3Q@ {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [4 août 1790.) Le congé est accordé. M. Nanrissart demande à faire un rapport sur la monnaie de billon, ou petite monnaie. Ce rapport est ajourné. U ordre du jour est la suite de la discussion sur l'organisation judiciaire. Titre IV: des appels. M.Thouret, rapporteur. Messieurs, dans votre séance du 3 août, vous avez adopté les articles 3 à 13 du titre IV. Ces articles règlent le mouvement par lequel les causes d’appel seront portées d’un tribunal de district à un autre. Il s’agit maintenant de revenir à l’article 8, titre IV du nouveau projet d’organisation judiciaire (1) pour déterminer les délais d’appel. Tout le monde sait que le sang bouillonne dans les veines de celui qui a perdu soq procès. On sait aussi que les avocats cherchent à rejeter sur l’impéritie des juges la perte d’une cause qu’ils ont mal défendue, alors le plaideur veut appeler. Nous avons donc cru qu il était important de lui rappeler, à chaque pas, combien lui était funeste cette faculté. L’ancien article 8 que votre comité propose deviendrait le 14 du décret. Il est ainsi conçu: « Aucun appel ne pourra être signifié ni avant le délai de huitaine, à dater du jour du jugement, ni après l’expiration du mois, à dater du jour de la signification du jugement: ces deux termes sont de rigueur, et leur inobservation emportera la déchéance de l’appei ; en conséquence, l’exécution des jugements, qui ne sont pas exécutoires par provision, demeurera suspendue pendant le délai de huitaine. » M. Ttoauret. Je fais observer que la substance de cet article appartient à M. l’abbé Sieyès. M. D* frai* se-Dochey. Cet article me paraît injuste. Les personnes qui seront à l’extrémité du royaume pourront bien ne pas connaître les jugements rendus contre elles, que sera-ce pour les personnes qui en seront sorties? Que sera -ce, quand cet éloignement aura pour motif un service public? M. Chabroud. Je demande qu’on ajoute après ces mots: de la signification du jugement, ceux-ci: faite à personne ou à domicile. M. Moreau. L’ordonuanee de 1667 a fixé à trois ans le terme definitif de l’appel ; mais l'expérience a prouvé qu’il était injuste de fixer les limites à ceux qui veulent se pourvoir, par la vole de l’appel, contre des jugements rendus. M. Brillal-Savarln. Je demande que le terme fixé par le comité ne soit adopté que pour ceux qui habiteront le même département; que l’on accorde un délai de trois mois pour ceux qui, quoique absents de leur département, se trouveront Hans le royaume, et qu’on prenne des précautions pour ceux qui habiteront les colonies. M. Martineau. 11 y a le plus grand danger à fixer une epuque pour mierjeter arpel ; il faut garantir ceux qui ont perdu leur procès de la terrible pratique de souffler les signilications du jugement. Je demande que l’article soit rejeté. (1) Voyez le nouveau projet sur l’ordre judiciaire, Archives parlementaires, tome X, page 786. M. Loys appuie la proposition de M. Martineau. M. Thouret, L’article a un aperçu défavorable, car il diminue les appels, et surtout les mauvais; m us aussi il a un jour très favorable, et c’est encore la diminution des appels. Les ordonnances et la jurisprudence ont donné de la latiipde aux appels; mais c’est que l’une et l’autre ont été faites par des magistrats de cour souveraine, ou inspirées par des suggestions ministérielles. 11 est juste que le citoyen, qui se trouve lésé par un jugement, puisse en appeler; mais il ne faut pas pour cela ouvrir la porte aux abus: l’article est fait pour les jugements contradictoires ; il ne contient pas cette expression, parce qu’il est de moi, et qu’en Normandie ces jugements n’ont pas lieu. Afin de concilier toutes les opinions, je crois qu’on peut porter le délai à deux ou à trois mois. La priorité est accordée au délai de trois mois ; l’article est ainsi décrété : Art. 14. « Aucun appel d’un jugement contradictoire nepourràêlre signifié niavantledélai dehui-taine,àdater du jour du jugement, ni