[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 juillet 1791.] 749 M. Robespierre. L’article 62 cité ici, n'est relatif qu’aux assemblées de citoyens qui se réunissent pour exercer en commun une partie de leurs droits politiques. Je ne crois pas qu’il s’applique aux clubs ou aux sociétés particulières. A cet égard, j’observe qu’il résulterait de l’article proposé, qu’il n’y aurait pas une société quelconque, quelque indifférente qu’elle pût être, même une société de bal ou de plaisir, qui ne fut astreinte à la nécessité de faire la déclaration de ses plaisirs au greffe, à peine de 200 livres d’amende. A-t-on en vue des sociétés plus importantes, celles par exemple où les citoyens se réuniraient pour délibérer sur leurs intérêts, pour s’éclairer sur leurs droits, en un mot, pour appliquer leurs ensées aux objets les plus intéressants pour des ommes et pour des hommes libres? Je dis que l’article est encore pins déplacé. La loi ne peut point avoir d’autre droit envers les citoyens qui se rassemblent, que de punir les contraventions, s’il s’en commet ; mais les sociétés sont essentiellement légitimes, et la loi ne peut mettre aucune entrave à leur formation sans porter une atteinte également injuste et inutile à la liberté. Quel est le but de cet article ? C’est de mettre des obstacles à la formation des sociétés dont l’existence a été jusqu’ici le plus ferme rempart de la liberté publique et individuelle; c’est de donner aux municipalités le pouvoir de chicaner celles qui voudraieut se former. Une loi de cette nature ne peut pas être adoptée par l’Assemblée. Nous ne devons pas mettre de nouveaux obstacles à la formation de l’esprit public. La liberté, dans les moments de crise où nous sommes, a encore besoin de surveillants et de défenseurs, a encore besoin de citoyens qui éclairent leurs concitoyens sur leurs droits, sur les ennemis qu’ils ont à combattre, en un mot, sur tout ce qui est nécessaire pour le maintien de la liberté et de la Constitution, et, bien loin de mettre des entraves à de pareils établissements, il faudrait les encourager. En conséquence, je demande la question préalable sur l’article proposé. M. Démeunier, rapporteur. Le comité n’a voulu que porter une peine contre ceux qui contreviendraient à l’article 62 du décret du 14 décembre. Le préopinant voudrait -il bien nous expliquer comment on peut demander la question préalable là-dessus? Mais comme la rédaction n’a pas paru claire, on peut en proposer une autre : « Ceux qui contreviendront aux règles prescrites par l’article 62 du décret du 14 décembre, à l’égard des clubs ou sociétés particulières, seront condamnés à une amende de 200 livres, et, en cas de récidive, à 500 livres d’amende. » Un membre: Ce n’est pas cela, il faut ôter le mot club. M. Démeunier, rapporteur. J’adopte celte motion. M. Martineau. Je demande la conservation de l’article tel qu’il a été présenté, et voici ce que j’ai l’honneur de répondre à M. Robespierre. Je vous avoue que j’ai peine à concevoir le motif de la distinction qu’il demande. 11 est bien étonnant que des citoyens qui se réunissent paisiblement et sans armes, pour faire une pétition au Corps législatif, ne puissent pas se rassembler pour former des clubs, sans être obligés d’en prévenir la municipalité. La même raison qui exige que les citoyens, lorsqu’ils veulent se rassembler, en préviennent la municipalité, doit faire que tout citoyen qui veut former une société telle qu’un club, soit obligé d’en prévenir la municipalité. Ce n’est pas une servitude, c’est un simple avertissement donné à la municipalité, que dans un tel lieu, à une telle heure, il se rassemblera tel nombre de de citoyens, afin qu’elle puisse y maintenir le bon ordre. Apparemment, Messieurs, que vous entendez que les clubs aient des privilèges que n’ont pas les autres citoyens. Je demande donc que l’article soit décrété comme il a été présenté. M. Pétion de Villeneuve. Puisque l’un des préopinants soutient l’article