714 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 13 juin 1791.) M. €hristin. Messieurs, tandis que le comité de révision s’occupe du classement des articles constitutionnels, il serait utile qu’à l’exemple du comité d’aliénation, chaque comité s’occupât également de la réunion et du classement, par ordre de matières, de tous les décrets législatifs dont il a présemé les projets. J’en fais la motion expresse. (Cette motion est décrétée.) M. Lanjuifiais. Messieurs, vous avez ordonné que les dépenses de la ville de Paris seraient payées par le Trésor public jusqu’à l’établissement des nouvelles contributions. Il y avait alors une raison décisive, c’est que les entrées de Paris entraient dans le Trésor public et qu’il aurait fallu régler à cet égard des proportions. Les nouvelles contributions sont aujourd’hui établies; les dépenses publiques sont établies dans la ville de Paris ; et cependant, la ville de Paris n’a encore rien payé. Je demande que cet abus cesse et que, pour le faire cesser, l’Assemblée veuille bien ordonner à son comité des contributions de présenter sous trois jours un projet de décret qui indique les fonds sur lesquels seront prises à l’avenir les dépenses de la ville de Paris. M. Dauchy,aa nom du comité des contributions publiques. Messieurs, il y avait à cet égard un décret qui metiait pour un temps les dépenses de chaque département à la charge du Trésor public. Depuis que la contribution est établie, votre comité, qui a dans son sein des membres du département de Paris, a déjà examiné cette question ; mais il n’a pas encore les notions nécessaires pour savoir si la municipalité de Paris peut ou non subvenir à ses besoins. Je ne crois pas possible de pouvoir présenter un projet de décret à cet égard avant 8 jours. M. Eianjuinais. Je borne ma proposition à 8 jours; voici donc ma motion : « Le comité des contributions publiques sera chargé de présenter, sous 8 jours, un projet de décret, pour faire fixer la manière dont il sera pourvu aux dépenses de la ville de Paris , en sorte que le Trésor public n’en soit plus chargé. » (Cette motion est adoptée.) M. d’André. J’ai à faire une proposition qui, suivant moi, se lie indispensablement à celle de M. Lanjuinais. Une des principales dépenses de la ville de Paris, c’est la garde soldée de Paris. Vous savez, Messieurs, les services que les individus composant cette girde ont rendus à la Révolution. Les ennemis de la Constitution, pour exciter du mécontentement dans cette troupe, ont l’audace de lui insinuer qu’après la Constitution achevée et lorsque Paris n’aura plus besoin, pour sa tranquillité intérieure, de tous les défenseurs qui le rendent maintenant formidable aux malveillants, l’Assemblée nationale abandonnera ces braves citoyens, qu’elle les laissera sans ressources et sans emploi. Il n’y a personne d’entre nous qui puisse avoir une telle idée : il nous faut faire cesser ces perfides insinuations. Il répugne à notre loyauté de laisser soupçonner que nous ne récompenserions pas de braves soldats qui ont bien servi leur patrie; et nous ne pourrons mieux les récompenser qu'en leur assurant une place honorable dans les troupes de ligue. Je demande, en conséquence, que le comité militaire soit lenu de rendre compte très incessamment des mesures à prendre pour décider et assurer le sort de la garde soldée de Paris, dans le temps où la ville de Paris n’aura plus besoin de son secours. (Applaudissements.) (Cette motion est décrétée.) M. Alexandre de Beauharnaîs, au nom, des comité de Constitution et militaire , rend compte à l’Assemblée d’une lettre du département de Corse relative à l'organisation de la gendarmerie nationale de ce département et s’exprime ainsi : Messieurs (1), je suis chargé par vos comités de Constitution et militaire, de vous communiquer une lettre du directoire du département de Corse et d’appuyer auprès de vous la demande qu’elle renferme. Voici cette lettre : « Messieurs, « Parmi les lois que vous avez décrétées pour le maintien de l’ordre du royaume, l'organisation de la gendarmerie nationale est sûrement l’une des institutions les plus sages. Nous sommes pénétrés de respect pour vos décrets; nous devons veiller à leur exécution; mais il est aussi de notre devoir de vous faire des représentations lorsque nous trouvons des inconvénients dans l’application d’une loi générale à ce département. « Les articles du