[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 août 1790.] Ig* religieux qu’ils opposent aux efforts criminels u’on fait et qu’on renouvelle sans cesse, tant à trasbourg qu’ailleurs, pour briser les liens précieux de concorde et de fraternité dont ils sont bien résolus de ne jamais s’écarter. Votre décret du 13 avril, Messieurs, qui est l’expression d’un sentiment généreux et d’une vaste pensée, est inconciliable avec le repos de la province d’Alsace : là, trois cultes différents sont dans une telle proportion, qu’ils formeront certainement autant de partis qui déchireront la province, s’ils concourent, s’ils rivalisent sans modification pour des emplois publics : ce ne fut que pour éviter ce redoutable et dangereux conflit, que le partage fut imaginé comme un remède aux maux passés, et comme un préservatif contre les malheurs à venir : l’expérience fit échouer tous les systèmes et les traités cimentèrent cet arrangement. Je vous ai parlé. Messieurs, de trois cultes établis dans la province d’Alsace : j’entends celui des catholiques, celui des luthériens et celui des calvinistes, qui est une branche dissidente du dernier. Messieurs les luthériens consentent dans leur position actuelle à partager leurs droits de parité et d’alternative avec leurs concitoyens calvinistes : cet acte d’équité et de désintéresse-m< nt de leur part ajoute un nouveau titre à celui qu’ils invoquent: c’est un véritable hommage que le patriotisme offre à votre sagesse, puisqu’il est sans doute le fruit des principes et des décrets rendus sur cet objet important. Considérez donc. Messieurs, les conséquences qui dérivent de l’accord ou du refus que vous ferez de cette parité proportionnelle, ainsi que de l’alternative sollicitée par les protestants des villes mixtes. D’un côté, vous prévenez tous les inconvénients des brigues et des haines fomentées toujours d’une manière plus terrible; avouons-le, quand la différence des opinions religieuses les fait naître ; vous anéantissez jusqu’aux prétextes dont savent si bien se servir les esprits mal intentionnés dans tous les cultes; d’un autre côté, refusez-vous à la sagesse de ce règlement, et vous donnez carrière aux cabales les plus multipliées, aux intentions les plus hostiles : je dis plus, et l’expérience vient encore ici à l’appui de mes craintes, vous frayez la voie aux émigrations les plus désavantageuses à l’Etat et à la province : dans les lieux respectifs où la population d’un tel culte prédomine, ceux de la minorité, sans espoir apparent d’occuper des places dont la majorité ne cessera de les exclure, iront porter l’industrie et la population chez l’étranger, vous ajouterez aux richesses et aux moyens de nos voisins, et vous diminuerez ceux de la patrie, pourquc ne le dirais-je pas? vous perdez des amis et vous vous créez nécessairement à la longue des ennemis ; car on ne peut aimer le climat et la terre dont les lois administratives n’ont pu s’allier avec le bonheur de ceux qui l’habitent (1). Je finis par une réflexion que je soumets autant à votre sagacité que votre probité. Si lors-(1) S’il fallait, par des exemples, prouver combien cette parité demandée est utile à l'entretien de la paix, je citerais que, dans les assemblées primaires qui viennent d’avoir lieu dans toutes les parties de la province, nul trouble, nulle division n’ont agité les esprits dans les cantons et districts où, d’un commun accord, il a été réglé que les élections seraient reparties entre les deux cultes, selon la proportion locale, ün ne peut en dire autant des assemblées où cet accord n’a pas précédé les élections. que l’Alsace se réunit à la France, les piHotes-tants n’avaient pas été confirmés dans leurs droits religieux et civils, ils étaient trop attachés à leur culte, ils étaient trop puissants aussi pour que leur résistance n’eût point retardé, morcelé, ou empêché même cette réunion. Ils ont donc nécessairement et essentiellement concouru à l’incorporation par leur consentement donné eu échange de cette conservation qui a été un véritable pacte avec eux : la même hypothèse s’applique visiblement et absolument aux catholiques; si le Corps législatif, dans un moment de restauration, pouvait contempler froidement les craintes et les doléances de nos frères delà confession d’Augsbourg, ne serait-ce point faire naître la désastreuse idée que le pacte peut être violé des deux côtés? Eh! quel bon citoyen, quel sage législateur ne cherchera point à prévenir des réflexions qui doivent naître plus facilement dans un temps où tout ce qui est arrivé et où tout ce qui se passe, prouve si énergiquement que l'injustice à la fin produit l'indépendance. Je propose donc que l’Assemblée nationale décrète : 1° Que les protestants de la confession d’Augsbourg continueront de jouir en Alsace d’une entière liberté de culte public, avec églises, consistoires, écoles, collèges, universités, fondations, fabriques, payement des ministres, des maîtres d’école, etc., conformément au traité de West-phalie, et à tous ceux qui ont fixé ou réglé le droit public de cette province, et nommément en conformité de l’année normale 1624, et que toutes atteintes portées à la teneur de ces traités seront envisagées comme nulles et non-avenues. 