402 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. p9 mars 1790.] ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE de M. ce BARON de MENOU. Séance du lundi 29 murs 1790 (1). La séance est ouverte à 9 heures 1/2. M. Rougiyis de Roquefort, secrétaire , donne lecture des adresses dont le détail suit •• Adresse de renouvellement d’adhésion des officiers municipaux de la ville de Mézières ; ils annoncent que le 14 mars dernier, jour de la cérémonie qui a eu lieu à l’occasion de la bénédiction des drapeaux et de la prestation du serment civique de la garde nationale de cette ville, un des canonniers, emporté par son zèle et par le désir de mettre la plus grande célérité dans son service, a été tué d’un coup de canon. Adresse des maire et officiers municipaux du bourg de Sommaire, département du Nord, district de Douai, qui demandent à acquérir des portions de biens ecclésiastiques qui sont à la convenance de la communauté et des habitants de ce lieu. Adresse des nouvelles municipalités des communes des Paroches, de Domprevin et de Fresne, près de Saint-Michel ; elles expriment, surtout, leur vive reconnaissance sur l’abolition dë la féodalité, et des distinctions humiliantes qui dégradaient les communes. Adresse de la ville de Magny, où elle exprime son dévouement et son adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale, et par laquelle elle réclame un district et la conservation de son bailliage. Procès-verbal des officiers et membres de la garde nationale de la paroisse de Beuvry, département du Nord, district de Douai, du 21 de ce mois, qui, forte de l’union du roi a l’Assemblée nationale, et pouvant enfin manifester des vœux que plusieurs siècles d’oppression monacale et féodale avaient comprimés, adhèrent à tous les décrets de l’Assemblée, jurent de les faire exécuter et de verser jusqu’à la dernière goutte de leur sang, plutôt que de souffrir qu’on y apporte le moindre obstacle, et demandent que dans la vente à faire des biens nationaux, ci-devant biens du clergé, les adjudications soient accordées de préférence à tous les habitants de chaque lieu, et principalement à eeux qui sont actuellement dénués de propriété. Adresse des officiers et soldats des régiments de Normandie, Beauce, et du Corps-Royal des canonniers-matelots de Brest, par laquelle ils renouvellent l’expression de leurs sentimentsde respect, de dévouement et de reconnaissance, et par laquelle ils désavouent avec indignation les nouvelles insérées daDS le bulletin du journal des journaux, n6 19, en date du 5 mars, où l’on a osé publier qu’ils avaient déchiré les registres où ils avaient consigné le serment civique, ordonné par l’Assemblée nationale. Adresse de la femme d’un officier municipal de la ville de Lanion, souscrite de plusieurs autres, demandant que les femmes soient admises à la ; prestation du serment civique. L’Assemblée ordonne l’impression de la lettre dont la teneur suit : « Monsieur le Président, On ne dit pas un seul mot des femmes dans la (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. constitution, 'et j’avoue qu’elles ne sauraient sa mêler des affaires publiques ; cependant les mères de famille peuvent et doivent être citoyennes : quelle sera celle qui n’imitera l’exemple de notre reine, qui a promis d'élever son auguste fils dans les principes de la nouvelle constitutio n ? Pénétrée, affectée de cette déclaration patriotique, mère de dix enfants et nourrice du plus jeune, je les ai rassemblés autour de moi, et là, en présence de leur aïeule, j’ai juré, à genoux devant Dieu, de les élever dans la fidélité à la nation et au roi. Ma fille aînée a fait le même serment, parce qu'elle est également mère et nourrice. Je serais désolée, M. le Président, que cette action pût déplaire à ,l’ Assemblée nationale. J’ose me flatter, an contraire, qu’elle voudra bien rendre une ordonnance qui permette aux mères de 'prêter ce serment solennel devant les officiers municipaux, que nous estimerons désormais, parce qu’ils seront choisis par le peuple. Je