décret qui accordent exclusivement aux ofliciers-majors de la gendarmerie la moitié des places de capitaines et des maréchaux des logis et le tiers des places de lieutenants aux officiers et ci-devant officiers de la ci-devant maréchaussée, sont un obstacle puissant en Corse, à l’utilité de ces établissements, comment pourrait-on confier des fonctions civiles eu même temps que militaires, à des gens qui ne connaissent point ce pays ? Nous n’avons que très peu de maréchaussée eu Corse. Le choix des officiers et sous-officiers attribué au directoire du département devrait nécessairement tomber en partie sur ces personnes qui n’ont aucune connaissance, ni de la position du pays, ni des usages et des coutumes, des mœurs et de la langue des habitants; et dont le patriotisme, le zèle, la capacité, nous seraient généralement inconnus, Ces raisons puissantes nous déterminent, Messieurs, à supplier l’Assemblée nationale de vouloir bien nous autoriser à choisir aux places de gendarmerie des personnes qui, à notre connaissance, ont servi avec distinction, ont bien mérité de la patrie, et donné des preuves de zèle et d’amour pour la Constitution et qui jouissent de l’estime et de la reconnaissance publique. « C’est à regret que nous nous trouvons dans la nécessité de demander des exceptions pour la Corse. Nous voudrions partager eu tout le sort de nos frères, mais nous croirions, Messieurs, trahir les intérêts de ce département si nous n’exposions à l’Assemblée nationale ce qui peut leur convenir. Si nous pouvions nous flatter que notre demande fût favorablement accueillie, l’intérêt de ce département nous déterminerait aussi à supplier l’Assemblée nationale de décréter que la dépense pour le renouvellement et l’entretien des chevaux soit employée à l’augmentation du nombre des brigades à pied. Les montagnes dont la Corse est traversée, les difficultés des chemins et, en même temps, l’étendue de sa surface et le nombre de ses districts, persuadent aisément (1) Ce rapport est incomplet au Moniteur. 715 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 juin 1791.] la nécessité d’un nombre plus considérable d’hommes , plutôt que d’un moindre nombre d’hommes à cheval. La bonté avec laquelle l’Assemblée nationale a bien voulu autrefois accueillir la demande de la Corso nous fait espérer qu’elle daignera agréer cette pétition et qu'elle voudra bien ajouter ce bienfait à tant d’autres dont elle nous a comblés. » Il résulte des dispositions de cette lettre et des notes remises aux comités par MM. les députés de Corse, que ce département forme deux demandes. La première, est que sa gendarmerie soit composée dans ce premier moment d’officiers, sous-officiers et soldats qui aient servi dans le régiment provincial Corse, ou dans les troupes de ligne. Cette demande vous paraîtra juste, puisqu’il n’y a pas en Corse de maréchaussée, et que le ci-devant régiment provincial ea faisait les fonctions; elle porte d’ailleurs à une mesure économique, puisqu’elle fait bénéficier Je Trésor public des traitements accordés par vos décrets aux officiers et sous-officiers du régiment provincial, et qui se montent à la moitié des appointements dont ils jouissaient. La seconde demande a pour objet de porter à 36 brigades le nombre de 24 que vous aviez accordé à la Corse. La localité de ce pays rendant inutiles les brigades à cheval, le département vous prie de lui accorder 36 brigades à pied; et à l’appui de cette proposition, je tiens un calcul qui présente que 24 brigades à cheval font une dépense presque égale à celle de 36 à pied. Ces deux demandes ont paru à vos comités réunir le double avantage de satisfaire au vœu du département de Corse et en même temps d’offrir des vues d’économie ; j’ai donc été chargé par eux de vous proposer le projet de décret suivant: • « L’Assemblée nationale, considérant que, dans le département de Corse, il n’y avait point de maréchaussée; que le ci-devant régiment provincial en a toujours fait le service; après avoir entendu ses comités de Constitution et militaire sur les observations faites par le directoire du déparlement de Corse, décrète : « Que la gendarmerie de ce département sera comnosée au moment de cettepremière formation, d’officiers, sous-officiers et soldats qui ayant servi dans le régiment provincial corse, ou dans les troupes de ligne; qu'attendu la localité, cette gendarmerie, au-lieu de 24 brigades