardé que comme un remboursement de dépenses indispensables. 7 500 liv. Il s’agit de déterminer maintenant, citoyens, si ce traitement n’étoit point le prix des fonctions actives et permanentes exigées par la loi du 16 octobre 1791, ou si cette loi prescrivoit réellement au ministre Bertrand, chargé de la faire exécuter, l’autorisoit même à ordonner la suppression d’un traitement, utilement employé, d’une pension acquise à si juste titre. Il nous suffiroit, pour vous prouver la négative, de vous faire observer que cette application rigoureuse d’une loi sage en elle-même, fut l’ouvrage d’un ministre du despotisme, qui, ne pouvant en éluder l’effet en faveur des parasites nombreux, des aristocrates prononcés qui absorboient à cette époque les fonds attachés aux dépenses des départe-mens ministériels, chercha du moins à s’en venger, en l’étendant aux hommes utiles, aux hommes de génie. Cette extension perfide ne fait qu’ajouter une nouvelle page à l’histoire de ce fameux système de destruction et de découragement dans les arts, dont la cour avoit la première conçu l’idée, et qui a été saisi depuis, et perfectionné même par les nombreux agens de l’Angleterre, par les conspirateurs de toutes les sectes, par les factieux de toutes les couleurs ; système atroce, qui tendoit à faire d’une révolution qui elle-même est le triomphe de toutes les lumières, l’époque d’une nouveau siècle d’ignorance, d’anarchie, d’avilissement et de servitude. Revenons à Berthoud. Le rapport sur la légitimité de ses réclamations n’ayant pu être fait à l’Assemblée Législative par Forfait, qui en étoit chargé, le comité de Marine en ordonna du moins l’impression. Le jugement de cette affaire passa à la Convention nationale. Notre collègue Jean-Bon-Saint-André, membre de votre comité de Marine, vous fit un rapport qui fut imprimé vers la fin de 1792 ; vous en ordonnâtes l’ajournement ; et depuis, des affaires multipliées étant survenues, l’intérêt général a étouffé jusqu’à ce moment-ci toutes les réclamations de l’intérêt particulier. Nous ne changeons rien aux principes qui ont dirigé votre comité dans son précédent rapport : la justice, qui en fait la base, ne doit rien souffrir des délais, encore moins varier avec les circonstances. Je ne ferai donc que transcrire les conclusions du rapporteur Jean-Bon-Saint-André. Votre comité pense que la loi du 16 octobre 1791 ne doit point être appliquée à Ferdinand Berthoud, d’abord parce que le traitement fait à ce citoyen est le prix d’un travail soutenu, d’une avance de fonds qu’il a faite à l’utilité publique, et du sacrifice d’une grande fortune qu’il auroit sûrement acquise, si, moins avide de gloire, il s’étoit borné à des travaux plus communs et plus lucratifs ; en second lieu, parce que Ferdinand Berthoud est de fait attaché à la Marine, puisque, comme je l’ai déjà remarqué, une partie de ses appointemens se compose de ceux qu’il a obtenus comme horloger mécanicien, d’un salaire pour l’entretien des horloges, et du logement des pendules et de l’atelier de travail. Ces appointemens, comme on voit, ne sont pas ceux qu’on accorde à des hommes sans fonctions actives et permanentes, les seuls que la salutaire rigueur de la loi pût atteindre ; les fonctions dont il sont le prix exigent au contraire une permanence et une activité peu communes ; ajoutez qu’il n’est point d’artiste qui pût s’en acquitter plus habilement que celui à qui l’invention est due. En troisième lieu enfin, nous pensons que la loi n’a point à s’appliquer à Ferdinand Berthoud, parce que la République française ne doit pas être moins généreuse que le despotisme envers ces hommes distingués, faits pour honorer leurs pays et rehausser, par la gloire des arts, le prix de la liberté. Nous ajouterons à toutes ces considérations qui vous prescrivent impérieusement une mesure grande et digne de la loyauté nationale, que