2° Que la loi de l’alternative et de la parité aura lieu daDS les élections pour les places d’administration et de judicature dans la proportion analogue à la population des districts, et de la manière dont il sera convenu et réglé daus les assemblées de département. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 17 AOUT 1790. Lettre pastorale de Monseigneur l'évêque de Toulon aux fidèles de son diocèse (1). «Accablé, nos très chers frères, depuis plusd’un an sous le poids de nos peines, nous nous sommes imposé le plus rigoureux silence, tant qu’elles ne nous ont été que personnelles. Nous avons gémi, sans nous eu plaindre, de vos injustices et de vos outrages à notre égard. L’éluignement même auquel vous nous avez forcé pour notre sûreté et pour vous éviter de nouveaux torts, quelque douloureux qu’il fût pour nous, n’a pu nous déterminer à vous en faire des reproches. Humilié sous la main de Dieu, qui nous châtie de nos fautes, nous l’avons adoré, et nous avons conjuré le père de miséricorde de ne faire tomber ses coups que sur nous, et d’épargner le peuple qu’il avait confié à nos soins; car vos (1) L© Moniteur se borne, dans la séance du 17 ftQÛt au soir, à une simple mention de ce document. 132 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. injustices envers nous ne nous feront rien perdre, et ne feront qu’augmenter, s’il est possible, notre sollicitude, notre ardent amour et notre inépuisable charité pour vous. Si quelquefois, du lieu de notre exil, nous vous avons fait entendre notre voix, ce n’a été, vous nous rendrez du moins cette justice, pour nous plaindre de vous; mais uniquement occupé de vos besoins spirituels, nous vous avons distribué le pain de la parole de vie, nous vous avons exhorté à la paix , et nous vous avons engagé à recourir à la pénitence pour fléchir la colère de Dieu, qui semblait nous menacer tous, en implorant sa miséricorde. Ce Dieu hon et juste ne s’est point laissé toucher par nos vœux et par nos prières. Des maux mille fois plus grands que ceux que nous voulions détourner de dessus vos têtes, semblent vous menacer encore, et forcent notre ministère à vous les dénoncer et à vous prémunir contre les pièges que l’on vous tend, et que vous ne reconnaîtriez peut-être pas, lorsque vous y seriez tombés. « Ces maux, nos très chers frères, dont nous voulons vous parler, ces maux, dont la vue seule nous remplit d’effroi, sans pourtant abattre notre courage et ralentir notre zèle, ces maux, dis-je, sont la perte de la foi, perte dont Dieu, dans ses saintes Écritures, menace les peuples qui longtemps sourds à sa voix, et tranquilles dans leur endurcissement , finissent par lasser sa patience, comme du plus terrible des châtiments. Hâtons-nous donc de le détourner de nous, il en est temps encore. Nos crimes ont armé sa justice, mais notre Dieu est un Dieu de bonté et de miséricorde ; nos larmes et notre repentir peuvent le désarmer. L'exemple desNinives doit vous encourager et vous inspirer de la confiance, mais comme eux, rendez-vous à la voix de vos prophètes, couvrez-vous de cendre et de poussière . L’accomplissement des menaces faites contre eux avait un terme marqué, et peut-être ne vous reste-t-il qu’un moment pour le repentir et pour prévenir votre ruine. « Une philosophie orgueilleuse, dontlebut unique semble être celui de tout détruire, pour avoir le plaisir insensé de dominer sur des ruines, et établir ensuite le règne des passions, qui ne peut présenter partout que des abîmes, ne médite rien moins que la conquête de l’univers, et se flatte déjà de l’entraîner tout entier dans un océan de ténèbres. Mon Dieu 1 ô vous 1 qui avez promis à votre église t’indéfi ctibiiité et la perpétuité, vous arrêterez sans doute ses funestes progrès, et nous serions criminels d’en douter; mais vous n’avez promis la perpétuiié de la foi à aucune contrée particulière ;th! que n’avons-nous point à craindre pour notre malheureuse patrie assez aveugle pour se glorifier de lui avoir donné naissance, ou au moins de lui avoir servi d’asile ! Jetez, nos très chers frères, vos regards autour de vous, considérez froidement, s’il est possible, les maux qui vous affligent et ceux qui vous menacent encore; faites taire le cri de vos passions et vous reconnaîtrez facilement le présent funeste que vous ont fait nos philosophes modernes en vous prêchant une doctrine impie, ennemie de Dieu et des hommes. Non contents de détruire tous les principes religieux, ils ont entrepris d’anéantir tous ceux de l’ordre social, qui ne peuvent avoir d’autre base, lis ont flatté votre amour désordonné pour l’indépendance, la liberté et l'égalité que Dieu a mis dans votre cœur en punition du premier père. Mais cette indépendance, nous ne réprouvons malheureusement que trop, n’est que [17 août 1790.) confusion; cette liberté n’est que licence et escla vage, et cette égalité n’est que folie et chimère. « Si Dieu a destiné l’homme à vivre en société, il a dû lui imposer la loi d’être soumis à une autorité quelconque qui eut la force de réprimer les passions particulières, et veiller par là au bonheur de tous. Cette puissance, de quelque manière qu’elle soit modifiée , vient de Dieu, omnes potestates quœ sunt , a Deo ordinatœ sunt, dit l’apôtre, toute puissance établie est établie de Dieu; tous les sophismes et les raisonnements humains ne prévaudront jamais contre les oracles de la sagesse éternelle. On ne peut la méconnaître, cette autorité, sans ébranler toute la société, sans i en saper tous les fondements, et on ne peut se révolter contre elle sans se révolter contre Dieu même qui l’a établie; hélas. 