SÉANCE DU 21 FLORÉAL AN II (10 MAI 1794) - Nos 79 ET 80 217 sont à notre connoissance, et suivant l’affirmation qu’ils ont faite devant nous, parens, alliés, fermiers, domestiques, créanciers, débiteurs ni agens dudit citoyen Pérussis et ont lesdits certifiés et certifians signé avec nous maire, officiers municipaux, et membres du Conseil-général de cette commune, tant sur le registre des délibérations que sur les présentes. Attestons de plus que le papier timbré et le droit d’enregistrement ne sont point en usage dans ce pays, et que les contributions et impositions n’y sont pas établies. Fait à Avignon, 10 brum. II. Pérussis, Dupuy (maire), Pègue aîné (off. mun.), Favre, Décrive aîné (off. mun.), Chabran, Trompet (off. mun.), Monsarrat (notable), Fabre (off. mun.), Sabatier (notable), A. Any (notable) [et cns ci-dessus désignés] . Nous soussignés, maire, officiers municipaux et membres du Conseil-général de la commune de Cavaillon, qui est celle du chef-lieu du canton de Cavaillon, résidence du citoyen Pierre Pérussis, dont est fait mention au certificat ci-dessus, certifions que le certificat de résidence ci-dessus délivré, a été préalablement publié et affiché pendant quinze jours consécutifs, à la porte de la maison commune de cette ville, chef-lieu du canton de Cavaillon, aux termes de la loi, sans que personne n’y ait contredit. Et délivré aud. citoyen Pérussis ce jourd’huy. Cavaillon, 25 brum. II. [mêmes signatures] P.c.c. Darmagnac, Camp an le jeune, Bourges (secret.), du directoire du distr. A. Moureau, Cottier-Julian [et 2 signatures illisibles], du directoire du département. Mention honorable, inscription au bulletin. [Attestation, Avignon, 28 frim. II]. Nous soussignés administrateurs, composant le directoire du département de Vaucluse, certifions conformément à l’article 37 de la loi du 28 mars dernier, que le citoyen Pierre Perrussis, habitant de la commune de Cavaillon n’est, et n’a point été compris sur la liste des émigrés de ce département, et que les biens qu’il y possède n’ont point été enséquestrés. Certifions de plus, que le papier timbré et le droit d’enregistrement ne sont point encore établis dans Avignon. 79 Un cultivateur de la commune de Tesson, département de Maine-et-Loire, expose qu’il a essuyé de grandes pertes l’année dernière. Outre ces pertes accumulées, il se voit sur le point d’en essuyer encore une nouvelle. Lui et son épouse sont tombés dangeureusement malades pendant le délai fixé, pour l'échange des assignats démonétisés. Il n’a pu en conséquence échanger une somme de 1 300 livres qui lui reste. Il demande qu’en considération de ses malheurs, du grand nombre d’enfans dont il est chargé, et de l’impossibilité dans laquelle il s’est trouvé, de remplir les formalités exigées par la loi, la Convention lui permette de donner ses assignats démonétisés en paiement de biens nationaux. CHARLIER fait observer que le pétitionnaire n’est pas excusable, parce qu’il pouvoit faire échanger ses assignats par quelques-uns de ses amis. Il demande l’ordre du jour. Adopté (1). 80 [Rapport sur les contributions directes, fait par Ramel, au nom du C. des finances ] (2) . Citoyens, tel est le sort des règlements de l’Assemblée constituante; leur transcription dans notre code prouve seulement que les établissements des hommes ne parviennent qu’après plusieurs épreuves à la perfection dont ils sont susceptibles. Nos prédécesseurs s’étaient flattés d’avoir réduit à la plus grande simplicité possible le système des contributions publiques. Soyons justes; si nous reportons notre mémoire sur la diversité, sur la bizarrerie, sur l’extravagance, si l’on veut, des impositions de l’ancien régime, nous reconnaîtrons que l’Assemblée nationale de 1789 surmonta des obstacles et aplanit des difficultés en réduisant les impositions à six perceptions principales et uniformes. Mais ici comme dans la plupart de ses autres institutions, elle laissa tant de choses à apprendre, tant d’autres à deviner, que le peuple français était encore obligé de s’en remettre aux érudits de chaque génération et de leur confier le sort de ses destinées. Fondateurs du gouvernement démocratique, vous ferez que tous les citoyens pourront prendre une part active à l’administration, vous les mettrez tous à portée de juger la conduite des fonctionnaires qu’ils auront honorés de leur choix. Le Comité vous présentera successivement ses vues de réforme sur toutes les parties des finances; je viens aujourd’hui vous soumettre son travail sur les contributions directes. On avait rangé sous cette dénomination la contribution mobilière et la contribution foncière. Le procès de la première est jugé; sa complication, son injustice dans ses résultats, les réclamations qui se sont fait entendre de toutes parts, les vexations du pauvre et des fonctionnaires publics, l’établissement du grand-livre de la dette publique, le nouveau travail préparé sur le droit d’enregistrement l’ont fait condamner dans un pays où la loi seule doit faire autorité. Vous ne voudrez pas que l’arbitraire puisse lui être substitué; personne n’osera donc la reproduire. Passons à ce qui concerne la contribution foncière. L’ordre de la discussion qui va s’établir impose l’obligation de revenir sur les principales dispositions des lois qui régissent cette matière; l’analyse sera courte; on fera connaître les vices du système tel qu’il est établi; de là dérivera la (1) J. Sablier, n° 1310. (2) Mon., XX, 460-464, 468; Débats, nos 604. y. 380, 605, p. 396; Mess, soir, n° 629. SÉANCE DU 21 FLORÉAL AN II (10 MAI 1794) - Nos 79 ET 80 217 sont à notre connoissance, et suivant l’affirmation qu’ils ont faite devant nous, parens, alliés, fermiers, domestiques, créanciers, débiteurs ni agens dudit citoyen Pérussis et ont lesdits certifiés et certifians signé avec nous maire, officiers municipaux, et membres du Conseil-général de cette commune, tant sur le registre des délibérations que sur les présentes. Attestons de plus que le papier timbré et le droit d’enregistrement ne sont point en usage dans ce pays, et que les contributions et impositions n’y sont pas établies. Fait à Avignon, 10 brum. II. Pérussis, Dupuy (maire), Pègue aîné (off. mun.), Favre, Décrive aîné (off. mun.), Chabran, Trompet (off. mun.), Monsarrat (notable), Fabre (off. mun.), Sabatier (notable), A. Any (notable) [et cns ci-dessus désignés] . Nous soussignés, maire, officiers municipaux et membres du Conseil-général de la commune de Cavaillon, qui est celle du chef-lieu du canton de Cavaillon, résidence du citoyen Pierre Pérussis, dont est fait mention au certificat ci-dessus, certifions que le certificat de résidence ci-dessus délivré, a été préalablement publié et affiché pendant quinze jours consécutifs, à la porte de la maison commune de cette ville, chef-lieu du canton de Cavaillon, aux termes de la loi, sans que personne n’y ait contredit. Et délivré aud. citoyen Pérussis ce jourd’huy. Cavaillon, 25 brum. II. [mêmes signatures] P.c.c. Darmagnac, Camp an le jeune, Bourges (secret.), du directoire du distr. A. Moureau, Cottier-Julian [et 2 signatures illisibles], du directoire du département. Mention honorable, inscription au bulletin. [Attestation, Avignon, 28 frim. II]. Nous soussignés administrateurs, composant le directoire du département de Vaucluse, certifions conformément à l’article 37 de la loi du 28 mars dernier, que le citoyen Pierre Perrussis, habitant de la commune de Cavaillon n’est, et n’a point été compris sur la liste des émigrés de ce département, et que les biens qu’il y possède n’ont point été enséquestrés. Certifions de plus, que le papier timbré et le droit d’enregistrement ne sont point encore établis dans Avignon. 79 Un cultivateur de la commune de Tesson, département de Maine-et-Loire, expose qu’il a essuyé de grandes pertes l’année dernière. Outre ces pertes accumulées, il se voit sur le point d’en essuyer encore une nouvelle. Lui et son épouse sont tombés dangeureusement malades pendant le délai fixé, pour l'échange des assignats démonétisés. Il n’a pu en conséquence échanger une somme de 1 300 livres qui lui reste. Il demande qu’en considération de ses malheurs, du grand nombre d’enfans dont il est chargé, et de l’impossibilité dans laquelle il s’est trouvé, de remplir les formalités exigées par la loi, la Convention lui permette de donner ses assignats démonétisés en paiement de biens nationaux. CHARLIER fait observer que le pétitionnaire n’est pas excusable, parce qu’il pouvoit faire échanger ses assignats par quelques-uns de ses amis. Il demande l’ordre du jour. Adopté (1). 