m’imagine que eette cérémonie respectable rendrait la maternité recommandable, et en inculquerait les devoirs civiques aux premières institutrices des citoyens. » Si cette idée était admise, je mériterais une grâce, et la voici : Mon dernier enfant et celui de ma fille, encore anonymes, sont nés depuis l’ou-verturede l’Assemblée nationale, et jedemanderai s la permission de faire donner à chacun d’eux pour premier nom, celui de citoyen. Je conviens qu’il est bien beau pour de petits nourrissons: mais l’Assemblée a autorisé l’armateur d’un navire à lui donner son nom, et je n’en réclame qu’un Gommun à tout bon Français, à tout membre des communes bretonnes. « Je suis avec un profond respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissante servante, » Signé: Briçent Baudouin ; pour adhésion et présence, Bernard Brigent, Baudouin Gri-mault ». M. le marquis de Boiinay, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier. Ilne s’élève aucune réclamation. M. Goupil de Rréfeln demande et obtient la parole pour une motion tendant à admettre les femmes à la prestation du serment civique. Nous savons tous, Messieurs, combien estgrande noble, auguste, la magistrature des mères de famille. Elles ont sans doute plus de droit à la vénération publique que les femmes qui n’ont point eu le bonheur de la fécondité. Les mères sont les premiers précepteurs des enfants ; leurs exemples et leurs conseils peuvent faire des citoyens, ou des hommes qui ne le seront pas. Je demande qu’il soit décrété que toute femme mariée, d’une conduite honnête, sera admise à l’honneur de prêter le serment civique dans les mains des municipalités. M. Voidel. Admettre les femmes à prêter le serment civique après qu’elles auront été reconnues honnêtes, c’est les livrer à une inquisition affreuse de la part des municipalités ; je demande que cette partie de la motion soit supprimée. ïï autres membres demandent l'ajournement. M, Konelie. L’Assemblée ne peut ajourner un décret qu’elle a déjà consacré par le fait. Rappelez-vous� Messieurs, de cette journée où le roi vint au milieu de Vous ; rappelez-vous que vous pré- (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 1�9 mars 1790 ] 403 tâtes tous, après l’avoir entendu, le serpent civique; n’oubliez pas aussi que toutes les citoyennes qui se trouvaient alors dans la salle furent admises à prêter h même serment : le procès-verbal du 4 février fait foi de ee que j’avance. Je demande que la motion de M. Goupil de Préfeln ne soit point ajournée. (L’ajournement est encore demandé ; il est rnis aux voix et décrété.) M-fait une motion pour la suppression du droit exercé, dans quelques cantons du royaume, par des seigneurs laïques et ecclésiastiques; irait qui consista à envoyer pâturer des bestiaux dans les prairies copwiunales, depuis le pois d’avril jusqu’à la veille de la récolte des foins. II demande, en conséquence, que le comité féodal présente incessamment un projet de décret à cet égard. L’Assemblée renvoie la motion au comité féodal. M. le marquis de Deauchamp, député de Saint-. Jean-d' Ângely, demande un congé de huit jours, M. le comte de La Touche, député de Mon-targls, demande un congé également de huit jours. M. l’abbé de Garochenegly, député de Blois , prie l’Assemblée de l’autoriser de s’absenter pendant trois semaines. Les congés sont accordés. M. le eardlual prince de Rohaii-Giiénié-née, qui était absent de l’Assemblée depuis assez longtemps, entre dans la salle. M. Veidel. J’observe que Son Eminence n’a pas prêté le serment civique. M. le cardinal de Rohan prête ee serment. M. le Président annonce une lettre et un mémoire de M. Lambert, contrôleur général des finances touchant la perception de l’impôt sur le tabac. Ce mémoire est renvoyé, sans lecture préalable, au comité des finances/ M. Le Chapelier, membre du comité de constitution, demande la parole au nom de ce comité, et propose un décret sur les fonctions des commissaires royaux des assemblées primaires. 