{Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (28 octobre 1790.] 85 bases les traités, il m’est impossible, en ma qualité de député du Cambrésis, de ne pas réclamer la même faveur pour l’archevêque de Cambrai et les autres propriétaires de ma province. Je demande qu’en vertu du traité de 1777, ils soient renvoyés au comité diplomatique. (Cet amendement est rejeté par la question préalable.) (Le projet de décret présenté par M. de Mirabeau est adopté à une grande majorité.) M. üaurissart demande un congé illimité pour rétablir sa santé. M. de Faucigny sollicite la * permission de s’absenter pour un mois. Ces congés sont accordés. M. le Président. Le comité des rapports demande à rendre compte des troubles nouvellement survenus à Montauban. M. Anthoine, rapporteur. Je vais vous rendre compte, au nom du comité des rapports, des nouveaux événements arrivés à Montauban. Les désordres augmentent de jour en jour; le 17 du mois dernier ils ont été portés au comble: les patrouilles ont été]insultées ; un homme a perdu la vie; plusieurs ont été blessés, et ces malheurs ne semblent être encore que l’avant-coureur d’un désastre plus général. Le directoire du département du Lot et les commissaires, que vous avez fait nommer pour remplacer «provisoirement les offficiers municipaux suspendus, avaient prévu ces événements malheureux. Ils espéraient les prévenir avec le secours de la garnison : mais ils ont appris que le commandant des troupes de ligne dans le département, M. d’Es-parbès, se disposait à en faire déloger une partie pour l’envoyer àMoissac, tandis que par délibération du conseil de la commune de cette dernière ville, jointe aux pièces, la municipalité réclame avec force contre l’envoi des troupes de ligne. Ces vives réclamations n’ont abouti qu’à faire suspendre le départ d’un détachement de Touraine, et c’est dans cet état de choses qu’arrivèrent les événements consignés dans la lettre, en date du 20 dé ce mois, signée des membres du directoire du département du Lot; je vais vous en donner lecture : « Depuis notre lettre du 17, notre ville a couru les plus grands dangers; une patrouille du régiment de Royal-Pologne fut assaillie par le peuple à coups de pierres, de pots cassés, de chandeliers, de bûches et autres ustensiles. Des soldats ayant senti siffler plusieurs balles à côté d’eux, et apercevant une autre patrouille du régiment de Touraine, crurent que les coups partaient de cette troupe. Les deux patrouilles se couchèrent en joue pendant près d’une minute. Un sergent de celle de Touraine, parvint à éclaircir les faits. Le calme se rétablit. Le lendemain les soldats des deux régiments firent une espèce de fédération. Depuis cette époque nous avons passé deux journées assez tranquilles; mais nous apprenons, par nos espions, que nous sommes à la veille de nouveaux malheurs ; que les chefs de cette ville demandent le régiment de Noailles, sur la sagesse et le patriotisme duquel elle a reposé toute sa confiance. » Votre comité des rapports a connu, par l’examen des autres pièces, que, loin que votre décret du 26 ait été exécuté, loin d’avoir envoyé deux régiments complets à Montauban, M. d'Esparbès a voulu encore en soustraire une partie. Cette ville demande donc, en exécution de votre décret du 27 juillet, deux régiments complets, et elle réclame le régiment de Noailles, que le désir seul de perpétuer la guerre civile pourrait faire refuser à ses vœux. Plusieurs observations ont été faites à votre comité sur les causes immédiates de ces troubles : il est de votre prudence et de votre patriotisme d’arrêter un instant vos regards sur ces observations. Le clergé, forcé de restituer au peuple le fruit de ses pieuses usurpations, s’agite en tous sens, et depuis la Picardie jusqu’à la Corse, les évêques et les abbés ne cessent de prêcher la guerre, au nom d’un Dieu de paix. Les cerveaux inflammables de nos provinces méridionales sont bien plus ropres à recevoir ces funestes impressions. iraes, Uzès et Montauban offrent de tristes exemples de. cette vérité. Les chapitres de Strasbourg en feraient bien autant en Alsace, s’il était possible de fondre la glace des têtes germaniques. Le maire est à Paris, il a des relations intimes avec les ministres, et surtout avec M. de Marguerittes, maire de Nîmes et membre de cette Assemblée. Un fait récent, sur lequel votre comité ne s’est