292 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 avril 1790.] On demande à aller aux voix. L'article 24 (ancien 23) est adopté dans les termes proposés par le comité féodal qui sont les suivants : « Quant au rachat des droits casuels, c’est-à-dire de ceux qui ne sont dus dans le cas de mutation, soit de la part du propriétaire du fonds ci-devant roturier, soit de la part des fonds ci-devant appelés fiefs, il sera fait d’après les règles et les distinctions ci-après. •> M. Tronchet, rapporteur, lit ensuite l’article 25 (ancien article 24) qui est ainsi conçu : « Dans les pays et les lieux oùles fonds sont soumis à un droit particulier pour les mutations par vente, ou autres équipollentsà vente, il sera payé, pour le rachat particulier, savoir : « 1° Pour les fonds sur lesquels le droit de vente est de la moitié du prix, cinq seizièmes dudit droit; « 2° Pour les fonds sur lesquels le droit est du tiers, cinq quinzièmes ouïe tiers du droit ; « 3» Pour les fonds sur lesquels le droit est du quint et du requint, ou du quart, cinq quatorzièmes dudit droit ; « 4° Pour les fonds sur lesquels le droit est du quint, cinq treizièmes dudit droit ; « 5* Pour les fonds sur lesquels le droit est du sixième, cinq douzièmes dudit droit; « 6° Pour les fonds sur lesquels le droit est du huitième, cinq onzièmes. «7° Pour les fonds sur lesquels le droit n’est que du douzième, ou à une quotité inférieure, quelle qu’elle soit, la moitié du droit. » M. Ricard de Séalt. Messieurs, ce n’est pas d’au-jourd’hui que j’ai calculé combien, sur une masse donnée de biens roturiers, il en était vendu, année commune dans un fief, de manière à donner ouverture aux droits de loas et de mutation. J’ai trouvé que c’était à peu près la quatre-vingtième partie, de manière que les biens roturiers d’un fief valaient un million, les ventes annuelles ne s’élevaient pas au-dessus de douze mille cinq cents livres. Or, Messieurs, d’après cette base, je fais un calcul bien simple. Si, sur un million de biens roturiers, il n’est vendu, année commune, que pour 12,500 livres de fonds, en supposant le droit de mutation fixé au sixième du prix (ce qui est le taux le plus haut), cette partie de droits éventuels ne rendrait au propriétaire du fief que 2,083 livres par année ; en supposant cette somme remboursable au denier vingt, elle formerait au profit du seigneur un capital de 40,660 livres. Si, au contraire, vous remboursez ce droit d’après le calcul fait parle comité, j’offre de prouver arithmétiquement que les propriétés grevées de ce droit supporteront un remboursement du quatorzième de leur valeur effective. Or, Messieurs, le quatorzième d’un million serait, au profit du seigneur, un principal de plus 70 livres, ce qui ferait pour ces propriétaires, une charge d’un tiers plus forte que la valeur de la charge légitimement due et ce qui rendait et ne pouvait rendre au seigneur, d’après les premières bases données que 2,083, rendrait, par le remboursement effectué, une rente de plus de 3,500 livres. Si vous vous déterminez à suivre à la lettre le plan qui vous est proposé par votre comité, il me paraît que vous rendez le sort des débiteurs infiniment plus pénible lors du remboursement que vousvoulezjleur faire effectuer, qu’il ne l’était lora de l’exercice de ce droit. Si le remboursement était forcé, il serait intolérable et deviendrait impossible, puisque tous les propriétaires d’un fief ou d’une terre seigneuriale soumis à ce droit, seraient tenus de payer, pour s’affranchir, le quatorzième de leur domaine. Si le remboursement est volontaire, il deviendra oppressif et éternel... Et dans les deux hypothèses, le projet ne sera favorable ni aux habitants riches des campagnes, pour qui il sera trop cher... ni à la classe la plus pauvre, à qui il deviendra impossible. . . ni utile aux ci-devant seigneurs, qui ne seront jamais assurés du remboursement, qui seront obligés de tenir des registres, source intarissable de procès et peut-être de moyens d’oppression... Si la base que j’ai donnée paraissait insuffisante aux ci-devant seigneurs, je leur demanderais si les droits auxquels ils étaient soumis vis-à-vis du roi, lors des mutations des fiefs ou terres seigneuriales ne doivent être ni considérés, ni calculés, ni passés en compte, et s’il ne serait pas juste que partie du droit qui leur sera payé par les anciens emphytéotes, pour se libérer, fût versé dans le Trésor public, pour opérer leur libération individuelle, libération d’un droit aussi respectable et aussi imprescriptible puisque c’est un droit national perdu qui serait remboursé ? C’est d’après ces considérations que j’aurais désiré que l’autorité fit une distinction des droits éventuels dus à raison d’une servitude seigneuriale, de ceux qui sont dus à raison d’une concession de fonds situés dans une terre libre ou allodiale, et, à ce titre, je demanderai l’ajournement de la question, pour que la distinction soit faite. Mais si l’Assemblée persiste à vouloir décréter tous les articles suivants, qui ont été présentés ar son comité féodal, je propose que, dans les efs ou les terres seigneuriales où les droits de mutation par vente ne seront pas uniformes, et où le remboursement aura lieu d’une manière partielle, le taux du remboursement soit fixé à un tiers au-dessous du taux déterminé par le comité féodal. J’ai à proposer encore deux articles additionnels, qui me paraissent infiniment importants, que l’Assemblée ne proscrira certainement pas ; je la supplie de vouloir bien en entendre la lecture. Je regarde ces remboursements comme un des objets les plus importants et les plus essentiels, relativement à l’influence que ce droit peut donner à une telle classe d’hommes sur les autres classes de citoyens; influence bien dangereuse, lorsqu’on pensera que les charges publiques sont électives et déterminées par le choix du peuple ; il ne faut pas que le peuple soit subjugué, intimidé ou contraint par aucune considération, if faut rendre son opinion aussi libre qu’il sera possible lorsqu’il votera dans les assemblées primaires. Je propose, en conséquence, de décréter : « 1° Les droits concernant les mutations par vente ou équipolfents à vente qui seront dus uniformément et universellement par les habitants d’un même fief ou terre seigneuriale, seront payés en corps de commune, si la commune le juge convenable, sans que le seigneur puisse s’y refuser ; * 2° Pour parvenir à l’acquittement du payement résultant desdits droits, le ci-devantseigneur sera tenu de donner, à la réquisition de la commune,