tel qu’il est rédigé, il est indispensable de prouver qu’il ne peut subsister. En effet, Messieurs, cet article ne tendrait qu’à mettre des gênes, des entraves parfaitement inutiles. (Murmures.) Je demande en quoi engage la déclaration exigée? La municipalité, par exemple, pourra-t-elle s opposer sous tel prétexte que ce soit? (Non! non!) Eh bien I à quoi bon la déclaration qui lui sera faite? (Rires ironiques.) Craignez l’arbitraire. Une municipalité, d’après cet article, sera libre de dire à des citoyens qui ne l’auraient point avertie : Vous êtes là réunis en société particulière; vous n’aviez pas le droit de vous y rassembler sans nous prévenir; ainsi je vous disperse. Il ne faut pas s’imaginer qu’une municipalité ne pourrait commettre de semblables inquisitions. Messieurs, c’est en faisant de ces lois qui laissent la faculté aux administrateurs d’agir d’une manière arbitraire, qu’on porte de l’inquiétude chez les citoyens. Les citoyens sont libres de se réunir, voilà un principe* incontestable; et quand ils ne troublent pas l’ordre public, personne ne peut intervenir pour examiner ce qu’ils font. Je suppose une société qui s’assemble d’une manière régulière, qui a des jours fixes pour sa réunion. Eh bien ! Messieurs, il surviendra une circonstance qui exigera, aux yeux de la société, un rassemblement extraordinaire. Quoi ! si l’on n’a pas prévenu la municipalité, quoique ce soient les mêmes individus qui s’assemblent ordinairement, la municipalité pourra se présenter et inquiéter les citoyens ? Je ne puis l’imaginer. La municipalité ne peut avoir d’inspection sur le lieu de la réunion, qu’autant qu’il s’y commettrait des violences. Plusieurs membres : Fermez la discussion ! (L’Assemblée ferme la discussion.) M. Rewbell et plusieurs membres parlent dans le bruit. M. Démeunier, rapporteur. La précaution qu’on exige des sociétés ne peut que leur être utile, au lieu de leur être défavorable; car toute société pourra dire qu’elle entend se réunir tous les jours en tels lieux. Il faut donc ôter le mot heures. Mais qu’on ne dise pas de l’article, si vous l’adoptez, qu’il portera atteinte à la liberté des sociétés particulières, parce que, la formalité une fois remplie, elles seront en paix et parfaitement libres dans leur opinion. 7S0 Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (S juillet 1791-] M. Duport. Je demande qu’on mette sociétés au lieu d’assemblées. M. Démeunïer, rapporteur. Voici la nouvelle rédaction de l’article : Art. 14. « Ceux qui voudront former des sociétés et dpbB seront tenus, à peine de 200 livres d’amende, de faire préalablement au greffe de la municipalité la déclaration des lieux et jours de leur réunion; et, en cas de récidive, ils seront condamnés à 500 livres d’amende ». {Adopté.) M. Démeunïer, rapporteur , donne lecture de l’article 15, ainsi conçu : « Ceux qui négligeront d’éclairer et de nettoyer les rues devant leurs maisons, dans les lieux où ce soin est laissé à la charge des citoyens; « Ceux nui embarrasseront ou dégraderont les voies publiques ; (i Ceux qui anticiperont sur les chemins vicinaux vis-à-vis de leur héritage; ceux qui les dégraderont ou négligeront de les entretenir; « Ceux qui contreviendront à la défense de rien exposer au-devant de leur maison sur la voie publique, de rien jeter qui puisse suivre ou endommager par sa chute ou causer des exhalaisons nuisibles; « Ceux qui laisseront divaguer des insensés ou furieux ou des animaux nuisibles ou féroces ; « Seront, indépendamment des réparations et indemnités envers les parties lésées, condamnés à une amende du sixième de leur contribution mobilière, sans que l’amende puisse jamais être au-dessous de 3 livres, et si Je fait est grave, à la détention de police municipale. » M. Moreau. L’amende est beaucoup trop forte et je propose de lui substituer une amende de 40 sols à 50 livres. M. Démeunier, rapporteur. J’adopte. M. Delavigne. Je suis étonné que le comité n’ait pas fait attention à un