620 15 août 1790. J (Assemblée nationale.) ARgHIVES PARLEMENTAIRES. « Lequel procès-verbal sera signé des parties, où, à leur requête, il sera fait mention de leur refus de signer. » Cette addition est adoptée et l’article est décrété ainsi qu’il suit : Art. 3. « Dans le cas où les deux parties comparaîtront devant le bureau de paix, il dressera un procès-verbal sommaire de leurs dires, aveux ou dénégations sur les points de fait. Ce procès-verbal sera signé des parties, où, à leur requête, il sera fait mention de refus. » L’article 4 est mis à la discussion. Art. 4. « En chaque ville où il y aura des juges de district, le corps municipal formera un bureau de paix, composé de six membres choisis pour deux ans parmi les citoyens recommandables par leur patriotisme et leur probité, dont trois au moins seront hommes de loi. » M. Gaultier de fiiauzat. Il ne faut admettre dans ce tribunal aucun homme de loi. M. Thouret. J’observerai sur cette demande : 1° que le bureau de paix ne pourra remplir utilement ses fonctions, s’il ne renferme des hommes de loi. Lorsqu’il s’agira de l’appel, il faudra bien être homme de loi pour éclairer les parties sur les réformes du jugement, ou sur les principes sur lesquels il aura été rendu; 2° le bureau de paix sera aussi bureau de jurisprudence charitable; il doit fournir aux pauvres le conseil sur les droits contentieux et la défense ministérielle dans les tribunaux. (L’Assemblée décide qu’il n’y a point lieu à délibérer sur la proposition de M. de Biauzat.) M. Brunet. Il est dit, dans l’article, que le corps municipal formera le bureau de paix ; il serait plus convenable d’exiger que cette formation fût faite par le conseil général de la commune. M. üfougins. Ce qui nécessite le concours des hommes de loi dans le bureau de paix, c’est parce que ce bureau servira en même temps à défendre les pauvres ; mais, au lieu de trois, on peut fort bien n’en admettre que deux. (Cet amendement est adopté.) L’article 4, amendé, est ensuite mis aux voix et décrété dans la teneur suivante : Art. 4. « En chaque ville où il y aura un tribunal de district, le conseil général de la commune formera un bureau de paix, composé .de six membres choisis pour deux ans, parmi les citoyens recommandables par leur patriotisme et leur probité, dont deux au moins seront hommes de loi. » M. le Président lit une lettre deM. Guignard Saint-l'riest, ministre d’Etal, qui envoie à l’Assemblée son mémoire justificatif sur la dénonciation dont il a été l’objet au Châtelet de Paris ( Voy . plus haut ce document annexé à la séance du 2 août 1�90). Cette lettre est ainsi conçue : « Monsieur le President, j’ai eu l’honneur de prévenir l’Assemblée nationale, le 13 du mois dernier, d’une dénonciation faite contre moi au Châtelet de Paris par le comité des recherches de cette ville ; je prends aussi la liberté de vous adresser un mémoire à consulter, et la consultation de trois jurisconsultes sur cetle même affaire, dont il a été récemment question à l’Assemblée nationale. Je joins ici des exemplaires de ce mémoire pour tous les membres qui la composent, et je me livre avec confiance et sécurité à l’opinion qu’elle prendra de mon innocence, en attendant que ce tribunal équitable, auquel je suis dénoncé, puisse la prononcer. Signé : Guignard. » M. Petit, député d'Artois, demande un congé de quinze jours. M. d’Andlau de Homhourg demande l’autorisation de s’absenter egalement pour quinze jours. Ces congés sont accordés. On revient à la discussion du titre IX du projet sur l'organisation judiciaire. M. Thouret, rapporteur, donne lecture des articles 5, 6, 7, 8, 9, 10 et 11. Ces articles sont successivement adoptés, sans discussion, ainsi qu’il suit : * Art. 5. « Aucune action principale ne sera reçue au civil dans le tribunal de district, entre parties domiciliées dans les ressorts de différents juges de paix, si le demandeur n’a pas donné copie du certificat du bureau de paix du district, ainsi qu’il est dit dans l’article 2 ci-dessus; et si les parties comparaissent, il sera de même dressé procès-verbal