80 [Rapport sur les contributions directes, fait par Ramel, au nom du C. des finances ] (2) . Citoyens, tel est le sort des règlements de l’Assemblée constituante; leur transcription dans notre code prouve seulement que les établissements des hommes ne parviennent qu’après plusieurs épreuves à la perfection dont ils sont susceptibles. Nos prédécesseurs s’étaient flattés d’avoir réduit à la plus grande simplicité possible le système des contributions publiques. Soyons justes; si nous reportons notre mémoire sur la diversité, sur la bizarrerie, sur l’extravagance, si l’on veut, des impositions de l’ancien régime, nous reconnaîtrons que l’Assemblée nationale de 1789 surmonta des obstacles et aplanit des difficultés en réduisant les impositions à six perceptions principales et uniformes. Mais ici comme dans la plupart de ses autres institutions, elle laissa tant de choses à apprendre, tant d’autres à deviner, que le peuple français était encore obligé de s’en remettre aux érudits de chaque génération et de leur confier le sort de ses destinées. Fondateurs du gouvernement démocratique, vous ferez que tous les citoyens pourront prendre une part active à l’administration, vous les mettrez tous à portée de juger la conduite des fonctionnaires qu’ils auront honorés de leur choix. Le Comité vous présentera successivement ses vues de réforme sur toutes les parties des finances; je viens aujourd’hui vous soumettre son travail sur les contributions directes. On avait rangé sous cette dénomination la contribution mobilière et la contribution foncière. Le procès de la première est jugé; sa complication, son injustice dans ses résultats, les réclamations qui se sont fait entendre de toutes parts, les vexations du pauvre et des fonctionnaires publics, l’établissement du grand-livre de la dette publique, le nouveau travail préparé sur le droit d’enregistrement l’ont fait condamner dans un pays où la loi seule doit faire autorité. Vous ne voudrez pas que l’arbitraire puisse lui être substitué; personne n’osera donc la reproduire. Passons à ce qui concerne la contribution foncière. L’ordre de la discussion qui va s’établir impose l’obligation de revenir sur les principales dispositions des lois qui régissent cette matière; l’analyse sera courte; on fera connaître les vices du système tel qu’il est établi; de là dérivera la (1) J. Sablier, n° 1310. (2) Mon., XX, 460-464, 468; Débats, nos 604. y. 380, 605, p. 396; Mess, soir, n° 629. 218 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE nécessité d’en mettre un autre à sa place. On donnera le dévelopement des bases principales du nouveau projet. Servons-nous des discussions lumineuses de ceux qui nous ont précédés, et tâchons d’avoir sur eux l’avantage d’en adopter les véritables conséquences. La première distinction qu’il y ait à faire en matière de contribution est celle qui sépare l’impôt de quotité de celui de subvention, autrement dit impôt collectif. L’impôt de quotité est celui qui prend une portion déterminée de la matière imposable : les vingtièmes étaient de cette nature. L’impôt collectif est celui qui force les habitants de telle ou telle contrée à payer une somme fixe et déterminée, sans qu’on prenne en considération la proportion dans laquelle la demande se trouve avec les moyens d’y satisfaire : l’ancienne taille avait ce caractère. L’impôt de quotité rassure le contribuable lorsqu’une fois la matière imposable est déterminée, parce qu’il sait que rien ne sera exigé de lui au-dessus du taux fixé par la loi; l’impôt collectif assure au fisc la rentrée de toute la somme répartie sous additionnels livrés à la discrétion L’Assemblée constituante, pressée entre les principes qui sont pour l’impôt de quotité, et les idées de l’ancien régime pour la certitude du recouvrement, adopta un système qui tenait de l’un et de l’autre. Ainsi elle déclara d’abord que la contribution foncière serait acquittée par sixième du produit net; par là elle établit un impôt de quotité; elle exigera ensuite de chaque département une somme fixe, et par là elle le modifia en impôt collectif. L’Assemblée constituante prit pour matière imposable le produit net des immeubles. Ce mode présente l’aperçu le plus séduisant dans la théorie, il est d’un résultat on ne peut pas moins satisfaisant dans la pratique. Après avoir confondu les fonds de terre avec les maisons, bâtiments et usines, la loi du 1er décembre 1790 sur la contribution foncière ordonna « la délimitation du territoire de chaque commune (le trop grand intérêt des municipalités à cet égard peut être pour elles une source de contestations et de séparations inconvenantes), sa division en sections, son dénombrement par la voie des déclarations faites par les particuliers, son évaluation en produit net (par des officiers municipaux et des commissaires adjoints nullement responsables de leurs opérations), la rédaction d’une matrice et la formation du rôle ». Si l’on s’en fût tenu à des principes généraux, on serait sans doute plus avancé qu’on ne l’est; mais les vices des bases adoptées ayant obligé les rédacteurs à recourir à des distinctions, à des exceptions, à des divagations sur ce qu’on doit entendre par produit net, à des déductions sur les valeurs locatives, il fallut ajouter tant d’articles les uns aux autres que la loi ne ressembla à rien moins qu’au règlement simple qu’on avait promis. On s’en remit à la bonne foi de ceux qui étaient intéressés à tromper, on ne prit contre eux aucune précaution; la tâche imposée était d’une exécution difficile : ces deux causes réunies ont fait qu’il n’existe pas de renseignement plus infidèle sur l’évaluation en produit net du territoire français que les matrices de rôles de la contribution foncière. Des communes par crainte de payer quelque chose de plus que sous l’ancien régime, d’autres dans l’espérance d’obtenir quelque diminution, là des commissaires égoïstes ou de mauvaise foi, ailleurs des employés mercenaires moins éclairés sur l’objet de leur mission que zélés pour la remplir promptement, ont exécuté d’une manière si différente une loi dont le succès dépendait de l’uniformité qu’il n’existe point de canton sans différence sensible, point de district sans inégalité frappante avec celui qui l’avoisine, point de département qui, comparé à un autre, ne puisse faire croire que les citoyens qui les habitent appartiennent à des nations différentes. Ces inconvénients se firent apercevoir avant même qu’il existassent; pour en prévenir les conséquences, il fallut se rendre difficile sur l’admission des demandes en décharge, et cette rigueur a eu cela de funeste qu’en frappant indistinctement sur toutes les réclamations elle n’a pas permis de distinguer celles qui étaient fondées de celles qui ne l’étaient pas. Aussi les contribuables n’ont pas tardé à reconnaître que la loi promettait de ne prendre que le sixième du revenu net, mais que le percepteur en enlevait souvent plus des deux tiers; qu’elle promettait secours et assistance à celui qui était surchargé, mais que les formalités à remplir rendaient tout recours impossible. A ces vices du système adopté l’Assemblée constituante en ajouta un autre, qui, s’il peut être excusé par les idées alors reçues, n’en a pas moins failli devenir funeste à la République; c’est le système des sous additionnels livrés à la discrétion des corps administratifs. Citoyens, vous avez proclamé, au nom de la nation, la République une et indivisible; vous avez mis la propriété au nombre des droits sacrés de l’homme en société : leur garantie exige qu’il n’y ait qu’un seul centre de dépenses publiques, qu’une seule autorité qui règle le taux des contributions. C’est par l’abus du droit d’imposer que la tyrannie prend naissance, opprime et se fortifie. Ce droit, si le peuple entier pouvait l’exercer par lui-même, il ne devrait pas le confier même à ses représentants. C’est donc un devoir pour ceux-ci de ne le déléguer à aucune autre autorité. C’est parce que les corps administratifs ont été autorisés à ajouter quelque chose aux contributions directes, qu’ils se sont crus investis d’une partie du pouvoir législatif. Ils se sont regardés comme les arbitres de la fortune publique; ils se sont livrés à des dépenses que l’intérêt du peuple désavoue; ils ont cherché à se faire des créatures par des prodigalités. Quelques-uns, trop parcimonieux, écoutant plus leur intérêt particulier que celui de la société entière, ont tout retranché; et c’est à cette prétendue économie, aussi mal entendue si elle peut être pardonnée, que criminelle si elle a pour principe des intentions perfides, qu’il faut attribuer le mauvais état de la plupart des routes et le délabrement presque total des établissements publics. Le système des sous additionnels porte avec lui le germe le plus dangereux du fédéralisme; la nation l’abhorre, et vous devez couper toutes les racines qu’il pourrait prendre. Un seul moyen peut guérir le mal déjà fait et le prévenir pour l’avenir; il consiste à centraliser les dépenses. L’Assemblée constituante avait espéré qu’en mettant à la charge des départements les frais des établissements qu’ils demanderaient eux-mêmes, on les rendrait plus réservés. Une pareille 218 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE nécessité d’en mettre un autre à sa place. On donnera le dévelopement des bases principales du nouveau projet. Servons-nous des discussions lumineuses de ceux qui nous ont précédés, et tâchons d’avoir sur eux l’avantage d’en adopter les véritables conséquences. La première distinction qu’il y ait à faire en matière de contribution est celle qui sépare l’impôt de quotité de celui de subvention, autrement dit impôt collectif. L’impôt de quotité est celui qui prend une portion déterminée de la matière imposable : les vingtièmes étaient de cette nature. L’impôt collectif est celui qui force les habitants de telle ou telle contrée à payer une somme fixe et déterminée, sans qu’on prenne en considération la proportion dans laquelle la demande se trouve avec les moyens d’y satisfaire : l’ancienne taille avait ce caractère. L’impôt de quotité rassure le contribuable lorsqu’une fois la matière imposable est déterminée, parce qu’il sait que rien ne sera exigé de lui au-dessus du taux fixé par la loi; l’impôt collectif assure au fisc la rentrée de toute la somme répartie sous additionnels livrés à la discrétion L’Assemblée constituante, pressée entre les principes qui sont pour l’impôt de quotité, et les idées de l’ancien régime pour la certitude du recouvrement, adopta un système qui tenait de l’un et de l’autre. Ainsi elle déclara d’abord que la contribution foncière serait acquittée par sixième du produit net; par là elle établit un impôt de