11 semble, dit M. Le Chapelier, que l’ouvrage de la constitution éprouve des obstacles non seulement de la part des ennemis de la liberté, mais encore de la part des meilleurs amis de la Révolution. Vous ayez déerétô que lé pouvoir exécutif nommerait des commissaires pour veiller à l’exéeution de vos décrets, relativement à l’organisation des municipalités. Votre comité de constitution m’a chargé de vous instruire d’une infraction à ee décret, non de la part du pouvoir exécutif, qui a fait ce qu'il a dû, mais de la part de la municipalité de la ville de Troyes en Champagne. La municipalité de la ville de Troyes a délibéré qu’elle n’admettrait pas les commissaires choisis par le roi pour veiller à son organisation ; elle a écrit à toutes les municipalités du royaume une lettre à ce sujet, à laquelle est jointe la déclaration. Avant de prononcer sur cette affaire, je vous proposerai d’entendre la lecture de différentes pièces, san* la connaissance desquelles il me semble que vous ne pouvez juger. Je dois vous prévenir, Messieurs, que la délibération de la municipalité de Troyes ne nous est point parvenue de sa part; mais bien de celle de la municipalité de Versailles, qui avait reçu la lettre-circulaire et la délibération. (M. Le Chapelier fait lecture de l’instruetion du roi aux commissaires nommés pour la formation des assemblées primaires. Il lit ensuite la délibération de la municipalité de la ville de Troyes. INSTRUCTION que le roi a ordonné être remise aux commissaires nommés par Sa Majesté, pour la formation des assemblées primaires et des assemblées administratives (1). Les commissaires que le roi vient de pommer pour la tenue des assemblées primaires, recevront le décret de l’Assemblée nationale, les instructions qui l’accompagnent, les cartes qui déterminent la circonscription des départements, celle des districts et celle des cantons. Sa Majesté est bien assurée du zèle avee lequel ils se livreront à l’étude et à l’examen de tout ce qui doit servir à les guider dans les" fonctions importantes qu’ils auront à remplir. ils n'assisteront point aux assemblées : on pourrait craindre qu’ils n’en gênassent la liberté par leur présence. Mais ils s-occuperont uniquement du soin defionnèr les éclaircissements qui dépendront d’eux, et de résoudre les difficultés qui s’élèveront sur l’exécution fie la loi. En général, ils se placeront au centre de �arrondissement pour faciliter la correspondance, et ils jugeront eux-mêmes s’ils doivent ôu non se transporter, soit dans les districts, soit dans les cantons, lorsque la nature des questions agitées paraîtra exiger leur présence. Ils pourront même se concerter entre eux, se partager le nombre des cantons, s’y rendre séparément, afin d’accélérer d’autant plus le terme des opérations. Arrivés dans le chef-lieu du département, ils feront connaître leurcom mission, en Tenyoyant enregistrer dans les principales municipalités, notamment dans toutes celles gui sont désignées pour être chef-lieu de district ou de canton. Elles ne seront pas soumises à d’autre notification. Après avoir examiné avec attention la carte et le procès-verbal joints à la présente instruction, ils demanderont à chaque municipalité la liste qu’elle a dû former fies citoyens actifs renfermés dans son sein. Cette liste servira à déterminer le nombre des députés électeurs que chaque canton doit produire et envoyer à l’assemblée de département. Les commissions adresseront ensuite dans chaque municipalité l’ordre d’avertir les citoyens actifs de sé rendre à Rassemblée fie leurs cantons, à l’effet d’y procéder au choix des électeurs. Ils désigneront le lieu, le jpur de rassemblée, et lé nombre d’électeurs qu’il y faudra nommer. Il est indispensable que les commissaires connaissent avec exactitude les résultats fies élections. ï( ne fiest pas moins qu’ils soient informés sur-le-champ fie tous les détails, ainsi que des doutes et des difficultés qui s’élèveront dans chaque assemblée. Cependant, dans le premier moment, et avant que les assemblées des cantons (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur.