$14 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, i 5 ïhmaire an H Une députation de la Société populaire et répu¬ blicaine de Sceaux déclare que, fidèle observa¬ nce du culte de la liberté, de la raison et de la philosophie, elle travaille à détruire les préjugés delà superstition; elle demande des commissaires pour assister à la fête civique qu’elle se propose de donner; elle dépose sur l’autel de la patrie tous les hochets de la superstition. La Convention décrète la mention honorable et l’insertion au « Bulletin », et qu’elle nommera des commissaires (1). Compte rendu des Annales 'patriotiques et littéraires (2). La Société populaire de Sceaux -l’ Unité expose sur l’autel de la patrie les vases et les ornements de son église. Cette Société a armé et équipé un eavalier pour le service de la République. Elle a prié l’Assemblée de vouloir bien envoyer une députation à la fête’ qu’elle compte célébrer en l’honneur de Marat et Lepeletier. (Adopté; honneurs de la séance.) Benjamin Dutaillis, Français, sollicite de la Convention des secours que lui méritent son ci¬ visme et ses malheurs. Sur la motion d’un membre [David (3)], « La Convention nationale décrète qu’il sera payé au citoyen Dutaillis, par la trésorerie natio¬ nale, au vu du présent décret la somme de 1,200 livres à titre de secours provisoire. Elle renvoie la pétition de ce citoyen au comité de liquidation, pour en faire un prompt rapport (4). » Compte rendu du Moniteur universel (5). Alexis Lepeletier. Citoyens législateurs, les crimes du prêtre d’Italie vous sont assez con¬ nus, je ne vous les rappellerai pas : je vous pré¬ senterai seulement aujourd’hui une victime (I) Procès-verbaux de la Convention , t. 26, p. 155. (2) Annales patriotiques et littéraires [n° 329 du 6 frimaire an II (mardi 26 novembre 1793), p. 1524, eol. 1]. (3) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales (carton C 282, dossier 787) et d’après les divers journaux de l’époque. (4) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 155. (5) Moniteur universel [n° 67 du 7 frimaire an II [mercredi 27 novembre 1793), p. 270, col. 1]. D’autre part, le Mercure universel [6 frimaire an II (mardi 26 novembre 1793), p. 93, col. 1] et les Annales patriotiques et ‘littéraires [n° 329 du 6 frimaire an II (mardi 26 novembre 1793), p. 1524, col. 1] rendent compte de la pétition du citoyen Dutaillis dans les termes suivants : I. Compte rendu du Mercure universel. Le frère de Michel Lepeletier expose que le prêtre à Rome a trouvé très commode de faire jeter dans les prisons les Français patriotes et de s’emparer de de la vengeance que ce monstre exerce sur tous les Français, et qui a, comme par miracle, échappé au massacre de Basseville. C’est après trois mois de détention dans un cachot fangeux que le citoyen Dutaillis se présente devant vous pour réclamer votre' humanité. C’était dans sa maison, et pour conférer sur les intérêts de leur patrie, que se réunissaient les Français patriotes qui étaient à Rome. Il était désigné pour être immolé après Basseville; son sang a coulé sur le même lit qui reçut les restes inanimés de cet in¬ fortuné patriote. Citoyens, Dutaillis a tout perdu, il ne lui reste qu’un ardent amour pour la patrie; ce titre doit suffire pour avoir des droits aux secours qu’accorde la République à ses vrais amis. David. Citoyens, jamais Français ne s’est présenté devant Dutaillis sans en obtenir des bienfaits. La boutique qu’il occupait à Rome, et qui renfermait toute sa propriété, a été pillée. Je demande que l’Assemblée lui accorde un secours provisoire de 1,200 livres, et qu’elle renvoie sa pétition au comité des secours. La proposition de David est adoptée. La Convention nationale, sur la pétition de citoyens tendant à la conservation de la ci-de-vant loterie, passe à l’ordre du jour (1). Suit le texte de cette pétition d’après un docu¬ ment des Archives nationales (2). Pétition à la Convention nationale. « Citoyens représentants, « Par votre décret du 25 brumaire, vous venez de supprimer toutes les loteries, et en particulier celle de France. C’est le saint en¬ thousiasme du bien, c’est votre zèle ardent leurs biens. Il réclame des secours pour le citoyen Dutaillis qui tenait à Rome une maison de commerce et qui, lors de l’assassinat de Basseville, fut opprimé et forcé de fuir pour la cause du patriotisme. L’Assemblée décrète, sur la proposition de Da¬ vid, qu’il sera payé par la trésorerie nationale et au vu du présent décret, la somme de 1,200 livres; renvoie la pétition du citoyen Dutaillis à son co¬ mité des finances. II. � Compte rendu des Annales patriotiques et littéraires » L’Assemblée, sur la proposition de David, accorde un secours provisoire de 1,200 livres au citoyen Du¬ taillis, vieillard respectable par ses vertus sociales et politiques. Ce franc républicain accompagnait le malheureux Basseville, secrétaire de légation à Rome, lorsque celui-ci y fut assassiné. Dutaillis fut criblé de coups et jeté dans les prisons. Il y a gémi pendant trois mois et il a perdu toute sa for¬ tune. Enfin, rendu à la liberté, il se présente à l’Assemblée qui l’accueille au milieu des plus vifs applaudissements. Sa demande a été renvoyée, pour le fond, au comité des secours. 1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 155. 2) Archives nationales, carton C 285, dossier 828. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 25 iZembre 1793 115 pour la régénération des mœurs qui vous a dicté cette décision. « Loin de nous le sentiment borné de l’intérêt personnel, le lâche égoïsme; nous sommes républicains, et l’intérêt général seul doit nous toucher. Si les loteries forment un établisse¬ ment immoral dans un bon gouvernement, comme on vous l’a exposé, elles doivent dis¬ paraître à jamais. Il ne nous restera plus qu’à solliciter de votre justice un mode d’exécution, et quelques légitimes indemnités. « Mais, citoyens législateurs, vous savez qu’il faut se défier même de son ardeur pour le bien public. Vous savez qu’un établissement, considéré sous ses divers rapports, politiques et moraux, peut présenter des avantages in fini - ments supérieurs aux inconvénients dont on avait d’abord été frappé. Telles sont en parti¬ culier les loteries de France. « Il existe des loteries dans tous les États de l’Europe. Elles sont compatibles avec le gouvernement républicain comme aveo les autres gouvernements. Gênes, Venise, les villes libres d’Allemagne ont leurs loteries, comme les villes soumises à la tyrannie des despotes. Il faut que, partout, le peuple ait ses amuse¬ ments, ses espérances et ses spéculations. « Les loteries sont nécessaires, surtout dans les grandes villes. C’est là que les amusements doivent se multiplier, et pour le riche qui s’y retire, nourrit le pauvre et encourage tous les arts, et pour le pauvre même qui a besoin d’être ■distrait de sa misère par des espérances de for¬ tune, et qui se procure, à peu de frais, ces espérances souvent réalisées. « Il en est des loteries comme des spectacles qui, suivant l’immortel Rousseau, sont néces¬ saires dans les grandes cités. Il ne faut pas exiger de l’homme une trop haute perfection, ni l’entier sacrifice de ses passions et de ses amusements. « Il en est des loteries comme du commerce, qui, quoique nourri de hasards, et souvent de chimères, quoique traînant après soi mille immoralités, est pourtant un des puissants leviers de la machine politique. « Il en est encore des loteries comme des fêtes qui, en même temps qu’elles délassent l’homme, peuvent servir d’occasion et d’ali¬ ment à plus d’un vice. Il n’est rien dont on ne puisse abuser et qui ne présente des inconvé¬ nients à côté des avantages les plus considé¬ rables. « On ne peut d’ailleurs se dissimuler, ci¬ toyens représentants, que, dans tous les temps, la loterie de France n’ait été très avantageuse pour l’État. « Les étrangers y versent des sommes con¬ sidérables, et sont par là devenus nos tribu¬ taires. La loterie électrise le cœur du riche et l’engage à livrer à la circulation des fonds abon¬ dants. Elle amuse et console le pauvre. Si elle entraîne en soi un impôt sur le peuple, c’est au moins l’impôt le plus doux, puisqu’il est absolument volontaire. Elle occupe et nourrit 20,000 pères de famille. Mais, ce qui est surtout à considérer, elle enrichit annuellement la Répu¬ blique d’environ 15 millions, qui refluent sur les malheureux, et portent la vie et l’abondance dans les hospices des misères humaines. « Aussi le peuple, ardent à poursuivre les abus depuis cinq ans, n’a-t-il apporté dans le sanctuaire des lois, aucune plainte contre la loterie de France. Mais qu’arriverait -il, citoyens représentants, si vous vous déterminiez à main¬ tenir votre décret de suppression? Vous satis¬ feriez, sans le vouloir, l’avidité insatiable des agioteurs et des étrangers. Ils se partageraient à l’envi les débris et le produit de l’établisse¬ ment supprimé. « Il se trouve en France beaucoup de ban¬ quiers qui, au préjudice des règlements anciens et de vos lois, ont toujours tenu des bureaux appelés petites loteries, et détourné, à leur profit, une partie du revenu public de la loterie de France. « D’ailleurs, les loteries d’Offembourg, de Cologne, de Bruxelles, de Turin, de Gênes, et plusieurs autres qui font, chaque semaine, un tirage, ont leurs correspondants à Paris, et, dans tous les temps, y ont recueilli des mises considérables. « Si la loterie de France n’existait plus, ne verrait-on pas ces agioteurs et ces loteries étran¬ gères lui succéder, se gorger des richesses de la République, s’approprier en entier une branche importante de son revenu, et la rendre à son tour tributaire des puissances voisines? « N’a-t-on pas vu déjà, en 1791, au milieu de l’incertitude qui régnait sur le sort de nos loteries, les Anglais s’efforcer de nous enlever les employés les plus expérimentés en cette partie, dans la vue de fonder à Londres un pareil établissement sur les ruines du nôtre? « N’a-t-on pas vu encore, dans la même année, arrêter à «Strasbourg des sommes que l’on exportait, pour les employer à des mises sur la loterie d’Offembourg? « Un point incontestable est que le peuple aime et aimera la loterie. C’est un objet de spé¬ culation et d’amusement qui flatte également le riche et le pauvre. Si vous supprimez les loteries publiques, il s’en formera mille autres dans toutes les villes de la République. Le public, toujours confiant, se livrera à discrétion aux agioteurs, et sera victime de toutes sortes de spéculations meurtrières et d’infidélités. L’étran¬ ger engloutira une autre partie de nos richesses. La fortune publique se trouvera altérée, et par la perte des fonds qu’elle tirait de l’étranger, et par celle des 15 millions qu’elle avait à em¬ ployer annuellement en secours �publics, et par les maux particuliers des individus. « Telles sont, citoyens représentants, les con¬ sidérations importantes que nous soumettons à votre sagesse. Elles nous sont dictées, non par l’intérêt particulier, mais par l’expérience et par un grand amour de l’intérêt général, et dès lors ne sont pas indignes de votre attention. Nous vous demandons avec confiance, sinon le rapport instantané du décret du 25 bru¬ maire, au moins le renvoi de nos réflexions à votre comité de Salut public, réuni au comité des finances, qui était saisi de l’affaire, et que vous aviez chargé de vous en faire un rapport. » Compte rendu du Moniteur universel (1). Un grand nombre de receveurs des loteries se présentent à la barre, et demandent le rapport du décret qui supprime toutes les loteries. L’Assemblée passe à l’ordre du jour. (1) Moniteur universel [n° 67 du 7 frimaire an II (mercredi 27 novembre 1793), p. 270, col. 11. D’autre