quotité; elle exigera ensuite de chaque département une somme fixe, et par là elle le modifia en impôt collectif. L’Assemblée constituante prit pour matière imposable le produit net des immeubles. Ce mode présente l’aperçu le plus séduisant dans la théorie, il est d’un résultat on ne peut pas moins satisfaisant dans la pratique. Après avoir confondu les fonds de terre avec les maisons, bâtiments et usines, la loi du 1er décembre 1790 sur la contribution foncière ordonna « la délimitation du territoire de chaque commune (le trop grand intérêt des municipalités à cet égard peut être pour elles une source de contestations et de séparations inconvenantes), sa division en sections, son dénombrement par la voie des déclarations faites par les particuliers, son évaluation en produit net (par des officiers municipaux et des commissaires adjoints nullement responsables de leurs opérations), la rédaction d’une matrice et la formation du rôle ». Si l’on s’en fût tenu à des principes généraux, on serait sans doute plus avancé qu’on ne l’est; mais les vices des bases adoptées ayant obligé les rédacteurs à recourir à des distinctions, à des exceptions, à des divagations sur ce qu’on doit entendre par produit net, à des déductions sur les valeurs locatives, il fallut ajouter tant d’articles les uns aux autres que la loi ne ressembla à rien moins qu’au règlement simple qu’on avait promis. On s’en remit à la bonne foi de ceux qui étaient intéressés à tromper, on ne prit contre eux aucune précaution; la tâche imposée était d’une exécution difficile : ces deux causes réunies ont fait qu’il n’existe pas de renseignement plus infidèle sur l’évaluation en produit net du territoire français que les matrices de rôles de la contribution foncière. Des communes par crainte de payer quelque chose de plus que sous l’ancien régime, d’autres dans l’espérance d’obtenir quelque diminution, là des commissaires égoïstes ou de mauvaise foi, ailleurs des employés mercenaires moins éclairés sur l’objet de leur mission que zélés pour la remplir promptement, ont exécuté d’une manière si différente une loi dont le succès dépendait de l’uniformité qu’il n’existe point de canton sans différence sensible, point de district sans inégalité frappante avec celui qui l’avoisine, point de département qui, comparé à un autre, ne puisse faire croire que les citoyens qui les habitent appartiennent à des nations différentes. Ces inconvénients se firent apercevoir avant même qu’il existassent; pour en prévenir les conséquences, il fallut se rendre difficile sur l’admission des demandes en décharge, et cette rigueur a eu cela de funeste qu’en frappant indistinctement sur toutes les réclamations elle n’a pas permis de distinguer celles qui étaient fondées de celles qui ne l’étaient pas. Aussi les contribuables n’ont pas tardé à reconnaître que la loi promettait de ne prendre que le sixième du revenu net, mais que le percepteur en enlevait souvent plus des deux tiers; qu’elle promettait secours et assistance à celui qui était surchargé, mais que les formalités à remplir rendaient tout recours impossible. A ces vices du système adopté l’Assemblée constituante en ajouta un autre, qui, s’il peut être excusé par les idées alors reçues, n’en a pas moins failli devenir funeste à la République; c’est le système des sous additionnels livrés à la discrétion des corps administratifs. Citoyens, vous avez proclamé, au nom de la nation, la République une et indivisible; vous avez mis la propriété au nombre des droits sacrés de l’homme en société : leur garantie exige qu’il n’y ait qu’un seul centre de dépenses publiques, qu’une seule autorité qui règle le taux des contributions. C’est par l’abus du droit d’imposer que la tyrannie prend naissance, opprime et se fortifie. Ce droit, si le peuple entier pouvait l’exercer par lui-même, il ne devrait pas le confier même à ses représentants. C’est donc un devoir pour ceux-ci de ne le déléguer à aucune autre autorité. C’est parce que les corps administratifs ont été autorisés à ajouter quelque chose aux contributions directes, qu’ils se sont crus investis d’une partie du pouvoir législatif. Ils se sont regardés comme les arbitres de la fortune publique; ils se sont livrés à des dépenses que l’intérêt du peuple désavoue; ils ont cherché à se faire des créatures par des prodigalités. Quelques-uns, trop parcimonieux, écoutant plus leur intérêt particulier que celui de la société entière, ont tout retranché; et c’est à cette prétendue économie, aussi mal entendue si elle peut être pardonnée, que criminelle si elle a pour principe des intentions perfides, qu’il faut attribuer le mauvais état de la plupart des routes et le délabrement presque total des établissements publics. Le système des sous additionnels porte avec lui le germe le plus dangereux du fédéralisme; la nation l’abhorre, et vous devez couper toutes les racines qu’il pourrait prendre. Un seul moyen peut guérir le mal déjà fait et le prévenir pour l’avenir; il consiste à centraliser les dépenses. L’Assemblée constituante avait espéré qu’en mettant à la charge des départements les frais des établissements qu’ils demanderaient eux-mêmes, on les rendrait plus réservés. Une pareille SÉANCE DU 21 FLORÉAL AN II (10 MAI 1794) - N° 80 219 condescendance est plutôt une marque de faiblesse que de caractère, et il faut savoir le déployer lorsqu’on est commis par le peuple pour s’occuper de son bonheur. Vous ne connaîtrez aucun de ces petits ménagements; forts du témoignage de votre conscience, vous supprimerez tout ce qui n’est point utile, vous réformerez tout ce qui doit l’être. La nécessité de supprimer l’usage, et l’abus par conséquent, des sous additionnels n’a pas peu contribué à déterminer le Comité des finances à s’occuper d’un nouveau travail sur les contributions directes; il s’est principalement appliqué à en rendre la théorie simple et l’exécution facile. Il propose : 1°) de diviser la contribution foncière en deux rôles; le premier contiendra les fonds de terre, le second les maisons, bâtiments et usines; leur réunion formera le grand-livre des propriétés foncières. 2°) De rapporter sur le premier l’estimation des fonds de terre en valeur capitale, et de prendre pour la contribution 1/2 ou 1 pour 100, etc., suivant que les besoins de l’Etat l’exigeront, sans que les corps administratifs ni les municipalités puissent rien ajouter pour leurs dépenses locales à cette somme, qui sera prélevée en entier pour le compte du trésor public; 3°) De donner aux municipalités le choix sur plusieurs moyens propres à déterminer la matière imposable des maisons, bâtiments et usines, et de fixer pour cet objet le contingent de chaque commune sur la base de la population et sur un tableau gradué. — Reprenons ces trois propositions. Le Comité propose, en premier lieu, de séparer les fonds de terre des maisons, bâtiments et usines. Ses motifs sont pris de la différence que la nature des choses a mis entre ces deux sortes d’immeubles. Les fonds de terre ont partout une valeur certaine et presque constante; celle des maisons est pleine de variations; celle-ci dépend presque partout de l’opinion et des circonstances; l’autre en est indépendante. Le cultivateur peut perdre une récolte par l’effet d’un orage; le capital lui reste : la foudre qui consume une maison fait perdre le capital et le revenu. Si le fermier d’un domaine perd la récolte du froment, il conserve celle des légumes; si le propriétaire ne trouve point de locataire, il ne retire rien de sa propriété. Si une sécheresse totale ruine les espérances du laboureur, il n’est pas juste que son indemnité soit partagée par le propriétaire d’un bâtiment qui n’a rien perdu. Si une grêle du mois de brumaire casse toutes les vitres, il ne faut pas que le propriétaire des terres partage les secours donnés au citadin. Ces deux sortes de propriétés diffèrent trop entre elles pour qu’on puisse les confondre; c’est pour l’avoir fait, qu’on a été forcé de surcharger les lois rendues d’une foule de dispositions étrangères. On serait exposé au même inconvénient si l’on conservait le même système; il est donc indispensable d’en prendre un autre. La deuxième proposition du Comité consiste à prendre pour matière imposable des fonds de terre leur valeur capitale; l’Assemblée constituante avait pris le produit net. Si un champ de 5 liv. de produit net était estimé partout 100 liv. en valeur capitale, il serait indifférent de prendre pour la contribution, ou 1 livre faisant le cinquième du produit net, ou 1 livre faisant le centième de la valeur capitale. L’expérience prouve qu’on doit espérer de connaître d’une manière plus certaine la valeur capitale que le produit net; de là dérive la nécessité de préférer ce mode. La valeur capitale peut être plus facilement déterminée que la valeur productive; il n’est point de citoyen qui ne sût prendre son parti, à l’instant de l’indication, sur la question de savoir ce que tel domaine pourrait être vendu. Cette vérité se prouve par la facilité avec laquelle on trouve dans les campagnes des particuliers en état de déterminer la valeur des patrimoines des familles et des successions échues. Le calcul du produit net exige au contraire tant de combinaisons que peu d’experts peuvent se flatter de les connaître. La fausseté d’une estimation en capital peut être jugée en un instant; on ne trouve pas si facilement des moyens pour déterminer le véritable produit net. Ces causes ont rendu les évaluations faites en exécution des lois de l’Assemblée constituante aussi défectueuses qu’elles le sont. Il n’existe pas dix communes en France qui aient rapporté sur la matrice de