1 mes frères, la malheureuse expérience que vous faites de l’indépendance qu’on vous a prêchée, de la souveraineté que l’on vous a attribuée , et dont on vous a flattés, devraient bien opérer un retour salutaire sur vous-mêmes, et vous prosterner aux pieds du monarque vertueux et bien-i faisant qui nous gouverne, le conjurer de reprendre l’autorité dont vous n’avez jamais pu avoir le droit de le dépouiller. Il est bon, vous le savez, il vous pardonnera et vous gouvernera en père. Ses ancêtres règne it sur vous depuis huit cents ans ; leurs vertus n’ont cessé de rendre vos pères heureux, et de leur faire bénir leur empire dont l’éclat et la gloire se sont répandus jusqu’aux extrémités de la terre. « La liberté sans doute est un grand bien, et que l’homme apporte avec lui en naissant; mais pour être un bien, elle doit connaître dés bornes, et on ne doit pas la confondre avec la licence qui est le véritable caractère de celle que l’on vous prêche aujourd’hui et dont les effets sont si funestes. < Quelle liberté! nos très chers frères, que celle qui ne respecte rien, qui ne connaît aucune loi, gui s’empare des propriétés, qui pille, ravage, incendie; qui maltraite, emprisonne et massacre même avec des raffinements de cruauté inouïe chez les peuples les plus barbares, les citoyens vertueux qui veulent opposer une barrière à ces fureurs, et même ceux qui gémissent de tant de desordres, sont soupçonnés de ne pas applaudir aux monstrueuses opinions d’une multitude égarée et séduite. Vous n’aurez appris, sans doute, qu’en frémissant, à moins que l’habitude de voir couler le sang humain ne vous y ait rendus insensibles, les scènes d’horreur arrivées dans plusieurs villes du royaume, et dernièrement encore dans une ville voisine de vous, les citoyens s’y en tr’ égorgeant, etleur sang coulant dans les rues. Français, peuple généreux et humain! ces crimes ne sont pas dans votre cœur! vous êtes aveugles et servez d’instrument à ces apôtres de la doctrine abominable que nous vous dénonçons aujourd’hui. Bientôt, nous aimons à te croire, vos yeux s’ouvriront, vous apercevrez la lumière ; vous rougirez alors de votre égarement, vous en détesterez les effets, vous maudirez ces monstrueuses maximes qui vous auront fait répandre le sang de vos frères et de vos concitoyens, et qui ont mis la plus belle monarchie de l’univers à deux doigts de sa perte. Mais éclairés par une lumière plus pure, vous pardonnerez à ses auteurs, vous les plaindrez, et vous serez disposés à leur rendre le bien pour le mal qu’ils vous auront fait. «Nous ne vous avons mis sous les yeux qu’une petite partie des désordres qu’a déjà occasionnés 133 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 août 1790.} la prétendue liberté que vous vous glorifiez d'avoir reconquise. Nous en prévoyons de bien plus grands encore. Dieu veuille rendre nos craintes vaines! Nous voulons vous montrer à présent que cette égalité dont on vous flatte est une pure chimère. Ce désir d’égalité qui vous séduit, n’est produit que par l’orgueil qui ne combine point; et c’est ce principe vicieux qui a corrompu notre nature, en faisant tomber nos premiers parents, et qui a fait des anges de lumière, des anges de ténèbres. Craignons les mêmes maux dans l’ordre social où nous voulons l’introduire, et qui ne la comporte pas. Elle est contraire aux vues de Dieu, qui partout, dans les divines écritures, impose des devoirs aux rois, aux magistrats, aux sujets, aux pères, aux enfants, aux serviteurs, aux esclaves. Jésus-Chrit, dans son évangile, recommande la patience aux pauvres, la bienfaisance aux riches, le tribut et la soumission aux sujets, l’honneur et le respect à qui ils sont dus; il suppose donc partout des inégalités; elles entrent dans les vues de sa providence; et un chrétien ne peut les méconnaître, sans renoncer à sa loi, quiest pourtant faite pour tous les pays et pour tous les peuples; mais d’ailleurs cette égalité tant vantée est impossible, et n’a jamais existé, même parmi les peuples barbares et sans loi. La nature a distribué diversement les dons aux hommes. Elle a donné aux uns la force, aux autres l’agilité, à ceux-ci la grandeur des pensées, la pénétration ; à ceux-là, la souplesse et l’adresse dans l’esprit; à tous, un caractère modifié de mille manières. Toutes ces différences sont autant de principes d’inégalité parmi les hommes. L’homme de génie et éloquent s’emparera nécessairement de l’autorité parmi les peuples en société ; et l’homme fort et agile de corps dominera sur ses frères parmi les peuples sauvages. Dieu l’a permis ainsi, et il n’a établi ces différences, que pour nous faire connaître les vues de sa providence. L’égalité est donc une chimère, et le désir que l’on a su vous en inspirer ne peut enfanter