permis de rien préjuger, mais qu’il croit devoir livrer aux méditations de l’Assemblée, afin de la rapprocher de plus en plus de la découverte de la vérité, c’est que M. Champion de Cicé, garde des sceaux de France, prêtre-archevêque, bénéficier-ministre, vient d’élever à la place de commissaire du roi à Moissac, le procureur de la commune de Montauban, mandé à la barre de celte Assemblée, accusé et fortement soupçonné d’être un des fauteurs de la guerre civile, suspendu comme tel de ses fonctions, et exposé à subir la rigueur d’une procédure criminelle, ordonnée par le même décret. L’Assemblée se demandera si le garde des sceaux a voulu seulement se jouer de vos décrets, braver l’intérêt sacré du peuple, avilir la dignité du choix royal, ou s’il a prétendu récompenser l’auteur des troubles de Montauban. Je n’ajouterai aucune réflexion à l’exposition de ces faits : le plus instant de vos soins est de rendre la tranquillité à la ville de Montauban; vous avez entendu sa pétition : votre comité vous propose le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, décrète que son président se retirera pardevers le roi, pour le prier de donner les ordres nécessaires afin que la garnison de Montauban soit sans délai composée de deux régiments complets, du nombre desquels sera le régiment de Noailles. » M. Faydel. Je ne demanderai pas pourquoi M. le rapporteur ne vous a pas fait lecture des pièces qui ont été remises au comité des rapports, pièces qui l’auraient détourné des diatribes qu’il a faites contre les ministres. On inculpe M. Latour-Dupin; on se plaint de ce qu’il n’a pas envoyé à Montauban le régiment de Noailles. Voici le fait : les ordres ont été donnés au régiment de s’y transporter; mais la ville de Garcassonue et le directoire du département écrivirent au ministre qu’ils ne pouvaient se passer de ce régiment. M. Latour-Dupin a adressé, à ce sujet, une lettre au comité des rapports, qui n’a été suivie d’aucune réponse. Il se vit donc, pour ainsi dire, forcé d’acquiescer au vœu de la municipalité de Carcassonne ; s’il n’a pas littéralement exécuté le décret, c’est parce que l'Assemblée nationale a gardé le silence. On fait un reproche à peu près gfl (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, {i8 octobre 1190,1 semblable à M. d’Esparbès. On l’aeeuse d’avoir séparé deux compagnies des régiments en garnison à Montauban. J’ai l’honneur d’observer que c’étaient ces mêmes compagnies que la ville de Moissac avait refusées uniquement parce qu’elles avaient porté le trouble dans la ville. Postérieur rement aux événements du 10 mai, lorsque lé département du Lot et les districts se sont formés, les électeurs ont porté aux places du district de Montauban trois des officiers municipaux que vous avez suspendus de leurs fonctions, Les administrateurs du département ont cru devoir les suspendre pareillement de leurs fonctions administratives. Ils ont adressé leurs plaintes à l’Assemblée nationale. Le comité des rapports a donné un avis pour que le procureur-syndic du district continuât d’exercer les fonctions administratives, attendu que la suspension de leurs fonctions municipales n’était pas une improbation. Se peut-il qu’aujour-d’hui ce même comité ait été consulté sur la diatribe du rapporteur contre le garde des sceaux ? Je passe aux événements. Je suis très fâché de reprocher au comité son indifférence sur les meurtres qui ont été commis par le parti actuellement dominant à Montauban, Leux jours après l’arrivée du régiment de Touraine, des bandes de soldats se sont transportées dans plusieurs maisons, en ont maltraité les habitants. L’un d’eux, dont le crime était d’avoir été garde du corps, a été enlevé de ses foyers; le fer était levé pour le massacrer. J’ai les preuves delà véritéque j’avance, et je serais bien fâ hé de mettre en avant quelque fait inexact; je reproche au comité des rapports le silence qu’il a gardé sur les plaintes élevées contre les six commissaires qui remplacent la municipalité; plaintes dont je suis porteur, et qui détaillent leurs torts avec plus d’énergie que je ne le puis faire; elles ont été dressées les 5 et 6 septembre. Si les commissaires avaient voulu rétablir le calme à Montauban, ils auraient accepté l’offre qu’on leur faisait d’indiquer des témoins. Bien au contraire, ils ont rendu une proclamation, qui est attentatoire à la