leurs rôles la véritable évaluation en produit net. Il en existe plusieurs où des domaines de 100 000 liv. en valeur capitale n’ont été estimés que 500 liv. en produit net, parce que, disait-on, le produit provenant des bestiaux, et les bestiaux n’étant pas pris en considération dans l’évaluation, les fonds de terre doivent être envisagés comme étant sans valeur au produit net. S’il eût fallu estimer en valeur capitale, on eût reconnu que, les bestiaux pouvant valoir 20 000 liv., par exemple, les fonds de terre qui servaient à leur nourriture valaient encore 80 000 liv. Dans d’autres on a cru, d’après le même raisonnement, que les prairies ne devaient être portées quasi que pour mémoire. Demandez à ces communes de présenter le tableau de leurs évaluations en capital; aucune n’aura reproduit la matrice du rôle élevé au... ni par conséquent porté à 10 000 liv. seulement le domaine de 100 000 liv. estimé 500 liv. en produit net. La notoriété publique, le prix donné aux possessions voisines, la dernière évaluation par experts, le seul respect humain assurent à la République des évaluations sortables, tandis que les raisonnements, vrais ou faux, dans lesquels les estimateurs du produit net s’enveloppent, rendent la vérité on ne peut pas plus difficile à reconnaître; l’estimation en valeur capitale mettra de l’égalité dans la contribution. Telles sont les difficultés de fixer le produit net, que les experts sont obligés de recourir à la classification des fonds de terre; il existe peu de tableaux qui contiennent même neuf degrés; beaucoup n’en ont que trois; et de là il résulte que la contribution est la même pour tous les articles de propriétés qui, à superficie égale, sont compris dans la même classe, quoique la proximité ou l’éloignement du village, d’une rivière, d’une fontaine, l’exposition à tel ou tel vent, même la convenance, les fassent varier de la manière la plus sensible. Un motif encore plus puissant a engagé le Comité des finances à adopter l’évaluation en valeur capitale : c’est l’avantage qui résultera de l’ensemble et de la correspondance qui s’établira par ce moyen entre les principales branches des revenus publics. On connaît la par-SÉANCE DU 21 FLORÉAL AN II (10 MAI 1794) - N° 80 219 condescendance est plutôt une marque de faiblesse que de caractère, et il faut savoir le déployer lorsqu’on est commis par le peuple pour s’occuper de son bonheur. Vous ne connaîtrez aucun de ces petits ménagements; forts du témoignage de votre conscience, vous supprimerez tout ce qui n’est point utile, vous réformerez tout ce qui doit l’être. La nécessité de supprimer l’usage, et l’abus par conséquent, des sous additionnels n’a pas peu contribué à déterminer le Comité des finances à s’occuper d’un nouveau travail sur les contributions directes; il s’est principalement appliqué à en rendre la théorie simple et l’exécution facile. Il propose : 1°) de diviser la contribution foncière en deux rôles; le premier contiendra les fonds de terre, le second les maisons, bâtiments et usines; leur réunion formera le grand-livre des propriétés foncières. 2°) De rapporter sur le premier l’estimation des fonds de terre en valeur capitale, et de prendre pour la contribution 1/2 ou 1 pour 100, etc., suivant que les besoins de l’Etat l’exigeront, sans que les corps administratifs ni les municipalités puissent rien ajouter pour leurs dépenses locales à cette somme, qui sera prélevée en entier pour le compte du trésor public; 3°) De donner aux municipalités le choix sur plusieurs moyens propres à déterminer la matière imposable des maisons, bâtiments et usines, et de fixer pour cet objet le contingent de chaque commune sur la base de la population et sur un tableau gradué. — Reprenons ces trois propositions. Le Comité propose, en premier lieu, de séparer les fonds de terre des maisons, bâtiments et usines. Ses motifs sont pris de la différence que la nature des choses a mis entre ces deux sortes d’immeubles. Les fonds de terre ont partout une valeur certaine et presque constante; celle des maisons est pleine de variations; celle-ci dépend presque partout de l’opinion et des circonstances; l’autre en est indépendante. Le cultivateur peut perdre une récolte par l’effet d’un orage; le capital lui reste : la foudre qui consume une maison fait perdre le capital et le revenu. Si le fermier d’un domaine perd la récolte du froment, il conserve celle des légumes; si le propriétaire ne trouve point de locataire, il ne retire rien de sa propriété. Si une sécheresse totale ruine les espérances du laboureur, il n’est pas juste que son indemnité soit partagée par le propriétaire d’un bâtiment qui n’a rien perdu. Si une grêle du mois de brumaire casse toutes les vitres, il ne faut pas que le propriétaire des terres partage les secours donnés au citadin. Ces deux sortes de propriétés diffèrent trop entre elles pour qu’on puisse les confondre; c’est pour l’avoir fait, qu’on a été forcé de surcharger les lois rendues d’une foule de dispositions étrangères. On serait exposé au même inconvénient si l’on conservait le même système; il est donc indispensable d’en prendre un autre. La deuxième proposition du Comité consiste à prendre pour matière imposable des fonds de terre leur valeur capitale; l’Assemblée constituante avait pris le produit net. Si un champ de 5 liv. de produit net était estimé partout 100 liv. en valeur capitale, il serait indifférent de prendre pour la contribution, ou 1 livre faisant le cinquième du produit net, ou 1 livre faisant le centième de la valeur capitale. L’expérience prouve qu’on doit espérer de connaître d’une manière plus certaine la valeur capitale que le produit net; de là dérive la nécessité de préférer ce mode. La valeur capitale peut être plus facilement déterminée que la valeur productive; il n’est point de citoyen qui ne sût prendre son parti, à l’instant de l’indication, sur la question de savoir ce que tel domaine pourrait être vendu. Cette vérité se prouve par la facilité avec laquelle on trouve dans les campagnes des particuliers en état de déterminer la valeur des patrimoines des familles et des successions échues. Le calcul du produit net exige au contraire tant de combinaisons que peu d’experts peuvent se flatter de les connaître. La fausseté d’une estimation en capital peut être jugée en un instant; on ne trouve pas si facilement des moyens pour déterminer le véritable produit net. Ces causes ont rendu les évaluations faites en exécution des lois de l’Assemblée constituante aussi défectueuses qu’elles le sont. Il n’existe pas dix communes en France qui aient rapporté sur la matrice de leurs rôles la véritable évaluation en produit net. Il en existe plusieurs où des domaines de 100 000 liv. en valeur capitale n’ont été estimés que 500 liv. en produit net, parce que, disait-on, le produit provenant des bestiaux, et les bestiaux n’étant pas pris en considération dans l’évaluation, les fonds de terre doivent être envisagés comme étant sans valeur au produit net. S’il eût fallu estimer en valeur capitale, on eût reconnu que, les bestiaux pouvant valoir 20 000 liv., par exemple, les fonds de terre qui servaient à leur nourriture valaient encore 80 000 liv. Dans d’autres on a cru, d’après le même raisonnement, que les prairies ne devaient être portées quasi que pour mémoire. Demandez à ces communes de présenter le tableau de leurs évaluations en capital; aucune n’aura reproduit la matrice du rôle élevé au... ni par conséquent porté à 10 000 liv. seulement le domaine de 100 000 liv. estimé 500 liv. en produit net. La notoriété publique, le prix donné aux possessions voisines, la dernière évaluation par experts, le seul respect humain assurent à la République des évaluations sortables, tandis que les raisonnements, vrais ou faux, dans lesquels les estimateurs du produit net s’enveloppent, rendent la vérité on ne peut pas plus difficile à reconnaître; l’estimation en valeur capitale mettra de l’égalité dans la contribution. Telles sont les difficultés de fixer le produit net, que les experts sont obligés de recourir à la classification des fonds de terre; il existe peu de tableaux qui contiennent même neuf degrés; beaucoup n’en ont que trois; et de là il résulte que la contribution est la même pour tous les articles de propriétés qui, à superficie égale, sont compris dans la même classe, quoique la proximité ou l’éloignement du village, d’une rivière, d’une fontaine, l’exposition à tel ou tel vent, même la convenance, les fassent varier de la manière la plus sensible. Un motif encore plus puissant a engagé le Comité des finances à adopter l’évaluation en valeur capitale : c’est l’avantage qui résultera de l’ensemble et de la correspondance qui s’établira par ce moyen entre les principales branches des revenus publics. On connaît la par- 220 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE tie du droit d’enregistrement, la perception est facile et certaine sur les immeubles vendus; il n’en est pas de même lorsqu’il faut le fixer sur la valeur des successions échues. Cet objet a été jusqu’à présent presque méconnu : l’intérêt public et la nouvelle forme du gouvernement vous invitent à ne rien négliger de ce qui peut assurer le succès des réformes à faire en cette partie et des bonifications à en obtenir; l’évaluation des fonds de terre en capital fournit l’un des moyens les plus efficaces. Le grand-livre servira de règle entre le percepteur et le contribuable : ce juge sera incorruptible, il sera infaillible. C’est ici le lieu de rendre compte à la Convention nationale, ou tout au moins de lui donner l’aperçu d’un travail médité par les Comités des finances