que des désordres et des troubles. « Qu’est-donc que cette régénération heureuse qui vous a été solennellement promise? au lieu de bonheur dont vous deviez jouir, je ne vois partout que confusion, désordre et anarchie. Presque toutes les lois anciennes, et à l’ombre desquelles vous viviez tranquilles, sont détruites et ne sont remplacées par rien ; on ne voit partout que des ruines, et aucune trace de fondation d’un nouvel édifice; les lois qui nous restent sont sans actions, l’autorité du roi est méconnue et sans moyens pour se faire obéir, les tribunaux sont sans force, l’armée est séduite et par là même anéantie; 1rs propriétés les plus légitimes et les plus anciennes sont violées, le numéraire a disparu; l’artisan est sans travail, le pauvre sans secours, et le riche sans moyens de leur en donner; la vie des hommes est à la merci du premier scélérat qui, au moindre signal, en rassemble mille autour de lui ; l’étranger effrayé ne nous apporte plus de richesses; les citoyens les plus recommandables et les princes mêmes du sang royal, si connus par leur bienfaisance et leur tendresse pour vous, sont obligés d’aller pleurer dans une terre étrangère, les maux qui ravagent celle qui les a vus naître. « Hélas I à quels égarements étranges l’homme n’est-il pas capable de se livrer, lorsqu’agité par ses passions, il n’est conduit que par les faibles lumières de sa raison! Gémissez-en avec nous, en considérant les malheurs qui accablent notre patrie; ne cherchez pas à les aggraver par une opiniâtreté criminelle, et reconnaissez la nécessité de vous laisser guider à la lueur d’une lumière plus pure, qui ne peut vous égarer, et dont l’éclat sera éternel, celle de la révélation. Mais, nos très chers frères, ce dépôt n’a pas été gardé partout fidèlement; les hommes, toujours vains et superbes, l’ont dénaturée, changée et interprétée à leur manière. L’Eglise catholique seule, contre laquelle Dieu a dit que les portes de V enfer ne pré - vaudraient jamais , l’a conservée avec fidélité et vous l’a transmise dans son intégrité. Elle seule est infaillible, parce que le Saint-Esprit l’assiste, et seule elle a le droit de vous en développer le sens. La philosophie moderne, qui a causé tous vos maux, qui s’applaudit de ses succès, et qui s’en promet de plus grands encore, a bien senti qu’ils ne seraient pas durables, tant que ce flambeau pourrait vous éclairer et vous marquer la route que vous devez suivre, en vous faisant abandonner les sentiers tortueux dans lesquels elle vous aurait égarés. Elle n’a cessé depuis longtemps de travailler à l’éteindre; mais, habile dans sa marche, elle a compris qu’effrayés du passage subit de la lumière aux ténèbres, si elle s’éteignait tout à coup, vous feriez peut-être des efforts pour le rallumer; qu’il fallait vous accoutumer peu à peu à l’obscurité, le faire insensiblement disparaître à vos yeux et vous précipiter ainsi dans l’abîme qu’elle vous a préparé. Elle n’a osé vous dire comme l’impie : Il n’y a point de Dieu , Dixite insipiens in corde suo, non est Deus. Elle vous aurait révoltés et vous ne l’auriez pas crue ; mais elle a flatté vos passions, et surtout votre orgueil, elle vous les a fait aimer; elle a vanté votre raison; elle vous a accoutumés à n’écouter que sa voix, et elle est parvenue ainsi à vous inspirer de l’indifférence pour les dogmes de notre sainte religion, irritée surtout contre l’Eglise, cette mère tendre, qui ne cesse d’enseigner ses enfants, de les avertir des dangers qui les menacent et de les prémunir contre les séductions des faux prophètes; c’est encore contre elle que se sont dirigés et que se dirigent principalement aujourd’hui tous ses efforts. Craignant de rencontrer encore dans vos cœurs un reste d’attachement pour elle, et fidèle à son plan, cette secte ennemie ne vous dit pas de la méconnaître, mais elle vous y prépare avec adresse, en vous apprenant à mépriser ses ministres, à vous les faire regarder comme des imposteurs que l’intérêt seul conduit, à vous les représenter comme les oppresseurs du peuple, tandis qu’ils en sont les pères et les bienfaiteurs. Elle s’est étudiée surtout, et elle n’a malheureusement que trop réussi, à en séduire quelques-uns d’entre eux, à les infecter de son souffle impur, et à leur faire mériter par là les reproches qu’elle fait à tous, afin de mieux assurer le succès de ses moyens. Elle a attaqué son autorité, ses lois, sa juridiction, sou droit de vigilance, sans lesquels elle ne peut subsister; elle a entrepris d’ôter à une partie de ses premiers pasteurs une mission d’apostolat qu’ils ont reçue de Jésus-Ghrist même, que personne ne peut leur eolever, de la transmettre de sa propre autorité à d’autres qui n’y ont aucun droit et qui ne voudraient pas, en la recevant, se rendre sacrilèges. C’est elle encore qui a dicté ces lois destructives de la religion, l’abrogation de l’état monastique et l’enlèvement des biens de l’Eglise, et qui a inspiré, sous des expressions entortillées et obscures, ce refus de reconnaître la religion catholique, la seule dans laquelle vous puissiez faire votre salut, pour la religion de l’Etat. « Législateurs modernes, que votre enthousiasme ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 