liberté, à la Constitution. (On demande la lecture de cette proclamation, dont voici la substance.) « Les commissaires, considérant que le régiment de Touraine a acquis l’estime des citoyens de Montauban, instruits que des particuliers, mauvais citoyens, ou dont on a surpris les signatures, ont rédigé des pétitions tendant au départ de ce régiment, déclarent leurs délibérations illégales» comme n’ayant pas été autorisées par la municipalité, regardent lesdites pétitions comme non-avenues, ordonnent la poursuite des auteurs, fauteurs et colporteurs des écrits coupables répandus à Montauban, défendent tous attroupements, et arrêtent qu’il sera formé des patrouilles pour le rétablissement de la tranquillité dans la ville. » (On applaudit .) M. Faydel continue. J’ai vérifié dans les bureaux de la guerre qu’un membre do l’Assemblée, M. l’abbé Gouttes, a été dans les bureaux, se disant président de l’Assemblée nationale, demander le régiment de Touraine pour Montauban. M. l’abbé Gouttes. Je délie l’opinant de citer des preuves de ce qu’il dit, et je demande moi à prouver qu’il est un imposteur. (On applaudit.) M. H’aydel. J’ai prouvé que les commissaires, au lieu d’entendre les plaintes de cinquante citoyens de Montauban, ont fermé les yeux sur tous les crimes qui leur étaient dénoncés. J’en conclus que leurs témoignages ne doivent pas obtenir de foi auprès de l’Assemblée nationale. Je demande que les détachements de Royal-Pologne et de Touraine sdiéîit remplacés par deux régiments au choix du roi. M. Poucet d’Elpech, député de Montauban , Vous voyez que c’est la guerre qu’on déclare aux commissaires et au régiment de Touraine, qui fait régner la paix dans la malheureuse ville de Montauban. Je déclare que tous les faits avancés par le préopinant sont absolument faux. Quant aux plaintes dont on vous a parlé, voici ce qui en est. La nouvelle de votre décret sur Montauban répandit la consternation parmi les auteurs de la guerre civile, qui était prête à s’éteindre. Les municipaux furent obligés de requérir le régiment de Touraine, lé premier jour de son arrivée, pour dissiper les attroupements des mécontents, et l’on se récria contre une mesure de pure po* lice. Quand on dit que ce régiment a frappé, maltraité des citoyens, on dit une absurde calomnie, que je défie dé prouver. Voici les pétitions dont vous a parlé le préopinant, des déclarations informes, signées par cinquante citoyens non ae-tifs; le seul connu est un officier municipal suspendu de ses fonctions. Les autres signataires sont de manouvriers qui ne savent pas écrire; et d’enfants qui vont encore aux écoles chrétiennes, (On applaudit.) L’Assemblée adopte ensuite le décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports; * Décrète que son président se retirera par devers le roi pour le prier d’envoyer à Montauban un régiment complet, indépendamment de celui d’infanterie qui y est actuellement. » MM. Tramier, Olivier et Ducros, députés du comté Venaissin , sont admis à la barre. M. Tramier, orateur de la députation, dit (1) : « Messieurs en paraissant devant cette auguste Assemblée, les députés du comté Venaissin ont mis leur confiance dans ses principes et dans sa justice. Pénétrés de respect pour les législateurs d’une grande nation, ils se sont persuadés que l’Assemblée nationale des Français ne dédaigne-rait pas l’hommage d’un peuple faible, qui vient l’entretenir de sa liberté, et que rassurent les maximes sur lesquelles vous avez fondé celle de la France. « Il nous tardait de remplir le vœu de nos commettants en vous confirmant les sentiments que vous manifesta l’Assemblée représentative du comtat Venaissin dans son adresse du 11 juin dernier. Si nous en avons suspendu l’expression pure et désintéressée, un seul motif nous a pour, duits. Nous avions craint d’anticiper sur votre dé� cisioii relative à Avignon. Nous nous sommes défendu une démarche qu’on aurait pu accuser d’usurpation de votre bienveillance ; et il était plus digne d’un peuple ami de se confier à la sévérité de vos principes, de s’abandonner entièrement à la force de leur application. De nouvelles circonstances nous forcent aujourd’hui de renoncer à ce silence, que nous jugions conforme à votre dignité et à notre respect pour nos commettants. Au témoignage de vénération que nous (1) Le Moniteur a omis quelques paragraphes du discours do M. Tramier.