et de législation, les avantages qu’il promet, ses succès, sont intimement liés au système des contributions proposé : on veut parler des hypothèques. L’hypothèque, considérée comme un droit réel sur les biens d’un débiteur obligé, tient autant à la partie législative, quant au moyen d’en faire usage, qu’à celle des finances, sur celui de l’acquéreur. Cet objet, qui intéresse tous les citoyens, et qui touche de si près à la conservation et à l’amélioration de leurs biens, a été traité jusqu’à ce jour d’une manière absolument infructueuse. L’Assemblée constituante sentit la nécessité de porter une loi générale : elle s’arrêta au simple projet. L’Assemblée législative s’en occupa d’une manière plus particulière en faisant publier le rapport du représentant du peuple Verrier sur le plan d’hypothèque donné par le citoyen Mengin; mais s’étant séparée sans le livrer à l’impression, elle nous a laissé tout à faire. Nous avons appelé à nos conférences l’auteur du système proposé, et, après avoir reconnu l’utilité d’y apporter quelques modifications, nous avons trouvé dans son travail des vues aussi utiles qu’intéressantes. L’établissement des cédules hypothécaires, par le moyen desquelles l’emprunteur donne à son prêteur un gage sensible; la certitude de ce gage garanti par la loi qui défendra d’en prendre pour une somme supérieure à la proportion fixée sur la valeur de ses propriétés; l’importance d’une perception modérée, et qui produira néanmoins de 20 à 25 millions; la faculté inappréciable pour les particuliers de pouvoir se passer du ministère des hommes d’affaires, et particulièrement de celui des notaires dans la plupart de leurs transactions; la suppression presque totale de la procédure monstrueuse des saisies réelles, ont montré aux Comités réunis tant d’avantages en faveur de l’agriculture et du commerce, un établissement si propre à ramener la bonne foi dans les relations des citoyens, tant de facilité dans l’expédition des affaires, tant de moyens pour le pauvre d’améliorer son sort, que, lorsqu’il a vu que son succès avait pour l’une de ses principales bases l’évaluation des immeubles en capital, il n’a plus balancé à donner la préférence à ce mode d’estimation. Le nouveau système des hypothèques, réduit à sa plus simple expression, consistera à prendre un extrait de son article au grand-livre; par là on invite tous les hommes à devenir propriétaires, à comparaître devant l’officier public, dépositaire, dans un registre, de la preuve authentique des hypothèques acquises, à prendre de lui un certificat comme on ne doit rien ou qu’on n’est pas encore au delà de la proportion fixée par la loi, à recevoir de lui des cédules sur soi-même, c’est-à-dire des espèces de lettres de change hypothéquées sur ses biens, et à les porter ensuite au capitaliste qui voudra prêter les fonds. Ceci sera d’autant plus facile qu’on lui présente un gage solide. Cet avantage fera qu’on pourra traiter avec lui à de meilleures conditions, d’autant qu’il saura qu’à défaut de payement un officier public procédera à la vente du bien hypothéqué, et paiera sans délai la somme prêtée. Tous les prêts se contracteront de cette manière. L’Etat gagnera sur les cédules un droit d’enregistrement. On pourra joindre à cet établissement, qui sera mieux expliqué lorsque le rapport particulier en sera fait, une banque publique. Le préposé auquel elle serait confiée prêterait les fonds à 4, 3 et 2 1/2 ou 2 pour 100; la proportion en serait déterminée par la législature. Cet établissement procurera à la société les avantages incalculables qu’amène la baisse de l’intérêt; le premier serait de doubler la valeur des domaines nationaux à vendre. Cet accroissement de la fortune publique déconcertera ainsi le plan de guerre au dernier écu, dans le temps que les armées triomphantes de la République iront détrôner jusqu’au dernier des tyrans. La banque des hypothèques donnerait à l’emprunteur la certitude de trouver des fonds; elle forcerait les capitalistes à l’intéresser par leurs mises à toutes les entreprises utiles à l’agriculture et à tous les établissements du commerce. Ce résultat promet à la nation française un tel degré de prospérité qu’aucun autre peuple ne peut concevoir même l’espérance de l’approcher. Le système des hypothèques se trouvant ainsi lié à celui des contributions, il assure à la société des estimations conformes à la véritable valeur, parce que chaque citoyen se trouvera intéressé à la faire connaître. Ce ne sera pas seulement la seule précaution que le Comité proposera. L’Assemblée constituante n’en avait pris aucune qui pût rassurer la nation, prise collectivement, contre les fausses opérations des communes; ainsi nous savons tous comment l’on s’est comporté dans différentes municipalités. Ce qu’on a fait peut être pardonné, puisqu’alors il existait un roi, et un roi aux gages de 25 millions, avec des valets à 100 000 livres d’appointements; mais aujourd’hui que nous avons la République, une pareille conduite serait criminelle. Le Comité vous proposera d’infliger une peine au propriétaire qui n’aura pas fourni une déclaration loyale; par cette marque de confiance vous lui donnerez une grande idée de lui-même, parce que des républicains sauront l’apprécier; si quelqu’un la trahit, des commissaires vérificateurs l’en puniront en le condamnant à une peine pécuniaire. Ceux-ci répondront eux-mêmes de leurs opérations à des commissaires censeurs dans chaque district, et ils seront comptables de leurs évaluations trop faibles comme de celles qui seront exagérées. Cette double responsabilité est digne de trouver une place dans vos règlements; elle assure exactitude dans le service public et justice aux particuliers. Si un cadastre paraissait ensuite nécessaire, il serait facile d’y appliquer un mode aussi prompt que satisfaisant dans son exécution. La matière imposable étant une fois déterminée par l’estimation fidèle de la valeur capitale, il 220 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE tie du droit d’enregistrement, la perception est facile et certaine sur les immeubles vendus; il n’en est pas de même lorsqu’il faut le fixer sur la valeur des successions échues. Cet objet a été jusqu’à présent presque méconnu : l’intérêt public et la nouvelle forme du gouvernement vous invitent à ne rien négliger de ce qui peut assurer le succès des réformes à faire en cette partie et des bonifications à en obtenir; l’évaluation des fonds de terre en capital fournit l’un des moyens les plus efficaces. Le grand-livre servira de règle entre le percepteur et le contribuable : ce juge sera incorruptible, il sera infaillible. C’est ici le lieu de rendre compte à la Convention nationale, ou tout au moins de lui donner l’aperçu d’un travail médité par les Comités des finances et de législation, les avantages qu’il promet, ses succès, sont intimement liés au système des contributions proposé : on veut parler des hypothèques. L’hypothèque, considérée comme un droit réel sur les biens d’un débiteur obligé, tient autant à la partie législative, quant au moyen d’en faire usage, qu’à celle des finances, sur celui de l’acquéreur. Cet objet, qui intéresse tous les citoyens, et qui touche de si près à la conservation et à l’amélioration de leurs biens, a été traité jusqu’à ce jour d’une manière absolument infructueuse. L’Assemblée constituante sentit la nécessité de porter une loi générale : elle s’arrêta au simple projet. L’Assemblée législative s’en occupa d’une manière plus particulière en faisant publier le rapport du représentant du peuple Verrier sur le plan d’hypothèque donné par le citoyen Mengin; mais s’étant séparée sans le livrer à l’impression, elle nous a laissé tout à faire. Nous avons appelé à nos conférences l’auteur du système proposé, et, après avoir reconnu l’utilité d’y apporter quelques modifications, nous avons trouvé dans son travail des vues aussi utiles qu’intéressantes. L’établissement des cédules hypothécaires, par le moyen desquelles l’emprunteur donne à son prêteur un gage sensible; la certitude de ce gage garanti par la loi qui défendra d’en prendre pour une somme supérieure à la proportion fixée sur la valeur de ses propriétés; l’importance d’une perception modérée, et qui produira néanmoins de 20 à 25 millions; la faculté inappréciable pour les particuliers de pouvoir se passer du ministère des hommes d’affaires, et particulièrement de celui des notaires dans la plupart de leurs transactions; la suppression presque totale de la procédure monstrueuse des saisies réelles, ont montré aux Comités réunis tant d’avantages en faveur de l’agriculture et du commerce, un établissement si propre à ramener la bonne foi dans les relations des citoyens, tant de facilité dans l’expédition des affaires, tant de moyens pour le pauvre d’améliorer son sort, que, lorsqu’il a vu que son succès avait pour l’une de ses principales bases l’évaluation des immeubles en capital, il n’a plus balancé à donner la préférence à ce mode d’estimation. Le nouveau système des hypothèques, réduit à sa plus simple expression, consistera à prendre un extrait de son article au grand-livre; par là on invite tous les hommes à devenir propriétaires, à comparaître devant l’officier public, dépositaire, dans un registre, de la preuve authentique des hypothèques acquises, à prendre de lui un certificat comme on ne doit rien ou qu’on n’est pas encore au delà de la proportion fixée par la loi, à recevoir de lui des cédules sur soi-même, c’est-à-dire des espèces de lettres de change hypothéquées sur ses biens, et à les porter ensuite au capitaliste qui voudra prêter les fonds. Ceci sera d’autant plus