août 1790.1 i34 [Assemblée nationale.] égare, vous avez prononcé l’anéantissement de l’état monastique, vous l’avez déclaré contraire à la Constitution que vous préparez! Quelle étrange Constitution devons-nous donc attendre de vous, puisque vous la déclarez incompatible avec une profession qui se voue à la pratique de la perfection évangélique? Et vous voulez nous contraindre de jurer devant Dieu de maintenir de tout notre pouvoir cette Constitution I Non, non, vos efforts seront impuissants et vos menaces seront vaines; vous n’obtiendrez jamais de nous un pareil serment. Ce n’est pas, nos très chers frères, que nous regardions l’existence de l’état religieux comme un dogme de la religion catholique; nous vous tromperions en cela, et ce n’est pas notre intention. Mais nous disons qu’il n’est aucun Etat catholique d’où il ait été proscrit, et que celui qui se détermine à rejeter la profession publique des vertus et des conseils de l’Evangile, est bien prêt à faire naufrage dans la foi et à en secouer le joug salutaire. C’est un crime que de refuser un asile à ces vierges timides et faibles qui, craignant les dangers qu’un monde corrompu leur présente de toutes parts, voudraient assurer leur salut dans un cloître et éviter la tentation d’y reparaître, en promettant à Dieu solennellement de s’y consacrer à lui jusqu’à leur dernier soupir; à ces pieux cénobites qui, conduits par la grâce et les remords d’une vie criminelle, se dérobent au monde qui les a égarés, viennent effacer leurs péchés par le repentir, la contemplation des perfections sublimes et infinies de Dieu et par les rigueurs salutaireg de la pénitence; et aces jeunes ouvriers de la vigne du Seigneur qui, voulant allier les avantages de la vie contemplative à ceux de l’apostolat, viennent puiser dans les cloîtres le zèle qui anime et fait fructifier et la science nécessaire pour instruire les autres. De quels secours et de quelles grâces ne sq priverait pas un Etat catholique qui rejetterait de son sein une profession dont l’occupation habituelle de ceux qui s’y consacrent est de chanter les louanges du Seigneur, de prier pour l’Eglise et pour l’Empire, et dont les prières réunies, en faisant une sainte violence au ciel, attirent sur un royaume de continuelles bénédictions? Vierges saintes! dont l’attachement fidèle à votre état et à vos engagements envers Dieu nous remplit dans ce moment des consolations et adoucit une partie de nos amertumes, redoublez vos prières, ranimez votre ferveur, priez pour l’Eglise, pour celle de France en particulier, que l’on menace de toutes parts, pour votre malheureuse patrie, qu’aucune époque n'a vue si agitée ; conjurez le Seigneur de nous conserver le don si inestimable de la foi et 1’attaehement à l’Eglise catholique; nos crimes sont grands sans doute, ruais sa bonté est infinie et votre piété ne connaît point de bornes. « La plaie faite à l’Église par la spoliation de ses biens parait, au premier aspect, devoir être moins rande; mais en l’approfondissant, il est facile e se convaincre qu’elle n’aura pas des effets moins funestes. Ministres d’un Dieu pauvre, ce n’est pas, sans doute, les biens de la terre que nous devons chercher, et c’est par notre exemple, autant que par nos discours, que nous devons apprendre aux chrétiens à les mépriser, et à ne soupirer qu’après les biens éternels que les hommes ne peuvent nous ravir. L’Eglise désavoue et maudit ces ministres infidèles qui, au lieu d’employer les trésors du sanctuaire à l’ornement de ses temples, à la majesté de son culte et au soulagement des pauvres, les font servir à des usages profanes, et peut-être même à nourrir et à satisfaire leurs passions. Ces abus sont grands, quoique moins multipliés qu’on ne cherche à vous le persuader, et nous en gémissons avec vous. «Peutouchés de cette perte par rapport à nous-mêmes, nous ne pouvons être insensibles aux conséquences déplorables qu’elle entraîne après elle. Notre ministère doit être libre, indépendant. Nous devons reprendre le pécheur qui s’égare, avec courage et liberté, le menacer des foudres de l’Eglise, les lancer même avec prudence et discernement, lorsque les circonstances l’exigent. Mais si nous ne sommes plus que des ministres stipendiés et gagés, que deviendra cette indépendance ? Trouverons-nous dans tous le désintéressement et le courage nécessaires pour s’exposer à perdre leur salaire ? Et quelques-uns d’entre nous, ne seront-ils pas tentés d’acheter la bienveillance du peuple par des complaisances criminelles? Je sais que, ministre d’un Dieu crucifié, nous entendons la voix imposante de notre devoir ; mais l’homme se trouve partout, et il en est peu qui puissent se flatter de ne pas céder à la crainte. N’avons-nous pas encore à craindre de voir avilir, par là, la dignité de notre ministère, si nécessaire pour le faire fructifier? Le peuple ne nous regardera plus que comme des ministres mercenaires, qui ne travaillent que pour recevoir leur salaire; ce point de vue ne peut qu’affaiblir la confiance et le respect dont nous avons besoin pour le succès de nos travaux. Ne doit-on pas prévoir que les peuples, poussant plus loin leur injustice et leur aveuglement, oubliant