objet qui n’a pas échappé à l’ancienne police. Autrefois on condamnait à 40 sols d’amende pour chaque porte d’allée ouverte, passé 11 heures du soir. Il faut encore défendre de jouer dans la rue au volant ou la boule, d’y tirer des pétards. Je demande que le comité prenne ces objets en considération. M. Déméiuiier, rapporteur. Le comité a borné son travail sur la police .municipale aux objets qui, par leur importance et leur conformité, pouvaient être appliqués à tout le royaume. Certes, ce serait une étrange proposition que celle d’occuper le Corps législatif des derniers règlements de police. Le préopinant n’a fait attention qu’à l’articel 46 ; nous détaillons les objets sur lesquelles municipalités pourront prononcer par voie d’administration. Vous ne pouvez refuser aux municipalité une certaine latitude. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! Plusieurs membres présentent de nouvelles observations sur l’article. M. Démeunïer, rapporteur. Voici la nouvelle rédaction que nous proposons j Art. 15. « Ceux qui négligeront d’éclairer et de nettoyer les rues devant leurs maisons, dans les lieux “où ce soin est laissé à la charge des citoyens; « Ceux qui embarrasseront ou dégraderont les voies publiques; « Ceux qui contreviendront à la défense de rien exposer sur les fenêtres, ou au-devant de leur maison sur la voie publique, de rien jeter qui puisse nuire ou endommager par sa chute ou causer des exhalaisons nuisibles; « Ceux qui laisseront divaguer des animaux malfaisants ou féroces; « Seront, indépendamment des réparations ou indemnités envers les parties lésées, condamnés à une amende depuis 2 livres jusqu’à 50 livres. » {Adopté.) M. Démeunïer, rapporteur. Le comité a cru que, sous lerégime de la liberté, il fallait appliquer une peine contre la rapidité des chevaux dans les rues. Voici l’article : « Ceux qui, par imprudence ou par la rapidité de leurs chevaux, auront blessé quelqu’un dans les rues ou voies publiques, seront, indépendamment des indemnités, condamnés à 8 jours de détention et à une amende égale à la totalité de leur contribution mobilière. « S’il p eu fracture de membres, ousi, d’après les certificats des gens de l’art, la blessure est telle qu’elle ne puisse se guérir en moiDS de 15 jours, les délinquants seront renvoyés à la police correctionnelle. » M. Prieur Je trouve vague le mot ceux. Je demande que, contre les règles ordinaires, parce qu’il faut les franchir quand il s’agit du salut public, le maître et le cocher soient tous deux sujets à la punition correctionnelle ; car l’insolence des cochers vient toujours de l’insolence de leurs maîtres, et même de leur inhumanité. {Applaudissements.) M. Garat aîné. J’appuie la motion d’autant plus, que ce sont essentiellement les maîtres qui font, de la rapidité de leurs voitures, un objet de vanité. Je n’oublierai jamais que, me promenant un jour avec un ancien aristocrate, nous roulions comme l'éclair dans les rues. Je m’en étonnai et je lui demandai : mais comment pouvez-vous aller si vite ? Hé ! voulez-vous que nous passions noire vie dans les rues ! me répondit-il. Pourvu qu’il n’y passât pas sa vie, il se souciait fort peu de compromettre celle des autres. Ainsi, Messieurs, par un sentiment d’humanité, j’appuie la motion que vous avez faite. Observez d’ailleurs, Messieurs, que c’est le seul signal d’aristocratie qui nous restera désormais que les voitures : or, il est essentiel que celui-là soit astreint à beaucoup de modération. M. Ganltier-Biauzat. Je propose de retrancher la contribution mobilière pour l’amende, et d’y substituer une somme de 300 livres ou toute autre : voici ma raison ; c’est que les faquins qui courent les rues ne sont pas toujours imposés à une contribution mobilière. M. Démeunïer, rapporteur. L’amendement de M. Prieur s’écarte des règles, il n’y a que le maître qui soit civilement responsable des dommages et intérêts, Ainsi, si un cocher, par imprudence, en conduisant ses chevaux d’une ma-