facile qu’on lui présente un gage solide. Cet avantage fera qu’on pourra traiter avec lui à de meilleures conditions, d’autant qu’il saura qu’à défaut de payement un officier public procédera à la vente du bien hypothéqué, et paiera sans délai la somme prêtée. Tous les prêts se contracteront de cette manière. L’Etat gagnera sur les cédules un droit d’enregistrement. On pourra joindre à cet établissement, qui sera mieux expliqué lorsque le rapport particulier en sera fait, une banque publique. Le préposé auquel elle serait confiée prêterait les fonds à 4, 3 et 2 1/2 ou 2 pour 100; la proportion en serait déterminée par la législature. Cet établissement procurera à la société les avantages incalculables qu’amène la baisse de l’intérêt; le premier serait de doubler la valeur des domaines nationaux à vendre. Cet accroissement de la fortune publique déconcertera ainsi le plan de guerre au dernier écu, dans le temps que les armées triomphantes de la République iront détrôner jusqu’au dernier des tyrans. La banque des hypothèques donnerait à l’emprunteur la certitude de trouver des fonds; elle forcerait les capitalistes à l’intéresser par leurs mises à toutes les entreprises utiles à l’agriculture et à tous les établissements du commerce. Ce résultat promet à la nation française un tel degré de prospérité qu’aucun autre peuple ne peut concevoir même l’espérance de l’approcher. Le système des hypothèques se trouvant ainsi lié à celui des contributions, il assure à la société des estimations conformes à la véritable valeur, parce que chaque citoyen se trouvera intéressé à la faire connaître. Ce ne sera pas seulement la seule précaution que le Comité proposera. L’Assemblée constituante n’en avait pris aucune qui pût rassurer la nation, prise collectivement, contre les fausses opérations des communes; ainsi nous savons tous comment l’on s’est comporté dans différentes municipalités. Ce qu’on a fait peut être pardonné, puisqu’alors il existait un roi, et un roi aux gages de 25 millions, avec des valets à 100 000 livres d’appointements; mais aujourd’hui que nous avons la République, une pareille conduite serait criminelle. Le Comité vous proposera d’infliger une peine au propriétaire qui n’aura pas fourni une déclaration loyale; par cette marque de confiance vous lui donnerez une grande idée de lui-même, parce que des républicains sauront l’apprécier; si quelqu’un la trahit, des commissaires vérificateurs l’en puniront en le condamnant à une peine pécuniaire. Ceux-ci répondront eux-mêmes de leurs opérations à des commissaires censeurs dans chaque district, et ils seront comptables de leurs évaluations trop faibles comme de celles qui seront exagérées. Cette double responsabilité est digne de trouver une place dans vos règlements; elle assure exactitude dans le service public et justice aux particuliers. Si un cadastre paraissait ensuite nécessaire, il serait facile d’y appliquer un mode aussi prompt que satisfaisant dans son exécution. La matière imposable étant une fois déterminée par l’estimation fidèle de la valeur capitale, il SÉANCE DU 21 FLORÉAL AN II (10 MAI 1794) - N° 80 221 restera à déterminer la cote de la perception ou la proportion dans laquelle la contribution se trouvera avec la valeur des propriétés. Rien d’invariable à cet égard ne peut être déterminé; ce sera peut-être promettre plus qu’on ne pourrait tenir, ou exiger plus que les besoins de la République ne le demandent, que de poser une règle fixe. Les législateurs détermineront chaque année le taux de la perception; elle sera peut-être à un et demi pour 100, peut-être à 1 pour 100; si l’évaluation du territoire de la France est portée à 40 milliards, un et demi pour 100 produira 200 millions. Ce système n’est pas nouveau, et a pour lui l’exemple de ce qui fut pratiqué à Athènes lorsque le système des contributions y fut perfectionné. On sait que Solon avait divisé les propriétaires en quatre classes, et qu’il exigeait de chacun une somme relative à la classe dans laquelle il était placé. On abandonna ce système lorsque l’égalité des fortunes devint frappante; alors on créa des censeurs qui déterminèrent périodiquement la valeur en capital des fonds de l’Attique. Dès que cette opération était faite, les trésoriers savaient ce que l’impôt devait produire; on prenait, suivant les besoins de l’Etat, ou le centième denier de la valeur, ou le quatre-vingt-dixième, etc. Ce mode garantira à la République française les fonds nécessaires aux dépenses publiques; la forme de son gouvernement lui assurera qu’aucune dépense inutile ne sera tolérée. Vous avez vu, citoyens, comment l’Assemblée constituante, après avoir établi une contribution de quotité, le sixième du produit net, l’a modifiée en impôt collectif en demandant 300 millions. Vous au contraire, après avoir fixé ici la somme à répartir, vous ordonnerez qu’elle sera recouvrée en impôt de quotité; et comme la matière imposable vous sera connue, vous ne vous tromperez jamais sur la justice de la proportion. La somme ainsi prélevée sera portée en entier au trésor public; les corps administratifs n’en retrancheront rien, ils n’y ajouteront rien; à la lecture du décret chacun saura ce qu’il doit payer exactement. La contribution sera égale partout; le concours des sous additionnels ne permet jamais d’obtenir cet avantage. La trésorerie nationale fera les fonds nécessaires aux départements et aux districts pour leurs dépenses locales; l’état en sera probablement arrêté par les représentants du peuple. Après vous avoir demandé de distinguer les les fonds de terre des maisons, bâtiments et usines, le Comité vous propose, en troisième lieu, de laisser aux municipalités le choix, sur ceux qui leur seront indiqués, du moyen propre à connaître la véritable matière imposable de cette dernière sorte d’immeubles, et cependant de déterminer le contingent de la contribution de chaque commune d’après les forces de sa population. On a été amené à ce parti par la difficulté de donner une règle uniforme et bonne sur cet objet, le danger qu’il y aurait de s’en remettre absolument à la discrétion des communes même les mieux intentionnées, par la nécessité de conserver une perception importante, et par le besoin commandé par l’acte constitutionnel de connaître exactement la population de la République. Ceux qui ont pris la peine d’examiner ce qui a été écrit sur cette matière et de le méditer savent combien les opinions sont divisées; chacune a pour elle quelques avantages, toutes sont spécieuses, et il n’en est aucune qui ne présente de grands inconvénients. On a proposé de prendre pour règle le toisé de la superficie occupée par les maisons. Quelques économistes ont regardé ce mode de répartition comme si juste qu’ils ont assuré qu’on pourrait se contenter d’une seule contribution répartie sur cette base; d’autres ont ajouté à cette idée simple le compte des différents étages. Il est des financiers qui ont proposé de faire compter les cheminées, les fenêtres et les portes extérieures, d’établir une taxe fixe sur chacun de ces articles; ils ont calculé que cette taxe modérée produirait plus de 100 millions de liv. Ils ont cru qu’elle aurait l’avantage de porter plus sur le riche que sur le pauvre; ils ont regardé ce plan comme étant propre à réunir les familles et à diminuer la consommation du bois. L’Assemblée constituante se détermina pour la valeur locative. On croyait que, cette estimation s’élevant à plus de 300 millions de liv. en somme totale, les maisons, bâtiments et usines donneraient 50 millions de livres en contribution : ces espérances ont été bien déçues. On peut assurer sans crainte de se tromper que ces immeubles n’ont pas rendu 25 millions de liv. Quelle est la cause de cette étonnante disproportion ? le procédé qu’il était facile de prévoir à l’avance que les communes adopteraient. C’est un fait constant que, dans la plupart des municipalités, les maisons, bâtiments et usines n’ayant été évalués qu’en raison de la valeur de la superficie, estimée comme fonds de terre de la première qualité, le produit a été réduit presque à rien. Ce n’est pas seulement dans ce qu’on appelait village qu’on s’est permis cette manœuvre; on pourrait vous citer des communes de huit à dix mille âmes de population qui se sont si bien concertées à cet égard qu’il n’y a point de maison estimée au-dessus de 50 sous. Aussi votre Comité des finances voit actuellement les nouveaux corps administratifs s’en plaindre, et dénoncer des estimations trop faibles, qu’on a cependant dissimulées pendant trois ans. L’abus de fausses évaluations existera à l’égard des maisons, bâtiments et usines, tout le temps qu’on prendra pour base de leur contribution l’estimation qui en sera faite par les communes. L’arbitraire qui se trouve dans cette partie, l’impossibilité de s’y soustraire par le défaut de termes de comparaison, la difficulté de vérifier les erreurs à cause de leur grande multiplicité, font qu’il est indispensable d’adopter un autre mode. Celui que le Comité présente paraît juste et d’un succès infaillible : la République n’aura rien à discuter avec les communes; on fournira aux citoyens le moyen de faire réformer les injustices qu’ils pourraient éprçu-ver, mais ces débats n’intéresseront que la municipalité et l’habitant; la somme en masse à verser au trésor public sera indépendante du sort de la réclamation; le contingent sera fixé d’après le tableau de la population; la répartition en sera faite sur les propriétés en raison de leur estimation; aucune possession privée n’en sera exempte, mais les municipalités n’auront pas à remplacer la contribution des établissements publics; ils ne seront pas compris dans le rôle. — Rendons ceci sensible par un état de répartition supposée. 