après l’expiration de trois mois, à dater du jour de la signification du jugement: ces deux termes sont de rigueur, et leur inobservation emportera la déchéance de l’appel; en conséquence, l’exécution des jugements, qui ne sont pas exécutoires par provision, demeurera suspendue pendant le délai de huitaine. * M. Thouret. L’ancien article 9 de notre projet, qui deviendrait le 15e du décret, trouve ici sa place. Personne n’ignore que la source des mauvais jugements est presque toujours dans le vice de leur rédaction. Les juges, n’étant pas obligés d’exprimer le vrai motif de la décision, ne s’attachent point à le découvrir. De là cette continuelle confusion du droit et du fait. L’article suivants pour but de remédier à cet inconvénient. Il est ainsi conçu : « La rédaction des jugements, tant sur l’appel qu’en première, instance, contiendra quatre parties distinctes. « Dans la première, les noms et qualités des parties seront énoncés; « Dans la seconde, les questions de fait et de droit, qui constituent le procès, seront poséesavec précision ; « Dans la troisième, le résultat des faits reconnus ou constatés par l’instruction sera exprimé ; et le texte de la loi, qui aura déterminé le jugement, sera copié ; <- La quatrième, enfin, contiendra le dispositif du jugement. » M. Chabroud. Nous ü’ayons pas de loi assez précise pour assujettir, dans un jugement, le juge à copier le texte d’une loi. Je demande que l’on dise simplement : et les molifs qui auront déterminé te jugement seront exprimés. L’article est adopté, avec cet amendement, ainsi qu’il suit : Art. 15. « La rédaction des jugements, tant sur l’appel qu’en première instance, contiendra quatre parties distiectes. « Dans ta première, les noms et qualités des parties seront énoncés ; « Dans la seconde, les questions de fait et de droit, qui constituent te procès, seront posées avec précision. « Dans la troisième, le résultat des faits reconnus ou constatés par l’iastmciüoa, fit tes motifs (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (4 août 1T90.] AAI qui auront déterminé le jugement, seront exprimés. « La quatrième, enfin, contiendra le dispositif du jugement. » M. Thoaret. Nous allons entrer dans la discussion du titre V, intitulé : De la forme des élections . Trois questions se présentent d’abord : l°les; juges seront-ils nommés en chaque district par les électeurs du district, ou seront-ils nommés par les électeurs de tous les districts du département réunis ? 2° Les électeurs procéderont-ils seuls aux élections, ou pourront-ils s’adjoindre par é'ections six administrateurs et six gens de loi ? 3° Les électeurs, qui auront été nommés administrateurs, pourront-ils, en cette première qualité, participer à l’élection des juges? La nomination faite par tous les électeurs du département, présente cet avantage, que les justiciables ne seront jamais jugés que par des juges nommés par eux ; l’intrigue et la cabale ne présideront jamais à des élections faites par la totalité des électeurs du département. On ne peut pas m’opposer la difficulté de réunir les électeurs, dî la dépense que ce rassemblement pourrait occasionner, puisque les élections n’auront lieu que tons les six ans ; je demande qu’on discute la première des trois questions que j’ai soumises. M. Regnaud (de Sain t-Jean-d' Angely ) . Les élections seront nécessairement mieux faites par les seuls électeurs du district. Il est impossible que, dans un département, tous les citoyens se connaissent, et il arriverait qu'on serait obligé de donner sa voix à des gens dont on ne connaîtrait à peine les noms, mais qui seraient désignés par telle ou telle personne de sa connaissance: un autre inconvénient est celui de faire attendre les électeurs dans le chef-lieu de département, jusqu’au moment où les citoyens appelés à la redoutable fonction de juger leurs semblables, auraient envoyé leur acceptation ; je demande, en conséquence, que l’Assemblée décrète que les juges de chaque district seront nommés par les électeurs de chaque département. M. le Président met successivement aux voix les trois questions posées par le rapporteur du comité de Constitution. Première question. Les juges de district seront-ils élus par les électeurs du district, ou par les électeurs du département ? (L’Assemblée décide que les juges de district seront élus par les électeurs de district.) M. le Président. Voici la seconde question : Adjoindra-t-on six hommes de loi aux électeurs ? (Cette seconde question est écartée par la question préalable.) M. le Président. Nous passons à la troisième question: Les électeurs, devenus administrateurs, resteront-ils électeurs ? (L’Assemblée décide que les électeurs, devenus administrateurs, pourront, en leur qualité d’électeurs, concourir à l’élection des juges.) M. Thonret, rapporteur. Messieurs, nous arrivons maintenant au titre v du nouveau projet sur l’ordre judiciaire, intitulé: de la forme des Élections. Le titre se composait de cinq articles mais comme les articles 2 et 3 concernaient le mode d’élection des juges d’appel, ils tombent •naturellement ét il ne reste à délibérer que sur les aritclesl, 4 et 5. Pour mettre les dispositions qu’ils renferment en concordance avec les décrets que vous venez de rendre, voici les articles nouveaux que nous vous proposons: Art. 1er. «Pour procéder à la nomination des juges du district, les électeurs du district, convoqués par le procureur-syndic, se réuniront au jour et au lieu qui auront été indiqués par la convocation ; et après avoir formé l’assemblée électorale dans les formes prescrites par l’article de la première section du décret du 22 décembre dernier, ils éliront les juges au scrutin individuel, et à la pluralité absolue des suffrages. » Art. 2. « Les électeurs de tous les districts convoqués par les procureurs-syndics se réuniront au jour et au lieu qui auront été fixés par le directoire de département, et indiqués par la convocation des procureurs-syndics, et éliront tous ensemble cinq juges par chacun des districts du département. » Art. 3. « Lorsqu’il s’agira de renouveler les juges après le terme de six ans, les électeurs seront convoqués quatre mois avant l’expiration de la sixième année ; de manière que toutes les élections puissent être faites, et les procès-verbaux présentés au roi deux mois avant la tin de cette sixième année. » Art. 4. « Si, par quelque évènement quece puisse être, le renouvellement des juges d’un tribunal se trouvait retardé au delà des six ans, les juges en exercice seront tenus de continuer leurs fonctions jusqu’à ce que leurs successeurs puissent entrer en activité. » (Ges articles sont mis aux voix et adoptés.) M. d’André, président , quitte la présidence pour se retirer par devers le roi. M. de Bonnay, ex-président , occupe le fauteuil. M. Thonret, rapporteur , donne lecture des articles du titre VI qui sont adoptés, sans discussion, ainsi qu’il suit : TITRE VU De l'installation des juges. Art. 1er. « Lorsque les juges élus auront reçu les lettres patentes du roi, ils seront installés en la forme suivante. Art. 2. « Les membres du conseil général de la commune du lieu où le tribunal sera établi, se rendront en la salle d’audience, et y occuperont le siège. Art. 3. « Les juges introduits dans l’intérieur du parquet prêteront à la nation et au roi, devant les membres du conseil général de la commune, pour ce délégués par la Constitution, et en présence de la commune assistante, le serment de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution du royaume, d’être fidèles à la nation, à la loi et au roi, ët de remplir, avec exactitude et impartialité, les fonctions de leurs offices. Art. 4. « Après ce serment prêté, les membres du conseil général de la commune, descendus dans le parquet, installeront les juges, et au nom du peuple prononceront pour lui l’engagement de porter au tribunal et à ses jugements le respect et l’obéissance que tout citoyen doit à la loi et à ses organes. Art. 5. « Les officiers du ministère pdblic së-