Ferdinand Berthoud, quoique âgé de 68 ans, dont quarante passés à la recherche et à la confection des horloges et des montres marines, s’offre à former lui-même, et gratuitement, tout artiste qui, étant citoyen français, aura les dispositions nécessaires et voudra recevoir ses conseils ; il joint à cette offre, que vous vous empresserez sans doute d’accueillir comme elle le mérite, l’hommage à la Convention des nombreux ouvrages qu’il a composés pour perpétuer la découverte : il vous prie d’ordonner le dépôt de l’exemplaire que voici, à la Bibliothèque nationale. Le comité vous propose, par mon organe, le décret suivant : La Convention nationale considérant que la loi du 16 octobre 1791, qui supprime toutes les places de personnes attachées près du ministre de la Marine à Paris, et n’ayant point de fonctions actives et permanentes, n’a pu s’appliquer à un artiste distingué, dont les fonctions joignent à une activité et une permanence reconnues un genre d’utilité peu commun, après avoir entendu le rapport de ses comités de Marine et colonies et des Finances décrète ce qui suit : Art. Premier. - Ferdinand Berthoud, horloger mécanicien de la marine, continuera d’être employé au service de la marine ; son traitement reste fixé à 6 000 liv. y compris les frais de logement de pendules et de l’atelier du travail. Les arrérages qui lui sont dus lui seront payés sur ce pied, sur les fonds du département de la marine. Art. IL - La pension de 3 000 liv., dont 1 000 liv. réversibles sur la tête de son épouse, accordée à Berthoud, en exécution d’un traité passé entre l’ancien gouvernement et cet artiste, est confirmée; néanmoins Berthoud ne pourra 272 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE jouir cumulativement de sa pension et de son traitement. À son décès, son épouse jouira de la pension de 1 000 liv. réversible sur sa tête. Art. III. - La Convention nationale décrète la mention honorable de l’hommage fait par Ferdinand Berthoud, d’un exemplaire de ses ouvrages, et en ordonne le dépôt à la Bibliothèque nationale. 48 Un membre, au nom du comité des Secours publics, présente, et l’Assemblée adopte les trois décrets suivants : a La Convention nationale, après avoir entendu son comité des Secours publics, décrète que la citoyenne veuve Guillemet et ses trois enfans, dont le mari a péri à l’incendie de la ci-devant Abbaye Germain en voulant sauver le salpêtre des flammes, participeront aux secours accordés par le décret du 14 fructidor, aux veuves et enfans des citoyens qui ont péri à l’explosion de la poudrerie de Grenelle. Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (110). b La Convention nationale, après avoir entendu son comité des Secours publics, décrète que, sur le vu du présent décret, la Trésorerie nationale paiera au citoyen Antoine Brulon, volontaire au premier bataillon de l’Ailier, la somme de 200 liv., à titre de secours provisoire, imputable sur la pension à laquelle il a droit, à raison des blessures qu’il a reçues en combattant les ennemis de la République (111). c La Convention nationale, après avoir entendu son comité des Secours publics, décrète que la Trésorerie nationale payera à chacune des citoyennes veuve Gavet et veuve Maréchal, de Calais [Pas-de-Calais], la somme de 300 liv., à titre de secours, en considération du dévouement de leurs fils, morts le 21 octobre 1791, en voulant sauver un vaisseau près d’être submergé (112). La séance est levée à quatre heures (113). Signé , CLAUZEL, président , J. S. ROVÈRE, MERLINO, DUVAL (de l’Aube), THIRION, BOUDIN, secrétaires. En vertu de la loi du 3 fructidor, l’an troisième de la République française une et indivisible. Signé, SOULIGNAC, DÉRAZEY, secrétaires (114). (111) P.-V, L, 150. (112) P.-V., L, 150. (113) P.-V., L, 150. Moniteur, XXII, 619 indique trois heu-(110) P.-V., L, 150. Bull., 7 frim. (suppl.). (114) P.-V., L, 150.