les biens qu’ils nous ont enlevés, et méconnaissant i’utilité dont nous leur sommes, nous regarderont comme une classe des citoyens qui leur est à charge, commenceront d’abord â économiser sur le nombre des ministres, sur la décence de nos temples, sur la majesté du culte, et finiront par secouer le joug d’une religion qui nécessite de leur part de si grands sacrifices ? « Nous enlever nos biens, n’est-ce pas d’ailleurs nous enlever le moyen le plus certain de rendre notre ministère utile ? Réduit au simple nécessaire, et dans l’impossibilité de faire l’aumône, et de donner l’exemple de l’accomplissement de ce précepte, le peuple toujours injuste, et ne calculant pas nos moyens, ne nous croira pas, lorsque nous lui en prêcherons la nécessité. Le pauvre dans sa cabane, accablé sous le poids de ses infirmités et de sa misère, sera-t-il disposé à nous écouter, lorsque venant à iui, les mains vides, nous lui porterons les secours spirituels? Avec quel avantage, au contraire, ne nous présentions-nous pas à lui, lorsque nous pouvions nous faire précéder, ou porter avec nous des secours et des bienfaits ! Le pauvre houleux ne rougissait p us de sa misère, le pauvre malade que nous soulagions oubliait ses maux, ou les supportait avec patience ; la mère de famille à qui nous donnions de quoi rassasier ses enfants nous bénissait; et tous, pénétrés de respect et d’amour pour ces pasteurs charitables, leur découvraient leurs plaies spirituelles, y laissaient avec confiance appliquer le remède, écoutaient avec fruit les instructions qu’ils leur donnaient, et ouvraient leur cœur à toutes les consolations de la religion, « Voilà les avantages dont on vous prive en nous enlevant nos biens, et les principaux inconvénients qui en résultent,, ils sont assez frappants pour déterminer à nous en laisser l’adminislra-tion et l’usage, quand même il serait aq pouvoir [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 août 1790,} de la nation d’en disposer ; mais elle ne l’a pas, rien n’est aussi certain. La propriété de l’Eglise, et de l’Eglise de France en particulier, est la plus ancienne, comme la plus sacrée des propriétés. Il n’en est aucune qui puisse réunir des titres aussi anciens et aussi légitimes. Les fondateurs et les donataires l’ont cédée à l’Eglise, et non pas à la nation, ni aux princes; ils en ont déterminé l’usage, et en ont confié ( administration et la distribution aux individus qui n’en doivent compte qu’à Dieu même, dont le jugement est bien plus terrible et bien plus sévère que celui des hommes. Toutes nos lois, depuis l’établissement de la religion chrétienne en France jusqu’à nos jours, ont reconnu la sainteté de ces litres, et confirmé notre propriété. Aucune puissance temporelle ne peut donc s’arroger le droit de la violer. L’Eglise frappe de ses anathèmes les usurpateurs de ces biens, ainsi que leurs complices. Les incrédules mépriseront ces armes spirituelles, dont la blessure n’est pas sensible, et ils s’efforceront, sans doute, de vous persuader de la mépriser aussi : elles n’en sont pas pour cela moins terribles ; ce sont les seules armes de cette même Eglise, à laquelle Dieu a dit : Tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel , etc. Quodcunque ligaveris super terram , erit ligatum et in cœlis, etc. Si quelque ministre faible et ignorant s’arrogeait le droit de vous absoudre d’un pareil crime, sans y être autorisé, et sans une réparation suffisante et publique, nous ne pourrions le regarder que comme un prévaricateur qui serait dans le cas de l’aveugle de l’Evangile, qui en conduit un autre dans la fosse. « Les bornes d’une lettre ne nous ont pas permis de vous développer, de vous faire bien sentir et de vous indiquer même toutes nos craintes sur les dangers qui menacent la religion. Mais il est un dernier objet que nous ne pouvons passer sous silence, et qui nous pénètre de la plus vive amertume. Nous serions heureux si vous la partagiez avec nous, parce que nous y verrions une apparence de remède. Nous voulons parler, nos très chers frères, du refus que l’on a fait de reconnaître la religion catholique pour religion d’Etat. Nos larmes n’ont cessé de couler depuis ce fatal décret, et elles ne pourront tarir que par l’espérance de le voir révoquer et de voir rendre un hommage solennel à cette religion sainte que l’on veut faire rivaliser avec les sectes les plus impies. C’est ici le triomphe de la philosophie qui espère anéantir toutes les religions, en les mettant aux prises les unes avec les autres. Quoi! la religion catholique, cette religion sainte, sans laquelle, nous vous le répétons, il n’y a aucune espérance de salut, ne sera plus la religion de l’Etat. Quoi ! la religion de Jésus-Christ crucifié, car l’Eglise catholique seule la professe dans sa pureté et son intégrité, propagée en un instant, par la prédication de ses apôtres, et cimentée par le sang de tant de martyrs! la religion de Clovis, de Charlemagne, de saint Louis, qui a contribué à rendre leur empire si florissant, ne sera plus la seule et unique religion des Français ! Nous verrons à côté de la chaire de vérité s'élever des chaires de mensonges, et l’ordre, la majesté de nos cérémonies, troublés