sommaire, par le bureau, de leurs dires, aveux ou dénégations sur les points de fait; lequel procès-verbal sera également signé d’elles, où mention sera faite de leur refus. Art. 6. « L’appel des jugements des tribunaux de district ne sera pas reçu, si l’appelant n’a pas signifié copie du certificat du bureau de paix du district où l’affaire a été jugée, constatant que sa partie adverse a été inutilement appelée. Art. 7. « Le bureau de paix du district sera en même temps bureau de juriprudence charitable, chargé d’examiner les affaires des pauvres qui s’y présenteront, de leur donner des conseils, et de defendre ou faire défendre leurs causes. Art. 8. « Le service qui sera fait par les hommes de loi dans les bureaux de paix et de juriprudence charitable, leur vaudra d’exercice public des fonctions de leur état auprès des tribunaux et le temps en sera compté pour l’éligibilité aux places de juges. Art. 9. « Tout appelant, dont l’appel sera jugé mal fondé, sera condamné à une amende de 9 livres pour un appel du jugement du tribunal de district, sans que cette amende puisse être remise ni modérée sous aucun prétexte. Art. 10. « Elle aura également lieu contre les intimés qui n’auront pas comparu devant le bureau de paix lorsque le jugement sera réformé, et elle sera double contre ceux qui, ayant été appelés sans s’être présentés au bureau de paix et en avoir obtenu le certificat, seront, par celte raison, jugés non-recevables. Art. 11. « Le produit de ces amendes, versé clans la caisse d’administration de chaque district, sera employé au service des bureaux de juriprudence chantable. » M. Thouret, rapporteur , lit l’artice 12 ainsi conçu : Art. 12. « Aucune femme ne pourra se pourvoir eu justice contre son mari, aucun mari contre sa femme, aucun fils ou petit-fils contre son père ou son aïeul, aucun frère contre son [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 août 1790.] frère, aucun neveu contre son oncle, aucun pupille contre son tuteur, pendant trois ans, depuis la tutelle finie et réciproquement, qu’après avoir nommé des parents pour arbitres, devant lesquels ils éclairciront leur différend, et qui, après les avoir entendus, et avoir pris les connaissances nécessaires, rendront une décision motivée. » M. Lanjuinals. Le délai fixé à trois ans pour le pupille tend à établir qu’il ne sera majeur qu’à 27 ans. M. Audler-Massillon. Il paraît qu’il y a plu' sieurs additions à faire à l’article. Il faut que l’obligation de nommer des parents pour arbitres soit commune au demandeur et au défendeur ; que la nomination des arbitres soit contrainte entre les deux parties, et que la décision équivale à un jugement en première instance, et soit portée, par appel et en dernier ressort, au tribunal de district. Il me semble, au contraire, convenable d’ajouter à ces mots : aucun pupille contre son tuteur, ceux-ci : à raison de la tutelle. M. de Follevlllc. C’est parce que j’honore infiniment l’institution qui vous est proposée, que je demande des moyens d’xécutmn. On pourrait dire que, dans le cas où les parties ne s’accorderaient pas sur le choix des arbitres, elles s’adresseraient aux juges qui en nommeraient d’office parmi les parents. M. Thévenot. Il serait possible que l’une des parties, ou que toutes les deux, n’eussent pas un nombre suffisant de parents ; il faut alors lais er la liberté de choisir parmi les voisins et les amis communs. M. Lavenue. Le nombre des arbitres n’est point fixé par l’article ; on pourrait décréter que les parties conviendront d’un nombre égal de parents, et que, dans le cas de partage, le sur-arbitre sera un ami commun, nommé par les parents arbitres et non par les parties. M. Ifiobespterre. Je demande la question préalable sur les amendements et sur l’article. La disposition qui en résulterait serait : 1° évidemment contraire à tous les principes ; 2° impraticable. 1° Vous voulez que le frère, plaidant contre son frère, soit jugé comme les autres citoyens ; vous voulez que le jugement soit également impartial. L'institution qu’on vous propose renferme tous les germes de la partialité; les jugements ne seraient plus rendus suivant la justice, mais suivant l’affection des juges pour les parties ; 2° comment espérez-vous que toutes les familles seront assez nombreuses pour fournir des juges? L’Assemblée décide, à une très grande majorité, qu’il y a lieu à délibérer sur les amendements et sur l’article. Le comité adopte tous les amendements. Ils sont décrétés, sauf rédaction, ainsi que l’article qui est le suivant : Art. 12. « S’il s’élève quelque contestation entre mari et femme, père et fils, frères et sœurs, neveux et oncles, ou entre alliés aux degrés ci-dessus, comme aussi entre les pupilles et leurs tuteurs, pour choses relatives à la tutelle, les parties seront tenues de nommer des parents, ou, à leur défaut, des amis ou voisins pour arbitres, devant lesquels ils éclairciront leurs différends, et qui, après les avoir entendues, et pris les connaissances nécessaires, rendront une décision motivée. » M. Thouret, rapporteur , lit l’article 13 qui est adopté, sans changement, ainsi qu’il suit : Art. 13 « Si un père, ou une mère, ou un aïeul, ou un tuteur a des sujets de mécontentement très-graves sur la conduite d’un enfant, ou d’un pupille, dont il ne puisse plus réprimer les écarts, il pourra porter sa plainte au tribunal domestique de la famille assemblée au nombre de huit parents les plus proches, ou de six au moins, s’il n’est pas possible d’en réunir un plus grand nombre, et, à défaut de parents, il y sera suppléé par des amis ou des voisins. » Art. 14 « Le tribunal de famille, après avoir vérifié les sujets de plainte, pourra arrêter que l’enfant ou pupille, s’il est âgé de moins de 20 ans, sera renfermé pendant un temps qui ne pourra excéder celui d’une année, dans les cas les plus graves. » Plusieurs membres demandent que l’âge soit étendu jusqu’à vingt-cinq ans. (On demande la question préalable sur cet amendement.) (L’Assemblée décide qu’il y a lieu à délibérer.) M. Le Chapelier. Le tribunal de famille ne doit prononcer que sur le jeune homme que la loi n’aperçoit pas encore; mais, à 20 ans, l’homme est déjà capable de connaître la loi, d’être connu par elle ; il paraîtrait extraordinaire que celui que vous admettez à la prestation du serment civique, à ce premier pas vers la dignité du citoyen, ne fût pas affranchi des liens qui retiennent l’enfance . M. Caitjuinais. Pour le bien de l’Etat, pour celui des familles, pour celui de l’individu même, l’amendement doit être adopté. M. Barnave. En faisant une Constitution libre, vous voulez créer des hommes capables de sentir cette Constitution; or, je ne connais rien qui avilisse plus les hommes que de lesasservir dans un âge où la raison se développe, où le caractère se forme, à une autre puissance que celle de la loi. Vous avez retardé la majorité politique plus que les autres peuples qui ont une Constitution : dans l’Amérique Septentrionale, où la nature du climat rend plus tardives les facultés physiques et morales, les hommes sont appelés à l’âge de vingt-un ans à l’exercice des fonctions politiques. Vous avez bien fait, sans doute, en ne suivant pas cet exemple; mais peut-être ferez-vous sagement encore en fixant à vingt ans le terme du pouvoir du tribunal de famille sur la liberté d’un citoyen; se trouvant soumis à la responsabilité personnelle pour ses propres actions, l’homme de vingt ans se préparera à la responsabilité de la chose publique; hamtué à voir la loi dominer sur sesactious, il apprendra à la respecter; il apprendra à en réclamer un jour l’exécution. Si vous étendez à vingt-cinq ans le terme fixé par l’article, le jeune citoyen passera immédiatement de l’état d’enfance à la gestion des affaires publiques ; il représentera, sans caractère, dans cette importante carrière : le caractère ne se forme pas par le temps, mais par la responsabilité de sa propre chose, de ses propres intérêts. Je demande donc, soit pour la gloire de l’espèce humaine, soit pour l’intérêt de la Constitution, que l’article du comité soit adopté. ( Une partie de l'Assemblée applaudit.)