à cheval, sera composée de 36 brigades à pied, lesquelles seront divisées entrois compagnies sous les ordres d’un colonel et de deux lieutenants-colonels; qu’au surplus, les décrets rendus sur l’organisation de la gendarmerie en général seront exécutés en Corse comme dans tous les autres départements. » (Ce décret est adopté.) M. Loffieial, au nom, du comité de judicature, fait un rapport sur la Liquidation des offices municipaux acquis par les villes et municipalités ; il s’ ex primo ainsi : Messieurs (1), la vénalité de� offices, supprimée par votre décret du 4 août 1789, n’avait pas seulement frappé les ollice de judicatur-\ elle avait également atteint les oifices municipaux, les fonctions de mandataires des communes qu’elle avait longtemps resp été. Vous avez reconnu dans votre sagesse qu’il n’était pas moies impolitique et injuste de Vendre et rendre héréditaire le droit de défendre les citoyens, et d'administrer les revenus publics, que celui de juger les contestations du peuple : vous avez également reconnu que la liberté ne pouvait se maintenir sans restituer aux citoyens le droit d’élire leurs magistrats, leurs administrateurs et généralement tous les fonctionnaires publics; et vous vous ôtes hâiés de les en faire jouir. Dans les premiers temps du régime féodal, dans ces temps déplorables où les droits des hommes étaient méconnus et outragés, dans ces temps d’ignorance et de barbarie où les grands feudataires avaient usurpé tous les droits des peuples, les villes et communautés n’avaient pas le droit d’être défendus ou représentés par des ciloyeus dignes de leur confiance, elles étaient soumises au gouvernement oppressif et arbitraire des comptes et des barons; les Français étaient alors dans la servitude et n’osaient briser leurs fers. Ce ne fut que dans le xne siècle que les villes et communautés recouvrèrent le droit d’élire leurs officiers municipaux; elles profitèrent du besoin d’argent où se trouvèrent alors les comtes et les barons et autres propriétaires de fiefs, dont la pieuse crédulité, égarée par le fanatisme, les portait à aller combattre dans des régions éloignées ; elles acceptèrent les propositions qui leur furent faites alors d’acquérir le droit de nommer elles-mêmes leurs magistrats et leurs administrateurs, et payèrent la finance qui fut exigée. Au momentde cette rédemption, les villes et communautés ont conservé le droit d’élire leurs officiers municipaux pendant des siècles. Louis XI rendit deux ordonnances en l’année 1256, pour régler la forme des élections des maires et échevins par la commune assemblée. Ce ne fut qu’à la fin du xvn® siècle que les habitants des villes perdirent le droit d’élire leurs officiers municipaux ; mais alors la pénurie des finances, les besoins d’argent toujours renaissants sous un monarque ambitieux, déterminèrent le gouvernement à enlever aux communes ce droit précieux ; et par une extension reconnue jusqu’alors, la fiscalité enveloppa dans la pénalité générale, au profit du Trésor public, les mandataires de la commune : on confia le droit de défendre les cités et d’administrer leurs revenus à des hommes souvent sans mérite et sans connaissances nécessaires, mais qui avaient assez d’argent pour payer la finance exigée. La première loi qui fut rendue pour établir la vénalité, sur les offices municipaux, est l’édit de juillet 1681, qui assujettit à la vénalité quelques offices municipaux de la maison de ville de Paris; les offices de maire ou de prévôt des marchands et les échevins furent exceptés de la vénalité, et la nomination de ces officiers fut conservée à la commune par la voie des élections, quoique, par un abus criminel, les élections fussent toujours dirigées vers celui qui était indiqué par les ministres. L’intention de votre comité, Messieurs, n’est pas de vous proposer la manière de pourvoir au remboursement des offices municipaux de la ville de Paris. Celle ville, dont les rapports politiques sont si différents des autres villes du royaume, se trouvedansune position particulière relativement à ses officiers municipaux : quelques-unes ont, à la vérité, versé originairement la première finance dans le Trésor public, et néanmoins, depuis la vénalité de leurs offices ne profitait qu’à la caisse municipale; c’était des marins du corps de ville que ces officiers recevaient leurs provisions, leurs (1) Le Moniteur ne donne pas ce document.