SÉANCE DU 19 VENDÉMIAIRE AN III (10 OCTOBRE 1794) - N° 30 43 Quelques membres, en observant qu’on en avoit nommé douze pour aller au devant du corps de Marat, ont demandé que le nombre fut porté à six, enfin, en marchandant, la majorité de la Convention a obtenu qu’il en seroit nommé dix (38). 30 Bulletin des opérations du camp des Grésillons, près Poissy, le 14 vendémiaire, Van troisième de la république française une et indivisible (39). En conséquence de l’arrêté du comité de Salut public et de celui des représentans du peuple près de l’école de Mars, aujourd’hui, à six heures du matin, tambour battant et drapeaux déployés, les élèves de ladite École, ayant à leur tête les représentans et le général, sont sortis du camp des Sablons ; ils se sont mis en route pour en aller former un sur le terrain des Grésillons, près Poissy, et apprendre, par des courses sur les hauteurs voisines, à élever des retranchements, les attaquer et les défendre, se retirer à propos pour s’avancer ensuite avec avantage, enfin s’exercer à toutes les manoeuvres d’une armée marchant à l’ennemi. On eût dit qu’ils alloient remplir cette glorieuse tâche; leur fierté républicaine, jointe à une exacte discipline pendant la route, leur donnoit l’air de vieux soldats marchant à la victoire. Voici l’ordre de cette petite armée : Un détachement de cavalerie et d’infanterie, commandé par un chef de millerie, formait l’avant-garde. A une demi-lieue de distance, derrière le détachement, marchoit l’armée avec son artillerie, les bagages, et distribuée de la manière suivante : Les trois milleries, précédées de leurs chefs, formoient une seule colonne, à la tête de laquelle étoient les représentans et le général; ensuite marchoient les élèves de l’artillerie et du génie, commandés par leurs chefs respectifs; immédiatement après étoit le parc suivi de ses caissons; enfin venoient les chariots, caissons et voitures conduisant les effets de campement, les subsistances et tout le bagage : ce qui occupoit un quart de lieue. Un détachement de cavalerie et d’infanterie formoit l’arrière-garde. Après deux haltes, l’une dans la forêt de Vésinet, l’autre dans celle de Montagne-Bon-Air; après avoir été reçue avec les plus vifs applaudissemens à Nanterre, à Chatoux, au Pecq, à Montagne-Bon-Air et à Poissy, où la garde nationale de ces divers lieux s’est mise sous les armes, notre armée portant les siennes et battant au champ dans ces différentes communes, est arrivée sur le terrain qu’elle devoit occuper. Il étoit trois heures après midi : ran-(38) Mess. Soir, n” 783. (39) Débats, n 750, 308-309; Bull., 19 vend.; J. Mont., n" 3; J. Paris, n° 21; M.U., XLIV, 307-309. gée en bataille dans la plaine, elle a reçu ses tentes et autres effets de campement, qui ont été distribués à chaque millerie et à chaque arme sur le terrain qui lui étoit assigné ; le parc d’artillerie et la cavalerie ont été aussi se placer à l’endroit qui leur avoit été indiqué. En moins de deux heures, les tentes, rangées sur une seule ligne et sur quatre de hauteur, ont été dressées, et le camp, tracé par l’ingénieur en chef et le général, a été formé. Voici sa position : Devant lui est la plaine dont il occupe une partie, et qui, à la distance d’une portée de canon, se termine par une pointe en triangle. A droite et à gauche sont des hauteurs sur lesquelles on se propose d’aller faire des manoeuvres d’attaque et de défense, en occupant des gorges et défilés qui s’y rencontrent. Le derrière du camp est défendu par la rivière, qui n’en est qu’à une portée de fusil, et protège encore la gauche en décrivant un cercle autour d’elle, presque jusqu’à la pointe triangulaire dont on a parlé. Une grande garde de 50 hommes par millerie a été établie et divisée en plusieurs postes à cent toises en avant et sur les flancs. Cinquante hommes de cavalerie ont été aussi de cette garde, outre un piquet de cinquante autres qui a reçu l’ordre de se tenir prêt à marcher. La nuit, des patrouilles et rondes commandées par les chefs supérieurs ont été faites comme à l’armée. Le mot d’ordre était exemple (les chefs); et celui de ralliement, récompense. Le commissaire des guerres, qui avoit fait la revue du départ du camp des Sablons, assuré le transport des effets de campement, les subsistances, et devancé l’armée au camp des Grésillons, l’y a reçue, et fait pourvoir à tout ce qui lui étoit nécessaire. L’appel fait, et auquel tout le monde a répondu, l’effectif s’est trouvé, savoir : 2 806 élèves, 142 instructeurs, 155 employés des transports, agens, charretiers, palefreniers et ouvriers : total 3103 hommes. Laissé au camp des Sablons 307 élèves, 20 instructeurs, 303 au quartier de santé, total 630 hommes. Au camp des Grésillons, le 13 vendémiaire au matin, an troisième de la république française une et indivisible. Le commissaire des guerres près l’École. Signé, Collet. La Convention nationale, après avoir entendu le rapport [de GUYTON-MOR-VEAU, au nom] de son comité de Salut public sur la marche des élèves de l’École de Mars pour le transport de leur camp à Grésillon près Poissy, ordonne l’insertion de ce récit au bulletin, et autorise les représentans du peuple près l’École de Mars à envoyer seulement à la fête de demain, pour la translation des cendres de Jean-Jacques Rousseau, deux piquets de cavalerie de cinquante hommes chacun, et 44 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE le petit nombre des élèves de l’infanterie qui pourra être tiré de la garde du camp des Sablons (40). 