16 SÉANCE DU 21 FLORÉAL AN II (10 MAI 1794) - N° 80 221 restera à déterminer la cote de la perception ou la proportion dans laquelle la contribution se trouvera avec la valeur des propriétés. Rien d’invariable à cet égard ne peut être déterminé; ce sera peut-être promettre plus qu’on ne pourrait tenir, ou exiger plus que les besoins de la République ne le demandent, que de poser une règle fixe. Les législateurs détermineront chaque année le taux de la perception; elle sera peut-être à un et demi pour 100, peut-être à 1 pour 100; si l’évaluation du territoire de la France est portée à 40 milliards, un et demi pour 100 produira 200 millions. Ce système n’est pas nouveau, et a pour lui l’exemple de ce qui fut pratiqué à Athènes lorsque le système des contributions y fut perfectionné. On sait que Solon avait divisé les propriétaires en quatre classes, et qu’il exigeait de chacun une somme relative à la classe dans laquelle il était placé. On abandonna ce système lorsque l’égalité des fortunes devint frappante; alors on créa des censeurs qui déterminèrent périodiquement la valeur en capital des fonds de l’Attique. Dès que cette opération était faite, les trésoriers savaient ce que l’impôt devait produire; on prenait, suivant les besoins de l’Etat, ou le centième denier de la valeur, ou le quatre-vingt-dixième, etc. Ce mode garantira à la République française les fonds nécessaires aux dépenses publiques; la forme de son gouvernement lui assurera qu’aucune dépense inutile ne sera tolérée. Vous avez vu, citoyens, comment l’Assemblée constituante, après avoir établi une contribution de quotité, le sixième du produit net, l’a modifiée en impôt collectif en demandant 300 millions. Vous au contraire, après avoir fixé ici la somme à répartir, vous ordonnerez qu’elle sera recouvrée en impôt de quotité; et comme la matière imposable vous sera connue, vous ne vous tromperez jamais sur la justice de la proportion. La somme ainsi prélevée sera portée en entier au trésor public; les corps administratifs n’en retrancheront rien, ils n’y ajouteront rien; à la lecture du décret chacun saura ce qu’il doit payer exactement. La contribution sera égale partout; le concours des sous additionnels ne permet jamais d’obtenir cet avantage. La trésorerie nationale fera les fonds nécessaires aux départements et aux districts pour leurs dépenses locales; l’état en sera probablement arrêté par les représentants du peuple. Après vous avoir demandé de distinguer les les fonds de terre des maisons, bâtiments et usines, le Comité vous propose, en troisième lieu, de laisser aux municipalités le choix, sur ceux qui leur seront indiqués, du moyen propre à connaître la véritable matière imposable de cette dernière sorte d’immeubles, et cependant de déterminer le contingent de la contribution de chaque commune d’après les forces de sa population. On a été amené à ce parti par la difficulté de donner une règle uniforme et bonne sur cet objet, le danger qu’il y aurait de s’en remettre absolument à la discrétion des communes même les mieux intentionnées, par la nécessité de conserver une perception importante, et par le besoin commandé par l’acte constitutionnel de connaître exactement la population de la République. Ceux qui ont pris la peine d’examiner ce qui a été écrit sur cette matière et de le méditer savent combien les opinions sont divisées; chacune a pour elle quelques avantages, toutes sont spécieuses, et il n’en est aucune qui ne présente de grands inconvénients. On a proposé de prendre pour règle le toisé de la superficie occupée par les maisons. Quelques économistes ont regardé ce mode de répartition comme si juste qu’ils ont assuré qu’on pourrait se contenter d’une seule contribution répartie sur cette base; d’autres ont ajouté à cette idée simple le compte des différents étages. Il est des financiers qui ont proposé de faire compter les cheminées, les fenêtres et les portes extérieures, d’établir une taxe fixe sur chacun de ces articles; ils ont calculé que cette taxe modérée produirait plus de 100 millions de liv. Ils ont cru qu’elle aurait l’avantage de porter plus sur le riche que sur le pauvre; ils ont regardé ce plan comme étant propre à réunir les familles et à diminuer la consommation du bois. L’Assemblée constituante se détermina pour la valeur locative. On croyait que, cette estimation s’élevant à plus de 300 millions de liv. en somme totale, les maisons, bâtiments et usines donneraient 50 millions de livres en contribution : ces espérances ont été bien déçues. On peut assurer sans crainte de se tromper que ces immeubles n’ont pas rendu 25 millions de liv. Quelle est la cause de cette étonnante disproportion ? le procédé qu’il était facile de prévoir à l’avance que les communes adopteraient. C’est un fait constant que, dans la plupart des municipalités, les maisons, bâtiments et usines n’ayant été évalués qu’en raison de la valeur de la superficie, estimée comme fonds de terre de la première qualité, le produit a été réduit presque à rien. Ce n’est pas seulement dans ce qu’on appelait village qu’on s’est permis cette manœuvre; on pourrait vous citer des communes de huit à dix mille âmes de population qui se sont si bien concertées à cet égard qu’il n’y a point de maison estimée au-dessus de 50 sous. Aussi votre Comité des finances voit actuellement les nouveaux corps administratifs s’en plaindre, et dénoncer des estimations trop faibles, qu’on a cependant dissimulées pendant trois ans. L’abus de fausses évaluations existera à l’égard des maisons, bâtiments et usines, tout le temps qu’on prendra pour base de leur contribution l’estimation qui en sera faite par les communes. L’arbitraire qui se trouve dans cette partie, l’impossibilité de s’y soustraire par le défaut de termes de comparaison, la difficulté de vérifier les erreurs à cause de leur grande multiplicité, font qu’il est indispensable d’adopter un autre mode. Celui que le Comité présente paraît juste et d’un succès infaillible : la République n’aura rien à discuter avec les communes; on fournira aux citoyens le moyen de faire réformer les injustices qu’ils pourraient éprçu-ver, mais ces débats n’intéresseront que la municipalité et l’habitant; la somme en masse à verser au trésor public sera indépendante du sort de la réclamation; le contingent sera fixé d’après le tableau de la population; la répartition en sera faite sur les propriétés en raison de leur estimation; aucune possession privée n’en sera exempte, mais les municipalités n’auront pas à remplacer la contribution des établissements publics; ils ne seront pas compris dans le rôle. — Rendons ceci sensible par un état de répartition supposée. 16 222 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE La contribution des maisons, bâtiments et usines sera, pour chaque commune, d’une somme égale à 40 sous par tête; de là il résultera qu’une commune de cinq cents âmes paiera 1,000 liv.; une commune de cinq mille âmes, 10,000 liv. Au-dessus de cinq mille âmes on pourrait augmenter la proportion. Prenez-y bien garde, citoyens; le Comité ne vous propose pas d’établir cette contribution sur une telle donnée qu’appliquée également à la population le père de six enfants paie sept fois plus qu’un indifférent célibataire. Aucun représentant du peuple n’aura jamais cette coupable pensée. Le tableau de la population fixera le contingent de la commune; mais ce contingent sera ensuite réparti sur les maisons, bâtiments et usines, en raison de leur évaluation. Ainsi le potier qui façonne la terre sous un humble toit ne paiera que 20 sous peut-être, lorsque le riche capitaliste paiera mille fois davantage pour s’être condamné à languir dans ses vastes appartements; mais il résultera de là aussi que deux cultivateurs d’une aisance égale résidant chacun dans une municipalité de mille âmes de population, paieront chacun 10 ou 12 liv. également, tandis qu’actuellement l’un paie peut-être 50 liv. pour la contribution de sa maison et l’autre 10 sous, parce qu’une municipalité a estimé la demeure du premier 250 liv. de valeur locative, et une autre celle du second 50 sous seulement. Le tableau de répartition présupposé assure à la République un recouvrement de 60 à 70 millions. Cette rentrée est certaine, et cependant la contribution sera modérée. Qu’on examine qu’elle remplace la contribution foncière des maisons, et qu’il n’existera plus de contribution mobilière. Ce mode assure donc aux Français une répartition aussi exacte que légère. Ce dernier avantage engagerait le Comité à vous proposer d’autoriser les communes à ajouter le montant de leurs dépenses locales aux rôles des bâtiments, maisons et usines; ces dépenses n’étaient faites que pour l’utilité des habitants, rien ne paraît plus naturel que de les répartir sur les habitants. Si cette ouverture éprouvait quelque contradiction, il serait facile d’indiquer d’autres moyens. Ce serait peut-être ici le moment de vous entretenir des nombreuses réclamations qui ont été faites sur le système des contributions directes existantes, de vous remettre sous les yeux les demandes multipliées en décharge et dégrèvement qui vous ont été adressées, de vous présenter un moyen facile d’y faire droit, et de vous indiquer celui de passer du régime existant au nouveau sans compromettre le mouvement. Tous ces objets seront traités dans un rapport particulier. Vous remplirez les espérances que les contribuables ont placées dans vos promesses; vous ferez rentrer tout ce qui est dû au trésor public. Tel est, citoyens, le résultat du travail de