par le chant, les cris et les profanations des sectes les plus impies ! Français, qui professez depuis douze siècles la religion catholique, pour laquelle vos pères, plus anciennement encore, ont répandu leur sang, qui montriez pour elle naguère un attachement que nous croyions inaltérable, quel étrange changement s’est opéré parmi voua, puisque vous avez pu voir de sang* froid cette atteinte portée à la religion de vos ancêtres ! Les protestants, tous les hérétiques, les musulmans, les juifs déicides, les païens même, vont désormais, la tête levée, répandre leur doctrine et insulter à la vôtre, tâcher de vous faire avaler leur poison, et, s’ils u’y réussissent pas, vous inspirer au moins une indifférence pour notre religion, pire que la mort même. Les lois du royaume, qui, jusqu’à ce jour, ontété conformes et calquées sur la religion, pourront aujourd’hui la contrarier, puisqu’elle n’est plus la religion de l’Etat 1 On pourra établir le divorce, le mariage des prêtres, et saper ainsi tous les fondements de la religion catholique. Sente» toutes les conséquences, reconnaissez les fruits amers de cette philosophie contre laquelle nous nous élevons aujourd’hui, et coupez cet arbre jasque dans sa racine. « Nous vous avons dénoncé, nos très chers frères, les dangers qui menacent la religion, nous avons versé dans votre sein nos peines à cet égard ; nous avons tâché de vous les faire partager. Mais notre tâche n’est pas encore remplie. Nous nous devons, nous vous devons, nous devons à la religion sainte, dont nous sommes un des principaux ministres, de réclamer, et nous réclamons aujourd’hui solennellement, à la face de la France, de l’Europe entière, contre le refus de reconnaître la religion catholique pour la seule religion de l’Etat ; nous adhérons de cœur et d’esprit à la protestation faite dans le sein de l’Assemblée nationale par monseigneur l’évêque d’Uzès, et aux principes qui ont dicté la réclamation des trois cents membres de l’Assemblée, dont l’amour et l’attachement pour leur religion ont suspendu, pour un moment, la douleur de ce fatal décret ; nous réclamons contre l'enlèveraient et l’usurpation des biens de l’Eglise, contre la proscription de l’état monastique, la suppression des chapitres de cathédrale, contre la suppression et agrandissement des évêchés et curés sans le consentement des titulaires et le concours de la puissance ecclésiastique. Nous adhérons aussi à la déclaration faite par monseigneur l’archevêque d’Aix, relativement à l’incompétence de l’Assemblée pour statuer sur la discipline ecclésiastique, ainsi qu’à la demande qu’il a faite d’un coDci le national que nous regardons comme le seul remède aux maux qui affligent l’Eglise. Que notre joie serait grande, nos très chers frères, si nous avions la consolation de vous voir réclamer avec nous sur tous ces objets, et principalement sur celui de la conser* vation exclusive de notre sainte religion ! Votre voix serait peut-être plus écoutée que la nôtre, et nous nous applaudirions d’être le pasteur d’uu peuple qui aurait coopéré à cette grande œuvre. Mais surtout prosternez-vous devant Dieu, gémissez et priez, ce sont là les véritables armes d’un chrétien. Nous irions vous les arracher, au risque même de nous en laisser percer, si nous apprenions que vous en eussiez d’autres dans les mains. « Nous ne nous sommes pas dissimulé qu’en vous apprenant toutes ces vérités, nous nous exposions peut-être à de nouveaux outrages ou à des per-* sécutions. Mais malheur au dernier des ministres de la religion, et plus encore à un évêque, si, nous laissant intimider par des craintes et dm menaces puériles, nous avions la faiblesse d’y céder, si nous négligions de vous rompre le pain de la parole de vie, et de vous montrer le sentier droit qui conduit à, la béatitude céleste, [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 août 1790.] 136 Quelque vive que soit la douleur de nous voir éloigné de vous, elle ne dous absorbera pas. Présent d’esprit et de cœur avec vous, nous ne cesserons de faire des vœux pour votre bonheur, et de vous faire entendre notre voix, toutes les fois que les intérêts de la religion ou de votre salut l’exigeront. 0 vous, nos dignes coopérateurs, si vous nous rendez la justice que nous croyons mériter de votre part, de n'avoir jamais voulu dominer sur vous, d’être parmi vous comme l'un d’entre vous , suivant le précepte de l’apôtre ; si vous avez toujours trouvé en nous un père et un ami prêt à partager vos peines, nous ne vous demandons pour toute marque de reconnaissance, et nous vous conjurons de veiller plus soigneusement que jamais sur le troupeau qui vous est confié. L’ennemi du genre humain esta la porte, prêt à le dévorer, écartez-le en faisant la garde nuit et jour, et sans vous reposer ; redoublez de zèle et de soins pour son instruction, et faites-lui éviter ainsi les pièges de son ennemi ; exhortez-le, pressez-le d'approcher souvent des sacrements qui sont une source inépuisable de grâces. Mais engagez-le surtout à prier ; priez avec lui, sans vous lasser, et faites-lui sentir que la prière est la seule arme qui puisse lui assurer la victoire. « Et vous, peuple confié à nos soins, respectez vos