31 DU BOIS DU BAIS obtient la parole ; il dit : Citoyens, Le citoyen Jacques Lainé, fusilier au 38e régiment d’infanterie, se présenta à votre barre, il y a quelques jours, couvert d’honorables blessures qui lui ont ôté, pour la vie, l’usage de plusieurs de ses membres. L’objet de sa pétition étoit de demander la pension à laquelle il a droit de prétendre, et un secours provisoire afin de pourvoir à sa subsistance journalière, étant dépourvu de toute ressource. La Convention nationale, justement touchée de l’état d’infirmité de ce brave défenseur de la patrie, ordonne le renvoi de sa pétition et des pièces à l’appui, à son comité des Secours publics, pour faire statuer sur l’objet de sa demande. Mais, depuis cette époque, l’on a en vain cherché dans les bureaux de la Convention cette pétition et les pièces qui y étoient jointes. D’après cette inutile recherche, le pétitionnaire s’est présenté à votre comité des Secours. Il lui a fait connoître, par une pétition, sa douloureuse position, son état de dénuement; et il a exposé à ses regards les blessures glorieuses que lui ont valu son courage et son dévouement à la patrie. Sans doute, citoyens, des certificats semblables en valoient bien d’autres, et vous voyez qu’ils touchèrent du plus vif intérêt tous les membres de votre comité. Cependant votre comité, toujours fidèle aux principes conservateurs de la fortune publique, et qui sont le garant du bon emploi des fonds confiés à sa disposition pour le soulagement des infortunés, et la récompense des généreux défenseurs de la patrie, a cru devoir exiger la production de deux titres pour suppléer, pour ce moment, au défaut de ceux qui se trouvent égarés. Ces titres sont un certificat du conseil de santé, et un autre de la commission du mouvement des armées de terre, qui sont joints à cette pétition du citoyen Lainé. En conséquence votre comité, après avoir concilié ce qu’il doit à l’intérêt public, du côté de la régularité des formes, avec ce que la Convention doit aux besoins du brave militaire qui réclame, m’a chargé de vous proposer le projet de décret suivant (41). (40) P.V., XLVII, 87. C 321, pl. 1333, p. 2, minute de la main de Guyton, rapporteur, et p. 30, décret imprimé. Débats, n° 750, 309-310; Bull., 19 vend.; F. de la Républ., n” 20; J. Fr., n" 745, 746; J. Paris, n 21. (41) Débats, n 749, 301. La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des Secours publics, décrète que la Trésorerie nationale, sur la présentation du présent décret, paiera au citoyen Jacques Lainé, volontaire, blessé grièvement au service de la République, la somme de 300 L, imputable sur la pension à laquelle il a droit de prétendre (42). 32 La Convention nationale, après avoir entendu son comité de Législation, décrète : Article premier. - A Paris, le tribunal de police correctionnelle sera composé de quinze juges, servant par tour pendant l’espace d’une décade. Ils tiendront audience tous les jours, et se diviseront en trois sections, qui leur seront assignées par le sort. Art. II. - Les deux premières de ces sections prononceront sur toutes les causes dont la connoissance est dévolue à la police correctionnelle. La troisième aura pour attribution le contentieux de la police municipale. Elles pourront toutes juger au nombre de trois juges. Art. III. - Il y aura près de ce tribunal un agent national et trois substituts; la Convention nomme pour remplir la place d’agent national le citoyen Jacquetot, et pour substituts les citoyens Faillet, Leroy et Jolly. Art. IV. - L’agent national sera seul chargé de la poursuite des délits, de la suite des jugements, des arrivées, renvois, transferemens des prisonniers, en un mot de toute l’exécution, au terme des lois, tant de la police correctionnelle que municipale. Art. V. - Les trois substituts seront chargés du travail des audiences. Ils rempliront tour à tour, dans chacune des trois sections, suivant l’ordre de leur nomination, les fonctions attribuées au ministère public. En cas de maladie ou de tout autre légitime empêchement, ils en préviendront l’agent national, qui sera tenu de les remplacer. Art. VI. - Le greffier de la police correctionnelle présentera autant de commis greffiers qu’il est établi de sections par le présent décret. Art. VII. - Il sera extrait du greffe de la police municipale contentieuse tout ce qui est relatif à cet objet, depuis le 14 juillet 1789, pour être transporté dans le local du ci-devant Châtelet, où le tribunal de police correctionnelle tient les séances. (42) P.-V., XLVII, 87-88. C 321, pl. 1333, p. 4, minute de la main de Du Bois Du Bais, rapporteur. Débats, n° 749, 301.