votre Comité des finances. Si l’intention de faire quelque chose utile suffisait pour déterminer la confiance, les membres qui le composent la placeront tout entière dans le projet de décret qu’il m’ont chargé de vous soumettre; ils ne craindront pas de l’y mettre indirectement, si, après l’avoir livré à la discussion, vous lui donnez votre assentiment. [ Projet de décret .] « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son Comité des finances décrète : « Art. Ier. La contribution foncière sera à l’avenir perçue sur deux rôles; le premier contiendra les fonds de terre, le second les bâtiments, maisons et usines. « II. Les cours non cultivées et contiguës aux bâtiments, et les clôtures destinées à être mises en construction dans l’année, seront comprises dans le second rôle des fonds de terre. « III. Les fonds de terre seront dénombrés dans chaque commune, sur un registre qui sera appelé le livre des propriétés foncières, sous le nom de leur propriétaire, et désignés par leur nature, l’étendue de leur superficie, leurs tenants et aboutissants, et leur valeur en capital, d’après leur état civil et le prix des propriétés foncières à l’époque de 1790 (vieux style). « IV. Dans le mois de la publication du présent décret, les propriétaires seront tenus, par eux ou par leurs fondés de procuration, soit par acte authentique, soit par simple déclaration privée, et ceux qui ne savent point écrire par le ministère du greffier de leur commune, de déposer au greffe de la municipalité de la situation des biens la déclaration de leurs propriétés en fonds de terre dans la forme prescrite par l’article précédent. « V. La déclaration des biens acquis à la République ou possédés par elle sera faite par l’agent national de la commune de leur situation. « Celle des biens communaux sera faite par les maires et officiers municipaux; « Celle des biens tenus en usufruit, par leur usufruitier; « Celle des biens séquestrés ou en litige, par la partie qui y sera autorisée par le juge de paix sans préjudice des droits des intéressés; « Celle des pupilles ou mineurs, par leurs tuteurs ou curateurs. « VI. Les déclarations seront inscrites d’un numéro par le greffier, et déposées publiquement au greffe pendant quinze jours. Tous les citoyens pourront en prendre connaissance, et faire des observations sur l’estimation des objets y contenus. Ces observations seront rapportées, sous un numéro correspondant, sur un registre à ce destiné. « VII. Dans le délai fixé par l’art. IV, les conseils généraux des communes procéderont, soit dans leur sein, soit parmi les autres citoyens, au choix de cinq commissaires vérificateurs au moins, et de neuf au plus. « Ces commissaires seront chargés : 1° d’examiner les déclarations fournies; «2° D’admettre celles qui leur paraîtront conformes à la disposition de la loi et à la véritable valeur des objets contenus; «3° De rectifier celles qui leur paraîtront susceptibles de l’être, et de suppléer celles qui n’auront pas été fournies, toutefois après avoir appelé les parties intéressées ; « 4° De faire rapporter les déclarations ainsi réunies sur le grand-livre des propriétés foncières. « VIII. Les commissaires-vérificateurs ne pourront rectifier les déclarations fournies, ni donner supplétivement celles qui n’auraient pas été remises, qu’après avoir appelé les parties intéressées par la proclamation publique de leur 222 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE La contribution des maisons, bâtiments et usines sera, pour chaque commune, d’une somme égale à 40 sous par tête; de là il résultera qu’une commune de cinq cents âmes paiera 1,000 liv.; une commune de cinq mille âmes, 10,000 liv. Au-dessus de cinq mille âmes on pourrait augmenter la proportion. Prenez-y bien garde, citoyens; le Comité ne vous propose pas d’établir cette contribution sur une telle donnée qu’appliquée également à la population le père de six enfants paie sept fois plus qu’un indifférent célibataire. Aucun représentant du peuple n’aura jamais cette coupable pensée. Le tableau de la population fixera le contingent de la commune; mais ce contingent sera ensuite réparti sur les maisons, bâtiments et usines, en raison de leur évaluation. Ainsi le potier qui façonne la terre sous un humble toit ne paiera que 20 sous peut-être, lorsque le riche capitaliste paiera mille fois davantage pour s’être condamné à languir dans ses vastes appartements; mais il résultera de là aussi que deux cultivateurs d’une aisance égale résidant chacun dans une municipalité de mille âmes de population, paieront chacun 10 ou 12 liv. également, tandis qu’actuellement l’un paie peut-être 50 liv. pour la contribution de sa maison et l’autre 10 sous, parce qu’une municipalité a estimé la demeure du premier 250 liv. de valeur locative, et une autre celle du second 50 sous seulement. Le tableau de répartition présupposé assure à la République un recouvrement de 60 à 70 millions. Cette rentrée est certaine, et cependant la contribution sera modérée. Qu’on examine qu’elle remplace la contribution foncière des maisons, et qu’il n’existera plus de contribution mobilière. Ce mode assure donc aux Français une répartition aussi exacte que légère. Ce dernier avantage engagerait le Comité à vous proposer d’autoriser les communes à ajouter le montant de leurs dépenses locales aux rôles des bâtiments, maisons et usines; ces dépenses n’étaient faites que pour l’utilité des habitants, rien ne paraît plus naturel que de les répartir sur les habitants. Si cette ouverture éprouvait quelque contradiction, il serait facile d’indiquer d’autres moyens. Ce serait peut-être ici le moment de vous entretenir des nombreuses réclamations qui ont été faites sur le système des contributions directes existantes, de vous remettre sous les yeux les demandes multipliées en décharge et dégrèvement qui vous ont été adressées, de vous présenter un moyen facile d’y faire droit, et de vous indiquer celui de passer du régime existant au nouveau sans compromettre le mouvement. Tous ces objets seront traités dans un rapport particulier. Vous remplirez les espérances que les contribuables ont placées dans vos promesses; vous ferez rentrer tout ce qui est dû au trésor public. Tel est, citoyens, le résultat du travail de votre Comité des finances. Si l’intention de faire quelque chose utile suffisait pour déterminer la confiance, les membres qui le composent la placeront tout entière dans le projet de décret qu’il m’ont chargé de vous soumettre; ils ne craindront pas de l’y mettre indirectement, si, après l’avoir livré à la discussion, vous lui donnez votre assentiment. [ Projet de décret .] « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son Comité des finances décrète : « Art. Ier. La contribution foncière sera à l’avenir perçue sur deux rôles; le premier contiendra les fonds de terre, le second les bâtiments, maisons et usines. « II. Les cours non cultivées et contiguës aux bâtiments, et les clôtures destinées à être mises en construction dans l’année, seront comprises dans le second rôle des fonds de terre. « III. Les fonds de terre seront dénombrés dans chaque commune, sur un registre qui sera appelé le livre des propriétés foncières, sous le nom de leur propriétaire, et désignés par leur nature, l’étendue de leur superficie, leurs tenants et aboutissants, et leur valeur en capital, d’après leur état civil et le prix des propriétés foncières à l’époque de 1790 (vieux style). « IV. Dans le mois de la publication du présent décret, les propriétaires seront tenus, par eux ou par leurs fondés de procuration, soit par acte authentique, soit par simple déclaration privée, et ceux qui ne savent point écrire par le ministère du greffier de leur commune, de déposer au greffe de la municipalité de la situation des biens la déclaration de leurs propriétés en fonds de terre dans la forme prescrite par l’article précédent. « V. La déclaration des biens acquis à la République ou possédés par elle sera faite par l’agent national de la commune de leur situation. « Celle des biens communaux sera faite par les maires et officiers municipaux; « Celle des biens tenus en usufruit, par leur usufruitier; « Celle des biens séquestrés ou en litige, par la partie qui y sera autorisée par le juge de paix sans préjudice des droits des intéressés; « Celle des pupilles ou mineurs, par leurs tuteurs ou curateurs. « VI. Les déclarations seront inscrites d’un numéro par le greffier, et déposées publiquement au greffe pendant quinze jours. Tous les citoyens pourront en prendre connaissance, et faire des observations sur l’estimation des objets y contenus. Ces observations seront rapportées, sous un numéro correspondant, sur un registre à ce destiné. « VII. Dans le délai fixé par l’art. IV, les conseils généraux des communes procéderont, soit dans leur sein, soit parmi les autres citoyens, au choix de cinq commissaires vérificateurs au moins, et de neuf au plus. « Ces commissaires seront chargés : 1° d’examiner les déclarations fournies; «2° D’admettre celles qui leur paraîtront conformes à la disposition de la loi et à la véritable valeur des objets contenus; «3° De rectifier celles qui leur paraîtront susceptibles de l’être, et de suppléer celles qui n’auront pas été fournies, toutefois après avoir appelé les parties intéressées ; « 4° De faire rapporter les déclarations ainsi réunies sur le grand-livre des propriétés foncières. « VIII. Les commissaires-vérificateurs ne pourront rectifier les déclarations fournies, ni donner supplétivement celles qui n’auraient pas été remises, qu’après avoir appelé les parties intéressées par la proclamation publique de leur