pasteurs dont nous avons l’honneur d’être le chef; ils sont les ministres de Jésus-Christ, et c’est par notre bouche qu’ils vous annoncent ses oracles. Ecoutez donc notre voix avec docilité. Regardez-nous tous comme vos pères, nous en avons les entrailles et la sollicitude. Vos seuls ennemis sont ceux qui veulent vous éloigner de nous, et par là éterniser vos maux. « Grand Dieu ! que vous êtes juste dans vos jugements 1 nos crimes étaient à leur comble et nous avions lassé votre patience. Nous avons mérité les châtiments que vous nous envoyez, et nous ne pouvons ne pas reconnaître la main toute-puissante qui nous frappe! Mais après nous avoir puni en Dieu vengeur des crimes, vous nous pardonnerez en père, et en Dieu dont la miséricorde est infinie. Nous vous en conjurons, ô mon Dieu, laissez-vous toucher à nos larmes; daignez jeter un regard de bonté sur le peuple français, ce peuple autrefois si fidèle à votre loi, et la portion la plus riche de votre héritage. Conservez-lui surtout le don précieux de la foi, sans lequel tous les autres ne sont rien. Ramenez la paix parmi lui ; faites que cessant de haïr et de s’entre-déchirer, animé des mêmes sentiments, le lien de la charité fraternelle l’unisse. Ecoutez en particulier les vœux et les prières que nous osons vous adresser pour la portion de ce peuple que vous nous avez confiée. Frappez le pasteur; mais nous vous conjurons d’épargner le troupeau pour lequel nous sommes prêt à verser notre sang. Dieu de saint Louis 1 daignez jeter aussi un regard favorable sur l’héritier de ses vertus et de son trône, sur l’auguste monarque qui nous gouverne ; comblez-le de vos bénédictions les plus abondantes; faites prospérer ses bienfaisantes intentions. Il est le père de son peuule, qu’il en devienne l’amour et les délices 1 Raffermissez son autorité chancelante, et changez en douceur et en consolations les peines et les amertumes que lui font éprouver les maux dont nous gémissons. Ainsi soit-il. « Fait ce 1er juillet 1790. « L. L. Léon, évêque de Toulon. » TROISIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 17 AOUT 1790. Lettre de M. Lambert , contrôleur général, à M. le Président de l’Assemblée nationale , sur l'impôt du tabac (1). Du 17 août 1790. « Monsieur le Président, une des branches les plus importantes du revenu public s’éteint journellement ; il y a cinq mois que j’en réclame la conservation, et que de temps en temps j’en fais remarquer le dépérissement. Bientôt on alléguera qu’il n’est plus possible de sauver cette énorme perte ; et 29,000,000 livres de nouvelles charges seront le remplacement aussi difficile que nécessaire à ajouter, au moins d’une manière efficace, à tant d’autres remplacements. Le 23 mars 1790, j’ai eu l’honneur d’adresser à l’Assemblée nationale un mémoire relatif aux atteintes et aux diminutions qu’éprouvait dès lors, dans quelques parties du royaume, la perception de l’impôt sur le tabac. Je présumais que l’Assemblée nationale trouverait convenable de prendre le pins tôt possible en considération cette portion importante des revenus publics. Mon mémoire proposait à l’Assemblée nationale de décréter que les. municipalités seraient tenues de prêter assistance et secours aux commis chargés de la perception de l’impôt sur le tabac, sous peine de répondre des suites de leur refus ; et que dans le cas où un attroupement populaire les troublerait à l’avenir dans l’exercice de leurs fonctions, la commune entière du lieu en serait responsable, si elle avait été requise, et si elle avait pu l’empêcher, sauf le recours contre les auteurs de l’attroupement. M. le président m’a fait l’honneur de m’écrire le 27 mars, qu’il allait transmettre et recommander ce mémoire à son successeur ; j’ai su depuis qu’il avait été renvoyé au comité des finances ; le 6 juin j’ai écrit à M. le président de ce comité, en lui envoyant l’état du produit des ventes en tabac pendant les trois premiers mois de cette année, que cette perception éprouvait de mois en mois une diminution progressive et continuelle; et je lui ai observé, comme un objet essentiel de l’attention du comité, que l’indécision apparente que semblait indiquer le retard indéfini d’un décret attendu depuis si longtemps, accréditait, affermissait, étendait l’insurrection, lui faisait prendre consistance, et donnait lieu de jour en jour à des plantations de tabac dans le royaume, qui ne se feraient pas si l’improbation eût été annoncée; qu’enfin ce délai conduirait le désordre à un degré de progrès qui finirait par le rendre plus fort que tous les remèdes qu’on voudrait trop tard y apporter. J’ai particulièrement prié le comité de remarquer, d’après les états de produits que je lui faisais passer, que la perte s’accroissait mois par mois, non seulement en somme, mais en étendue de territoire; que sur quarante-deux directions , douze étaient sans perte en janvier 1790, par comparaison à janvier 1789, et étaient même encore en bénéfice, tandis que toutes les autres perdaient, et quelques-unes d’une manière énorme; mais qu’en février 1790, de ces quarantes-deux directions, sept seulement avaient conservé quelque avantage très léger sur (1) Ce document n’a pas été inséré au * Moniteur.